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Rss Odon GODART, l'homme qui décida du Day-D

C'est un Belge, un habitant de Bousval qui décida du «Jour le plus long ».
Mais Odon Godart a toujours été d'une rare modestie, d'une grande discrétion à l'égard de cet étonnant «fait de guerre ».
Pour lui, ce ne fut qu'un moment dans une vie dédiée à la science.





Disciple de Georges Lemaître, Odon Godart a vingt ans lorsque, en 1933, il quitte l'Université Catholique de Louvain avec un beau diplôme de géophysicien.
C'est en qualité d'assistant du grand défenseur de la théorie du «Big Bang» qu'il effectue ses premiers pas de scientifique.
C'est aussi à Louvain qu'il remporte, peu de temps après, une bourse qui lui permet de poursuivre sa formation aux États-Unis.
Il travaille ainsi comme astronome à l'observatoire d'Harvard, dans le Massachusetts, s'occupe de recherches en géophysique et pénètre le milieu encore peu développé du radar.
Il se rend aussi au Mexique. C'est en revenant de ce voyage au pays des Mayas qu'il apprit que la guerre était en train de s'emparer de l'Europe.

«J'étais sur la Côte Ouest américaine, se souvient-il. Je venais de rencontrer l'actrice Paulette Godart qui tournait à cette époque "Le Dictateur" avec Charlie Chaplin.
Comme nous portions le même nom, elle m'avait invité à dîner avec un ami. Avant de passer à table, j'ai même pu assister au tournage de la scène du film où l'on voit Mussolini et Hitler chez le coiffeur.
Ensemble, nous nous sommes ensuite rendus à Hollywood Bowl, un immense amphithéâtre en plein air. C'est là que j'ai vraiment appris l'entrée en guerre de mon pays.»

Bouleversé, voulant participer à la lutte, Odon Godart ne perd pas de temps.
En voiture, il traverse tous les États-Unis pour rejoindre Boston. Au terme de ce long périple, il se précipite chez le consul honoraire de Belgique, un armateur irlandais ne connaissant ni le français, ni le néerlandais et encore moins la situation en Belgique.
Odon Godart rencontre heureusement quelques concitoyens. Ce sont des pêcheurs ostendais, travaillant en Terre-Neuve. Ils lui proposent de rentrer avec eux au pays.
En cours de route, par la radio du bord, ils apprendront la capitulation de l'armée belge.

« Nous avons donc fait demi-tour, poursuit- il.
Nous sommes rentrés à Boston où j'ai pu travailler dans un institut où l'on faisait des recherches sur le radar avant d'enseigner Euclide dans un collège américain et de m'engager dans la police montée canadienne. Mais on s'est très vite rendu compte que j'étais Belge. Je fus donc envoyé dans un camp avec d'autres concitoyens.
En Ontario, d'abord. A Joliette, au Québec, ensuite.
De là, on nous a proposé de rejoindre les forces belges d'Angleterre. Je n'ai pas hésité.»



Caporal facteur.



Après une traversée épique, où notre homme fit son baptême du feu, Odon Godart est versé dans l'armée belge avec le grade et la fonction de caporal-facteur.
N'ayant pas emmené ses papiers militaires avec lui, il est dans l'incapacité de prouver qu'il est, en Belgique, officier de réserve d'artillerie.
Il se retrouve ensuite dans une batterie israélite. Il faut plusieurs mois aux officiers belges pour comprendre qu'ils ont dans leurs rangs un scientifique belge de premier rang.
Il est ainsi désigné pour organiser un service météorologique au Congo.
« J'ai protesté, se souvient-il. J'étais astronome, mathématicien, mais pas météorologue. Je n'ai rien eu à dire. On m'équipa même d'un kit tropical. Mais, peu de temps avant de partir, le gouvernement britannique fit pression pour que je rejoigne le Aircraft Ministry.
Bref, au lieu de partir au Congo, je me suis retrouvé au cœur d'une base de bombardement où l'on a bien rigolé en découvrant mon équipement tropical.
On me surnomma même "Congo pit". Mon nom de guerre, en quelque sorte ... »

Le météo du Bomber Command.

Odon Godart retrouve bien vite l'univers météorologique:
«J'avais été blessé au cours d'une opération. J'ai donc été appelé pour aider un météorologiste du 3e Groupe, un certain SutcIiffe.
C'était un professionnel de la chose. J'ai beaucoup appris à son contact. Il y avait un problème très difficile à résoudre:
la prévision des vents en altitude. On m'a dit: "Vous, un habitué des choses du ciel, un mathématicien, ne pourriez-vous pas essayer de résoudre ce problème?"
Je me suis mis au travail avec Sutcliffe et nous avons fini par trouver la solution. Là-dessus, le Bomber Command, qui n'était pas satisfait du service officiel, a voulu avoir son propre service météo et a demandé à SutcIiffe de le prendre en charge.
Mais, pour des raisons personnelles, celui-ci n'a pu accéder à la demande. J'ai donc été chargé de cette mission
à partir de juin 1942. »

C'est dans ces fonctions qu'Odon Godart participe à l'élaboration de la tactique des bombardements. Mais il est aussi très vite mis au courant de la préparation d'un débarquement.
Le grand quartier général avait réuni une commission de cinq météorologues, chargés d'étudier scientifiquement une telle possibilité. Il fallait en effet pouvoir prédire des conditions atmosphériques bien précises avant de lancer la grande machine.
Sous l'influence des théories un peu fantaisistes d'un de ses compatriotes, Eisenhower avait demandé que soit prédite au moins quinze jours à l'avance une période de dix jours de temps idéal.
Il fallait un vent faible, peu de nuages, pas de précipitation, une bonne visibilité, une houle légère sur les côtes atlantiques de Cherbourg.
«Nous étions, se souvient Odon Godart, incapables de répondre scientifiquement à cette demande. Il était même très improbable que de telles conditions pendant une aussi longue période et couvrant une telle aire géographique puissent se présenter.
On tomba cependant d'accord pour essayer de faire des prévisions à 48 heures, prolongées à cinq jours, et de les comparer à la réalité.
Ce qui fut fait à l'Amirauté et à l'Aviation une fois par semaine. On se rendit compte aussi que les conditions optimistes demandées n'avaient pas existé depuis vingt-cinq ans; que les prévisions à cinq jours étaient un échec et que les premiers essais de la méthode dite des analogues, c'est-à-dire de la séquence des situations dans le passé, ne paraissaient pas mieux réussir. »

Par la ruse.

L'idée d'un débarquement ne fut pas pour autant abandonnée.
Au contraire. Les Anglais, qui n'avaient pas oublié le massacre de Dieppe, réussirent à persuader les Américains et même les Soviétiques d'utiliser la ruse à la place de la force brutale et aveugle.
On construirait des pontons flottants qui, amenés près des plages, serviraient de ponts et de ports artificiels.
Du coup, on abandonna les conditions de beau temps.
«Que du contraire, poursuit notre homme. Le temps devait être mauvais sur le continent pour empêcher l'aviation allemande d'opérer facilement, mais suffisamment clair pour débarquer à marée basse peu avant le lever du soleil et y repérer les obstacles mis en place par les Allemands.
Les côtes devaient être en outre suffisamment dégagées de nuages bas pour permettre le parachutage de troupes aéroportées et, par la suite, des bombardements. Ce qui ne facilitait pas la tâche des météorologistes. En ce qui concerne les conditions de marée, ce choix se limitait à quelques jours par mois. »
Un jugement clair et capital
Et de poursuivre: «Je n'appris que le 31 mai l'aire exacte du débarquement. Il nous parut que le front froid d'une dépression suivie d'un anticyclone mobile, allant d'ouest en est, passerait le 5 juin, les conditions de marée et de houle paraissant favorables pour cette région protégée par la péninsule de Cherbourg. Mais notre manque d'informations de l'Atlantique rendait incertain le moment de l'éclaircie attendue sur la côte de Normandie.
L'examen de la carte du 3 juin à 18 heures rendit douteux que les conditions fussent remplies pour le 5 au matin.
Une observation de bateau sur l'Atlantique montrait l'existence d'une vague sur le front froid et, probablement, la formation d'une dépression secondaire.
Il était donc clair que le front froid ne passerait pas l'aire du débarquement le 5 au matin et que l'éclaircie attendue n'aurait pas lieu.
Les météorologistes consultés hésitaient à postposer. Certains parlèrent même de reculer l'opération de quinze jours ... »

C'est alors qu'Odon Godart reçut un coup de téléphone de l'Air Chief Marshall Tedder, l'adjoint d'Eisenhower, lui demandant de s'exprimer en termes clairs sur le débarquement.
«J'ai répondu très exactement: l'aviation ne pourra pas opérer à basse altitude la journée du 5 juin mais bien toute la journée du 6 juin, à partir de 5 heures. Les aérodromes allemands resteront, eux, difficilement utilisables.

Il paraît que la clarté de ma réponse est à la base de la décision d'Eisenhower de postposer le débarquement du 5 au 6 juin. J'ai eu beaucoup de chance. Mes prévisions étaient correctes ... »

L'opération Overlord fut une réussite. Même les Allemands l'ont reconnu. «J'ai rencontré après la guerre des météorologistes allemands qui effectuaient des prévisions sur l'occurrence d'un débarquement, explique Odon Godart. Ils avaient émis un avis totalement négatif pour cette période-là.
On doit dire, à leur décharge, que les Allemands croyaient qu'on débarquerait plus au Nord, sur la Côte belge. »





P. Vandenbroucke



Source bibliographique :
Ouvrage de Yves Vander Cruysen ‘’Récits de guerre en Brabant Wallon’’
Sources Internet :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Odon_Godart
http://www.lesamisdebousval.be/histoire/odon_godart.php
http://www.sonuma.be/archive/odon-godart-m%C3%A9t%C3%A9o-bomber-command
http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20140314_00448319

Source iconographique :
Ouvrage précité.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Odon_Godart#mediaviewer/File:Odon2.JPG
http://www.lesamisdebousval.be/images/actualites/odonGodart.JPG
http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20140314_00448319
 
 
Note: 4
(4 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 11/11/14


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