La grande coupure

Pour le premier trimestre de 1944, la police allemande put dénombrer dans notre pays, en ne comptant que les incidents important: 20 attentats à l’ explosif sur des centrales et des pylônes électriques, 22 sabotages de câbles, 98 sectionnements de tuyaux de freins, 257 incendies, 6 attentats à l’ explosif sur des bâtiments et installations militaires, 204 attentats et sabotages sur de voies de communication, etc.


Le "Groupe G"

C’est également de cette période que date ce qui fut, sans aucun doute, une des réussites les plus remarquables de l’histoire de la Résistance dans notre pays: la mise à mal, dans la nuit du 15 janvier, de 28 pylônes à haute tension, tous situés à des endroits stratégiques du réseau de distribution électrique. Elle était l’oeuvre des super-techniciens de l’action clandestine regroupés dans le Groupe G.
Ingénieurs, économistes, les stratèges du Groupe G ambitionnaient de contrarier à moindre coût les activités de l’ennemi et de paralyser, en évitant les mesures de répression sanglante, des mouvements essentiels à la poursuite de la guerre. Pour eux, un acte de sabotage était d'abord un sujet d’études. Le téléphone, les canaux, les chemins de fer étaient l’objet de leur attention.


La grande coupure

La rapidité de l’avance alliée ne leur laissa pas le temps d’exécuter toutes les opérations en vue desquelles ils tiraient des plans. Celle du 15 janvier 1944, qu’on appela ''la grande coupure'' fut un de leurs plus brillants succès.
Le plan avait été longuement mûri. Les pylônes visés avaient été choisis pour l’importance des perturbations que leur destruction allait provoquer mais aussi pour leur environnement naturel. On donna la préférence à des sites d’accès difficile, marais, bois, etc..., où les opérations de restauration seraient plus longues à effectuer.
Les pylônes se couchèrent, se soir là, entre 20 et 23 heures.
Partie du Borinage, l’attaque remontait vers La Louvière, Charleroi, Namur, Court-Saint-Etienne, puis s’orientait vers la région liégeoise, Bressoux, Visé, tout en rayonnant en direction de Malines, Termonde, Alost, Courtrai.
Pour un grand nombre d’entreprises,ce fut l’arrêt immédiat. L’arsenal de Cuesmes se trouva paralysé, la Carbochimique de Tertre dut s'arrêter et, quand elle se fut remise en marche, elle resta aux trois quart de sa production d’avant le 15 janvier. Les charbonnages du Centre et du Borinage durent réduire leurs activités à deux jours par semaine. Les usines Boël à La Louvière, les usines Gilson d’où sortaient trente tonnes d’acier par jour, les trains de laminoirs, les usines de la Providence-Charleroi cessèrent ou interrompirent leur travail. Les usines Henricot à Court-Saint-Etienne durent mettrent en chômage 1.500 ouvriers. Les conséquences de cette opération se firent sentir jusqu’à la fin de la guerre.


L'arrestation de Jean Burgers, fondateur du Groupe G.

Et tous les saboteurs revinrent indemnes. Les enquêtes, les rafles et les perquisitions menées par l’ennemi stupéfait n’aboutirent à rien.
Cela, malheureusement, ne devait pas durer. Le petit accident bête qui peut faire échouer l’entreprise la mieux préparée, et que les auteurs de la ''grande coupure'' avaient su éviter, allait frapper le fondateur du Groupe G : Jean Burgers.
Une trahison ou une dénonciation, peut-être, fut à l’origine de ce drame; les contacts qu’il avait fallu prendre à l’extérieur du groupe peuvent avoir entraîné une fuite délibérée. Une minute d’inattention aussi a pu suffire. Jean Burgers et son garde du corps connaissaient trop la sécurité de l’appartement qui leur servait de refuge. Ils ne remarquèrent pas, à une fenêtre, le signal conventionnel de danger qui aurait dû leur enjoindre de faire demi-tour.
C’était en mars, Plusieurs membres du groupe tombèrent. Jean Burgers passa par Breendonk, puis fut emmené à Buchenwald. On pensa un moment pouvoir organiser son évasion.
A Buchenwald on pendait en public, aux accents d’un orchestre, à titre d’exemple, ceux qui avaient tenté de s’enfuir. Néanmoins, il existait une '' procédure'' d’évasion, passant par l’infirmerie, où l’on faisait admettre l’intéressé prétendument très malade et où on substituait à son identité celle d’un vrai trépassé. Une telle opération fut envisagée pour Jean Burgers mais ne put être menée à bien.

Condamné à mort, Jean Burgers fut pendu en septembre 1944, alors que Bruxelles fêtait sa délivrance. Il avait 27 ans.