Derniers articles https://www.freebelgians.be Derniers articles (C) 2005-2009 PHPBoost fr PHPBoost JOURNAL D'UN PRISONNIER DE GUERRE-Léon Brabant https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-247+journal-d-un-prisonnier-de-guerre-l-on-brabant.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-247+journal-d-un-prisonnier-de-guerre-l-on-brabant.php (Stalag IV A - 1940)<br /> <br /> En 1940, Léon BRABANT passa cinq mois en détention en Allemagne avant de retrouver les siens. Dans un petit carnet aux pages maintenant jaunies, noircies par une écriture au crayon, il a relevé avec une rare précision tous les détails de sa vie de prisonnier. Ses descriptions permettent d’en apprendre beaucoup sur la dernière guerre et les conditions de vie de ceux qui, comme lui, ont connu la captivité. Quoi de plus fort en effet que le témoignage d’une personne ayant vécu ces temps perturbés !<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/leonbrabant.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Léon BRABANT naquit à Gaurain-Ramecroix en 1897</p>.<br /> <br /> En congé illimité après son service militaire, il fut muté dans la réserve en 1937 à la 3e compagnie du 27e bataillon des unités de garde des voies de communication et établissements (G.V.C.E; Tournai). Le 10 mai 1940, Hitler envahit la Belgique. Rappelé au sein de l’armée, Léon a alors 43 ans et est marié depuis 16 ans. D’abord combattant sur le sol belge puis prisonnier en Allemagne, il eut la chance (si on peut dire) de sortir de l’enfer de la captivité à la fin octobre 1940<br /> <br /> <strong>LA CAMPAGNE DES 18 JOURS .</strong><br /> <br /> L’invasion du pays par les troupes allemandes débuta le 10 mai 1940 et aboutit à la capitulation belge du 28 mai 1940; cette période est connue sous l’appellation de « campagne des 18 jours ». Le 13 mai, le ministre de la défense nationale décréta la mobilisation. Rappelé au sein de l’armée, Léon ne pouvait que se soumettre; suivons son parcours:<br /> Vendredi 17 mai : A 14.3O heures, départ de Maubray à vélo afin de rejoindre mon unité à Ostende. Logement à Ellezelles.<br /> Samedi 18 mai : A 18 heures, arrivée à Ostende. Logement à l’athénée.<br /> Dimanche 19 mai : A Ostende, garde.<br /> Lundi 20 mai : A Ostende, repos. J’apprends qu’à Maubray, la population a évacué.<br /> Mardi 21 mai : Planton au cantonnement. Vers 17 heures, bombardement d’Ostende. Rassemblement des hommes disponibles afin d’aller combattre le début d’incendie de la grande poste. Sommes rentrés après minuit, fumés comme des jambons! Bombardement toute la nuit.<br /> Mercredi 22 mai : Garde au cantonnement. Deux bombes le soir. Nuit calme.<br /> Jeudi 23 mai : Garde à la poste, à l’hôpital de Bredene. Patrouille en ville en vue d’empêcher le pillage des maisons évacuées. Dans la nuit, départ d’une trentaine de soldats vers Bredene pour garder des ponts et écluses minés. Retour au cantonnement le jour suivant vers midi.<br /> Vendredi 24 mai : Matinée (voir ci-avant). Après-midi, alors que je croyais me reposer, des avions sont venus bombarder l’hôpital militaire d’Ostende. L’incendie s’est déclaré immédiatement. Nous avons sorti et sauvé tous les blessés (40 environ; soldats et civils) et les avons ramenés au cantonnement sur des civières. Nous nous sommes ensuite occupés d’eux: avons envoyé les plus graves vers un hôpital et descendu les plus valables dans l’abri. Journée inoubliable. Toute la nuit les bombardements ont continué.<br /> Samedi 25 mai : Bombardement sans arrêt pendant toute la journée. Vers 16 heures, nous quittons Ostende, sans regret, pour aller nous installer à Mariakerke. Partons à vélo. Sommes logés dans des maisons vides de leurs habitants. Je loge dans un bon lit. Sommes à trois dans une chambre à la villa René, pas loin des dunes. Quel changement! On se sent sorti de l’enfer et entré au paradis vu la tranquillité et le bon air. On s’est couché, fenêtre grande ouverte.<br /> Dimanche 26 mai : Journée tranquille. Messe à 8 heures. J’ai regardé passer toute une foule d’évacués belges qui revenaient de France. Je me disais que je pourrais peut-être voir les miens s’ils ont évacué. C’est-ce qui me tracasse le plus: « avez-vous quitté la maison? où êtes-vous? n’êtes-vous pas malheureux? ».<br /> Lundi 27 mai: Garde.<br /> <br /> <strong>DE LA CÔTE BELGE A L’ENTREE EN ALLEMAGNE</strong><br /> <br /> Mardi 28 mai : CAPITULATION de la Belgique. Je quitte Mariakerke tout de suite pour rentrer à Maubray au plus tôt. Malheureusement, je suis arrêté à Leuze par les Allemands (si près du but!) et dirigé sur Renaix. De là, on nous conduit, à pied, d’étape en étape, jusqu’en Hollande puis en Allemagne.<br /> Jeudi 30 mai : Renaix-Enghien, à pied.<br /> Vendredi 31 mai : Enghien-Nivelles, à pied.<br /> Samedi 1 juin : Nivelles-Gembloux, à pied.<br /> Dimanche 2 juin : Gembloux-Merksem, à pied.<br /> Lundi 3 juin : Merksem; on loge dans une prairie.<br /> Mardi 4 juin : On part vers Heerlen (NL).<br /> Mercredi 5 juin : Réveil à 4 heures. Traversée à pied de tout le Limbourg hollandais où nous sommes reçus on ne peut mieux par la population. On entre en Allemagne à 18 heures.<br /> <br /> <strong>DE LA FRONTIERE ALLEMANDE AU STALAG IV A.(Camp de HOYERSWERDA)</strong><br /> <br /> Mercredi 5 juin : Dès notre arrivée en Allemagne, on embarque dans des wagons fermés et on voyage toute la nuit.<br /> Jeudi 6 juin : Toujours sur notre train, poursuivons le voyage jusqu’à 18 heures. Sommes ankylosés. Après une demi-heure de marche, arrivons dans un camp très bien aménagé. Nous nous trouvons à HOYERSWERDA (Haute Silésie) à la frontière tchécoslovaque. Sommes plusieurs milliers de Belges (Flamands et Wallons) dans le camp; des Français aussi. On peut enfin se laver, se raser. Recevons de la nourriture.<br /> Du vendredi 7 juin au mardi 25 juin : Séjour au camp. Tous les jours, on aperçoit des cigognes. Le 21 juin, 400 Belges quittent le camp, mais on ignore pour quelle destination. On espère toujours rentrer chez soi (cafard).<br /> <br /> <strong>DE HOYERSWERDA AU CAMP DE KLEINSAUBERNITZ (Camp de travail)</strong><br /> <br /> Mercredi 26 juin : Réveil à 3.30 heures. A 6 heures, 1000 Belges quittent le camp.<br /> Embarquons à la gare d’HOYERSWERDA. Débarquons vers midi à BAUTZEN. Montons à 35 dans un camion jusqu’à GUTTAU, au camp de travail de KLEINSAUBERNITZ. D’aucuns parmi nous vont aller travailler dans des fermes; des fermiers, d’ailleurs présents dès notre arrivée, viennent choisir le ou les prisonniers qu’ils souhaitent recruter, à charge pour eux de le(s) nourrir.<br /> Personnellement, je suis désigné ainsi que 8 autres soldats pour aller œuvrer dans une fabrique de flocons de pommes de terre, à 4 km du camp (BARUTH).<br /> Sommes bien logés au camp.<br /> Jeudi 27 juin : Sommes restés au logement (11 hommes) pour aménager celui-ci. Recevons de la bonne nourriture.<br /> Vendredi 28 juin : A 6 heures, sommes 4 à partir, à pied, pour la fabrique (dénommée aussi « usine ») à BARUTH en vue d’y travailler; il s’agit d’un premier contact.<br /> <br /> <strong>SEJOUR AU CAMP DE KLEINSAUBERNITZ</strong><br /> <br /> <br /> Léon BRABANT (prisonnier 19.803) séjourna au camp de KLEINSAUBERNITZ du 26 juin au 23 octobre 1940, soit pendant près de quatre mois :<br /> <br /> <strong>Le travail</strong>.<br /> <br /> L’usine qui l’occupe se situe à BARUTH, à 4 km du camp. Le trajet, à pied, prend une heure tant le matin que le soir. Elle fabrique des flocons de pommes de terre <br /> mais commercialise aussi des machines agricoles, des engrais (sacs de 75 kg), des pommes de terre, des aliments pour le bétail et la volaille. Douche 3 à 4 fois par semaine.<br /> Le travail consiste à charger et décharger les camions et les wagons qui arrivent et partent régulièrement. Pendant les temps morts, Léon se voit chargé d’effectuer des travaux de peinture (boiseries et matériel agricole), de traitement des mauvaises herbes, des terrassements, du bricolage, de l’ensachage de flocons de pommes de terre. Le contremaître est on ne peut plus gentil.<br /> Le dimanche est jour de repos, en principe tout au moins; Léon en profite pour faire sa lessive et de la couture (repriser ses chaussettes , recoudre un bouton…).<br /> <br /> <strong>Les camarades. </strong><br /> <br /> Léon fait état de la présence, dans le camp, de soldats de Maubray et des environs, avec lesquels il se réjoui d’avoir des contacts le soir (jeu de cartes notamment); ils logent dans le même baraquement:<br /> - de Maubray: Albert HELLIN (dit « Albert du piston »), Victor HUART (dit « Victor Bilou »), Amé HELLIN (dit « Amé Michorèle »),<br /> - de Fontenoy: Georges HELLIN (dit « Geoges du Boteleu), Emile GALLAIX, Auguste PETIT,<br /> - de Callenelle: Ghislain DUMOUTIEZ,<br /> - de Wasmes: Fernand DEUR (?).<br /> <br /> Beaucoup de camarades travaillent dans des fermes; le soir, ils se retrouvent tous au camp.<br /> <br /> <strong>La nourriture.</strong><br /> <br /> L’alimentation constitue un des sujets primordiaux des récits de Léon; la description qu’il en donne fait en effet l’objet de développements journaliers circonstanciés.<br /> Dans l’ensemble, à en juger par ses écrits, on ne peut pas dire qu’il se soit plaint de la nourriture qui lui a été dispensée, tant en quantité qu’en qualité.<br /> - Le matin: soupe , tartines et parfois pâté.<br /> - Le soir: quatre tartines avec charcuterie, soupe.<br /> - A midi, en semaine mais aussi le dimanche, repas à l’usine. Suffisant et très varié. En<br /> plus des traditionnelles pommes de terre (servies telles quelles ou en salade), il comprenait toujours une viande (porc, parfois rosbif, boulettes, oiseau sans tête, foie) ou de la charcuterie (lard, jambon, boudin), ou encore du fromage blanc (ou de lait battu); des légumes (haricots verts, carottes, tomates, chou, chou-fleur, navet, concombre), de la<br /> sauce (souvent au sucre: elle passait moins bien; ou sucrée à la moutarde: infecte).<br /> Comme variantes: du riz, de la ratatouille, de la soupe (aux oignons, aux raisins).<br /> Le dimanche uniquement: un dessert (crème à la framboise ou au cacao).<br /> Le dimanche 25 août, Léon a répondu favorablement, ainsi qu’un camarade, à la demande d’un habitant de l’endroit qui souhaitait avoir de l’aide pour scier son bois:<br /> « Dès notre arrivée à 8 heures, nous avons eu du café au lait et deux couques bien beurrées. A midi, nous avons mangé à la même table que la dame, son père et sa mère: pommes de terre, un gros morceau de porc et beaucoup de sauce; comme dessert, une espèce de marmelade aux raisins, et puis, ce qui m’a plu, une grande tasse de vrai café au lait et sucre. L’après-midi, nous sommes retournés au logement et le soir, la dame nous a apporté à chacun quatre tartines au pâté et une carafe de cacao qui m’a bien goûté (depuis si longtemps que je n’en avais plus bu !). <br /> Nous avons également reçu un paquet de tabac et un paquet de cigarettes. Nos camarades de la fabrique nous ont apporté notre souper (quatre tartines au pâté); de cette façon, je pense me régaler pendant quelques jours.<br /> A la demande de la dame, nous sommes retournés chez elle le dimanche suivant (le 1er septembre) pour poursuivre le travail. En arrivant, nous avons reçu deux couques, du café et deux morceaux de tarte. A midi, le travail terminé, nous avons déjeuné avec deux grosses boulettes, de la sauce et trois verres de bière; comme dessert, un genre de confiture et encore de la tarte. Nous avons reçu chacun un paquet de tabac, un paquet de cigarettes et des allumettes. A 13.30 heures, nous sommes retournés au logement. Le soir, la dame nous a apporté à chacun trois tartines avec du saucisson et une bouteille de bière. On en boit si rarement qu’on serait prêt à ingurgiter la bouteille entière! De plus, nos camarades de la fabrique nous ont apporté notre souper: 4 tartines au pâté. Ainsi, j’ai l’avance pour demain. <br /> Mercredi 15 octobre : en attendant 13 heures, alors que je me promenais dans la cour de l’usine, le patron m’a appelé chez lui et m’a offert une carcasse de poulet et du chou rouge, avec des pommes de terre. D’être ainsi à sa table, cela me faisait tellement drôle que j’avais envie de pleurer.<br /> <br /> Ces récits, que nous avons tenu à reproduire in extenso, montrent à quel point, après une période de privations, le retour à une alimentation « normale », autour d’une table familiale, peut être source de plaisir et de réconfort. Un rayon de soleil; une bouffée d’oxygène…si appréciables.<br /> La discipline.<br /> Les conditions de détention sont décrites dans le journal du prisonnier Brabant comme correctes. Les sentinelles sont « humaines ». Une disposition importante du règlement affiché dans les chambres précise que:<br /> <br /> « Il est strictement interdit aux prisonniers de guerre de s’approcher, sans autorisation formelle, d’une femme ou d’une jeune fille allemande ou d’entrer en relation avec elle de quelque manière que ce soit. Tout prisonnier violant cet ordre sera condamné jusqu’à 10 ans de prison ou, dans des circonstances graves, subira la peine de mort.<br /> Signé: Le commandant en chef de l’armée allemande. »<br /> <br /> Léon ne fait pas mention de maltraitances physiques, ni morales, ni d’humiliations.<br /> <br /> <strong>Un blessé.</strong><br /> <br /> Le mercredi 3 juillet, étant occupé à charger des machines agricoles, une presse est tombée sur le camarade Henri BAUGNIES. « Si je n’avais pas retenu la machine de toutes mes forces, ce camarade aurait été tué sur le coup. On a dû le transporter en clinique; il n’a rien de cassé. Il en sera quitte pour 15 jours de repos. Un ouvrier allemand a eu le pied cassé en même temps. »<br /> J’ai revu Henri BAUGNIES le mercredi 23 octobre, deux jours avant ma libération; il était presque guéri. <br /> <br /> <strong>Le courrier.</strong><br /> <br /> Ce qui pesait le plus lourdement sur le moral de Léon était l’absence totale d’informations pendant longtemps sur le sort réservé à sa famille. Il a dû en effet attendre le 10 août, soit trois mois après son départ, avant de recevoir la première lettre de son épouse.<br /> Jugeons plutôt sur pièces combien fut douloureuse cette attente, mais aussi heureuse l’arrivée de la première missive:<br /> 7 juillet : si au moins on avait des nouvelles de la famille.<br /> 21 juillet : Albert HELLIN a reçu des nouvelles de chez lui via sa belle-sœur.<br /> 24 juillet : pas encore reçu de nouvelles; triste.<br /> 1 août : toujours pas de nouvelles.<br /> 7 août : 6 lettres sont arrivées; il n’y en avait pas pour moi; quelle déveine.<br /> 8 août : toujours pas de nouvelles.<br /> 10 août : le soir en rentrant au logement, quelle chance, il y a une lettre et une carte.<br /> Je suis heureux d’apprendre que mon épouse et mon fils sont en bonne santé. J’ai lu et relu les nouvelles plus de 10 fois en suivant. Je ne pouvais pas lire quatre lignes sans pleurer. Quelle malchance tout de même j’ai eue. Dire que je suis éloigné des miens de 1000 km et que, par contre, des camarades sont rentrés chez eux. Je me suis couché à 22 heures; il était bien 2 heures du matin quand je me suis endormi.<br /> 11 août : anniversaire de notre mariage, il y a 17 ans; je dois hélas le passer ici … en veuvage. Mon premier travail, au réveil, est de relire la lettre reçue hier, toujours avec les larmes aux yeux.<br /> 12 août : je passe encore en revue la lettre.<br /> 14 août : une dizaine de lettres sont arrivées au camp; presque toutes signalent que beaucoup de soldats sont rentrés au pays. Moi, je n’ai rien obtenu. A quand notre tour de rentrer?<br /> 18 août : on a distribué 8 lettres; rien pour moi.<br /> 21 août : le soir en rentrant on me remettait une lettre; je suis on ne peut plus content; je ne parviens pas à la lire sans avoir les larmes aux yeux. Albert HELLIN apprend par une lettre que sa sœur Marguerite est décédée et que Léon BEUDIN, le mari, est rentré un mois plus tard.<br /> Par la suite, le courrier arrivait plus régulièrement, mais au compte-gouttes et avec beaucoup de retard (deux et parfois trois semaines). Il reste que Léon continue dans son journal à traduire de manière récurrente son impatience à recevoir de la correspondance. Il n’est par ailleurs pas exclu que certaines lettres écrites par son épouse ne lui parvenaient pas.<br /> <br /> Quant à l’envoi de courrier par les prisonniers à destination de la Belgique, il ne fut autorisé qu’à partir du 10 juillet et il était très réglementé, comme l’indique le document ci-après. Des formulaires vierges de cartes et lettres, remis à chacun en nombre limité (une lettre et trois cartes par mois), étaient les seuls à pouvoir être utilisés; c’était l’unique possibilité d’informer les proches de leur vie et de leur état de santé:<br /> <br /> <strong>Le cafard.</strong><br /> <br /> « Cafard » : voilà le maître mot qui émaille le journal de Léon. Les dimanches, en particulier, se déroulaient dans la morosité; ils étaient source de souffrances, de cafard, d’attente.<br /> Dans les premiers temps de sa captivité, il entretenait l’espoir d’un retour rapide au pays, mais l’éloignement prolongé et l’incertitude quant à la durée de la détention devenaient insoutenables; le découragement engendrait inévitablement des idées noires . Combien de fois n’a-t-il pas écrit dans son journal: « A quand le retour? Hélas, il se fait bien attendre », réactions d’autant plus compréhensibles que des informations lui parvenaient de temps en temps signalant le rapatriement de prisonniers en Belgique.<br /> 26 août : des camarades nous ont dit avoir entendu à la radio que nous serions tous rentrés pour la mi-septembre.<br /> 29 août : je commence à perdre l’espoir de retourner avant la fin de la guerre.<br /> 31 août : allons-nous rester ici les derniers? Quelle joie lorsque nous serons de retour! <br /> 27 septembre : un camarade, Edmond WAUTRECHT, de Houdeng-Aimeries, apprend que demain, il pourra retourner au pays et ce parce qu’il est bilingue (N.B.- , cette personne, une semaine après son retour, est allée donner des nouvelles de son père à Maurice, qui étudiait à l’Institut St-Ferdinand, à Jemappes).<br /> 28 septembre : un soldat allemand nous dit que nous retournerons dans quelques semaines; cette nouvelle fait remonter le moral; il était temps car il était déjà bien bas. »<br /> En fait, l’attente durera encore un mois!<br /> <br /> <strong>Abstinence tabagique.</strong><br /> <br /> Gros fumeur de pipe, Léon subit un sevrage tabagique forcé au début de sa captivité. Sa souffrance psychique la plus pénible était, disait-il, liée à l’absence de tabac<br /> 13 juin : je n’ai plus de tabac.<br /> 10 juillet : avons reçu un peu de tabac.<br /> 12 juillet : le contremaître de l’usine est très gentil avec nous; j’ai de la chance de lui pour pouvoir fumer de temps en temps une bonne pipe.<br /> 21 juillet : la patron de l’usine, à qui j’ai dit que c’était le jour de notre fête nationale, m’a donné un cigare et un morceau de tarte au fromage.<br /> 1 août : s’adressant à sa famille: «vous pouvez m’envoyer un colis (il ne peut pas dépasser 2 kg); je n’ai pas besoin de nourriture, si ce n’est du chocolat, mais de tabac et d’une pipe. »<br /> 4 août <br /> : le patron nous a gratifié de cigarettes et de tabac.<br /> 7 août : on nous a attribué une solde pour la première fois.<br /> 8 août : grâce à la solde (70 Pfennig par jour), je peux maintenant acheter du tabac et fumer à volonté!<br /> 16 août : j’ai acheté une pipe, une boîte à tabac et du tabac.<br /> Voilà un calvaire qui au moins prenait fin!<br /> <br /> Exacte notion du temps.<br /> <br /> Il est frappant de constater à quel point la notion exacte du temps écoulé et des dates importantes est restée présente et obsessionnelle dans la mémoire de Léon. Il fait état régulièrement, et avec une grande précision, du temps passé depuis son départ de la maison, son arrivée au camp, la capitulation de la Belgique, etc. Il pointe aussi du doigt le jour de son anniversaire de mariage ainsi que l’anniversaire de son épouse, les fêtes typiquement belges (21 juillet, 15 août), le jour de la reprise des cours de son fils.<br /> La foi.<br /> La foi fut un pilier non négligeable dans l’équilibre mental de Léon; elle lui a permis de surmonter plus facilement ses inévitables moments de découragement.<br /> <br /> Pendant son bref séjour à HOYERSWERDA, il servit la messe en plein air (les dimanches 16 et 23 juin) devant 2000 prisonniers.<br /> <br /> Au camp de KLEINSAUBERNITZ, aucune manifestation religieuse n’était organisée. Son journal relate toutefois quelques faits et réflexions:<br /> Le dimanche 21 juillet, on nous a demandé qui voulait aller assister à la messe catholique, sachant qu’il y avait deux heures de route à pied (idem pour le retour) pour arriver à l’église. Nous nous sommes décidés à huit pour y aller.<br /> Dimanche 4 août : A 10 heures, j’entends les cloches de l’église protestante qui sonnent à toute volée pour la messe. Il fait beau; j’ai le cœur qui saigne.<br /> A 10.30 heures, j’écoute à la radio une belle messe chantée. Je me crois au jubé à Maubray en train de chanter (N.B.- Léon était chantre à l’église de Maubray). Je vois mon épouse à sa place habituelle dans l’église; je ne puis m’empêcher de pleurer.<br /> Jeudi 15 août : fête de l’assomption. Pas le moindre signe de fête. On travaille comme les autres jours car, chez les protestants, le 15 août n’est pas un jour férié; or, dans cette contrée, il n’y a que des protestants. Ici, il pleut, s’il fait le même temps à Maubray, la procession ne pourra pas sortir (N.B.- Allusion à la traditionnelle procession du 15 août) !<br /> <br /> <strong>LES DERNIERS JOURS AU CAMP DE KLEINSAUBERNITZ</strong><br /> <br /> Les derniers jours passés au camp avant le retour en Belgique furent vraiment pathétiques. Jugeons plutôt :<br /> Mardi 22 octobre : la patronne du Gasthof où je vais chercher la nourriture me remet un sac contenant une dizaine de tartines supplémentaires en justifiant cette action par le fait qu’un coup de téléphone venait de lui apprendre qu’un soldat retournerait le lendemain au Stalag IV (à HOYERSWERDA) en vue d’un rapatriement ultérieur en Belgique. Elle ignorait de quelle personne il s’agissait. Au souper, nous étions 8 à nous regarder, nous demandant qui serait cet heureux. J’avais l’impression que ce serait moi; aussi, je ne suis pas parvenu à manger. Je pleurais de joie rien qu’à y penser. Comme de fait, on vient subitement me prévenir que c’était moi, mais aussi 3 camarades (de Fontenoy): Georges HELLIN, Auguste PETIT, Emile GALLAIX. Quel énervement; je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit. J’ai préparé tout mon barda, en vue du départ à 4.30 heures du matin.<br /> Mercredi 23 octobre : lever à 3.30 heures. Toilette rapide. A 4 heures, départ à pied pour la gare de BARUTH. Quelle tristesse lorsque nous quittons le camp; pire qu’un enterrement; nos compagnons d’infortune - càd ceux qui malheureusement restent sur le carreau - pleurent en nous disant au revoir. Prenons le train à BARUTH; à 6 heures, descendons à RADIBOR (10 km au nord de BAUTZEN). Vers 7 heures, partons au logement des prisonniers belges de cette région. Un 5e soldat, un habitant d’Anvaing, qui était à MALWILZ, vient se joindre à nous pour le retour.<br /> A 15 heures, trajet en train de RADIBOR pour arrivée à la gare de HOYERSWERDA à 16.30 heures, puis une heure de marche pour atteindre le Stalag IV A. On nous fait remplir une fiche (nom, date de naissance, etc). On nous signale que nous retournerons sous peu. Dormons dans un baraquement sur de simples planches. Sommes 16 en partance. Il reste environ 200 Belges au camp, des Français, des Polonais…<br /> Jeudi 24 octobre : 2 sur les 16 partent avant-midi. On nous demande de ne pas quitter le baraquement car on peut nous appeler à tout moment. Le soir arrive: rien. Le temps semble long.<br /> Vendredi 25 octobre : on nous dit que nous partons sur le champ. Nous devons remettre nos effets militaires et on nous donne en remplacement des vêtements civils. Sommes à croquer! L‘important, c’est que nous retournons. Sommes 14 des environs de Tournai dans le cas. On nous délivre l’attendue « attestation de démobilisation » (voir ci-après).<br /> Ici prend fin le précieux journal personnel tenu par Léon BRABANT,<br /> qui donne une splendide illustration du vécu de l’auteur pendant ses jours d’errance et d’emprisonnement.<br /> Nous ignorons le temps qu’a pris le trajet de son retour en Belgique.<br /> <br /> <strong>Une fois la liberté retrouvée, Léon fut membre actif de l’Armée Secrète</strong>.<br /> <br /> Source :<br /> <a href="https://w.maubray.be/JournalDUnPrisonnierDeGuerre.htm">https://w.maubray.be/JournalDUnPrisonnierDeGuerre.htm</a> Sun, 31 Mar 2024 11:32:26 +0200 La filière d’évasion de Lichtenvoorde (Hollande) https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-216+la-fili-re-d-vasion-de-lichtenvoorde-hollande.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-216+la-fili-re-d-vasion-de-lichtenvoorde-hollande.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/lichtenvoorde_freebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Lichtenvoorde à la Libération.</p><br /> <br /> <strong>Evasion le 9 décembre 1943 de Germain Albert et Larcier René </strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 9 décembre 1943, Albert GERMAIN , né à Gembloux le 18 janvier 1913, soldat au groupe cycliste de la 15e division d'infanterie, et René LARCIER , né à Marchienne-au-Pont le 18 octobre 1909, sergent au 1er régiment d'unités spéciales de forteresse, s'évadent du Stalag VI F. René Larcier a favorisé le 14 juillet 1943 l'évasion du sergent Emile Lambert . Il commandait en effet la corvée de prisonniers de guerre chargée de conduire à la gare de Bocholt les colis destinés aux prisonniers de guerre des Kommandos extérieurs. En cours de route, à un moment favorable, Larcier ouvre le sac où se cachait Lambert. Ce dernier saute alors de la remorque et disparaît. Ayant appris la réussite de cette évasion, Larcier décide de tenter également sa chance. Il fait équipe avec Germain Albert. Comme il y avait parmi les prisonniers de guerre italiens récemment arrivés au camp d'excellents tailleurs, Larcier et Germain leur demandent de confectionner des vêtements civils au moyen de couvertures bleues françaises. Ce travail a lieu tous les soirs dans un réduit près de la cuisine dont Germain, serrurier de métier, s'est fabriqué la clé. Comme éclairage, nos hommes ont fabriqué des lampes de fortune avec des bouts de corde trempant dans de la graisse. Bientôt les costumes sont prêts. Il s'agit à présent de les teindre en noir. Larcier se procure de la teinture auprès des prisonniers de guerre travaillant à l'extérieur du camp et, le soir, ils se laissent enfermer à la cuisine. Nus jusqu'à la ceinture, ils tournent leurs costumes dans un bain de teinture préparé dans une cuve à thé. Un prisonnier de guerre travaillant dans une ferme des environs et rentrant tous les soirs au Stalag, René Meurée, accepte de cacher les costumes, le matériel et les vivres de Larcier et Germain dans la ferme où il travaillait. Apprenant qu'un train sanitaire était formé fin novembre, Larcier et Germain décident de s'évader au début de décembre afin d'arriver en Belgique en même temps que ce train et pouvoir dire qu'ils étaient rapatriés comme malades. Le 9 décembre entre 13 et 14 heures, moment où les sentinelles sont le moins attentives, ils tentent de sortir du camp, mais toutes leurs tentatives échouent. Il est 16 heures 30 et ils sont toujours au camp. Larcier passe dans la partie du camp où se trouvait l'entrepôt des colis et se rend à la centrale où travaillait Germain. Ils avaient l'intention de s'enfuir de là, mais ce bâtiment est rempli d'ouvriers allemands effectuant des réparations et ils ne peuvent s'approcher des fenêtres. Ils tentent alors de sortir par le potager, mais le prisonnier de guerre qui en possède la clé refuse de la leur confier. En désespoir de cause, ils se rendent à la baraque des colis. Ils se chargent de robinets et de tuyaux et se dirigent vers le lavoir de cette baraque en déclarant aux sentinelles allemandes qu'ils viennent pour une réparation. Du lavoir, ils s'introduisent dans le local des colis et parviennent à ouvrir une fenêtre. Il commence à faire nuit. Larcier passe par la fenêtre entrouverte et rampe jusqu'aux barbelés. Il commence à couper les fils au moyen d'une pince universelle, mais il n'est pas habitué à ce travail. Bientôt, n'en pouvant plus, les mains en sang, il revient vers la fenêtre et demande à Germain de continuer le travail. Ce dernier achève rapidement la création d'une brèche et, peu avant l'appel de 17 heures 30, les deux Belges parviennent à sortir du camp. Ils sèment derrière eux du paprika pour dépister les chiens et courent vers la ferme où Meurée les attend. Des gosses allemands les aperçoivent et crient comme des putois, mais n'osent pas les poursuivre. Ils traversent des cultures et arrivent dans un petit bois où ils soufflent un peu. Ils entendent alors mugir la sirène du camp signalant une évasion, la leur évidemment. Nos deux évadés n'en mènent pas large, car des battues vont être organisées et les fermiers allemands touchent 30 Marks par évadé repris. Avec les plus grandes précautions, ils s'approchent de la ferme où ils avaient rendez-vous avec Meurée. Ce dernier, ayant entendu la sirène du camp, les croyait repris et est fort étonné de les voir arriver. Il sort de leur cachette tout le matériel de fuite entreposé par les deux candidats à l'évasion. Malheureusement, dans leur énervement, ils laissent tomber dans le purin une des 2 sacoches préparées et ils sont obligés de l'abandonner. Larcier et Germain s'habillent rapidement en civil et grimpent sur un chariot conduit par le prisonnier de guerre René Mien. Ce dernier les amène à une autre ferme où les attendent 2 vélos et un jeune Hollandais de 12 ans qui doit leur servir de guide. Ils partent aussitôt en vélo. A proximité de la frontière, le jeune Hollandais s'arrête et leur montre par où ils doivent passer la frontière. Lui-même se dirige vers le poste de douane et s'arrangera pour passer les 3 vélos. Il les attendra en Hollande sur la grand-route. Les deux évadés coupent à travers champs et contournent le poste de douane que, grâce à un magnifique clair de lune, ils distinguent parfaitement. Tout se passe le mieux du monde et ils retrouvent en territoire hollandais leur guide et les 3 vélos. Une demi-heure plus tard, ils arrivent au domicile de leur guide. Un bon souper les attend. En ouvrant la sacoche qui leur reste, ils constatent que celle qui a été abandonnée dans le purin contenait la boussole et les cartes. Ils dorment chez leur guide et, le lendemain matin, se dirigent vers Lichtenvoorde où ils doivent gagner la boulangerie Meijer. <br /> Le boulanger les fait aussitôt entrer chez lui. Ils s'asseyent dans de confortables fauteuils tandis qu'un phono joue en sourdine la Brabançonne et la Marseillaise. <br /> Meijer leur fait voir la liste des évadés passés par chez lui et il leur demande d'y ajouter leur nom. Un docteur hollandais arrive et se renseigne sur leur condition physique. Germain en profite pour faire panser une vilaine entaille à la jambe, gagnée en franchissant les barbelés du camp. Comme il est dangereux de voyager le dimanche, Meijer décide d'attendre le lundi et il conduit les deux évadés chez un fermier des environs. Il craint en effet une visite de la police allemande, d'autant plus que le voisin est un national-socialiste convaincu. Le lundi à 5 heures, nos hommes sont debout. Ils déjeunent à la ferme, puis se rendent chez Meijer. Ils y trouvent un Hollandais d'une trentaine d'années qui va leur servir de guide. Il conseille aux deux Belges de le suivre à une cinquantaine de mètres jusqu'à la gare. Le guide prend lui-même les billets pour Tilburg. Il achète des revues hollandaises et allemandes et les donne à Larcier et Germain. Il leur recommande de ne pas parler dans le train et de faire semblant de ne pas le connaître. Lui, de son côté, s'efforcera de monopoliser la conversation. A Arnhem, il faut changer de train. Comme il faut attendre un certain temps, le guide les mène dans une maison amie jusqu'à l'heure du train. A l'arrivée à Tilburg, les évadés sont remis à un nouveau guide. A la sortie de la gare, forte émotion, car des policiers allemands arrêtent des voyageurs pris au hasard et examinent soigneusement leurs pièces d'identité et leurs bagages. Comme ils s'intéressent surtout aux voyageurs lourdement chargés, nos évadés passent sans encombre. Le guide les conduit à une maison amie à quelques mètres de la gare. Ils y apprennent qu'une femme de l'organisation vient d'être arrêtée. Il est dangereux de rester à Tilburg. Ils sont chez un receveur d'autobus de la ligne Tilburg-Turnhout. Comme le receveur se rend à son travail, nos deux évadés l'accompagnent. Ils ont reçu de l'argent belge et chacun un croquis de l'itinéraire à suivre pour franchir la frontière. Le receveur vient les prévenir du moment où ils doivent quitter l'autobus. Ils progressent alors à travers champs et bois et suivent strictement l'itinéraire indiqué et, le lendemain matin, arrivent à Poppel. Larcier se cache quelque temps chez ses beaux-parents puis, s'étant procuré des vêtements militaires, rentre ostensiblement chez lui en déclarant avoir été rapatrié par train sanitaire. Il a l'audace de porter ses vêtements militaires à la maison communale ainsi que les Allemands le prescrivaient aux rapatriés. Il reçoit sa carte de ravitaillement et n'est nullement inquiété par la police allemande. <br /> Germain vit en clandestin jusqu'à la libération. </p><br /> <br /> **********************************************************************************<br /> <br /> <p style="text-align:justify">Ce qui est remarquable dans les évasions par la Hollande, c'est l'existence de filières d'évasion très efficaces. L'une d'elles, celle au départ de Lichtenvoorde, vint en aide à 19 prisonniers de guerre belges évadés. D'après un rapport, daté du 21 août 1964, de la commune de Lichtenvoorde, le mouvement de résistance de cette localité a aidé dans leur évasion environ 300 prisonniers de guerre français et belges. La famille Knüfing aurait abrité environ 200 évadés, la famille Meijer environ 50 et la famille Leemreize également une cinquantaine. La famille Kniifing avait presque en permanence un ou deux évadés dans sa demeure. Meijer H. était le plus ancien chef de l'organisation, mais son nom et son adresse étant connus dans les camps allemands, il dut, par mesure de prudence, s'abstenir de toute intervention directe dans l'aide aux évadés. <br /> H. Wekking était également un des premiers membres de l'organisation. Arrêté le 9 août 1942 par la police allemande, il est dirigé vers un camp de concentration allemand sans avoir dénoncé ses amis. A. Wouters était chargé d'assurer les soins médicaux aux évadés et de gérer les finances de l'organisation. Il prend la direction du mouvement lorsque Meijer cesse son activité. Il était connu sous le nom de "Docteur". <br /> G. Reinders et J. Fourij repéraient les évadés signalés à Lichtenvoorde et aux environs et les dirigeaient vers les demeures d'accueil de Knüfing, Meijer et Leemreize. <br /> J. Ter Haar était chargé du voyage des évadés de Lichtenvoorde à la frontière belge. Il les accompagnait en train jusqu'à la frontière. Il servit également de guide à une centaine d'évadés recueillis par les résistants de Hengelo, Laren et Zutphen. Tous les évadés secourus par l'organisation de Lichtenvoorde reçurent des vêtements civils et de l'argent hollandais, belge et français. L'organisation fonctionna jusqu'à la fin de la guerre, mais à partir de septembre 1944, il ne fut plus possible de diriger les évadés vers la Belgique. Il fallut les dissimuler sur place.</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/lichtenvoordebis_freebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Des résistants, réfractaires ou évadés cachés à Lichtenvoorde</p><br /> <br /> <strong>Source bibliographique :</strong><br /> <p style="text-align:justify">Livre de Georges Hauteclerc ‘’Evasions réussies’’ (page 169 et suivantes)</p><br /> <strong>Sources Iconographiques :</strong><br /> <p style="text-align:justify">https://www.beeldbanklichtenvoorde.nl/cgi-bin/beeldbank.pl?misc=12&amp;a8a0=VELD%20keyword1&amp;a8a1=Oorlog&amp;display=gallery&amp;inword=2<br /> <a href="https://mijngelderland.nl/inhoud/canons/gelderland/onderduiken-in-de-achterhoek#!#customCarouselDetail">https://mijngelderland.nl/inhoud/canons/gelderland/onderduiken-in-de-achterhoek#!#customCarouselDetail</a></p> Sat, 30 Oct 2021 10:43:08 +0200 Franz Schmitz - Geai serviable https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-187+franz-schmitz-geai-serviable.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-187+franz-schmitz-geai-serviable.php <strong>Les aventures de guerre du chef de troupe de la Vème Famenne</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Franz Schmitz, né à Bastogne le 14 octobre 1911, est l’aîné des 6 enfants de Joseph Schmitz (originaire de Bastogne) et de Marie Gilet (originaire de Saint-Hubert), parmi lesquels deux filles et quatre garçons. </p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/schmitz1.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Il a grandi à Marche où ses parents sont venus s’installer fin janvier 1914, quelques mois avant le déclenchement de la première guerre mondiale, venant de Beho, mais provenant de Bastogne.<br /> Franz a passé plusieurs années au juvénat ou collège du Sacré-Cœur de Tervuren.<br /> En 1929, à l’âge de 18 ans, il commence à travailler en tant que monteur électricien pour la firme ELINDO-Capelle Frères (rue Porte Haute, à Marche), sous les ordres de Monsieur Maurice Franchimont (août 1929 à fin mai 1932). Parallèlement, il suit assidûment les cours d’électricité donné à l’Institut Saint Remacle par Monsieur Jean Gribomont, ingénieur civil et directeur de la Compagnie Luxembourgeoise d’Electricité (CLE), dont le siège se trouvait avenue du Monument. <br /> Monsieur Gribomont le prendra en affection, veillera à sa formation avant de l’engager. Il effectuera l’essentiel de sa carrière professionnelle dans le cadre de la « Cie Luxembourgeoise » et d’ESMALUX <br /> Son dossier militaire indique qu’il était de la « Classe 1931 » (incorporé le 1er septembre 1931 en qualité de milicien), sursis ordonné … ; il n’a cependant effectué son service militaire qu’à partir de 1936, à Arlon, « astreint à accomplir 8 mois de service » (du 15 octobre 1936 au 15 juin 1937), sans explication à cette situation. il relève alors du groupe d’artillerie de Chasseurs Ardennais. Sa fiche de matricule mentionne sa taille : 1,60 m., la couleur de ses yeux : bleus-gris-ardoise ; et précise qu’il a les cheveux châtains, et porte une cicatrice de blessure au genou droit.<br /> Impliqué très tôt dans les activités sociales et culturelles de Marche (groupement de jeunesse, théâtre, …), il est co-fondateur de l’unité scoute de Marche (5ème Famenne) mise officiellement sur les fonts baptismaux en juin 1936, dont il sera le 1er chef de troupe; son totem scout : Geai serviable !<br /> Il est rappelé pour quelques jours au service militaire à partir du 26 septembre 1938.<br /> Mobilisation et « drôle de guerre » (du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940)<br /> Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne sur ordre d’Hitler, sans déclaration de guerre préalable. Le lendemain, le Royaume-Uni et la France adressent un ultimatum à l’Allemagne, lui laissant une dernière chance de retirer ses troupes de Pologne. Le 3 septembre, le Royaume-Uni et son empire) à 11h, la France (et son empire) à 17h, l’Australie et la Nouvelle-Zélande à 21h30, déclarent la guerre à l’Allemagne. C’est le début de la « drôle de guerre » qui se termine le 10 mai 1940 par l’invasion de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et de la France.<br /> Franz est mobilisé dès la fin du mois d’août (rentré de congé illimité le 26 août 1939) et rejoint sa compagnie de chars légers T.13 (Chasseurs ardennais).<br /> On peut imaginer l’esprit dans lequel se trouvent ces jeunes hommes, s’adonnant pleinement aux manœuvres et exercices pour tromper leur ennui et les incertitudes suscitées par la situation internationale. Les manœuvres effectuées avec les chars T.13 les ont notamment amenés à traverser la ville de Marche, suscitant l’enthousiasme de la population pour ses « chasseurs ardennais » et un sentiment de fierté pour leurs proches</p><br /> <br /> <strong>Campagne des 18 jours (10 au 28 mai 1940)</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Mobilisé depuis un peu plus de 8 mois, Geai attend la suite des événements au sein de son unité, le 1er (régiment) Chasseur Ardennais, T.13 (compagnie de tanks légers), lorsque le 10 mai débute l’opération Fall Gelb ( offensive Allemande à l’ouest contre la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France, l’objectif étant l’invasion de la France. C’est le début de la guerre pour la Belgique ! <br /> Les 10 et 11 mai, les Chasseurs ardennais retardent les Allemands en Ardenne belge, aidé par la topographie tourmentée du massif ardennais et les routes étroites et sinueuses.<br /> La carte des « états de services » de Geai mentionne pour la période 10 au 28 mai 1940 : « Position Fortifiée de Namur » ou « PFN ».<br /> Chauffeur de T.13, Geai se trouvait à bord de son « canon automoteur, chasseur de char » en compagnie de trois autres soldats.<br /> Son unité fut affectée à la défense de l’aérodrome d’Evere et fut dirigée vers Woluwe-Saint-Etienne. Elle eut ensuite comme mission de protéger la retraite de l’armée belge. Elle fut citée trois fois à l’ordre du jour. Puis ce fut le repli dans les Flandres, derrière l’Escaut où ils se postèrent. Plusieurs fois en contacts avec l’ennemi, ils détruisirent cinq chars et des nids de mitrailleuse.<br /> Enfin, dans les environs de Roulers (Roeselare), ils se retrouvèrent encerclés par les Allemands. C’est alors qu’ils apprirent, le 28 mai, vers 6 heures du matin, la capitulation de l’armée belge.<br /> Le premier souci du chef de troupe Geai fut de saboter son char en faisant « sauter les fourchettes des deux manches à balles ». Ceci lui valut les remontrances de son sergent verviétois : « n’est-ce pas malheureux de saboter un si beau matériel ; les autorités belges nous ont donné l’ordre de le remettre tel qu’on nous l’avait donné » </p><br /> <br /> <strong>Prisonnier de guerre en Allemagne : captivité et évasions</strong><br /> <br /> <strong>Prisonnier, première tentative d’évasion à proximité de Bilzen</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">La compagnie est rassemblée, les chauffeurs « tirés dehors » avec mission de conduire les éclopés à Vilvoorde. Geai fait partie des chauffeurs, avec quatre de ses camarades. Arrivés à Vilvoorde, ils sont joints à une colonne de prisonniers qui doit se rendre à Hasselt pour être démobilisée.<br /> Par route, à travers bois et campagnes, les prisonniers avancent en longue colonne <br /> Cette longue colonne, comprenant des milliers de prisonniers belges, couvre les 70 km séparant les deux villes en deux journées de marche.<br /> Mais Geai ne se résout pas à l’idée d’être ainsi acheminé vers l’Allemagne. <br /> « … D’autres prisonniers sont animés par une âme plus ardente. Ils ont confiance dans la force morale et physique qui peut venir à bout de tous les obstacles, ils sont enflammés par la passion de reprendre la lutte pour la patrie. Ceux-là sont obsédés par l’idée de l’évasion. Dès leurs premiers jours de captivité, toutes leurs pensées, tous leurs rêves, tous leurs actes sont tendus vers ce but … ».<br /> Car germe en effet le projet d’une première tentative d’évasion … <br /> <strong>Hasselt.</strong> Le soir à Hasselt, Geai, en compagnie d’un namurois, se faufile dans des maisons et se procurent des habits civils. Ils cherchent et trouvent 5 équipements complets car il ne faut pas oublier les camarades. On se les distribue et on les fourre dans les havresacs. Le lendemain, la colonne repart.<br /> <strong>Bilzen.</strong> A proximité de Bilzen, les cinq compagnons se détachent de la colonne et entrent dans un petit bois. Ils commencent à changer de vêtements, laissant leurs uniformes pour les vêtements civils récupérés la veille, mais soudain surgit une patrouille allemande. Arrêtés, ils sont considérés comme espions et ramenée en ville. On les adosse à l’hôtel de ville pour être fusillés. Survient un officier. On parlemente. On contrôle les papiers. Après un quart d’heure d’attente angoissée, on les charge en camion vers la Hollande.</p><br /> <br /> <strong>Vers l’Allemagne …</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Ils dépassent la colonne des prisonniers qu’ils avaient abandonnés et arrivent un peu plus tard à Maastricht. La ville est pleine de prisonniers belges. On y passe la nuit et le lendemain, par groupes de 5.000, on part vers Geilenkirchen (district Heinsberg, Rhénanie-du-Nord-Westphalie), à proximité de la frontière hollandaise, sur la rivière Würm, approximativement à 15 km au nord-est de Heerlen et à 20 km au nord d’Aachen).<br /> La nuit est passée en plein air.<br /> Le lendemain, embarquement dans des wagons à bestiaux à destination de Greifswald. Les prisonniers sont entassés à 60, dans un wagon sans aération, sans boire et sans manger. Ces journées furent les plus pénibles. Ce n’est qu’à Berlin qu’on put un peu se désaltérer. Beaucoup avaient des faiblesses.</p><br /> <br /> <strong>Greifswald, Stalag IIC.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le stalag II C était situé à Greifswald, Poméranie, sur la mer Baltique à l'Est de Rostock, entre Rostock et Stettin (ville polonaise depuis les « accords de Potsdam », en 1945).<br /> Le stalag II C est un immense camp où se trouvent confinés quelque 6.000 Belges dans des hangars vides, dormant à même le sol sur de la paille.<br /> Les estomacs sont vides. Le premier jour, on ne leur donne pas à manger parce qu’ils étaient censés avoir reçu de la nourriture pour un voyage de quatre jours. Le lendemain à midi seulement, est distribuée la première ration de soupe.</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/schmitz2.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Les quelques journées suivantes se passent à des formalités : photos, identité, empreintes digitales….<br /> C’est le moment de la photo ; le prisonnier vient s’asseoir sur le tabouret face à l’objectif ; à une ficelle passée derrière le cou, on lui pend sur la poitrine une pancarte avec un numéro de matricule, son numéro de prisonnier de guerre, en l’occurrence, pour Geai, le « 30912 ».</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/schmitz3.gif" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Suit la visite médicale avec vaccination contre le Typhus).<br /> Et enfin les formalités d’identité, face à un officier allemand et son secrétaire : nom, prénom, qualité, régiment, bataillon, compagnie, matricule ; ces formalités administratives sont vite expédiées et l’autorité allemande ne souhaite pas en savoir plus sur une situation militaire dont elle semble avoir un contrôle total en ce qui concerne la Belgique.<br /> Les « feuillées », nom donné aux toilettes des troupes en campagne, ont été creusées à une trentaine de mètres des garages, à proximité de l’enceinte dont elles sont écartées de quelques enjambées. C’est une tranchée d’une dizaine de mètres de longueur sur 45 centimètres de large et 1,50 mètre de profondeur. En une file serrée, chaque prisonnier, un pied posé de chaque côté du sillon, coiffe la tranchée de son derrière déculotté, spectacle particulièrement dégradant aux yeux de chacun !<br /> Non content des brimades et des humiliations, il faut aussi subir les affres de la faim.<br /> A midi, les prisonniers reçoivent une ration de soupe, sorte de liquide juste un peu plus teinté que de l’eau, et dont le goût est indéfinissable ; c’est de la soupe aux orties (sans doute diététique mais peu nourrissant !). Le soir, on distribue à chacun un cinquième de pain dont la moitié devra servir au repas du lendemain matin.<br /> A la soirée, dès que l’obscurité est tombée, les phares placés sur les miradors s’allument et commencent leur ballet silencieux mais combien dangereux.<br /> Par intervalles plus ou moins réguliers, les disques lumineux, traînés par leur panache laiteux, balaient tous les abords de l’enceinte ainsi que les bâtiments abritant les prisonniers.<br /> Pour eux, une fois la nuit tombée, il n’est plus question de se rendre aux feuillées car la proximité du mur d’enceinte rend l’endroit dangereux. La peur que les gardiens des miradors interprètent le déplacement pour une tentative d’évasion les incite à se tenir cois. Dès lors, le matin, c’est l’effervescence, on se presse vers le lieu d’aisance !<br /> Dans la journée, les hommes désœuvrés tentent de récupérer, bavardent, supputent, font écho aux rumeurs quant à leur devenir … <br /> Il apparaît rapidement que leur séjour au camp de Greifswald n’est que temporaire, et les nouveaux arrivants apprennent qu’ils vont être répartis en Kommandos et affectés en divers lieux de la région …</p><br /> <br /> <strong>Ferme de Lüssow.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 13 juin 1940, Geai est expédié avec une soixantaine d’autres Belges dans une grande ferme de l’Etat. Il s’agit en réalité d’un grand domaine privé, d’environ un millier d’hectares, approvisionnant le Reich, situé à proximité de Lüssow, appartenant au comte Vicco von Voss-Wolfradt, châtelain exigeant et intraitable.<br /> Les habitants de Lüssow, village d’environ 400 habitants, étaient, la plupart, employés dans cette grosse ferme. Durant la guerre presque tous les hommes ayant été mobilisés, le travail des champs et les travaux d’élevage étaient assurés par des civils polonais et par des prisonniers de guerre russes, français et … belges.</p> <br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/schmitz4.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Toute la cuisine pendant l’année qu’ils y restèrent consistait en pommes de terre et en orge. On versait simplement ces deux denrées dans un grand bidon à lessive qu’on cuisait ensuite en tournant avec un morceau de bois. C’est le menu classique pour engraisser les cochons, aussi nombre de prisonniers devinrent littéralement soufflés mais incapables d’efforts ou de travail soutenu.<br /> Ils étaient occupés aux travaux de la ferme de 6 heures du matin à 8 heures du soir.<br /> « Les gens du village sont convenables avec les prisonniers. Cependant les mœurs sont déplorables : une jeune fille de 14 ans s’offre pour 2 marks, les filles-mères sont nombreuses, ... ; ceci dénote l’absence ou le relâchement des principes moraux et religieux ».<br /> Les prisonniers logeaient au premier étage. Les fenêtres étaient protégées par de grosses barres de fer vissées au-dessus et en dessous. Six sentinelles gardent le camp, mais on a remarqué qu’elles s’absentaient ordinairement de 19h15 à 22h pour le souper. Aussi, une barre de fer est dévissée afin de permettre le passage d’un homme. Ceci permit plusieurs expéditions nocturnes à l’époque des fraises, des razzias dans le poulailler, … Les poules sont plumées, vidées, cuites à la graisse volée dans une casserole de même provenance en moins d’une heure, puis dévorées. La faute retombait évidemment sur les Allemands dont certains étaient voleurs.<br /> Le préposé aux cochons (porcher) de la ferme appartenait à cette catégorie. Nous apprîmes un jour qu’il avait été pris à voler trois petits cochons de lait et qu’il les avait revendus à son compte. L’occasion était belle, d’autant plus que les prisonniers étaient considérés comme des gens honnêtes. Une sortie nocturne nous permet donc de ramener un jeune cochon d’une trentaine de kilos. Il est immédiatement tué, dépecé et caché, puis mangé en plusieurs jours. « Nous en fîmes même de la tête pressée ! ».</p><br /> <br /> <strong>Seconde tentative d’évasion</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Un kommando belge travaillant à Gluscow (Gützkow), ville située à quelques kilomètres de là, avait fait savoir qu’il y avait fréquemment en gare des wagons à bestiaux partant pour la Belgique et la France. Ils apprennent que des wagons de blé et de pommes de terre doivent partir à destination de la Belgique. Geai et un sous-officier de Namur décident de risquer leur chance. Les préparatifs commencent : vivres, eau, …<br /> S’aidant d’un lasso, ils descendent par la fenêtre, sans bruit et arrivent à sortir de la ferme. Il y a quinze kilomètres à faire mais le temps est beau et la nuit sombre. Ils sont à Gluscow (Gützkow), pour 4 heures du matin. Une charrette tirée par un cheval les dépasse ; ils n’y prennent pas garde, d’ailleurs il fait encore sombre.<br /> Ils entrent dans la gare et se dirigent vers les quais d’embarquement. Ils examinent les lettres de destination apposées aux wagons. Soudain, un bruit de pas, des faisceaux de lampes de poches. C’est le châtelain, propriétaire de la ferme, et le Wachmann (gardien) ! Sommations, bras en l’air ! Ils avaient été aperçus par le veilleur de nuit qui avait donné l’alerte.<br /> Le châtelain fut accommodant, contrairement à sa réputation : « qu’alliez-vous faire ? C’est regrettable. La prochaine fois, tâchez de mieux réussir. Nous allons retourner à la ferme ».<br /> Et le Wachmann lui aussi fut conciliant : « quand un prisonnier s’évade, nous sommes punis. Vous ne serez pas sanctionnés si vous restez discrets. Demain retournez travailler avec les autres ». <br /> « Le mois suivant, nous apprenons qu’il faut quitter Lüssow ; le groupe sera sectionné et les hommes iront travailler la journée dans de petites fermes ». Geai et trois de ses camarades sont désignés pour aller travailler à environ 40 km de là, à Lentschow.</p><br /> <br /> <strong>Ferme de Lentschow.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Lentschow se situe en bordure de l’axe routier reliant Anklam à Lassan.<br /> La vie à Lentschow est toute différente de ce qu’elle était à Lüssow. Il s’agit d’une petite ferme. Le fermier les nourrit bien et a de la considération pour sa main d’œuvre. Le travail est cependant très dur.<br /> Geai et ses compagnons logent dans une petite « caserne » au milieu du village avec une vingtaine de prisonniers belges travaillant dans d’autres fermes.<br /> La population est incroyante. Les gens donnent l’impression de vivre comme des bêtes avec cependant une moralité naturelle notamment en ce qui concerne la probité ; le mensonge et le vol sont sévèrement réprimés.<br /> Un exemple nous est donné. Un bruxellois interprète constate un jour qu’une boîte de pralines qu’il avait reçue de sa famille avait disparu. La fenêtre de la chambre était ouverte. On remarque la trace de deux pieds d’enfant sur un essuie-mains. Il appréhende un gosse qui se trouvait aux environs de la caserne et l’interpelle : « c’est toi qui as volé ma boîte de chocolats ». Effrayé, l’enfant répond qu’il n’est pas coupable, que c’est le fils du mayeur qui a commis le larcin. Et en effet, une enquête établit l’identité du coupable. Le mayeur (Bourgmestre,Maire) en est avisé. Aussitôt, il rassemble tous les gosses du village sur la place publique et administre à son fils une raclée exemplaire menaçant les autres enfants d’un châtiment similaire si la chose se reproduit.<br /> Chaque soir, les prières sont récitées en commun dans la caserne.<br /> Les mœurs sont aussi déplorables qu’à Lüssow. Des femmes font des propositions aux prisonniers. L’un ou l’autre se laisse entraîner mais la réaction ne se fait pas attendre chez les autres prisonniers. On leur fait sentir qu’on réprouve leur conduite ; on les tient à l’écart des petites faveurs et partages fraternels des colis et des rapines. Ils comprennent la leçon.<br /> Comme à Lüssow, une fenêtre a été « aménagée » pour permettre des expéditions nocturnes. Des réserves d’œufs, de farine, de lard et de graisse sont constituées et permettent de petits extras à l’occasion des fêtes.<br /> De temps en temps, on pêche un brochet et on se baigne dans les grands lacs de la région.<br /> Malgré tous ces palliatifs la captivité est pénible et l’appel du pays résonne dans l’âme de Geai !</p><br /> <br /> <strong>Troisième tentative d’évasion</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Ce projet est depuis longtemps étudié et préparé par Geai en compagnie d’un sous-officier de Namur. Ils se rendaient une fois par mois à Anklam, ville d’environ 12.000 habitants située à proximité de Lentschow, pour y porter le lait. C’est là qu’ils firent la connaissance d’un « communiste » qui devint pour eux un copain.<br /> Ils lui rendaient visite et celui-ci leur pariait contre Hitler et le régime. II leur procure des habits civils et leur change leur argent de camp en argent allemand. Renseignements sont pris sur les horaires de train et le voyage est soigneusement préparé. Deux Flamands d'Anklam leur avaient fourni les papiers de congé et des laissez-passer dont ils ne comptaient pas profiter.<br /> Le départ se fit la nuit d'un samedi. Ils devaient prendre le train à 5h20 du matin. Tout marcha à souhait et le voyage se fit sans incident jusqu'à Berlin.<br /> Promenade dans Berlin. Ils passent une demi-journée chez des travailleurs libres, sans leur dire évidemment leur situation. Ils obtiennent les renseignements complémentaires pour le restant du voyage.<br /> Ils embarquent 1'après-midi de lundi dans le grand express Berlin-Cologne à destination d'Erfurt. Vers le milieu du trajet, voici la Gestapo qui contrôle les papiers des voyageurs. Leurs papiers sont en règle : « Gut !».<br /> Erfurt ! A peine étaient-ils descendus du train, qu’on leur mit la main au collet. Ils sont conduits près des trois gestapistes : « Vous êtes des prisonniers évadés ». Un membre de la Gestapo était resté dans leur compartiment et les avaient surveillés. Leur argent est saisi et ils sont conduits tranquillement dans un hôtel.<br /> Ces hommes sont très convenables et leur payent à boire. Ensuite, ils les conduisent à la Feldgendarmerie ou ils sont questionnés sommairement et calmement à propos de leurs vêtements civils et de leur argent allemand : « Nous avons reçu nos vêtements par colis ; quant à 1'argent, il est le fruit des services rendus à la population ». On en reste là.<br /> Le lendemain, on les oblige à retourner leur veste et deux soldats les conduisent à Greifswald.<br /> A la Gestapo de Greifswald, la même question revient sur le tapis : « Où vous êtes-vous procuré vos vêtements et votre argent ? ». Mêmes réponses qu'auparavant, mais cette réponse n'est pas acceptée. Torse nu, on leur administre 50 coups de bâton.<br /> Après cela, on leur repose la même question qui entraîne la même réponse ...<br /> Au cachot ! Le soir, un infirmier allemand vient panser leurs blessures. Ils sont désignés pour le camp de concentration de Rawa-Ruska, en Ukraine à proximité de la frontière polonaise, lors du prochain convoi. Celui-ci ne tarde pas et arrive trois jours après. Mais le convoi est complet et 40 prisonniers sont laissés à Greifswald, dont nos deux évadés, …, qui éviteront ainsi d’être les hôtes forcés de ce camp de représailles de sinistre mémoire. <br /> C’est alors pour Geai et son compagnon quinze jours de « tôle » avec comme menu un quart de pain et une tasse d'eau par jour. Quinze jours terribles : la faim, la soif. Lorsqu'ils sortent du cachot, ils sont tout étourdis par la lumière et la faiblesse. Ils doivent s'appuyer au mur.<br /> Ils rentrent dans le camp, y restent huit jours pour se retaper et sont ravitaillés et soignés par les prisonniers belges.<br /> Après ces huit jours, Geai et son compagnon se séparent. Ce dernier retourne dans un Kommando de culture (ferme) et Geai reste en ville pour être employé, selon sa profession, chez un électricien.</p><br /> <br /> <strong>Greifswald</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Les scouts marchois ne manquent pas de ressources et veillent à l’approvisionnement de leur chef de troupe ainsi que l’indique l’extrait suivant :<br /> « … la troupe fit une collecte et rassembla tout ce qu’il fallait pour envoyer un gros colis au pauvre Geai en Allemagne. On eut pour plusieurs colis à envoyer à intervalles plus ou moins rapprochés ». <br /> C'est 1'hiver 1942-1943. Un kommando d'une cinquantaine d'hommes, 40 Français et 8 Belges. Geai travaille en ville pendant la journée avec un autre Belge.<br /> Ils reviennent le soir au kommando. On s'est arrangé par petits groupes. Geai fait ménage avec trois Français. L'un d'eux travaille chez un boucher, 1'autre chez un marchand de vin et le troisième chez un légumier. Geai a trouvé ... un réchaud électrique, les autres trouvent des légumes, de la viande et du vin.<br /> Le garçon boucher s'est fait une ceinture à crochets où il pend régulièrement des biftecks pour les rapporter au kommando. Hélas ! Un jour, un trou dans son pantalon fait découvrir le pot aux roses par son patron. II part au camp de discipline ...<br /> Un autre jour, le garçon légumier annonce qu'un wagon de tomates a été déchargé chez son patron. Geai organise avec lui une expédition noc¬turne emportant des sacs. Tout se passe bien dans la cave. Mais en remontant, ils tombent nez à nez avec un Allemand. Ils sautent sur lui et lui donnent une tripotée d'importance, le laissant à terre étourdi, et s'enfuient avec les sacs de tomates. A leur rentrée au kommando, les tomates sont distribuées et avalées en un rien de temps. Le lendemain, visite au kommando d'un Allemand à la face tuméfiée et à 1'oeil poché. On enquête, on fouille, mais on ne découvre rien. II y a d'ailleurs bien d'autres kommandos dans les environs.<br /> Le Français du marchand de vin apporte aussi sa quote-part. La propriété où il travaille est entourée d'un grand mur. Régulièrement, des bouteilles de vin volent au-dessus du mur et sont recueillies le soir lorsqu'il retourne au kommando.<br /> Aussi le jour de Noël 1942 fut-il bien arrosé ! Geai avait eu la joie d'assister à la messe ce jour-là : c'était la quatrième messe depuis sa captivité.<br /> « Pour le réveillon, nous disposions de 24 bouteilles de vin pour accompagner un menu composé de frites, bifteck, gâteau moka, cacao et café américain. Nous avions acheté les gardes allemands en leur offrant quelques cigarettes ; ces derniers nous avaient alors laissés tranquilles, en paix, après 19h30 ».</p><br /> <br /> <strong>Le grand hike, 4ème évasion (15 au 23 mars 1943)</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Malgré l'atmosphère fraternelle et familiale qui régnait dans le kommando, 1'appel du pays retentissait toujours de plus en plus dans 1'âme du chef Geai. En janvier 1943, il élaborait soigneusement un plan d'évasion avec un de ses « associés » français, originaire de Toulouse, Louis Cassagne<br /> II y avait en ville un kommando belge qui s'occupait du chargement de wagons de marchandises à destination de différents pays ; parfois, des wagons partaient pour la Belgique. Ils s'étaient mis en rapport avec le chef du kommando qui devait les avertir dès qu'un wagon serait chargé et dirigé sur la Belgique ou la France.<br /> Tout était prêt : vivres, eau, boussole, couvertures, cartes, poivre ...<br /> Embarquement à Greifswald.<br /> Le 13 mars, on annonce qu'un wagon de blé va partir pour Louvain. Les Belges du Kommando chargent tous les vivres et les bagages dans le wagon et, le 15 mars, Geai et son camarade sont conduits discrètement au wagon qui était seul en dépôt. Ils sont embarqués et installés. Le wagon est scellé, conduit à Greifswald et pesé avec tout son chargement. C'était un wagon fermé au toit en forme de cintre, avec deux fenêtres se refermant complètement de 1'intérieur du wagon et pouvant livrer passage à un homme.<br /> Départ le lendemain à 9 heures, avec un train de marchandises. Etape sans escale jusqu'à Schwerin. Arrêt d'un jour. On entend dans le lointain les bombardements de la R.A.F. Le wagon est manipulé et rattaché à un autre train en partance pour 1'Ouest.</p><br /> <br /> <strong>Évadé mais à nouveau repris bien que plus d’une année plus tard, dans d’autres circonstances …</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Les archives allemandes mentionnent officiellement l’évasion le 17 mars 1943, du Kommando 1210 (P.K.I.). L’évasion est confirmée par l’autorité allemande par son avis n°512 du Stalag II-C, du 10 septembre 1943, avec la mention « le 17.3.1943, évadé ».<br /> La P.K.I. (fiche personnelle allemande n°1) a été renvoyée à le Wast le 20 mars 1943, et sur cette dernière apparaît la mention manuscrite « repris - voir lettre du 22 août 1944 ». L’administration militaire allemande fonctionne à l’évidence bien.<br /> L’arrestation de Franz Schmitz, survenue à Maissin dans le cadre de ses activités de résistance a notamment été signalée dans un rapport journalier allemand du 14 août 1944 de l’Oberfeldkommandantur 589 (Liège) <em>Kommandostab Abt. IA IC : « Ausserdem in Maissin (15 km. sw St-Hubert) ein entwichener belg. Kriegefangener festgenommen …</em> Le nom du prisonnier n’est pas mentionné dans ce document, mais il s’agit à l’évidence de Franz Schmitz. <br /> Stop ! Alerte « avions ». Les sirènes mugissent au loin dans la vallée du Rhin. Leur bruit se rapproche peu à peu. Celles de Krefeld mugissent à leur tour. On entend les premiers avions. Que faire ? Le wagon est en plein milieu d'une des plus grandes gares de formation de 1'Allemagne. Magnifique objectif. Une seule chose à faire, risquer sa chance, rester dans le wagon et s'en remettre à la grâce de Dieu. Par bonheur, 1'objectif n'était pas la gare de Krefeld.<br /> Le lendemain, le convoi repart vers Aix-la-Chapelle, où il stationne encore une demi-journée dans la gare. Tout à côté, des voies sont en réparation, des Allemands et des prisonniers et déportés y travaillent. Certains viennent s'adosser et fumer contre le wagon de blé. « Un wagon pour la Belgique », dit un Allemand spirituel, « vous n'en profitez pas pour retourner en Belgique ?». Geai entend la conversation et voudrait crier : « Complet ! ».<br /> On repart. Nouvel arrêt. Frontière belge ! Comme le cœur battait alors !... On contrôle les scellés. Des Allemands escortés de chiens policiers longent et examinent les wagons. Mais du poivre (dont ils avaient emporté un kilo) avait été répandu tout le long du wagon... On attend des heures après une locomotive belge, puis on repart de nouveau. La soif était terrible. Depuis quatre jours avec seulement quatre litres d'eau pour deux ! Une des quatre gourdes s'était coincée et renversée dans les sacs de blé.<br /> Des gares, des villages belges ! C'est dimanche (sans doute le dimanche 21 mars 1943) ! On voit, par un petit trou ménagé pour observer, les gens aller à la messe. II est 7 heures du matin. Le train semble ne pas se diriger sur Liège, mais couper droit sur Louvain. Attention de ne pas aller jusque-là ! Ils suivent anxieusement sur la carte et examinent les abords de la voie.<br /> Fenêtre descellée, il faut sauter du train ...<br /> Le moment propice semble arrivé : le train traverse une petite sapinière. Les fenêtres sont descellées et ouvertes. Le Français jette son sac et saute sur le ballast. Geai le suit 150 mètres plus loin. Ils foncent directement dans les sapins par crainte du fourgon où devait se trouver un Allemand. Saut étudié d'avance et bien réussi, malgré le choc un peu dur sur les gros cailloux. Les deux compagnons se retrouvent.<br /> Tout s'est bien passé. Ils se trouvent, d'après les cartes, au nord de Liège, entre « Rodange » (plus vraisemblablement Roclenge-sur-Geer, en wallon Roclindje-so-Djer, en néerlandais Rukkelingen-aan-de-Jeker) et Glons (sections de la commune de Bassenge). Suivant un chemin de campagne, marqué de traces de charroi, ils arrivent à la grand-route Tongres-Liége. Ils se cachent dans un bois bordant la grand-route et attendent.<br /> <br /> … ils sautent du train entre Roclenge et Glons, puis rejoignent le grand route Tongres-Liège ; … on leur renseigne un château à un ou deux kilomètres de là …<br /> Le premier homme qui passe est... un Allemand en vélo ! On le laisse passer. Puis, c'est un homme de 40 à 50 ans, tout interloqué, et pour cause. Ils expliquent leur situation en peu de mots et demandent où ils peuvent se procurer des habits civils ? L'homme leur renseigne le château du « comte de Grunne » (?), situé à 1 ou 2 kilomètres de là. Ils gagnent le château par les campagnes.</p><br /> <br /> <strong>Accueil et aide du châtelain</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Ils arrivent au château. Sur le conseil que leur avait donné le paysan rencontré, ils frappent à la porte de service. La porte s'entrouvre et laisse apparaître la figure d'une vieille servante qui prend immédiatement des airs terrifiés et leur referme la porte au nez. C'est qu'ils avaient 1'air de véritables bandits : sales, non rasés depuis huit jours... Ils frappent à nouveau, elle revient. Rapidement, ils expliquent leur situation. La servante fond en larmes de pitié. Ils entrent et s'assoient en attendant le châtelain qu'on est allé prévenir.<br /> II arrive une demi-heure plus tard et, en homme prudent, les questionne longuement. II est alors tout à fait mis en confiance. On leur apporte à boire, car ils ont une soif terrible. Ils resteront toute la journée au château pour se reposer. L'accueil est des plus cordiaux. On les restaure et ils se reposent ; ils sont pressés de conter leurs aventures. On leur donne de 1'argent et des habits civils.<br /> Le lendemain, à 4 heures du matin, le châtelain lui-même les conduit en voiture à la gare des Guillemins à Liège d'où un train part pour Marche, à 7h15.</p><br /> <br /> <strong>Retour en Famenne : Marenne, le Fonds des Vaulx, Marche, …</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Joie de revoir des paysages de plus en plus connus. Marenne, en réalité Bourdon ! Dernière gare avant celle de Marche. Geai juge prudent de descendre là et de regagner Marche par les campagnes. Ils se dirigent vers le Fonds-des-Vaulx.<br /> Le Fonds-des-Vaulx, charmante vallée boisée et rocailleuse qui touche à Marche et où les scouts ont leur local : chalet au milieu d'une vaste propriété boisée. Face au local qui se trouve au sommet d'un des versants de la vallée, est situé un petit bois.<br /> Geai et son compagnon gagnent cet endroit idéal, pensant y attendre la tombée du jour. Mais voici qu'ils aperçoivent, travaillant à un coin de patrouille, 1'assistant scout Chevreuil (Henri Molehant). II est trop loin pour lui faire signe : vingt mètres et la vallée les séparent, d'autant plus que d'autres personnes travaillent également dans la propriété. Midi sonne quand il rentre pour dîner. Reviendra-t-il ?<br /> Il revient. Cette fois, Geai n'hésite plus. II connaît tous les sentiers et recoins de la vallée et il apparaît comme une vision irréelle aux yeux de Chevreuil abasourdi. Pat ! L'index sur les lèvres, car un peu plus loin un marchois bêche son jardin. La porte du chalet est ouverte et, le soir, c'est la rentrée à Marche.<br /> Les parents et un petit cercle de chefs (scouts) sont mis au courant.<br /> Le soir même de son retour, Geai se rend discrètement au n°6 de « la petite rue qui conduit au Thier des Corbeaux », à la maison Molehant, où résident deux « assistants » scouts, Daguet (Odon Molehant) et Chevreuil (son frère jumeau, Henri Molehant ). Depuis quelques mois déjà, cette maison est devenue le centre de résistance, peut-être le plus important de la ville de Marche.<br /> On imagine la joie des retrouvailles et l’animation des échanges …, les projets d’action.</p><br /> <br /> <strong>Source bibliographique et iconographique:</strong><br /> <a href="https://genealogie.marche.be/kg/devmem/F-SCHMITZ.htm#_Toc488667219">https://genealogie.marche.be/kg/devmem/F-SCHMITZ.htm#_Toc488667219</a> Fri, 31 May 2019 20:12:44 +0200 EMILE MASSON, un champion cycliste hors du commun https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-126+emile-masson-un-champion-cycliste-hors-du-commun.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-126+emile-masson-un-champion-cycliste-hors-du-commun.php <img src="https://www.freebelgians.be/upload/masson_emile.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> <br /> <p style="text-align:right"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/phpthumb_generated_thumbnail.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:right">Emile Masson après sa victoire dans Paris-Roubaix</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify"><em>Vainqueur de la Flèche wallonne en 1938, ainsi que d'une étape du Tour de France, vainqueur de Paris-Roubaix en 1939, Emile Masson est fait prisonnier le 11 mai 1940, suite à la prise du fort d'Eben-Emael, et est dirigé vers le Stalag XI B de Fallingbostel, où il est placé au secret pendant trois mois. <br /> Après avoir triomphé de l'enfer du Nord, Masson plongeait dans l'enfer tout court.</em></p><br /> <br /> <p style="text-align:left"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/fallingbostel_1.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:left">Entrée du Stalag XI B de Fallingbostel</p><br /> <br /> <p style="text-align:right"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/fallingbostel_2.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:right">Plan du Stalag XI B de Fallingbostel</p><br /> <br /> <br /> <p style="text-align:justify">Envoyé en kommando à Hannovre, il se blesse volontairement au pied en mai 1941 et rentre ainsi au stalag. Là, devenu sous-officier suite à une falsification de ses papiers, il est "nommé" interprète, ce qui lui permet de collaborer à la préparation de nombreuses évasions. <br /> Lui-même tente sa chance mais est repris à une trentaine de kilomètres de la frontière hollandaise. <br /> Après avoir purgé plusieurs peines de prison, il est envoyé dans un camp disciplinaire avant d'arriver à Gross-Lübars, au camp hôpital international dépendant du Stalag XI A d'Altengrabow, où il devient l'homme de confiance des prisonniers. </p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/cpa_altengrabow_2.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Ancienne carte postale avec la vue du camp de Altengrabow</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Lorsque, le 3 octobre, l'insurrection de Varsovie est écrasée, les blessés sont embarqués pêle-mêle dans des wagons à marchandises plombés où, pendant quatre jours, ils resteront enfermés avant d'être débarqués près de Magdebourg : il y a là des hommes, des femmes et même des enfants d'une douzaine d'années qui avaient risqué leur vie en lançant des cocktail molotov sur les chars allemands; tous sont considérés comme prisonniers de guerre. <br /> A Altengrabow, ils sont installés dans une partie du camp, isolés dans des baraquements entourés de barbelés. <br /> <br /> Peu de temps après leur arrivée, deux prisonniers de guerre franchissent pourtant la porte de leur campement. Ils portent deux seaux de dix litres, remplis de riz au lait en poudre, de soupe, de cacao. <br /> Très vite, J'homme de confiance des Belges devient l'ange gardien des enfants polonais. Ce grand champion cycliste est sans cesse sollicité pour <br /> montrer un album de photos de ses exploits. La solidarité est totale entre Polonais, Français, Belges et Hollandais. <br /> Un prêtre italien fut même amené à célébrer un mariage franco-polonais. <br /> Cependant, à l'approche de la Noël 1944, les autorités allemandes décident du départ de toutes les femmes polonaises. Reconnues comme pri- <br /> sonnières de guerre, elles sont deux mille au départ vers le camp d'Oberlangen, près de la frontière hollandaise. C'est là que, le 12 avril 1945, <br /> elles seront libérées par la 1ère division blindée du général Maczek. <br /> <br /> Mais l'aide apportée aux jeunes prisonniers de guerre polonais par les prisonniers de guerre belges et plus précisément par Emile Masson demeure dans le souvenir de tous les rescapés. <br /> En 1984, le Cercle belge des Anciens de l'Armée secrète polonaise remettra la Croix de l'armée secrète à ce prisonnier wallon qui ne fut libéré que le 5 mai 1945 par les Soviétiques. <br /> <br /> Après la guerre et cette dure période de captivité, Emile Masson reprendra sa carrière de coureur cycliste et sera deux fois champion de Belgique. En 1946, il remportera Bordeaux-Paris, vingt-trois ans après son père, qui, mineur à l'âge de onze ans, fit aussi une très belle carrière dans le cyclisme de l'après Première Guerre mondiale.</p><br /> <br /> <strong>Source bibliographique:</strong><br /> Les Combattants de ’40 édité par l’institut Jules Destrée en avril 1995 (page 106 et 107)<br /> <br /> <strong>Crédit photographique:</strong><br /> Histoire et légendes du cyclisme<br /> <a href="https://legenducyclisme.wordpress.com/2011/01/10/les-combats-demile-masson/">https://legenducyclisme.wordpress.com/2011/01/10/les-combats-demile-masson/</a><br /> Cyclopassion<br /> <a href="http://cyclopassion.blogspot.be/2012/04/la-fleche-wallonne-1936-2012-victoir.html">http://cyclopassion.blogspot.be/2012/04/la-fleche-wallonne-1936-2012-victoir.html</a><br /> Kriegsgefangenenmannschaftsstammlager der Wehrkreise X und XI<br /> <a href="http://www.ak-regionalgeschichte.de/html/kriegsgefangenenlager.html">http://www.ak-regionalgeschichte.de/html/kriegsgefangenenlager.html</a><br /> Le blog de carnets de guerre:<br /> <a href="http://carnetdeguerrejeansiauve.over-blog.com/pages/2-cartes-postales-anciennes-du-camp-d-altengrabow-3335556.html">http://carnetdeguerrejeansiauve.over-blog.com/pages/2-cartes-postales-anciennes-du-camp-d-altengrabow-3335556.html</a> Mon, 12 Jan 2015 15:29:10 +0100 La "Choubinette" https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-116+la-choubinette.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-116+la-choubinette.php <strong>La "Choubinette"</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Je vais vous présenter aujourd'hui un article montrant la débrouillardise des prisonniers de guerre durant la Seconde Guerre mondiale:</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify"><strong>Voici comment le père de Jean Frings, prisonnier de guerre belge à l'Oflag II A de Prenzlau voyait la chose:</strong></p><br /> <p style="text-align:justify"><br /> En 1942, un prisonnier introduisit dans l’Oflag de Prenzlau (II A) un petit réchaud à combustion lente, fabriqué avec deux cylindres de tôle emboîtés l'un dans l'autre - par <br /> exemple deux boîtes de conserves - et percés de trous;il brûle des débris de bois, de carton, des boulettes de papier, etc. <br /> Il est facile à fabriquer avec des moyens de fortune, facile à entretenir et constitue l'instrument de cuisine idéal pour le prisonnier. <br /> On l'appelle une « choubinette », parce qu'il vient du camp de Schubin. (stalag XXI B) <br /> Ainsi le mot avec la chose sont introduits dans le camp, nous allons maintenant les voir "vivre". <br /> D'abord "choubiner"; c'est se servir de la "choubinette", d'où "cuisiner" et aussi "faire brûler" du papier dans le réchaud mais "choubiner" est un verbe transitif, c'est l'action de la "choubinette", d'où "brûler". <br /> De ces sens du verbe "choubiner" dérive une nombreuse famille: Choubinage. <br /> Le choubineur est celui qui se sert d'une choubinette, celui aussi qui la fabrique d'où "choubine, choubinerie, choubinetterie" qui sont indifféremment soit la <br /> "cuisine",soit la "salle où on choubine", soit celle où l'on fabrique des choubinettes". <br /> Un choubinard est un "mauvais choubineur", qui fait mal la cuisine; on a de même "choubinade" = mauvaise cuisine, "rechoubiner" = faire recuire et le plaisant <br /> "chouchoubins" = camarades qui font popote ensemble. <br /> La choubine désigne aussi le combustible. <br /> Telle est la famille de "choubinette", "réchaud à faire la cuisine". <br /> Mais un des caractères de la "choubinette", est de produire de la fumée, d'où tout instrument produisant de la fumée, surtout si sa forme et sa fonction rappellent celles du <br /> réchaud, devient une "choubinette" <br /> Et d'abord les "pots à feu émetteurs de fumée" ,utilisée par les Allemands pour le camouflage antiaérien; mais aussi une "pipe", un "poêle",un "gazogène", puis une "auto" une "locomotive", une "marmite",une "cheminée d'usine",et par extension, une "salle enfumée", un "incendie". <br /> D'où choubiner, "qui allume les pots fumigènes", choubinard, "qui fait de la fumée"; "choubinage" = émission de fumée; "choubinerie" = ensemble de pots fumigènes de Hambourg. <br /> "Enchoubiner" c'est remplir de fumée, cependant que "choubiner" = fumer et en particulier fumer la pipe, et ça "choubine" = ça fume», mais aussi par dérivation synonymique, "ça gaze, ça carbure", <br /> A ces sens premiers se rattachent des emplois métaphoriques. La "choubinette" c'est "la tête", image appuyée à la fois sur la forme de l'objet et sur celle du mot: "choubinette" rappelant "binette", <br /> D'où "choubiner" = réfléchir, penser et en particulier raisonner de travers; c'est aussi "fumer", c'est-à-dire se mettre en colère. <br /> D'où dérive "choubineur" = celui qui se met en colère et parfois un discuteur.<br /> "Choubinage" est la méditation, le travail et une "choubinette" = également un type coléreux. <br /> Mais la "choubinette" est aussi le ventre, l'estomac, l'organe qui brûle et digère les aliments et "choubiner" c'est également l'équivalent de digérer et surtout de ch... et de pé.............. <br /> Une "choubinette" est également une "tinette" par la triple association de la forme des deux objets, de celle des deux mots, et du sens spécial de "choubiner". </p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/choub1.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <strong>Voici maintenant comment Roger Ikor, prisonnier de guerre français, présente cette petite merveille:</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">" ... Il était, et je pense qu’il est encore, quelque part en Pologne,une petite ville appelée Szubin, orthographe comme d’habitude non garantie, prononciation "Choubin".<br /> II était dans cette petite ville un petit camp d’officiers français prisonniers, quelques centaines, l’entreprise familiale à côté des usines géantes comme la nôtre, le IV D de Dresde, le XVII A d’Autriche et celui de représailles de Lübeck.<br /> "Et il était dans ce petit camp, un officier de réserve, fumiste de son état que je n’hésite pas de qualifier de bienfaiteur de l’humanité. Hélas ! J’ignore son nom, mais connaît-on celui de l’hommequi inventa le feu, ou même la bicyclette ou l’automobile ?<br /> Bref, il inventa un appareil, dirai-je fourneau ou réchaud d’une simplicité extrême et d’une extrême efficacitédont ses camarades bénéficièrent aussitôt sans lui en payer le brevet.<br /> "Quelques temps après, le petit camp de Szubin fut dissous et une partie de ses habitants vint échouer dans le nôtre.<br /> Le réchaud de Szubin se répandit aussitôt parmi nous sous le nom francisé de "Choubinette" qui lui est resté.<br /> Je ne sais pas si d’autres camps que le nôtre en ont bénéficié !"<br /> "Pour construire une choubinette, il suffit de placer dans une boite de conserve un peu grande (mettons une de un kilo de petits pois, après avoir mangé les petits pois), une plus petite de dimensions telles qu’il subsiste entre les deux un anneau vide d’un ou deux centimètres pour le tirage.<br /> Le haut de la boite intérieure sera percé de trous sur tout son pourtour. C’est tout pour l’essentiel.<br /> Le reste n’est qu’agencement de commodité: fixation des deux boites l’une à l’autre, d’un pied, d’un support de gamelle etc... <br /> Et, bien entendu, il y faut aussi le coup de main. Combustible de base : du papier journal.<br /> Il est recommandé de le déchirer en petits fragments qu’on roulera en boulettes très serrées; le mode d’emploi prescrit même de tremper ces boulettes dans l’eau et de ne les utiliser qu’après séchage bien durcies.<br /> On jette donc quelques boulettes dans la boite intérieure, on allume et il se développe par les trous du haut une belle couronne de flammes bleue très chaude : dans ce brûleur dernier cri, ce n’est pas le papier lui-même qui chauffe, mais le gaz de papier. <br /> D'où une économie qui ... qu’on m’excuse, je ne suis pas spécialiste.<br /> Disons qu’en dix minutes, un litre d’eau était porté à ébullition soit comme consommation, une feuille de journal à peu près. <br /> Vu notre époque de crise de l’énergie, on pourrait penser au système. Il va de soi qu’en place de papier, on peut mettre des bouts de carton ou des fragments de bois. <br /> Le rendement énergétique semble analogue.<br /> Les allemands commencèrent par s’extasier, sur I’ingéniosité française, puis ils décrétèrent la "choubinette" "streng verboten". <br /> Comme ça ne servait à rien, ils lui déclarèrent la guerre et les opérations firent rage jusqu'à la fin avec des fortunes diverses : fouilles générales, fouilles ponctuelles, apaisements, trêves même.<br /> Ah ! Que nous en avons vu mourir des choubinettes sauvagement piétinées sous la botte soldatesque!<br /> Quelquefois, nous réussissions de justesse à les arracher à leur destin. Et si nous n’y parvenions pas, eh bien nous nous faisions une raison!<br /> Il était si simple d’en fabriquer de fraîches !<br /> Mais on comprend maintenant l’importance que nous attachions à nous procurer la matière première:<br /> La boite de conserve et naturellement, l’emballage des colis. <br /> Des tentatives de compromis marquèrent la guerre de la choubinette. Telle fut l’offre de construire des fourneaux officiels.<br /> Mais les fourneaux sans combustible ne nous intéressaient guère, nous préférions le combustible sans fourneaux.<br /> Et la guerre se rallumait. <br /> Un jour, en se tordant de rire, les Allemands nous proposèrent de la sciure.<br /> Oui, de la sciure de bois, et en grande quantité. Ils avaient dû en percevoir un lot dont ils ne savaient que faire et je suppose qu’ils ne voyaient pas ce qui nous en ferions nous-mêmes dans ces fourneaux de briques.<br /> Qu’on essaye un peu de mettre le feu à un tas de sciure ! Sans sourciller, nous achetâmes la sciure et un modèle spécial de "choubinette" la consomma sans sourciller davantage ! Je ne sais plus en quoi consistaient les modifications au modèle ordinaire. Mais je me rappelle bien que, pour charger l’appareil, il convenait d’utiliser deux barreaux de chaise; un tenu verticalement au milieu de la boite pour ménager dans la sciure une cheminée centrale, et l’autre placé à angle droit du premier, horizontalement et en bas pour l’ouverture de la cheminée. <br /> On tassait la sciure autour des deux bâtons ; il était même conseillé de la mouiller légèrement pour qu’elle tienne mieux. Puis, on les retirait délicatement, on allumait en bas de la cheminée coudée ainsi dégagée.<br /> Et ça marchait sans problème, toujours flamme bleue ! "La suite ! Stupeur admirative d’abord chez nos gardiens ; puis le ravitaillement en sciure se tarit, et nous revenons au combustible classique : papier, carton et bois..."</p><br /> <br /> <p style="text-align:left"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/vt_v_f_4_52b.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:right"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/vt_v_f_3_11c.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <br /> <br /> Sources bibliographiques :<br /> Article de M. Jean FRINGS dans ‘’mon père, ce prisonnier’’ (non édité)<br /> <a href="http://s225821866.onlinehome.fr/OFLAGcampspaj7-4.html">http://s225821866.onlinehome.fr/OFLAGcampspaj7-4.html</a><br /> <br /> Sources photos et images :<br /> <a href="http://www.clham.org/050520.htm">http://www.clham.org/050520.htm</a><br /> <a href="http://www.clham.org/050516.htm">http://www.clham.org/050516.htm</a><br /> <a href="http://www.clham.org/040409.htm">http://www.clham.org/040409.htm</a><br /> <a href="http://www.roue-libre.be/article.php3?id_article=152">http://www.roue-libre.be/article.php3?id_article=152</a><br /> Article de M.Jean FRINGS dans ‘’mon père, ce prisonnier’’ (non édité) Thu, 22 May 2014 15:26:01 +0200 Il était un petit navire qui n'avait jamais navigué.......... https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-92+il-tait-un-petit-navire-qui-n-avait-jamais-navigu.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-92+il-tait-un-petit-navire-qui-n-avait-jamais-navigu.php <strong>Evasion le 16 juin 1944 depuis la côte de la mer Baltique, direction la Suède.</strong><br /> <br /> Il y eut relativement peu d'évasions vers la Suède: 19 au total. C'est que l'obstacle à franchir était d'importance: la mer Baltique.<br /> De plus, la surveillance était aisée pour les Allemands. Les évadés ignoraient également l'accueil qu'ils recevraient en Suède, réputée parmi les prisonniers de guerre comme favorable à la cause allemande. Ils ne la connaissaient d'ailleurs que par les films de Kristina Söderbaum, vedette suédoise du cinéma allemand de l'époque; les articles de tendance pangermanique de l'explorateur suédois Sven Hédin et les cargos bourrés du beau minerais de fer scandinave qu'ils déchargeaient, à regret, dans les ports allemands de la Baltique et qui permettait à la machine de guerre nazie de tourner. <br /> C'est cependant vers la Suède qu'eut lieu une des plus sensationnelles évasions collectives de prisonniers de guerre au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit de : <br /> <br /> BLAIRON Aimable, (récidiviste de l'évasion), né à Leval-Trahegnies le 26 septembre 1912, caporal au 63°régiment de ligne. <br /> DEBOIS Maurice, né à Liège le 2 janvier 1914, brigadier au I°régiment de lanciers.<br /> DE RIDDER Guy, né à Zwijnaarde le 8 juillet 1920, sergent d'active au I°régiment d'artillerie. <br /> GOUSSEAU Gervais, né à Templeuve le 5 avril 1904, caporal au 27°régiment de ligne. <br /> MAGHE Firmin, né à Courcelles le 24 mai 1919, soldat au l°régiment de ligne. <br /> <br /> L'équipe est complétée par quatre Français: Jacques, Fribourg, Hillaire et Gaven. Tous ces prisonniers de guerre travaillent au Kommando VI/1203 du Stalag II C de Greifswald, à la firme Buchholz Richard, chantier de construction de vedettes. <br /> Travailler toute la journée à des bateaux donne évidemment envie de prendre le large et tous nos gaillards sont bien décidés à s'enfuir à la première occasion favorable. <br /> Comme nul d'entre eux n'est marin, ils s'efforcent de se documenter sur les choses de la mer et ils parviennent à se procurer des cartes de la côte allemande. <br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/cartestalagiic.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Carte géographique de la situation du stalag II C</p><br /> <br /> Pour donner le change, ils décident de témoigner du plus grand zèle et de la plus grande soumission. Ils endorment ainsi la méfiance des Allemands. Jamais le III°Reich n'a connu meilleurs travailleurs et le chef de l'entreprise ne tarit pas d'éloges à leur égard. <br /> Le chantier construit des vedettes rapides (75 km/heure) pour la marine de guerre et des vedettes légères destinées au remorquage des hydravions jusqu'à leur hangar. <br /> Comme nos prisonniers ne savent jamais si le bateau qu'ils construisent ne sera pas celui qui leur procurera la liberté, ils travaillent de tout leur cœur. Jamais le plus petit sabotage à déplorer... Le groupe espérait s'emparer d'une vedette rapide, mais voilà que s'offre une bonne occasion.<br /> Le chantier venait de terminer une vedette de remorquage. C'était un beau petit bateau de 8 mètres 25 de long et de 2 mètres 25 de large, muni d'un moteur semi-diesel de 3 cylindres de 50 chevaux, permettant d'atteindre la vitesse de 8 à 9 miles à l'heure. <br /> Par deux fois De Ridder et Jacques, en qualité de mécaniciens, accompagnent Buchholz jusqu'à l'île de Rügen en vue de roder le moteur. Ils mettent soigneusement le moteur au point et profitent de l'occasion pour se familiariser avec la conduite du bateau et observer et noter les emplacements des bouées. <br /> Le 15 juin, ils surprennent une conversation entre Buchholz et le capitaine d'un garde-côte en réparation au chantier. Les deux hommes projettent une randonnée jusqu'à Peenemünde, située à environ 70 kilomètres, où le bateau doit être livré En prévision de ce voyage, Buchholz demande aux mécaniciens la consommation moyenne du moteur et ceux-ci, profitant de son ignorance, lui annoncent une consommation triple de la réalité. <br /> Buchholz fait placer à proximité de la vedette 2 fûts de 150 litres de mazout et un bidon de 50 litres d'huile et fait procéder au plein des deux réservoirs de 70 litres chacun. <br /> Les prisonniers calculent que tout ce carburant représente environ le double de ce qui leur est nécessaire pour gagner la Suède, soit un voyage de 170 kilomètres. <br /> Dans la soirée: grande discussion au Kommando. Jamais ne se représentera une occasion aussi favorable: on décide de tenter la nuit même la grande aventure. <br /> A minuit, nos hommes forcent les barreaux barricadant les fenêtres de leur baraquement et, dans la nuit noire, se dirigent vers le chantier. <br /> Ils viennent à peine d'arriver lorsque, contretemps fâcheux, les sirènes sonnent l'alarme aérienne. Il s'agit de réintégrer en vitesse la baraque de logement, car, à chaque alerte, les Allemands procèdent à un contre-appel. Heureusement, tous nos hommes occupent leurs couchettes et font mine de dormir paisiblement lorsqu'arrive le gradé allemand. Ce dernier repart complètement rassuré tout et pestant contre cette corvée inutile. <br /> Les avions alliés se sont éloignés et l'alerte n'a duré que vingt minutes: rien n'est perdu. <br /> Nos hommes se hâtent vers le chantier, embarquent la réserve de combustible, arborent au mât de poupe un pavillon de la marine de guerre allemande dérobé à un bâtiment en réparation et vers 01h00 heure du matin, en route pour la liberté. Ils avaient projeté de naviguer à la rame dans le petit canal menant à la pleine mer et long de 1.500 mètres, afin de ne pas attirer l'attention mais, hélas, c'est marée haute et le courant est trop fort: le bateau n'avance pas. <br /> Force est bien de mettre le moteur en marche, malgré tout le tapage que cela va causer. Le moteur prend du premier coup et, à la vitesse de 18 km/heure, le petit bateau se dirige vers la haute mer. <br /> Hélas, nouveau contretemps, le moteur s'arrête au beau milieu du Greifswalder Boden. Fiévreusement à la lueur d'une lampe de poche, De Ridder et Jacques se mettent au travail. Heureusement ce n'est pas grave, rien que la pompe du système de refroidissement du moteur qui s'est calée. La réparation est rapidement effectuée, la pompe amorcée au moyen de la réserve d'eau douce, et l'on repart. Comme ils ignorent si l'entrée du Greifswalder Boden est gardée militairement, ce n'est pas sans appréhension que l'équipage s'y engage. Mais, ou bien il n'y a pas de défense ou bien la garnison est endormie car tout se passe normalement. Arrivé en pleine mer, De Ridder met plein gaz et le brave petit moteur supporte allègrement cette allure forcée. De Ridder et Maghe sont à la barre. Ils se sont procuré une bonne petite boussole auprès d'un gamin de la Hitlerjugend, amateur de chocolat.<br /> Ils naviguent à la boussole pendant environ une heure, maintenant le cap N.N.E. 28°, car il fallait se maintenir dans la passe séparant Rügen de la côte allemande. <br /> Tout le beau travail de repérage des bouées s'avère inutile, car la nuit est noire et ils n'en aperçoivent aucune. Enfin, ils sont à la hauteur du phare de Peenemünde signalant la sortie de la passe. <br /> Nos hommes ont un serrement de cœur. Ne va-t-on pas les apercevoir? <br /> Mais non, la mer Baltique est une mer allemande, les Allemands se gardent très mal et le petit bateau gagne la pleine mer. De Ridder modifie la course et met cap au nord, longeant l'île de Rügen, inquiétante masse sombre, à environ 2 miles. <br /> Vers 6 heures, le vent d'ouest se lève et, une heure plus tard, il souffle en véritable tempête. <br /> Le petit bateau est durement secoué. L'équipage, qui jusque là s'était bien comporté, est mis en déroute: les quatre Français et deux Belges tombent malades. Seuls restent vaillants De Ridder, Maghe et Gousseau, <br /> De Ridder et Maghe se relaient à la barre et à la boussole tandis que Gousseau s'occupe des réservoirs et s'efforce d'écoper l'eau de mer passant par-dessus bord et alourdissant le bateau. <br /> Le moteur tourne bien, mais le vent debout est si fort que l'embarcation semble rester presque sur place. Le bateau fait des embardées terribles et nos marins improvisés, dont c'est le premier voyage en mer, parviennent malaisément à maintenir le cap. Quelques rivets sautent même à la proue et ce fait augmente l'inquiétude. <br /> Vers 9 heures, Rügen est dépassée et disparaît progressivement à l'horizon. De Ridder passe la barre à Maghe et s'allonge un peu. <br /> Il est si fatigué qu'il s'endort immédiatement. Soudain apparaît un convoi de trois cargos allemands suivant la même route que nos héros. Il s'approche, puis dépasse le petit bateau et s'éloigne à l'horizon. Il est environ 13 heures et le vent est tombé, le petit bateau progresse favorablement.<br /> Subitement, apparaissent cinq hydravions allemands qui s'approchent rapidement. Alerte à bord: tous se dissimulent sous la bâche et ne reste à la barre que Gousseau qui, en salopette bleue et casquette de marin allemand à côté du pavillon de la marine de guerre, figure très valablement un matelot de la Kriegsmarine.<br /> Un des hydravions pique vers l'embarcation, passe très près puis, visiblement rassuré, rejoint les autres appareils et tous s'éloignent rapidement. <br /> Nos hommes qui ont cru leur dernière heure venue, poussent un fameux soupir de soulagement. <br /> Vers 14 heures 30, une côte est en vue. Maghe réduit la vitesse et s'approche prudemment. <br /> Victoire! C’est le drapeau suédois qui flotte à l'entrée d'un petit port. Pleins gaz et entrée triomphale vers 15 heures, dans le port suédois. Même les malades qui, jusque là, croupissaient en tas les uns sur les autres, baignant dans un mélange d'eau de mer, de mazout et d'excréments, sont subitement guéris. <br /> Les Suédois voient avec stupéfaction arriver une vedette de la marine de guerre allemande mais, quand ils comprennent de quoi il s'agit, ils font à nos héros un accueil triomphal. <br /> Ils sont arrivés à Râchenfud, petit port de pêche situé à la pointe extrême sud-est de la Scanie, à l'ouest d'Ystadt. <br /> Le 17 juin 1944, ils sont à Stockholm et quatre mois plus tard arrivent en Angleterre où ils sont versés à la brigade belge. <br /> Je pense pourtant que l'on commit là une erreur psychologique : trois de nos gaillards au moins avaient mérité leur passage à la Section belge de la Royal Navy. <br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/stalagiic.jpg" alt="" class="valign_" /> <img src="https://www.freebelgians.be/upload/stalaiic_bis.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Correspondances de prisonniers de guerre du stalag II C</p><br /> <br /> <br /> Il est à noter que le récit de cette évasion a paru dans le quotidien belge "La Libre Belgique" en date du 21 août 1961, sous le titre:<br /> "Comment des prisonniers de guerre belges s'évadèrent d'Allemagne en bateau"<br /> <br /> Source bibliographique: "Évasions réussies" par Georges Hautecler. Edition Soledi 1966<br /> Sources iconographiques: Photo 1 - jpbrx.perso.sfr.fr (via Google), Photo 2 et 3 - Delcampe.net (via Google) Tue, 16 Oct 2012 19:30:01 +0200 BARBARA, la radio clandestine aux Oflags VII B ET X D https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-80+barbara-la-radio-clandestine-aux-oflags-vii-b-et-x-d.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-80+barbara-la-radio-clandestine-aux-oflags-vii-b-et-x-d.php BARBARA est née à la fin de l'année 1940 à Eichstätt en Bavière au bloc IV de l'Oflag VII B.<br /> D'où vient ce nom ? (de B(ritish) B(roadcasting) RA(dio) ?) Nul ne le saura sans doute jamais.<br /> Ce doux nom, particulièrement cher aux prisonniers des Oflags VI B et X D dont il a soutenu le moral durant cinq années de captivité, a matérialisé une idée qui a germé dans le cerveau du commandant Barbieux et du Lt Antoine auxquels s'est rapidement joint le Slt Defroyennes.<br /> Les premiers vagissements de BARBARA se sont manifestés à l'Oflag VII B sous forme de réception d'émissions en provenance de postes allemands sans doute, mais également de postes émetteurs de Suisse Romande et Alémanique. Ces émissions étaient captées sur un poste à galène fonctionnant dans le cabinet de dentisterie du docteur Roty situé au bloc IV. L'antenne était constituée par une sorte de toile métallique qui avait rempli les mêmes fonctions sur un véhicule allemand.<br /> Le poste ainsi que les accessoires dissimulés sous les lames du parquet sur lequel se trouvait le fauteuil du dentiste étaient ressortis pour les écoutes qui ne pouvaient avoir lieu qu'en dehors des prestations du docteur.<br /> Au début, la précarité du matériel tout autant que la limitation des prestations ne permettaient pas d'assurer une écoute continue.<br /> <strong>Les promoteurs</strong><br /> Toutefois, la création de ce lien avec le monde libre et la possibilité d'un recours, même fragile, à des sources d'information plus dignes de foi ont constitué un stimulant pour les promoteurs de l'idée, surtout pour le Lt Antoine qui, jusqu'à la libération, a été la cheville ouvrière d'un système d'information dont le développement a été remarquable et la crédibilité jamais prise en défaut.<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/barbara1a_constructeur.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">La construction de "Barbara"</p><br /> <br /> L'écoute pour les émissions en langue française était assurée par le Lt Antoine et celle en langue allemande et ultérieurement en langue anglaise par le Slt Defroyennes.<br /> Au début, les nouvelles étaient diffusées dans le camp d'une façon anonyme et parfois accueillies avec scepticisme par certains.<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/barbara2_estafette.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Le passage de "l'estafette" apportant des nouvelles fraîches.</p><br /> <br /> Puis, peu à peu, le matériel s'étant amélioré de même que les conditions et possibilités techniques d'écoute, un service plus organisé de diffusion de nouvelles s'est créé dont s'était chargé le Lt Villée. Il s'agissait d'une diffusion de bouche à oreille sans communication de documents écrits.<br /> Le service régulier de BARBARA s'était implanté profondément dans la vie journalière du camp quand une panne malencontreuse la rendit muette durant le week-end de Pentecôte 1942. Elle permit l'éclosion d'un "canard" d'une dimension telle que pour beaucoup la fin de la guerre était proche.<br /> La réapparition de BARBARA quelques jours plus tard coupa définitivement les ailes à ce malencontreux volatile. Cet incident mériterait d'autres développements de la part de ceux qui en ont vécu les péripéties.<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/barbara_1.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">L'écoute au travers de la cloison</p><br /> <br /> <strong>A Fischbeck</strong><br /> Le 28 février 1942, les Allemands réunirent les Oflags de Rothenburg, d'Eichstätt et de Juliusburg à l'Oflag X D, à Fischbeck. Ce camp comprenait aux environs de 1.600 officiers et 120 sous-officiers et soldats belges auxquels furent ensuite ajoutés 500 officiers et soldats polonais.<br /> Il comprenait 15 baraques s'étendant sur 3 hectares, soit une densité de population de 60.000 habitants au Km²<br /> Ces nouvelles conditions déterminèrent une mutation naturelle et non concertée de Barbara. Le noyau d'écoute primitif Antoine-Defroyennes auquel s'est ajouté le Lt Fourmarier continue à fonctionner mais dans des conditions différentes.<br /> Ecoute permanente<br /> En effet, l'écoute devient permanente, tant de jour que de nuit. Les écoutes de jour sont assurées par le tandem Antoine-Fourmarier pour celles en français, celles de nuit par l'équipe Antoine-Defroyennes pour celles en français, allemand ou anglais.<br /> Une partie des écoutes de jour avait lieu dans la baraque XIII (celle du Lt Antoine et du Slt Defroyennes), mais le plus souvent dans la bibliothèque où un poste récepteur était dissimulé dans une pile de Moniteurs Belges collés et évidés pour contenir l'appareil.<br /> Les écoutes de nuit avaient lieu dans la baraque XIII, tantôt dans la chambre du Lt Antoine, tantôt dans un petit local vide servant de cuisine collective situé en début de baraque. Ces écoutes étaient assurées par le Lt Antoine pour les émissions en français et le Slt Defroyennes pour les émissions en allemand et en anglais.<br /> La sécurité des écoutes de jour était assurée par une équipe de surveillance extérieure, celle de nuit l'étant selon l'écoute en cours par le Slt Defroyennes ou le Lt Antoine. Dans ce dernier cas, le risque était grand puisque l'écoute se faisait quasi contre la porte d'entrée d'où l'on n'avait aucune vue sur les mouvements de nos gardiens. Heureusement, en dépit de quelques chaudes alertes, aucun événement fâcheux ne fut enregistré.<br /> Le service de surveillance de jour était du ressort du Slt Defroyennes qui ne l'assurait toutefois pas personnellement. A part les opérateurs, lui seul connaissant le lieu de l'écoute à protéger constituait le relais entre les surveillants et le poste d'écoute dont il fallait assurer la sécurité.<br /> La surveillance proprement dite était assurée par des groupes de 2 ou 3 officiers ou soldats qui se choisissaient entre eux et selon leurs possibilités ou affinités personnelles dans un noyau constant de plus ou moins 70 volontaires immuables.<br /> Transmission des nouvelles<br /> Les nouvelles reçues étaient transmises à un centre de rédaction fonctionnant à la baraque XII sous la direction du Lt P. Houzeau de Lehaye. Ce groupe assurait la "mise en page" des nouvelles reçues et la copie en 15 exemplaires du communiqué, à raison de deux communiqués par jour avec "édition" spéciale en cas d'événement important.<br /> La sécurité de l'équipe de rédaction, totalement indépendante de celle d'écoute, était assurée par le Lt Villée qui se chargeait également de l'acheminement des communiqués à raison de un par baraque. Il y était remis à un responsable. Dans chaque baraquement, ce dernier assurait la lecture dans chaque chambre et ensuite la destruction.<br /> A l'issue du regroupement des officiers de réserve à l'Oflag X D qui s'est opéré en juin 1943, s'est adjoint à l'équipe d'écoute le Slt Santerre qui, tout comme le matériel qu'il apportait, s'est intégré dans l'organisation en place.<br /> Le matériel d'écoute de BARBARA s'était rapidement multiplié dans la perspective d'assurer la pérennité de BARBARA, même en cas d'accident. C'est ainsi que BARBARA a disposé de jusque plus de 6 postes : un pour l'équipe extérieure de jour, un caché dans la cloison entre la chambre du Lt Antoine et la chambre voisine, le troisième pour l'écoute de nuit.<br /> Les 3 postes restants étaient tenus en réserve : l'un enterré face à la chambre du Lt Antoine, l'autre face à la chambre du Slt Defroyennes, le troisième était dissimulé dans un espace vide entre la baraque XII et la baraque XIII. Ce dernier poste a été découvert au cours d'une fouille particulièrement sévère.<br /> Tous construits dans le camp<br /> A l'exception d'un poste, celui du Slt Santerre, tous les appareils ont été construits dans le camp par le Lt Antoine et certains de ses camarades.<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/barbara3_une_equipe_a_l_ecoute.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Une équipe à l'écoute</p><br /> <br /> <br /> Il est impossible de dire d'où venait ce matériel. Certaines pièces étaient construites sur place et d'autres "importées". Comment ? Par qui ? L'on ne peut le dire car, au sein de Barbara, on évitait les questions afin que, le cas échéant, on n'ait pas à dévoiler les réponses à ceux qui avaient le plus vif désir de les connaître, c'est-à-dire les gardiens.<br /> Dès l'arrivée à l'Oflag X D, s'est posée la question de l'alimentation en courant électrique, en vue d'assurer la permanence et la sécurité des écoutes.<br /> En effet, dans le cas le plus favorable, c'est-à-dire l'hiver, la lumière n'était donnée qu'à partir de 16.30 Hr et supprimée à 21 Hr. De plus, durant les alertes, et elles furent nombreuses, quasi journalières, le courant des baraques était coupé. Toutefois, le courant n'était pas interrompu dans le local du casernement sous "obédience" allemande. Dans ce magasin, outre la canalisation électrique, passaient également les circuits commandant les hauts parleurs installés dans chaque baraque pour annoncer les succès militaires du Grand Reich. Ce magasin était occupé par les Allemands avec toutefois une interruption d'occupation journalière de 12 à 14 Hr.<br /> Profitant de ces circonstances, le Lt Antoine accompagné de quelques volontaires compétents, après que le haut parleur de la baraque XII eut été débranché, a connecté le circuit de ce haut parleur sur le courant électrique du magasin. De cette façon, l'alimentation en courant était assurée quelles que soient les circonstances, c'est-à-dire même au cours des bombardements. Cette solution était toutefois tributaire de l'enlèvement des fusibles de la baraque XIII, faute de quoi l'ensemble du camp restait sous tension et les baraques illuminées par l'intermédiaire du circuit de la baraque XIII en dépit du fait que le courant eut été coupé par les gardiens. Cela s'est produit une fois pour le plus grand ébahissement de ces derniers.<br /> Le 15 mai 1945, le camp a été évacué vers Lübeck. En prévision de cet événement, et dès février, le Lt Antoine, le Slt Defroyennes et 5 de leurs camarades avaient décidé de ne pas se joindre à l'opération. A cette fin, une cachette susceptible d'abriter 5 personnes a été creusée sous la chambre du Slt Defroyennes. Cette cachette a été occupée le 15 mai 1945 par, outre le Lt Antoine et 1e Slt Defroyennes, par le Lt Leclercq, le Slt Gasch et le soldat Bardiaux. L'écoute a continué sans manifestation extérieure jusqu'au 17 avril.<br /> <strong>Reprise de BARBARA</strong><br /> Le 17 avril, le service de BARBARA a repris avec le noyau de récalcitrants. Il se trouvait installé dans les cachots et la publication du bulletin de nouvelles a repris au bénéfice de la centaine de malades intransportables et autres qui étaient restés au camp.<br /> Par la suite, le Lt Antoine a "réquisitionné" le poste de radio du commandant du camp. Branché sur les hauts parleurs du camp et tant en français qu'en allemand et en anglais et à longueur de journée, il a permis la diffusion directe des nouvelles de la B.B.C., tant à l'intention des officiers et soldats belges et français qui s'y étaient réfugiés que des plus ou moins 2.000 personnes déplacées qui occupaient le camp.<br /> Le camp évacué s'est rendu par étapes successives vers Lübeck et le service de Barbara a continué à être assuré par les collaborateurs habituels à l'exception de ceux restés à Fischbeck.<br /> Le 25 avril 1945, les militaires de l'Oflag X D ont été évacués par un détachement blindé anglais.<br /> Ainsi a pris fin l'aventure de BARBARA qui aura vécu près de 5 ans et s'est terminée dans l'euphorie de la victoire.<br /> Sans aucun doute la présente relation comporte des lacunes, des imprécisions et même peut-être des oublis involontaires qu'il faut excuser. En effet, elle n'est que la concrétisation de souvenirs qui ne peuvent faire référence à aucun document écrit qui n'ont jamais existé pour des raisons de sécurité bien compréhensibles.<br /> BARBARA est un magnifique exemple de ce que peut l'esprit d'initiative et de débrouillardise. Au travers de solutions pragmatiques, sans concertation préalable, s'est échafaudé un système articulé sur des cellules de collaboration étanches permettant une efficacité maximum avec un minimum de risques : matériel, écoute, surveillance et protection, rédaction et diffusion.<br /> Enfin et pour terminer, il faut signaler que rien n'aurait pu être réalisé sans les complicités fragmentaires ou ponctuelles des officiers, sous-officiers et soldats du camp, qui n'ont jamais refusé leur concours chaque fois qu'il leur a été demandé.<br /> <br /> Source: <strong>Article de L. Defroyennes in Bulletin du CLHAM (Centre Liégeois d&#8217;Histoire et d&#8217;Archéologie Militaires) <br /> Fascicule 3 Tome V</strong><br /> <a href="http://www.clham.org/050512.htm#00">http://www.clham.org/050512.htm#00</a><br /> Crédit photos:<br /> <a href="http://www.clham.org/050512.htm#00">http://www.clham.org/050512.htm#00</a> Wed, 11 Jan 2012 16:56:01 +0100 La catastrophe du "Rhénus 127" https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-79+la-catastrophe-du-rh-nus-127.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-79+la-catastrophe-du-rh-nus-127.php <strong>Un des plus sombres drames de la capitulation: La catastrophe du "Rhénus 127"</strong><br /> <br /> On évoque souvent les événements marquants, mais il y a aussi des choses qui passent très souvent inaperçues ou qui sont trop facilement oubliées. La catastrophe du "Rhenus 127" prend place parmi ces dernières et, pourtant, ce fut l'un des plus sombres, si pas le plus grand drame de la capitulation. Au bilan, 134 morts, plus de 200 blessés et des disparus dont on ignore toujours les noms.<br /> C'est de l'odyssée de ce chaland qui transportait en Allemagne près de 1.500 soldats belges prisonniers que nous parlons aujourd'hui.<br /> <strong>Une odyssée?</strong><br /> Ne fut-ce pas une odyssée que celle de ces chasseurs à pied?<br /> Des étapes hallucinantes sous le soleil et dans la poussière; des marches forcées sur les routes des Flandres; la faim que n'apaisait nullement le quart de pain bis à peu près quotidien; la soif à peine étanchée par un bol d'eau ou quelques tiges de rhubarbe que des civils tendaient au passage.<br /> 30 mai 1940. La campagne des dix-huit jours venait de se terminer. Des milliers de soldats belges sont conduits en captivité. Il en part par toutes les voies de communications, mais surtout par la Hollande, parce que, en Belgique, les ponts ont sauté et que les chemins de fer sont paralysés. L'Allemand a tout prévu. Il est le maître, et par les Pays-Bas, les prisonniers peuvent être plus facilement acheminés par bateaux vers le Grand Reich, en remontant le cours du Rhin. Sous bonne escorte, les prisonniers belges franchissent la frontière et sont conduits à Walsoorden, d'où commencera l'étape hollandaise du long voyage qui les conduira en Allemagne.<br /> <strong>Ce matin-là&#8230;</strong><br /> Ce matin-là, quatre allèges à charbon et à ciment, où le vainqueur "négrier du vingtième siècle" entasse son "bétail humain", sans ménagement, quittent le petit port de Walsoorden. A bord de chacune, près de quinze cents prisonniers ont pris place. <br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/verbeterde_foto_rhenus_127.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Entassés comme des sardines sur la péniche</p><br /> <br /> Tous sont fatigués par trois semaines de luttes épuisantes et abattus par la défaite. L'atmosphère est lourde et tendue. Des yeux pleins de découragement tentent de découvrir encore au loin un lambeau de terre qu'ils vont quitter pour ne revoir que dans combien de temps ou ne plus revoir du tout. Cette atmosphère est la même à bord des quatre chalands, y compris le "Rhenus 127", un nouveau bateau qui faisait la fierté de ses armateurs avant que les vainqueurs ne s'en emparent.<br /> Le "Rhenus 127" est le deuxième bateau du convoi. Les quatre allèges progressent lentement. Elles traversent le Volkerak et le Hellegat, le "Trou du Diable". Elles s'approchent de Willemstad; petite bourgade au lourd passé historique. Il est près de dix-neuf heures trente. Dans Willemstad, les habitants se préparent à souper. Après, ils comptent passer une soirée calme, en écoutant la BBC leur apporter les dernières nouvelles de la bataille qui continue à faire rage. Mais leurs plans seront changés.<br /> Soudain, une formidable détonation: c'est le "Rhenus 127" qui vient de heurter une mine magnétique.<br /> Ce bruit de tonnerre met les habitants en alerte. Dans toute la ville, les vitres restées entières au travers de la campagne de Hollande et celles qui déjà étaient remplacées, s'émiettent lamentablement. Des plafonds s'effondrent, près du port, des murs déjà branlants s'écroulent.<br /> Le premier moment de stupeur passé, les habitants se précipitent jusqu'au port.<br /> Des sirènes hurlent et leurs plaintes affolantes se mêlent à des cris de détresse, à des appels au secours.<br /> Un spectacle horrifiant accueille les premiers sauveteurs. Le deuxième chaland du convoi est coupé en deux, au milieu, comme une simple tarte. Une fumée âcre s'en élève, tandis qu'il sombre rapidement.<br /> Ceux qui, les premiers, se trouvent dans les rues, peuvent voir des corps humains projetés à hauteur d'une maison au-dessus de l'eau. Près du port, ce fut une vision d'horreur, vision d'enfer. Spectacle terrible, des membres arrachés, des troncs décapités, des centaines de blessés flottent sur l'eau, appelant à l'aide; d'autres essayent avec un courage surhumain de sauver leurs camarades. L'arrière du bateau s'est enfoncé, ayant déjà englouti à peu près la moitié des prisonniers; l'avant émerge encore, les rescapés qui s'y trouvent désespérément accrochés crient au secours; beaucoup d'entre eux se jettent résolument dans les eaux sales et rougies du "Hollandse Diep", Plusieurs ne reviendront plus à la surface.<br /> M. Ernest Hellin, qui se trouve sur ce bateau, voit la rive à un peu plus de deux cents mètres. Il a un pied fracturé, une épaule démise et une blessure au côté. Il plonge et a le bonheur de s'agripper à une longue planche. Il est insensible à la douleur. S'aidant du bras valide et de la planche, il gagne bien lentement le rivage, là où est la vie. Mais avant de l'atteindre et de perdre tout-à-fait connaissance, il a la chance d'être aperçu par une des vedettes rapides allemandes que le commandant de Willemstad a dépêchées sur les lieux avec des pêcheurs hollandais. Cependant il n'est pas facile de retirer ces victimes de l'eau; du bateau, s'échappe une huile noire qui graisse les mains et, lorsqu'on parvient à tirer les victimes au bord des embarcations de sauvetage, elles glissent et il faut les attraper par les vêtements, ce qui ralentit l'opération.<br /> Pendant ce temps, des prisonniers gagnent la rive à la nage. Ils sont recueillis par des habitants qui font tout pour soulager les souffrances de ces malheureux soldats. Les blessés sont soignés sur les quais en attendant que l'administration communale trouve des locaux à peu près appropriés. Des médecins et des infirmières des environs sont accourus pour assister le docteur Schiphorst, de Willemstad, qui s'est distingué tout particulièrement.<br /> C'est le lendemain seulement qu'une colonne allemande vient enlever les blessés. Ils sont deux cents. Et c'est plusieurs jours plus tard, après le renflouement du "Rhenus 127", qu'on peut faire le bilan de cette épouvantable catastrophe. On dénombre 134 morts, mais on ignore toujours le nombre de disparus.<br /> (Une autre source cite les chiffres suivants:166 morts dont 42 wallons et 97 flamands. 27 corps sont restés non identifiés).<br /> Voilà la triste épopée du "Rhenus 127", nous dit en conclusion M. Hellin, et je vous prie de croire que j'aurai toujours présente à la mémoire cette inoubliable soirée, doublée d'une vision d'horreur et d'épouvante.<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/rhenus127_renflouage.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Le renflouage du "Rhénus 127"</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/495grebbeland1955_1.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Le "Grebbeland" ex - "Rhénus 127" en 1955</p><br /> <br /> Source:<strong> article rapporté par M. Demeyer via le CLHAM (Centre Liégeois d'Histoire et d'Archéologie Militaires)<br /> Fascicule 5 tome III du bulletin du CLHAM.</strong><br /> <a href="http://www.clham.org/050296.htm">http://www.clham.org/050296.htm</a><br /> Crédit photos:<br /> <a href="http://www.smeermaas.eu/veteld.htm">http://www.smeermaas.eu/veteld.htm</a><br /> <a href="http://users.skynet.be/frat.royale.cha/willemstad-2.html">http://users.skynet.be/frat.royale.cha/willemstad-2.html</a><br /> <a href="http://www.debinnenvaart.nl/binnenvaarttaal/afbeeldingen/schepen/vrachtschepen_oud/oude-motorschepen/rhenus127.html">http://www.debinnenvaart.nl/binnenvaarttaal/afbeeldingen/schepen/vrachtschepen_oud/oude-motorschepen/rhenus127.html</a> Wed, 11 Jan 2012 16:26:01 +0100 L'organisation Bolle, providence des évadés https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-54+l-organisation-bolle-providence-des-vad-s.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-54+l-organisation-bolle-providence-des-vad-s.php <strong><span style="font-size: 20px;">La clôture d'un camp de prisonniers de guerre</span></strong><br /> <br /> Voici, d'après le lieutenant général Michem, comment étaient clôturés les camps de prisonniers de guerre :<br /> <br /> Une double haie en fil de fer barbelé d'une hauteur de 2 mètres 75, les 2 haies séparés par un espace de 2 mètres, celui-ci rempli de barbelés ( chevaux de frise et réseaux bruns ). Chaque montant de la haie intérieur était surmonté d'un rondin dirigé obliquement vers l'intérieur et vers le haut. Ces rondins étaient aussi réunis par du barbelé.<br /> <br /> Le réseau de barbelés était flanqué de tours observatoires en bois d'environ 8 mètres 50 de hauteur, baptisées du nom de miradors. Ces tours montées sur poteaux comportaient une cabine permettant de voir dans toutes les directions et occupée jour et nuit par une ou deux sentinelles armées de fusils et d'une mitrailleuse. En 1943, ces mitrailleuses furent installées sur une plate-forme à mi-hauteur du mirador. Au camp de Prenzlau, il y avait 7 miradors.<br /> <br /> Chaque mirador était relié par téléphone au corps de garde.<br /> <br /> Le réseau de barbelés était éclairé la nuit par des lampes électriques avec réflecteurs. En outre, un phare mobile placé à chaque extrémité du mirador permettait l'éclairage intensif permanent ou intermittent du réseau ou de l'intérieur du camp.<br /> <br /> Vers l'intérieur du camp et à 8 mètres de la haie intérieur du réseau de barbelé, était tendu un fil de garde constitué par des piquets reliés par un fil de fer barbelé. Les sentinelles avaient ordre de tirer sur quiconque touchait ou franchissait ce fil de garde. Des pancartes avertissaient d'ailleurs de ce danger.<br /> <br /> Vers la fin de 1942, il fut établi autour de tout le camp un réseau détecteur compliqué, relié aux haies de fil de fer barbelé. Ce réseau permettait de détecter instantanément dans une cabine centrale tout bruit ou travail effectué à proximité ou dans le réseau de sécurité, et notamment, le creusement de galeries ou la destruction de barbelés préparatoires aux évasions.<br /> <br /> A certaines époques et parfois la nuit, notamment pendant les alertes avions, des sentinelles supplémentaires étaient placées aux endroits jugés propices aux évasions.<br /> <br /> Des rondes accompagnées de chiens de garde parcouraient par intermittence, surtout la nuit, la lisière extérieur du réseau de sécurité.<br /> <br /> Une équipe de 2 fouilleurs parcourait l'intérieur du camp afin de déceler tout mouvement ou tout travail suspect.<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/image76.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Plan du camp de Prenzlau</p><br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">Organisation d'un service d'aide aux évadés</span></strong><br /> <br /> Dès l'année 1941, à l'Oflag IIA de Prenzlau, le lieutenant-Colonel Paul Bolle du 1e Régiment de défense terrestre contre avions ( DTCA ), se rend compte, suite aux échecs des premières tentatives d'évasion par manque de préparation et de moyens, de la nécessité d'organiser un service d'aide aux évadés. Il décide alors de s'en occuper. Il s'agit d'initiative, sans aide ni conseil de personne. Son but est : " de rechercher, de rassembler et de mettre à la disposition des candidats à l'évasion, un ensemble de renseignements et de possibilités matérielles propres à les aider non seulement à sortir du camp, mais encore à favoriser leur voyage à travers l'Allemagne, et enfin à franchir les frontières de Belgique ou de Suisse ".<br /> C'est en août 1941 que Bolle jette les fondements de son organisation des évasions. Les débuts sont modestes, mais bientôt les bonnes volontés se manifestent et les renseignements affluent. Bolle est exceptionnellement doué pour ce travail. Petit de taille, extrêmement intelligent, parlant couramment l'allemand, n'attirant pourtant pas l'attention, il a su animer son organisation d'un dynamisme remarquable et maintenir strictement la consigne du secret absolu. Bolle crée de toutes pièces un véritable service de renseignement axé sur les évasions et possédant sa mystique propre. Chose curieuse, bien que tout le personnel des 2ème sections de l'armée belge, échelons G.Q.G., corps d'armée et divisions, se trouve à l'Oflag II A, aucun de ces soi-disant spécialistes ne participe à l'organisation Bolle.<br /> <br /> Evidemment, semblable organisation n'a pas été mise sur pied en peu de temps. D'après Bolle lui-même :<br /> "Les renseignements à utiliser, ainsi que certains moyens matériels tels que vêtements, outils, argent, faux papiers, etc&#8230; ont été demandés en Belgique après recherche de correspondants voulant bien se charger de semblable expédition. D'autres moyens provenaient de source allemande et étaient obtenus par ruse, vol voir même par achat de conscience après de longs travaux d'approche. D'autre part, la constitution d'équipes de travail pour la substitution de colis clandestins, la mise sur pied d'un service de guet, etc., la création d'ateliers divers possédant le matériel approprié, la recherche de spécialistes qui par leurs aptitudes étaient particulièrement aptes à réaliser les travaux spéciaux, ont demandé plusieurs mois de patientes recherches. En résumé, ce n'est qu'au début de l'année 1942 que l'organisation embryonnaire du début est à même de rendre plus efficace et souvent de mener à bonne fin avec des moyens continuellement accrus, les tentatives entreprises par les officiers, sous-officiers et soldats du camp de Prenzlau."<br /> <br /> Lorsque les Allemands, le 23 juin 1943, procédèrent au regroupement des officiers de réserve belges à Fischbeck ( Oflag X D ) et des officiers d'active à Prenzlau ( Oflag II A ), l'organisation perdit un certain nombre de collaborateurs, mais ils furent rapidement remplacés.<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">Une organisation complexe</span></strong><br /> <br /> Arrivée à son complet développement, l'organisation comprend les services suivants :<br /> <br /> Bureau d'étude constante et approfondie de tous les moyens d'évasion ( Bolle, Renier et les cadidats évadés eux-mêmes).<br /> Bureau financier, chargé de fournir de l'argent allemand aux évadés ( soldat infirmier Soumoy ).<br /> Atelier d'outillage, pince coupe-fil, marteaux, burins, limes, scies à métaux, pinces diverses, fraiseuses à main, etc.<br /> Section de fabrication de boussoles et de souffleries pour souterrains ( commandant aviateur Fabry, capitaines aviateurs Paulet et Poppe ).<br /> Ateliers de fabrication de clés en tous genres, y compris les clés spéciales pour serrures Yale, afin de pouvoir pénétrer dans tous les locaux interdits du camp ( lieutenant de réserve Boulet, sous-lieutenant Drapier, puis lieutenant Gathy).<br /> Equipe de subtilisation de colis venant de Belgique et renseignés comme renfermant de l'argent allemand, des effets civils, passeports, outils, teinture, etc. ( capitaine André, lieutenants Mentior, Mostert et Jonkheere, puis, après le départ d'André pour Lübeck, lieutenant De Pauw et sous-lieutenant Van Overeem, caporal Davisters).<br /> Equipe d'expédition clandestine vers la Belgique de colis renfermant du courrier relatif aux évasions ( lieutenants Lambeau et De Pauw, caporal Davisters ).<br /> Equipe de subtilisation des effets civils, faux papiers, etc., repris par les Allemands aux évadés ( lieutenant Lambeau ).<br /> Bureau de fabication de faux papiers, cartes d'identité falsifiées, titres de congés d'ouvriers volontaires, ordres de marche, certificats divers, cartes de travail, etc. ( lieutenant de réserve Lambrecht, puis sous-lieutenant Thill ).<br /> Bureau de fabrication de faux cachets ( lieutenant de réserve Piérard, lieutenants Pire et de Meulenaere, soldat Delbrassinne ).<br /> Atelier photographique clandestin fournissant les photos pour les papiers d'identité ( lieutenants Tricot et Dewez).<br /> Service de camouflage des évadés aux appels ( commandant Renier, lieutenants De Pauw et Huchon ).<br /> Service de guet fonctionnant de jour comme de nuit ( commandants Renier et Flébus, capitaine André, lieutenants De Pauw, Renders, Libert et Sprengers ).<br /> Service cartographique possédant des cartes au 100.000° de la région de la frontière belgo-allemande et un jeu complet de cartes au 500.000° de l'Allemagne.<br /> <br /> L'organisation avait créé de toutes pièces une carte au 2.000° de la ville de Prenzlau par un procédé très simple. Chaque jour, des soldats des corvées travaillant à l'extérieur du camp devaient revenir avec deux ou trois renseignements : nom d'une rue, nombre de maisons entre deux rues, emplacement d'un pont largeur de celui-ci, etc. La carte ainsi dressée était rigoureusement exacte et digne d'un document cadastral.<br /> L'organisation parvient à s'introduire dans des bureaux allemands du camp et à s'emparer de précieuses cartes et de parties d'uniformes allemands.<br /> Les outils de toute espèce, les faux papiers, cachets, fausses clés, etc., étaient conservé par Bolle lui-même dans une cachette aménagée sous le plancher de sa chambre. En 1944, vu l'abondance du matériel, une deuxième cachette est aménagée sous le lit du commandant Renier. Seul Bolle connaissait l'ensemble des renseignements recueillis par l'organisation. Il ne confiait à chaque évadé que les renseignements qui lui étaient strictement indispensables et seulement le jour même ou la veille de l'évasion. L'évadé devait d'abord prêter serment sur l'honneur de garder le secret sur l'organisation. cette méthode permit d'éviter les indiscrétions et de sauvegarder l'existence des relais extérieurs au camp. Comme dans tous les camps d'officiers prisonniers de guerre, les tentatives d'évasion par tunnel furent fort nombreuses.<br /> <br /> D'après J-M D'Hoop, en septembre 1943 à l'Oflag XVII A, un tunnel commencé en mai et dont l'aménagement a duré tout l'été, a livré passage en 2 nuits à 130 évadés français.<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">Le rapport Bolle</span></strong><br /> <br /> Voici ce qu'en dit le rapport Bolle :<br /> <br /> " Au cours de trois années, il a été creusé dans le camp 22 tunnels, dont certains ont demandé de 3 ou 4 mois de travail. Le réseau microphonique qui, depuis novembre 1942, entourait le camp, rendait en effet inexécutable le percement des murs par marteau et burin. Dès lors, le travail était conduit de la manière suivante : sur une surface légèrement supérieure à celle requise pour le passage d'un homme, il était percé, tous les 2 centimètres, dans le mortier cimentant les briques, des trous de 10 à 12 centimètres de profondeur, à l'aide d'un vilebrequin fabriqué avec des cornières de lits métalliques. Ces trous étaient ensuite bouchés avec une matière plastique et chaulés à la pâte dentifrice pour les rendre invisibles. Cette première opération terminée, au cours d'une nuit, la première rangée de briques sur toute la surface requise, était dégagée au couteau-scie, en passant d'un trou au trou suivant. Elle était alors remplacée par un panneau préparé, pesant une cinquantaine de kilos, épousant parfaitement le contour des briques enlevées et imitant à s'y méprendre l'aspect extérieur de la muraille. Ce panneau portait en son centre une porte mobile aux joints rendus invisibles, montée sur charnières et qui permettait le passage pour le travail de sape. Le camouflage, exécuté par le commandant de réserve J. Simon, était si bien exécuté qu'il était impossible de déceler l'emplacement du panneau autrement que par sondage "<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">Pour déjouer la vigilance des Allemands</span></strong><br /> <br /> Cependant, malgré toutes les précautions prises, tous les tunnels, sauf un, furent découverts par les équipes de spécialistes allemands qui parcouraient le camp de jour et de nuit à la recherche des tentatives d'évasion. En revanche, la réussite d'un tunnel a l'avantage de permettre le passage d'un grand nombre d'évadés. C'est ainsi que la nuit du 14 au 15 avril 1942, 13 officiers s'échappent du camp et 2 d'entre eux ( Desmidt et Bossuyt ) parviennent en Angleterre ; les 11 autres sont repris.<br /> Un autre désavantage des tunnels est que, vu le grand nombre des évadés, il n'est pas possible de camoufler leur départ. Les Allemands sont donc alertés dès le premier appel et déclenchent alors le '' Grossfahndung ''. Du coup, une armée de fonctionnaires contrôle minutieusement les pièces d'identité des voyageurs. Les employés de la Reichsbahn, la garde rurale des villes et des villages, la police, la Gestapo, la Hitlerjungend et les troupes cantonnées dans le '' Kreiss '' sont alertées. Des barrages routiers sont établis et la région est parcourue par des détachements transportés en camion ou à vélo, accompagnés de chiens policiers. Cette action durait 6 jours puis les Allemands, s'ils n'avaient pas retrouvé les fugitifs, considéraient leur évasion comme réussie et tout rentrait dans le calme. L'organisation Bolle observe soigneusement les réactions des Allemands et décide en conséquence de camoufler les évadés à l'extérieur du camp pendant une semaine au moins. Elle parvient à entrer en rapport avec un Kommando de 6 soldats belges travaillant à la gare de Prenzlau ( G. Clerfeyt, E. Chapelle, L. Demaret, A. Vermeere, E. De Cauwers et J. Havart ).<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">Clerfeyt , l'homme de confiance</span></strong><br /> <br /> Clerfeyt est l'homme de confiance et le chef du Kommando. Il accueille les évadés qui se présentent au moyen d'un mot de passe et d'un numéro d'ordre donné par Bolle. Les évadés sont cachés, nourris durant 8 jours. On complète leur tenue civile si la chose s'avère nécessaire et, lorsque l'occasion s'en présente, on les introduit de nuit dans des wagons plombés à destination de la Belgique. Le relais d'évasion de Clerfeyt fonctionne d'ailleurs également au profit des Kommandos de la région et 39 sous-officiers et soldats français et belges en profitèrent.<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">Un second relais</span></strong><br /> <br /> Bolle arrive à monter un deuxième relais dans un Kommando français de Berlin et un troisième était quasi au point à Kassel, lorsque les bombardements des villes allemandes par l'aviation alliée dispersèrent les Kommandos et anéantissent les relais.<br /> Le lieutenant-colonel Bolle connaissait et était le seul au camp à le connaître, un itinéraire permettant de gagner clandestinement la Suisse. La veille de l'évasion, Bolle confiait au candidat évadé un texte décrivant minutieusement l'itinéraire à suivre de nuit et une carte à grande échelle. Le candidat évadé devait étudier par c&#339;ur le texte et la carte et les remettre au colonel avant son départ. Il passait alors un examen oral devant le chef de l'organisation et de sa connaissance parfaite du texte et de la carte dépendait l'autorisation d'évasion. grâce à ces précautions, l'évadé n'emportait aucune note avec lui, tous ceux qui suivirent les indications données arrivèrent en Suisse sans encombres et l'itinéraire ne fut jamais repéré par la police allemande.<br /> Le même procédé était employé envers les évadés désirant gagner la Belgique. Ils devaient tout d'abord gagner une ferme à Ober-Emmels ( village à environ 3 kilomètres au N.N.O. de Saint-Vith ) où ils recevaient vivres et logement. Une jeune fille de 22 ans, Mlle. Lucie Moutschen, venait alors les prendre en charge et les conduire de nuit, à travers bois, jusqu'un Belgique. La filière fonctionna 3 ans sans accroc, jusqu'à l'arrivée des Américains à Ober-Emmels.<br /> Les officiers et soldats de l'Oflag II A inscrits chez Bolle comme candidats évadés étaient 124 au total. Evidemment, il y avait chez eux des candidats perpétuels, qui n'étaient jamais prêts lorsqu'une occasion se présentait. Mais Bolle connaissait bien son monde et c'est lui qui fixait l'ordre des évasions.<br /> Il parvint à faire sortir du camp 70 officiers, sous-officiers et soldats ; 13 officiers réussirent à gagner l'Angleterre et 7 la Belgique ou la France. La différence est frappante entre ce résultat et celui de l'autre Oflag d'officiers belges, soit le X D, où 4 évasions seulement réussirent.<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">Le lieutenant-colonel Bolle travaillait en franc-tireur</span></strong><br /> <br /> Le lieutenant-colonel Bolle travaillait en franc-tireur, sans aide extérieur de Londres ou de la Résistance belge, sans mandat, et sans appui officiel des autorités belges du camp.<br /> Ces derniers soupçonnaient bien quelque chose, mais n'ont jamais cherché à en savoir d'avantage. L'autorité de Bolle était incontestée parmi les candidats à l'évasion. Suite au secret dont il s'entourait, on ne savait d'ailleurs pas s'il ne possédait pas une mission secrète et Bolle se gardait de démentir.<br /> <br /> Dès le mois d'avril 1942, les Allemands avaient la certitude de l'aide fournie aux évadés par une organisation secrète, mais ils ne parvinrent jamais à en savoir d'avantage. Grâce aux précautions prises, à la discipline imposée aux évadés et acceptée par eux, à la consigne du secret, Bolle dont le nom n'était jamais prononcé, ne fut jamais découvert ni même soupçonné.<br /> <br /> On pourrait croire qu'ayant fait preuve de telles qualités d'organisateur et de chef de service de renseignement, le lieutenant-colonel Bolle aurait été chargé après 1945 de prendre la direction du service de renseignement. Hélas ! Non, on reprit des spécialistes d'avant 1940 et Bolle devint directeur de l'école de gouvernement militaire, puis en 1946, commandant supérieur des corps forestiers et enfin commandant militaire des territoires transférés à la Belgique.<br /> Il fut pensionné comme colonel.<br /> <br /> L'organisation montée par le lieutenant-colonel Bolle est absolument remarquable. Elle montre ce qu'il est possible de réaliser avec de pauvres moyens, mais avec de la discipline et beaucoup d'enthousiasme et de courage<br /> <br /> <br /> <strong> Source : "Evasions réussies" par Georges Hautecler, Editions Soledi, 1966.</strong> Sat, 28 May 2011 13:55:07 +0200 De Colditz à Patriotic School London https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-55+de-colditz-patriotic-school-london.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-55+de-colditz-patriotic-school-london.php <strong><span style="font-size: 20px;">Evasions le 25 avril 1942 de Louis REMY et le 18 octobre 1941 de Victor VAN LAETHEM</span></strong><br /> <br /> <br /> Pourquoi avoir choisi de raconter l'évasion de Louis Remy et Victor Van Laethem ? La raison en est bien simple : <br /> <br /> C'est l'évasion qui est la mieux connue dans ses détails, grâce aux rapports très précis donnés par ces officiers.<br /> <br /> <br /> <span style="font-size: 20px;">L'évasion de Louis Remy</span><br /> <br /> La nuit du 25 au 26 avril 1942 a lieu l'évasion de REMY Louis, né à Bruxelles le 14 juillet 1916, sous lieutenant aviateur d'active à l'école de pilotage.<br /> En mai 1940, l'école belge de pilotage a été évacuée sur le Maroc à Oudja. Après l'armistice franco-allemand, on discute ferme parmi les élèves pilotes : les uns veulent gagner l'Angleterre, les autres obéir aux ordres des chefs qui ordonnent de rentrer en Belgique. Remy choisit la voie de l'obéissance et, comme bien entendu, l'école entière est faite prisonnière au passage de la ligne de démarcation à Châlons-sur-Saône, le 17 septembre 1940. Remy la trouve mauvaise et décide de s'évader à la première occasion.<br /> <br /> Dirigé sur l'Oflag VIII C à Juliusburg, il tente de s'évader avec des officiers hollandais de l'armée des Indes, mais seuls deux Hollandais réussissent. En juin 1941, Remy creuse un tunnel avec les lieutenants Vivario et Poswick. Le travail est presque terminé lorsque le tunnel est découvert par les Allemands. Remy est transféré à la forteresse de Colditz, camp spécial pour candidats à l'évasion (Oflag IV C). <br /> <br /> En août 1941, Remy tente une évasion par les toits en compagnie du lieutenant anglais Neeves et du lieutenant polonais Just. C'est un échec. <br /> <br /> En octobre, il participe aux travaux d'un tunnel partant de l'infirmerie, mais ce beau travail est découvert par les Allemands. C'est alors que le médecin militaire français Leguet conseille à Remy de se déclarer malade. Il lui décrit tous les symptômes d'une maladie peu répandue, mais aisément reconnaissable. Comme prévu, le médecin allemand dirige Remy sur l'hôpital d'Oschnawitz, accompagné de 6 officiers polonais et d'un officier anglais (squadron-leader Paddon). Arrivés le 16 avril 1942 à l'hôpital, dès le 18 nos gaillards commencent aussitôt le creusement d'un tunnel. Il a déjà 4 mètres de profondeur et 5 mètres de longueur lorsque nos mineurs tombent sur d'anciennes fondations du type indestructibles et force est d'abandonner le beau travail. Un autre tunnel n'a pas plus de succès. Il est alors décidé de tenter de nuit le franchissement du quadruple barrage de barbelés. Remy, Paddon et Just sont désignés comme ayant le plus de tentatives à leur actif.<br /> <br /> La nuit du 25 au 26 avril 1942, les trois hommes rampent vers la clôture à un endroit qui doit être dans un angle mort pour l'Allemand du mirador. A l'aide d'une pince volée à l'infirmerie, une brèche est ouverte dans la première haie, les chevaux de frise sont écartés et ils s'attaquent à la deuxième haie. Il y a alors 50 mètres de terrain désert, la troisième haie, des chevaux de frise, puis la quatrième haie. En deux heures de travail tous les obstacles sont franchis. Les trois décident de se rendre à pied à Dresden et d'y prendre le train pour Leipzig où ils se sépareront définitivement : Remy en effet se dirige vers la Belgique, les deux autres vers la Suisse.<br /> <br /> Remy porte un uniforme semi-militaire: bottes noires et culotte d'aviateur, veste en cuir noir des cyclistes belges, casquette d'aviateur belge munie d'un insigne à croix gammée. La casquette d'aviateur belge est en effet du modèle allemand et il y a en ce moment en Allemagne tant de gens en uniforme de toutes sortes qu'il espère passer inaperçu. Tous trois disposent de faux papiers établis à Colditz. Remy possède un "Arbeitsvertrag" d'une firme de construction de moteurs de Leipzig et un "Ausweiss" l'autorisant à se rendre à Lammersdorf à proximité de Monschau pour y monter des moteurs synchrones.<br /> <br /> Le 27 avril, nos évadés prennent le train pour Leipzig. Un peu avant d'y arriver ils sont appréhendés par la " Bahnpolizei ", qui trouve leurs papiers suspects. Remy parvient à ouvrir la portière et à sauter du train en marche. Il se dirige à pied vers Leipzig et y prend un train pour Köln ( Cologne ). A la salle d'attente, il fait la connaissance d'un travailleur volontaire belge venant de Berlin et tentant de rentrer en Belgique en fraude. Ils décident de faire route ensemble. A 4 heures 30, ils prennent le train pour Aachen ( Aix la Chapelle ), mais descendent à Stolberg. Ils partent à pied vers Rötgen. Un policier les arrête à Rötgen et les conduit au poste de police. Le travailleur volontaire est appréhendé mais Remy, dont les papiers semblent en règle, est relâché. Il ne se le fait pas dire deux fois et quitte aussitôt le village, abandonne la grand-route et s'enfonce dans les bois. Il est alors interpellé par un garde forestier. Il s'enfuit, poursuivi par le garde qui tire deux fois dans sa direction sans l'atteindre. Remy parvient à s'échapper. Fourbu, il se cache sous des arbres abattus et s'endort. A deux heures du matin, il se réveille tant il fait froid. Gelé et affamé, il s'enfonce dans les bois. Il n'a ni carte ni boussole, le ciel est couvert d'où impossible de s'orienter. Il traverse plusieurs fois des lignes d'obstacles antichars en béton. Il marche ainsi tout un jour et toute une nuit, se désaltérant aux ruisseaux et sources rencontrés.<br /> Le 30 avril à 8 heures du matin, il arrive à une route où se trouve un poteau indicateur. Enfin! il va savoir où il se trouve... Hélas! il lit sur le poteau " Eupen: 8 kms ". Il connaît alors une période de dépression bien compréhensible : tous ses membres lui font mal, la tête lui tourne de faim et de fatigue.<br /> Il suit la route jusqu'à la cantine du barrage de la Vesdre. Il y entre. La cantinière, émue de le voir si mal en point, lui donne une grosse assiette de soupe. Cela va mieux. Mais voici qu'entre un officier français en tenue. Est-ce une hallucination? Mais non, cet officier est bien réel, c'est un ingénieur prisonnier qui travaille au barrage. Accessoirement, il dirige une chaîne d'évasion. Mais cela Remy ne le sait pas encore. Intuitivement, il sent que cet officier l'aidera. Il se confie à lui. Le Français lui dit de rester à la cantine, qu'il va s'occuper de lui. Effectivement, dans le courant de l'après-midi arrivent deux jeunes gens en vélo qui conduisent notre évadé à Welkenraedt. Il y est accueilli à bras ouverts par un modeste ménage d'ouvriers. Le mari est chauffeur de locomotive. Le lendemain soir, Remy entre en Belgique dissimulé sur une locomotive. Le 2 mai, il arrive à Bruxelles où il reste caché 15 jours, préparant la deuxième partie de son voyage.<br /> <br /> Le 16 mai, il part pour la France, muni d'adresses de passeurs et de son revolver d'officier. En gare de Dôle, il est contrôlé deux fois par la police allemande, mais ses papiers semblent en règle. Il se joint à un groupe d'une quinzaine de jeunes gens s'apprêtant à franchir la ligne de démarcation. Le passage a lieu la nuit du 20 mai 1942 avec succès. En France non-occupée, il est reçu par les capitaines aviateurs Nottet et Jambe à Lyon. Ces officiers dirigent une chaîne d'évasion de Lyon à Carcassonne. Le voyage jusqu'à Carcassonne se fait le mieux du monde et dans cette dernière ville, une autre organisation prend le relais. Hélas! cette organisation est composée de hâbleurs et de farceurs. Les candidats évadés traînent 12 jours à Carcassonne, puis décident de tenter leur chance par leurs propres moyens. Remy se joint au capitaine Wibin, au lieutenant Leonard et à sept Français. Des guides pyrénéens promettent de les faire passer en Espagne durant la nuit du 9 au 10 juin 1942.<br /> <br /> Arrivés dans les Pyrénées, ils exigent de l'argent pour continuer, puis, quand on leur a donné tout ce qu'ils demandent, disparaissent dans la nuit. Tout le groupe est abandonné en pleine nature, sans carte ni boussole. Remy propose de partir seul à la recherche d'un guide, s'engageant à revenir chercher ses compagnons. Il a de la chance: après une absence de trois heures, il revient avec un jeune berger espagnol qui consent à leur servir de guide jusqu'à la route de Figueras, première ville espagnole. Pour plus de sûreté, Remy divise ses compagnons en trois groupes qui se suivront à 500 mètres de distance. Les trois officiers belges forment le 1er groupe. A 20 kms de Figueras, ce premier groupe est appréhendé par deux gardes civils espagnols, les autres groupes s'échappent. En cours de route, Remy profite d'un moment d'inattention des Espagnols pour dégringoler une pente abrupte et se sauver. Les deux Espagnols encombrés des deux prisonniers qui leur restent, sont dans l'incapacité de poursuivre. Remy se réfugie dans un vignoble où, fatigué de cette nuit agitée, il s'endort. Le froid le réveille vers trois heures du matin. Il se met en marche pour se réchauffer et arrive le 11 juin 1942 à 7 heures à Figueras. Il ne parle pas l'espagnol, il n'a pas de papiers valables : le risque d'être arrêté est fort grand. Enfin il trouve une femme comprenant un peu le français. Elle conduit Remy chez le consul de France, mais ce dernier, partisan de Pétain, refuse toute aide.<br /> <br /> En désespoir de cause Remy décide de franchir à pied les 140 kms le séparant encore de Barcelone. Il suivra non la route mais le chemin de fer où se présentera peut-être une occasion favorable. Il couche le long du talus de chemin de fer. Le lendemain à 5 heures, il parvient à grimper sur un train de marchandise et arrive confortablement à Gérone. Il continue à pied. Deux gares plus loin, arrive un nouveau train de marchandises. Remy tente de s'y installer, mais il a cette fois moins de chance, il glisse et est projeté sur le ballast, sans trop grand mal toutefois. Nouvelle nuit en plein air et arrivée à Empalmas. Dans cette gare, il parvient enfin à s'introduire dans un train pour Barcelone. Il y arrive le 13 juin. Il se rend immédiatement au consulat de Belgique où il est fort bien reçu et retrouve un autre évadé d'Allemagne, le lieutenant Van Laethem.<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">L'évasion de Victor Van Laethem</span></strong><br /> <br /> En effet, le 18 octobre 1941, le baron Constant de Montpellier de Vedrin, né à Vedrin le 27 mai 1915, sous-lieutenant de réserve au groupe cycliste de la 16ème division d'infanterie et Victor Van Laethem, né à Ninove le 8 avril 1910, lieutenant d'active au 9ème régiment de ligne, s'évadent de l'Oflag II A en coupant les barbelés entre deux miradors. A l'aube, ils prennent le train en gare de Prenzlau jusqu'à Tütligen. Ils se dirigent alors à pied vers Schaffhouse. Lors d'une tentative précédente, en août 1941, Van Laethem avait été repris au poste frontière de la route de Singen à Schaffhouse, aussi connaît-il bien les lieux. Cette fois, ils franchissent la frontière avec succès le 20 octobre 1941. Arrêtés par la police suisse, ils sont placés en résidence forcée à Tavel, puis à Romont dans le canton de Neufchâtel. Le 7 mai 1942, Van Laethem quitte Romont et se dissimule dans un hôtel de l'armée du Salut à Genève. Le 23 mai, il pénètre en France non occupée par une chaîne d'évasion anglaise qui le mène jusqu'à Barcelone. Il y trouve le sous lieutenant Remy. Quant à de Montpellier, il quitte la Suisse dès le 6 mai 1942, mais se fait interner en Espagne du 27 mai 1942 au 14 août 1942 et n'arrive en Angleterre qu'en septembre 1942.<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">En route pour Gibraltar</span></strong><br /> <br /> Le 7 juillet, nos deux évadés (Remy et Van Laethem) quittent Barcelone bien munis d'argent, mais sans papiers d'identité. Le voyage Barcelone-Madrid (15 heures) et Madrid-Algésiras (17 heures) se passe exceptionnellement bien par suite de circonstances tout à fait spéciales. Le compartiment de nos deux évadés est envahi par des permissionnaires espagnols de la Légion Azul arrivant du front russe. Nos deux lascars, ignorant l'espagnol, engagent la conversation en allemand et tous deviennent rapidement bons amis. Du coup la police espagnole n'ose demander leurs papiers à des amis de héros nationaux. Van Laethem et Remy arrivent sans encombre à La Linéa le 9 juillet. Il s'agit cependant de ne pas s'éterniser dans cette localité, car elle est fortement surveillée. <br /> En face on distingue le but tout proche: la forteresse britannique de Gibraltar. On voit nettement les navires anglais et flotter l'Union Jack. La baie est large de 4 kms. Le long du rivage une haie de barbelés. Nos deux officiers sont bons nageurs, Remy surtout, membre vedette du Schaarbeek Swimming Club. Ils décident de tenter la traversée le soir même. L'obscurité venue, ils se déshabillent complètement, ne gardant que leur slip. Remy pourtant ne veut pas se séparer d'une magnifique pipe en écume qu'il a emportée de Bruxelles et il la fixe par un jeu de ficelles sur le haut de sa tête. Ils pénètrent dans l'eau par une brèche qu'ils avaient repérée dans les barbelés et entament la traversée. Mais ils avaient compté sans les courants marins et ils ont l'impression de ne pas avancer. Au bout de quelques heures, arrivés à 500 mètres d'un bateau anglais, Van Laethem n'en peut plus, ses jambes sont raidies par des crampes dues au froid. Remy essaie de l'aider, mais sans succès. Il demande alors à son compagnon de faire la planche et d'attendre. Lui-même va chercher de l'aide. Remy nage aussitôt aussi vite que possible en hurlant vers le bateau anglais et il est enfin entendu, aperçu et hissé à bord. Il signale la position critique de son camarade et une vedette anglaise va le chercher.<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">Des Britanniques bien méfiants</span></strong><br /> <br /> A Gibraltar cependant l'accueil n'est pas très chaud. Les Anglais se méfient et l'officier de renseignement est particulièrement intrigué par la pipe en écume de Remy. On la sonde, radiographie, fait passer dans différents bains, mais il faut bien admettre finalement qu'elle n'est qu'une honnête pipe en écume, fort jolie ma foi. Expédiés à Londres, où ils arrivent le 1ier août 1942, nos deux hommes sont à nouveau mis au secret. L'officier de renseignement de service leur démontre que leur histoire est totalement invraisemblable : on ne s 'évade pas de Colditz, et on ne traverse pas l'Espagne en touristes sans papiers sans se faire arrêter. Quant à la traversée à la nage de la baie de Gibraltar, une vedette doit les avoir mis à la mer à proximité de la forteresse. Pourtant, dit Remy, un officier anglais s'est évadé de Colditz avec moi. Hélas ! il ne se souvient plus de son nom. Heureusement, cet officier, arrivé lui aussi en Angleterre, apprend la chose et le squadron leader Paddon vient en personne délivrer son compagnon de Colditz.<br /> <br /> <br /> <strong><span style="font-size: 20px;">L'Angleterre: la fin d'un long périple</span></strong><br /> <br /> Remy est enfin libéré et rejoint la section belge de la R.A.F. Il y retrouve ses compagnons de l'école de pilotage d'Oudja, qui, eux, sont en Angleterre depuis septembre 1940.<br /> "Tu en as mis du temps pour arriver", disent ils ironiquement.<br /> "Vous en avez de bien bonnes, rétorque Remy, si vous croyez que c'est facile de s'évader de Colditz.. "<br /> <br /> Ah il ne fallait pas, il fallait pas qu'il aille... Ah il ne fallait pas, il ne fallait pas y aller chantent alors en choeur les petits copains.<br /> <br /> Heureusement la guerre n'était pas finie et la camaraderie de combat des aviateurs a tôt fait d'effacer ce léger nuage. <br /> Placé au Bomber Command, 3ème Squadron, avec le capitaine Van Rolleghem, Remy a encore le temps avant le 8 mai 1945, d'effectuer 31 sorties opérationnelles et de totaliser 200 heures de vol au-dessus des territoires ennemis.<br /> <br /> Quant à Van Laethem, il rejoint la 1ère brigade d'infanterie belge en Angleterre et participe avec cette unité aux campagnes de 1944 et 1945.<br /> <br /> <br /> <strong> Source : Evasions réussies par Georges Hautecler, Editions Soledi - Liège 1966.</strong> Sat, 28 May 2011 13:55:01 +0200