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Rss Tragédies dans le secteur 2 de la zone V de l’A.S. (Armée secrète)

Le PC de l'état-major du secteur 2 s'installe à Pepinster près de Verviers le 2 juin 1944. Il doit déménager suite à la découverte par les Allemands, le 6 juillet, de l'important dépôt d'armes et d'explosifs qui avait été constitué non loin de la ferme du Haras à 1 km de Pepinster. Plusieurs personnes sont arrêtées parmi lesquelles le fermier Hubert Brixhe, sa femme et ses deux enfants. Charles de Kerchove de Denterghem de Pinto, qui a participé au transport d'armes à la demande du fermier, est arrêté le lendemain à son domicile au château Maison-Bois à Pepinster. Détenu à Verviers, puis à Liège et au camp de Bourg-Léopold, il retrouve, ainsi que les membres de la famille Brixhe, la liberté en septembre 1944.

Le 2 septembre 1944, l'état-major d'un des groupes du secteur s'établit malgré tout au château de Sohan à Pepinster, propriété de Mme Charles Lejeune de Schiervel, née Camille Haward de la Blotterie, d'origine française. Sexagénaire — elle est née en 1883 — veuve depuis 1942, mère de huit enfants dont Jeanne d'Ursel des Amis de Charles, elle a mis sa propriété à la disposition de la Légion belge dans le courant de 1941.

Le 4 septembre 1944, suivant l'ordre de mobilisation générale, les hommes de deux groupes s'installent dans les bois de Sohan, entre autres à la ferme du Haras, et une section occupe les dépendances du château. Le 5 septembre, Sohan est pris d'assaut par une colonne allemande. La plupart des résistants qui s'y trouvent parviennent à fuir, mais à l'issue des combats, qui ont fait plusieurs victimes et provoqué l'incendie du château, les Allemands s'en prennent à ceux qui sont restés sur place. L'aumônier, qui a refusé de quitter les lieux, est emmené, torturé et abattu un peu plus tard. Un couple de réfugiés dont la maison avait été détruite par un bombardement et leur petite fille de six ans sont exécutés, ainsi que le garde et le jardinier du château.

Mme Lejeune de Schiervel qui a la charge de sa petite-fille Gaêtane d'Ursel (dont les parents, membres des Amis de Charles sont déportés) explique aux SS que la petite lui a été confiée par la Croix-Rouge allemande et que s'il lui arrivait malheur ils en seraient tenus pour responsables. Miraculeusement, ils lui laissent la vie sauve, ainsi qu'à sa servante et à la petite Gaêtane. Le drame de Sohan, où étaient abrités les armes et les vivres de deux groupes, provoque un désarroi dans le commandement de ceux-ci.
Les hommes de la section 123 de Theux qui ont pris le maquis dans des bois au lieu-dit Sassor quelques jours auparavant et qui attendent leur équipement reçoivent l'ordre de réintégrer leurs foyers. Quatre hommes qui appartiennent à la même escouade sont surpris par des SS le long de la route le 6 septembre. Trois d'entre eux sont assassinés sur place, mais Baudouin de Biolley, qui a 21 ans et a rejoint la section 123 quelques semaines plus tôt, est capturé. Les SS poussent la cruauté jusqu'à l'emmener vers l'est. Quelques heures plus tard, arrivée à la frontière allemande aux portes d'Aix-la-Chapelle, la troupe s'arrête dans un parc à La Calamine et se débarrasse de son prisonnier. Après avoir obligé Baudouin de Biolley à creuser sa tombe, les SS le mettent lentement à mort dans des conditions atroces. Battu, torturé, mordu par des chiens, son calvaire s'achève par deux balles dans la nuque.





Le groupement 11 prend ses quartiers au château de Forêt-Trooz. chez le baron et la baronne Paul del Marmol qui ont sept enfants âgés de 14 à 5 ans. La baronne del Marmol, née Adeline de Fabribeckers de Cortils de Grâce, est agent de renseignements des réseaux Clarence puis Tégal depuis 1941. Elle est recrutée à l'AS par l'abbé Ernest Davin qui est responsable des transmissions de la zone V et par le commandant Edmond Vandercappelen qui est le commandant du groupement 11 (et à partir du 31 août 1944 du secteur 2). Cinq cents hommes du "groupement 11" obéissent aux ordres reçus et se regroupent au château de Forêt et dans cinq fermes avoisinantes. dont une est attenante au château. L'armement disponible comprend 14 mitraillettes, 8 fusils et quelques pistolets et grenades ! Deux soldats allemands arrivés en camion se présentent à la porte cochère de la ferme du château le dimanche 3 septembre. La sentinelle AS ouvre le feu et tue l'un des deux hommes ; l'autre est grièvement blessé. Adeline del Mar-mol, qui est infirmière, se précipite pour prodiguer des soins au soldat allemand. Un des maquisards fait un faux mouvement avec son fusil qui reste accroché à son guêtron. Le coup part. Une balle traverse l'omoplate d'Adeline del Marmol et la blesse à la bouche. Elle est recousue sur place par un médecin local qui a accepté, malgré le danger, de venir au château. Ce même médecin tente aussi de soulager les souffrances de l'Allemand, à la terreur et colère de celui-ci. Il décédera dans la nuit. Cette journée, ainsi que celle du 4 septembre, est ponctuée d'escarmouches durant lesquelles une poignée d'Allemands et de collaborateurs sont faits prisonniers et enfermés dans un pavillon de chasse situé dans le parc du château.
Le 5 septembre, pressentant le danger qui les guette, Paul del Marmol conduit les trois cadettes dans une ferme située à 2 km. Il convient avec sa femme qu'il reviendra chercher les quatre aînés, deux garçons âgés de 14 et 12 ans et deux filles de 13 et 10 ans, dans le courant de l'après-midi. Mais à 17 heures, les Allemands, qui ont décidé de nettoyer la région, attaquent une des fermes, la ferme Dumonceau, où une centaine de maquisards sont réunis.
Le bruit des combats parvient jusqu'au château. Les maquisards s'enfuient et Adeline del Marmol, chancelante, soutenue par ses enfants, parvient à rejoindre à pied la ferme où elle retrouve son mari. L'offensive à la ferme Dumonceau cause la mort de six résistants mais les Allemands se retirent de l'engagement après une petite heure de combat.
À l'issue de celui-ci, le commandant du groupement 11 donne l'ordre aux hommes non-armés d'évacuer le refuge de Forêt, désormais dangereusement repéré. Les hommes s'égaillent dans les bois et bon nombre rentrent chez eux. Quelques-uns se retrouvent dans la soirée à la ferme où les del Marmol sont réfugiés. Le sous-lieutenant Goossens y prend, en l'absence du commandant du groupement 11 qui est parti, le commandement du détachement et décide qu'il est de leur devoir de retourner au château où un parachutage d'armes est attendu. La baronne del Marmol décide de les suivre en tant qu'infirmière et responsable du poste de la Croix-Rouge qu'elle y a créé à la demande de l'AS et parce que de surcroît elle a appris qu'un maquisard blessé le 5 septembre y a été transporté (en fait l'homme est mort pendant la nuit). Quant à son époux, ancien combattant de la guerre de 14, il estime que sa place est auprès de sa femme. C'est ainsi qu'au petit matin du 6 septembre, une centaine d'hommes obéissant à on ne sait quels ordres ou poussés par quel destin regagnent le château. Le 6 septembre vers 7 heures 30 du matin, pendant que la messe est célébrée dans la chapelle du château, une colonne forte de quelque trois cents soldats de la Wehrmacht engage le combat contre une centaine de maquisards mal équipés. Des hommes non-armés parviennent à s'enfuir, d'autres se terrent dans la ferme, la grange, les écuries. Pendant que les combats font rage, Paul del Marmol et son épouse décident de se dissimuler dans le château, dans une cachette qui a servi pendant toute l'Occupation lorsqu'une perquisition obligeait le ou les réfractaires ou Juifs qui étaient hébergés à se soustraire aux recherches. La cachette du vieux château mosan se situe entre le plancher d'une chambre à coucher et le plafond du rez-de-chaussée. Une trappe permet d'y accéder. Paul del Marmol et son épouse proposent à trois maquisards qui se trouvent par hasard dans leurs parages de les y accompagner. Ils descendent dans la cachette, s'y serrent un peu et retiennent leur souffle. Une éternité de crépitements de balles plus tard, les hommes de l'AS hissent le drapeau blanc. De leur cachette, les cinq entendent le silence qui s'installe, puis des bruits de voix, des interrogatoires, les Allemands qui fouillent le château.
Des dizaines de prisonniers sont amenés dans la cour où les gradés sont séparés des simples soldats. Ces derniers, environ soixante-cinq hommes, sont emmenés dans trois camions vers Liège. Puis ce sont des bruits d'exécution et des hurlements qui résonnent jusque dans la cachette. Les maquisards prisonniers restés sur place sont tous exécutés, des meurtres parfois précédés de tortures comme c'est le cas pour l'aumônier du groupe. Toujours terrés dans leur cachette, les cinq rescapés entendent ensuite jouer du piano. Ils restent ainsi pendant de longues heures, sans oser bouger, jusqu'à ce que dans l'après-midi, une odeur de fumée ne leur laisse plus le choix. Ils comprennent que les Allemands ont incendié le château. Entre mourir fusillés et mourir brûlés vifs, ils choisissent la première solution. L'un après l'autre, ils se glissent dehors en direction du parc boisé. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes qu'ils se rendent compte que les soldats de la Wehrmacht sont partis, laissant derrière eux trente-six cadavres et un château ravagé par les flammes. Le commandant du secteur écrira à propos de la baronne del Marmol qu'elle « a fait don total de sa personne et de ses biens à l'AS».
Mais la tragédie de Forêt ne s'arrête pas là. Les quelque soixante-cinq prisonniers ont été enfermés dans la citadelle de Liège. Dans la nuit, vingt-deux d'entre eux sont extraits de leurs cellules par la Sipo-SD. Ils sont amenés au pont de l'île Monsin où ils sont exécutés l'un après l'autre d'une balle dans la tête et leur corps jeté dans la Meuse. Le camion qui reprend la direction Liège pour y chercher un deuxième contingent de prisonniers tombe en panne dans la cour de la
citadelle! Les Américains arrivent le lendemain.



Texte extrait du livre ‘’Pour le Roi et la Patrie’’ de Marie-Pierre d’Udekem d’Acoz (page 406 à 411)
Source iconographique : Idem
 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 31/07/20


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