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Rss Léon Beckers, un Belge derrière les lignes allemandes

Léon Beckers, un Belge derrière les lignes allemandes



Introduction.

Copie d’une lettre d’un agent de renseignement belge, écrite au préalable d’une mission qu’il conduira fin 1944 en Allemagne nazie.
Ce document historique est non seulement poignant, il offre la pleine valeur des mots "don de soi et sacrifice".
Je vous invite à en prendre connaissance et à en méditer chaque phrase.

François Beckers, trouvera bien des années après le décès de son papa une lettre manuscrite de ce dernier.

C’est le testament de Léon Beckers que nous allons découvrir. Agent de renseignement belge, chef de secteur au sein du Réseau Tégal.
A l’instar des autres réseaux de renseignement, Tegal sera désactivé peu avant l’offensive des Ardennes. Erreur de stratégie et de vision.

Fin décembre 1944, sous le couvert de l’Intelligence Service, Léon Beckers s’apprêta à conduire une mission en Allemagne nazie,
loin dans la profondeur du dispositif ennemi. Les chances de revenir d’une telle mission étaient minces, la capture signifiait les pires tortures,
avec pour seule porte de sortie le peloton d’exécution, lorsque ce n’était pas la décapitation.
Léon Beckers et les deux agents qui l’accompagnèrent dans cette mission périlleuse passeront néanmoins à travers les mailles du filet
et rentreront sains et saufs au pays.

Un patriote, dans tous les sens du terme, s’en ira le 31 mars 1979. Il est bien un de ceux qui méritent de la Nation.
Et si nous savourons aujourd'hui – en toute inconscience d’ailleurs - tout le confort de la Paix et de la Liberté;
l’engagement de Léon Beckers et de ces belges qui dans l’ombre se levèrent contre l’oppresseur, n’y est pas étranger.
Ne l’oublions pas.

Je termine en remerciant François ainsi ses frères et sœurs, qui ont bien voulu porter ce témoignage à la mémoire collective.
Il faut préciser que son papa, réservait ses mémoires à sa femme, ses 8 enfants et quelques amis proches….
Il n’avait jamais émis l’intention de les diffuser.



Présentation de Léon Beckers.

L’auteur de cette missive effectuait en 1939 son service militaire au fort de Barchon, un des bastions défensifs de la ceinture de Liège.
Il était affecté à une des trois coupoles garnies de canons de 105mm.
La résistance de ce fort fut acharnée, elle dura neuf jours durant lesquels 11.000 obus furent tirés par ses défenseurs.
L’assaut final qui était appuyé par l’artillerie et l’aviation fut mené par pas moins de 1.500 soldats allemands.
Écrasés par les bombes et submergés par les troupes d’assaut, qui eurent recours à des lance-flammes pour neutraliser les positions de tir,
les défenseurs du fort de Barchon furent faits prisonniers le 18 mai 1940.
Léon Beckers connu la déportation, il sera ballotté dans plusieurs camps de travail et de concentration, dont Rawa Ruska.
Mais sa soif de la liberté était plus forte que la peur du courroux de l’ennemi, il tentera de s’évader à plusieurs reprises.
La septième tentative d’évasion sera la bonne et c’est le 11 novembre 1943 qu’il rejoindra enfin Liège.
Moins de six mois après avoir retrouvé les siens, il intègre la section du Réseau Tégal active sur la Plateau de Herve.
Il y opérera sous le pseudonyme de « Daniel » et dirigera un secteur opérationnel.
Fin septembre 44, il est intégré dans le Comité d’Etat-major de l’Intelligence Service au côté du Colonel Wellington,
M. Lepage (Sureté de l’Etat), M. Haumann, M. Dawan, M Cherette, M. Steingnart , M. Dewez, M. Lombard et des Abbés Wilmotte et Demolin.




Léon Beckers



Retranscription de la lettre de Léon Beckers à sa fiancée (elle est datée du 16 décembre 1944).

Mon très cher petit loup,
C’est à mon tour aujourd'hui de t’écrire, d’une façon un peu tragique.
Tout d’abord, je m’excuse de ce qui arrive, ce n’est pas de ma faute … que tous les chefs (responsables) auront leur tour,
d’ailleurs, je ne suis pas le premier.
Voici ce qu’il y a
La nuit du 18 au 19 décembre, j’ai dû partir pour l’Allemagne, c.à.d. derrière les lignes.
Je ne suis pas volontaire, loin de là. Il se peut, si je n’avais pas aimé que je serais déjà parti. Mais !!!
J’espère que tu croiras toujours en mon amour, j’en suis persuadé d’ailleurs.
Tu sais que je t’aime, je sais que je te causerai beaucoup de chagrin si la destinée voulait que tu lises cette lettre,
car à ce moment, ton brave petit Léon n’existerait plus, peut-être aurais-je été fusillé par ces boches comme quatre de mes amis.
On nous disait qu’ils avaient été enlevés, seulement il n’en était pas question, ils auraient été posés derrière les lignes et n’en étaient pas revenus.
Ils sont morts en héros, je le suis également, sois fier de moi. Je suis près du bon Dieu et te vois déjà à cette heure où tu me lis.
Mon petit Loup, ne gâche pas ta vie je t’en prie. Tu ne m’oublieras jamais, je le sais, mais ce n’est pas la cause de rester seule.
Moi je serai heureux de te voir heureuse ici-bas. Tu as besoin de beaucoup d’affection et de fonder un foyer.
J’aurais voulu être le père de tes enfants, mais Dieu a préféré autrement, toi qui est si chrétienne, tu comprendras et tu dois le comprendre.
Remercie beaucoup ton père qui a été si gentil pour moi, et ta maman qui était la mienne aussi, j’étais heureux chez toi car en plus de ton grand amour,
je ressentais un amour maternel également, il y avait déjà si longtemps que je n’avais plus eu l’affection d’une maman.
Embrasse bien tante Lisette, ta sœur Renée, Paul, le fameux Riquet et le brave Jules
Je te quitte et te dis adieu… mais ce n’est qu’un au revoir
Reçois les tendres baisers de ton très cher.





Récit de la mission en Allemagne nazie (que l'auteur désigne pour être le pays des boches, "la Bochie"...)

Décembre 44…

Les alliés s’organisent pour la campagne d’hiver; on s’aperçoit nettement qu’ils veulent forcer le front à l’ouest d’Aix (la Chapelle).
En tant que chef de secteur, je reçois l’ordre de poster des lignes de front, actuellement situées le long de la rivière « ROER »
et de prendre connaissance de l’effectif armement-disposition de l’armée allemande, défensive et agressive;
je dois partir le 19 décembre accompagné d’un agent et d’un télégraphiste.
Ce dernier m’est présenté d’office; quant à l’agent, je choisis mon collaborateur.

Je dois pour la première fois me rendre en bochie, pays inconnu, traverser la ligne et y rester environ 5 jours.
Le 18 décembre, je mets mon oncle au courant qui lui seul est au courant de mes activités.
Éventuellement, si la destinée voulait que je ne revienne pas, mon père aurait été averti par lui.
Le soir même, je me rends à Verviers, chez ma fiancée et raconte simplement à mon beau père que je dois traverser les lignes du front dès le lendemain soir;
en même temps, je lui remettais une lettre pour ma fiancée au cas où je ne serais plus revenu…

Nous nous réunissons dans les bureaux de la CIC à Liège (CIC, Bureau de contre-espionnage américain) où nous nous déguisons
tous les trois en soldat allemands et portant le brassard des infirmiers.
Le revolver à la ceinture, nous prenons place dans une jeep-car d’officier et nous partons vers l’est.
Nous traversons Verviers, puis la frontière; tout le long du chemin, nous continuons notre exercice de langue allemande surtout dans les mots médicaux,
et, enfin, nous apercevons des dépôts de munitions, des tranchées et des garnisons ; le front n’est plus éloigné.
L’acheminement se fait jusqu'aux premières lignes où nous attendent déjà les quelques hommes, deux pelotons spécialisés dans les passages d’hommes.
Le passage doit s’effectuer, si tout réussi, dans une demi-heure.
Quelques renseignements nous sont encore donnés par le Colonel américain au sujet des rapports de missions effectuées et que nous transmettrons
par morse au petit avion « coucou ».
C’est celui-ci également qui nous remettra les ordres par la suite.
Nous recevons en même temps les noms et adresses des allemands qui sont disposés à nous héberger en cas de danger.
C’est bien la première fois que je pars l’esprit soucieux et cependant il faut aller jusqu'au bout.

Le moment est venu, nous passons la rivière, peu large d’ailleurs ; deux groupes d’hommes attendent, l’un à gauche, l’autre à droite, pour passer à l’attaque tactique.
Le signal est donné !!! Les soldats s’engagent et gagnent du terrain ; l’ennemi riposte, les nôtres redoublent d’ardeur dans leurs tirs
qui s’acharnent de plus en plus ; nous en profitons pour avancer également en rampant.
Les nazis peu satisfaits, intensifient leurs contre-offensives et s’élancent à l’assaut.
Sur ce, les Américains se replient et nous, nous faisons le mort, endossant les coups de pieds des soldats allemands qui courent dans l’obscurité.
Nous nous redressons lentement et nous constatons avoir réussi le passage du front de position.

Mon premier travail est de rechercher un endroit à l’arrière du front afin d’y placer mon technicien.
Un abri abandonné servira de poste d’observation et de ralliement; ensuite, je m’oriente et me situe des limites pour ne pas m’égarer.
A l’aube, Louis va de son côté, moi je prends une autre direction, tandis que le troisième sera la sentinelle de notre home.
Toute la journée, je prends connaissance du terrain et constate que le calme règne dans la troupe.
Je m’enhardis de plus en plus du fait que l’on ne remarque même pas ma présence; les soldats trouvant tout naturel que je recherche,
soi-disant, les blessés et les malades. Je suis tout à mon aise pour remplir ma mission et cela activera celle-ci.
La nuit venue, le Coucou lance son appel et aussitôt, je transmets mon rapport et mes ordres; ensuite, je reçois les siens.

La cinquième nuit, le 23 décembre 1944, le Coucou nous fait savoir que notre mission est terminée et que nous devons nous rendre directement à l’endroit du passage. Malheureusement, la chose n’est plus aussi facile; au moment où les allemands doivent contre-attaquer, moment propice pour nous,
ceux-ci réalisent une réaction différente et nous nous trouvons bloqués sur le sol ennemi.
Ne perdons pas de temps; nous rejoignons notre abri et discutons des possibilités de regagner le front allié.
Une idée !!!

Je savais que la ville de Düren était en grande partie libérée, la région ouest de la Roer, et je me trouvais à environ 10 km de cet endroit.
Je décide de partir le premier et d’attendre Louis à l’entrée de la ville, le long de la rivière, et ensuite notre ami n°3.
Louis arrive un quart d’heure après moi, comme prévu, quant au technicien, il n’était pas encore arrivé une heure après.
Il fallait en conclure qu’il avait eu des difficultés et devait se cacher, ou bien était-il mort ?
Louis avait reçu une balle dans la cuisse mais eut le courage de marcher.
Nous traversons les ruines de la ville tant bien que mal, sautant les haies et les murs écroulés.
A l’aube, j’aperçois des soldats américains sur l’autre rive à une vingtaine de mètres.

Notre idée est de se constituer prisonnier et de faire appel au Colonel.
Nous arrivons enfin à être captif, mais ce n’est pas tout rose; les Américains ne veulent rien entendre.
Je leur dis que nous sommes belges et eux de s’exclamer « Soldat de Degrelle-Rex-Boches », nous recevons des coups et des injures à n’en plus finir.
Enfin, un chef arrive et je lui demande s’il connait le Colonel X, il nous regarde d’un air étonné et nous prie de le suivre.
L’expédition était terminée




Les médailles de Léon Beckers.



"Il n'y a pas de chemin trop long pour celui qui sait où il va"
Proverbe africain.

Note de M.R.Debelle:

Selon moi cette mission aurait été conduite sous les auspices du S.I.S (Secret Intelligence Service connu également sous le nom de MI6)

Note de M. F.Beckers :
L’entièreté des mémoires de Léon Beckers sont accessibles au CEGESOMA ainsi qu'aux Territoires de la Mémoire de Liège.

Source : texte et photos reçu de M. R.Debelle et publié avec l’aimable autorisation de François Beckers (fils de Léon Beckers) et de la famille.
 
 
Note: 4.75
(3 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 01/09/13


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