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Rss Récit du Sous-lieutenant. d’Oultremont (Brigade Piron)


SLt Charles-Henri d'Oultremont
Escadron d'autos-blindées - Troop 5



24 août 1944

Mon peloton suit le 3e peloton jusqu’au carrefour du Mesnil d’où je pars en reconnaissance vers le nord. Aux approches d’Authieux, quelques coups de feu m’annoncent l’ennemi aux lisières nord du village. Il tient vraisemblablement le pont du village sous son feu. Mes winklers démontent et progressent entre les maisons, sous le couvert de mes armes de tourelles : le pont est détruit et l’ennemi le tient sous son feu. Comme je ne peux tâter le passage à deux kilomètres sud-est, car il est en dehors de mon secteur et que l’effort principal doit porter vers la N 815, le commandant d’Escadron me donne ordre de trouver à tout prix un passage vers le carrefour de Saint-Benoît-d’Hébertot. Il est 16h30. Le 2e peloton tient le seul passage sur le chemin de fer entre Pont-l’Evêque et Vieux-Bourg mais semble ne pouvoir en déboucher. Le 3e peloton est enlisé dans les basses prairies au nord de Saint-Julien. Il n’y a donc que la 5e qui puisse espérer reprendre la mission du 3e .
La radio crépite à ce sujet. Mais dès que le scout-car de tête, Furet, débouche des derniers couverts d’Authieux sur la N 834, il est pris à partie par des feux variés venant des hauteurs nord-est de la Calonne, au sud de Saint-André. Furet commandé par le brigadier Leleu va et vient à toute vitesse sur la route pour que l’ennemi révèle ses feux et ses positions. De ma tourelle, je repère un point d’appui ennemi à mi-pente, centré sur une métairie. Il tient les deux kilomètres de route qui me séparent de la N 815 et je crois apercevoir un créneau dans le mur d’une grange qui pourrait bien abriter un canon ATk. Quelques coups de canon transpercent les murs de torchis, mais sans effet. Nous ne possédons que des munitions antichars pour nos petits canons de deux livres. Le toit de chaume met près d’un quart d’heure à prendre feu, sous l’effet des balles incendiaires des mitrailleuses.
Le toit de chaume est tellement trempé par les dernières pluies qu’avant de s’embraser il dégage une fumée opaque qui nous cache les abords de la grange. Je vois néanmoins une débandade de Feldgrauen et les arrose à la limite de portée de la mitrailleuse de tourelle. Si la grange abritait un canon, il doit être resté dans le brasier car il me semble que je l’aurais vu se faire extraire de la fumée. Tout cela m’a fait perdre un temps précieux. Il est certainement passé 18 heures lorsque je peux avancer vers la N 815 sans crainte d’être « tiré » comme un lapin par un canon ATk. L’ennemi ne fait plus qu’arroser la route de tirs d’armes automatiques et les deux kilomètres sont franchis par les cinq véhicules protégeant chacun de leur cuirasse, qui un motocycliste, qui une jeep.
Excellente surprise au carrefour, il est tenu par un peloton de commandos qui a envoyé des éclaireurs vers le pont du chemin de fer au nord-est. Son chef me dit avoir passé au sud de Pont-l’Evêque vers 16 heures et n’avoir pas eu de réaction ennemie jusqu’ici.
Au moment où je quitte le carrefour pour continuer ma reconnaissance vers Saint-Benoît, j’entends le 4e peloton recevoir ordre de pousser vers le nord, reconnaître Vieux-Bourg et l’est de la forêt de Saint-Gatien. Le 2e peloton a réussi à traverser la forêt plus à l’ouest et va reconnaître la route Saint-Gatien-Saint-Benoît-d’Hébertot. Nous dépassons la patrouille de tête des commandos à hauteur du pont du chemin de fer, nous dirigeant sur la N 815 vers le carrefour à reconnaître. Le scout-car commandé par Leleu est devant moi, couvert par mes armes de tourelle. Son chef a le « nez creux » et, depuis le début de la campagne, il a « senti » l’approche d’une position. Grand et maigre, il est replié sur son siège pour ne pas dépasser le blindage. Son chauffeur est son meilleur ami : Ceusters, natif d’Anvers. Ils se disputent néanmoins à longueur de reconnaissance et je vois souvent le micro de Leleu servir de matraque à l’usage du crâne du chauffeur ! Il casse un nombre démesuré de micros et ce soir comme de juste leur émission est mauvaise. Je le vois revenir rapidement en marche arrière tout en émettant des borborygmes sur le poste B. Il me dit avoir aperçu un Allemand sauter sur la route à trois cents mètres au-delà du carrefour de Saint-Benoît-d’Hébertot et disparaître derrière un épaulement d’arme sur l’accotement droit. Le carrefour lui-même n’est pas tenu. Il faut en être sûr et ma Daimler, couverte par celle de mon sous-officier et suivie par le scout-car, s’avance vers le carrefour. Jef Perelman, mon canonnier-opérateur, trop excité à l’idée de pouvoir encore faire du bruit, interprète mal par l’intercom la localisation de l’épaulement. En abordant le carrefour, il tourne sa tourelle vers la route de Saint-Gatien. Je n’ai pas le temps de hurler « right » dans l’intercom qu’un obus de 50 part de l’épaulement situé sur la route N 815, passe au ras de mon crâne et se fiche dans la façade du café-bar qui se trouve maintenant derrière moi. Jef a vu le coup de départ et lâche une boîte entière de munitions de Mi sur l’épaulement pendant que, descendu dans le fond de la tourelle, je dirige ma Daimler au moyen du volant arrière vers l’abri du tournant de la route. Les winklers ont grimpé les hauts talus de part et d’autre de la route pour prévenir toute réaction de l’ennemi. Mon équipage a droit à un gros coup de calva – genre pétrole – sorti des soutes. En effet, le 50mm était le calibre allemand que nous craignions le plus. Si un 88mm perçait nos faibles cuirasses de part en part, au moins avait-on une chance de ne pas se trouver sur sa trajectoire à travers le véhicule. Mais si un 50mm entrait, il ne lui restait souvent pas assez de « punch » pour ressortir ; il se mettait alors à tournoyer dans le véhicule faisant exploser les munitions et massacrant l’équipage.
Le chef de Peloton Commando arrive avec ses hommes à ma hauteur, s’enquiert de nos aventures et conclut qu’il préfère son métier au mien ! La nuit tombe, rendant nos véhicules aveugles ; la surveillance de la position ennemie devient une mission d’infanterie. J’entends sur le réseau que le 2e peloton signale Fourneville tenu par l’ennemi ; quant à mon ami le « Fuss », surnom du S/Lt. Pelsmaekers, il est empêtré dans des chemins impossibles dans la partie orientale de la forêt de Saint-Gatien, quelque part au nord du Vieux-Bourg, situation déplaisante, au contact de l’ennemi.
Le « Fuss » est censé cantonner avec son peloton aux lisières ouest de Vieux-Bourg. Deux de ses véhicules resteront embourbés jusqu’au petit matin ; il y restera lui-même, gardant de façon précaire des véhicules aveugles, au contact de patrouilles ennemies. Ses autres véhicules viennent cantonner avec notre peloton (5) pour ne pas assurer des gardes de nuit hors du village ! Nous passerons tous une très mauvaise nuit, nos avant-gardes attaquent les postes ennemis faisant les uns et les autres un bruit d’enfer. Le calme se rétablit peu avant le jour. Comme d’habitude l’ennemi a décroché. « Fuss » rejoint avec ses véhicules dépannés. Sa nuit a certainement été bien plus mauvaise que le nôtre.



25 août 1944

Dès l’aube l’Escadron reçoit ordre de reprendre la progression vers le nord-est et la Risles. C’est le major BEM de Selliers qui m’apporte cet ordre au Vieux-Bourg.
Le 5e peloton reprend son axe de reconnaissance de la veille : N 815 et Pont-Audemer.
Le PC, le 1e et le 4e peloton sur l’axe du 5e peloton. Le 3e peloton longe la côte par Honfleur-Fiquefleur-Foulbec. Le 2e peloton entre le 3e et le 5e peloton, emprunte des axes secondaires en direction de Malhortie. Les commandos ayant été engagés toute la nuit, passent au repos. Pour être plus précis, il s’agit des Royal Marines Commandos n° 48 suivi du n° 41, qui étaient à nos côtés durant toute cette opération.
Une brigade para sera en tête de Division aujourd’hui. Les bérets rouges occupent le carrefour de Saint-Benoît et font de grands signes à notre passage.
Il s’agit d’éléments de la 3th Parachute Brigade (8th Para Battalion).
Depuis que notre peloton (le 5e ) et le 4e peloton ont passé sous leurs yeux au travers d’un champ de mines à Dozulé, en guidant leurs véhicules « au geste » entre les mines antichars, ils nous traitent de « Crazy » ou « Suicide Squadron ». Croient-ils que nous sommes venus là en touristes ? L’épaulement d’hier contient effectivement un canon de 50mm maintenant encloué. Quelques cadavres attestent sa prise d’assaut par les commandos. Ma progression ne dure guère, car la route passe sous le chemin de fer à deux kilomètres au sud-ouest de Beuzeville, et l’ennemi a fait sauter le voûte du tunnel routier. Les débris et le haut remblai obstruent le passage ; seuls les rails sont encore en place ! Comme notre 5e peloton est aujourd’hui sur l’axe d’Escadron, mais aussi sur celui de la brigade de tête de la division, il ne lui est pas permis, comme aux autres, de contourner les résistances ou obstacles. Il doit fixer l’ennemi sur l’axe et prévenir toute réaction de sa part. Tout en tenant le remblai sous mes armes, je fais démonter quelques winklers, leur fait franchir l’obstacle qui me coupe toute vue et expédie ma patrouille arrière (scout-car de Maîtrejean et auto blindée de Van Praet) vers la passage du chemin de fer à deux kilomètres au nord-ouest. La ligne y est peut-être négociable et un peloton en réserve pourrait exploiter par là. Les winklers disent que le calme le plus complet règne au-delà de l’obstacle ; l’ennemi semble s’être contenté de rendre étanche aux véhicules ce formidable barrage antichars et négligé de le tenir sous son feu, estimant qu’il nous gênerait suffisamment sans qu’il dût y engager des troupes. Il n’est pas loin de 9 heures lorsque Van Praet m’annonce que le passage à reconnaître est tenu. Il reçoit ordre d’aller reconnaître celui de la D 22 au sud de Beuzeville. Ma carte ne me donne que cette alternative de contournement.
« Sur ces entrefaites, le peloton de tête des paras me rejoint et se met en devoir de passer le remblai pour « tâter » Beuzeville. Il est enchanté de nous voir bloqués et de pouvoir, pour une fois, être devant nous. «I am over and you are f..., old boy » est sa dernière déclaration avant de disparaître au-delà du chemin de fer. Faite à haute voix, vu la distance, cette phrase a le don de mettre ses hommes en joie. Je suis moins heureux car, sans passage, le charroi de la division ne peut appuyer une attaque d’importance. Puisque le peloton de paras a pris la direction de Beuzeville et me servira de sonnette d’alarme dans cette direction, je ne laisse qu’un homme au chemin de fer et envoie les autres winklers vers le nord-ouest, afin de voir si un passage ne peut être aménagé là où la voie serait au niveau du sol.
« L’attente recommence pour moi, mais le bataillon para arrive petit à petit. Sans charroi organique lourd, la 6th Airborne Division a reçu des jeeps et un nombre considérable de remorques. Afin d’économiser les semelles de la troupe, les unités reçoivent l’aide d’un train peu orthodoxe : une dizaine de jeeps traînent chacune trois ou quatre remorques ; les sacs sont placés dans les remorques et leurs propriétaires au-dessus. Ce long serpent zigzaguant sur la route, fait la navette sur l’axe de progression, hâtant ainsi l’avance des unités ! Leur peloton de tête annonce que Beuzeville est tenu par l’ennemi. Mon sous-officier transmet que la D 22 au sud de Beuzeville est sous le feu ennemi. Encore un espoir envolé ! Flandria de Van Praet est rappelé sur l’axe.
Mais voilà que le Brigadier Irtou, chef de mon équipe de winklers, apparaît sur le remblai. Avec douze ans de service à la Légion, c’est un calme sachant manier spécialement bien mitraillettes et grenades ; or il gesticule ! L’équipe a trouvé un passage sous le remblai du chemin de fer à quelques centaines de mètres au nord-ouest.
Nos cartes au 1/50.000 britanniques sont tellement imprécises que la route quittant Quetteville vers le nord-est n’y paraît pas donner passage au-delà du chemin de fer !
Je saute dans Furet, confiant à son chef Leleu la charge de ma tourelle et trouve mon équipe de winklers installée sur le remblai, gardant l’orifice nord d’un petit tunnel.
L’ennemi s’est contenté de créer un entonnoir de trois ou quatre mètres de diamètre dans la route, à l’orifice sud, et il semble qu’un petit bulldozer du génie divisionnaire doit être capable de le combler en moins d’une heure. Il est 10 heures. Je signale la découverte au commandant d’Escadron, insiste sur la nécessité d’un bulldozer à faire arriver d’urgence et sollicite l’autorisation de quitter l’axe qui est aux mains des paras pour porter mon peloton sur ce futur point de passage et y empêcher tout retour de l’ennemi. Il m’y autorise, ajoutant que le passage est d’autant plus important qu’une attaque se monte sur Beuzeville et que toute la division empruntera cet itinéraire pour exploiter. Le remblai est ici tout aussi haut qu’au pont sur la N 815 et me coupe toute vue vers le nord. Force m’est donc de pointer les trois tourelles sur les voies qui nous surplombent et d’installer tout mon personnel à pied sur le versant ouest du remblai :
six winklers et deux motocyclistes. Puis, désirant en savoir plus long sur ce qui se passe au nord, je décide de ne laisser que cinq hommes au remblai et à envoyer une patrouille dans la vallée de la Morelle. Le Brig. Irtou, son ami inséparable le motocycliste Wibaut et un troisième s’en vont en promenade armée, tout en rasant les haies au plus près. Il est 11h30 lorsque leur retour est signalé par un remue-ménage sur le remblai. Ils sont quatre maintenant, car ils poussent un prisonnier devant eux.
Leur aventure est cocasse : jouant aux Sioux, ils ont descendu la Morelle pendant quelques centaines de mètres, se sont approchés d’un moulin isolé et ont entendu des Allemands qui s’y restauraient à grand bruit de gamelles. « Irtou la grenade » s’est retenu à grand-peine d’en balancer une par une fenêtre ouverte. Tous trois ont alors retraité après avoir dénombré une vingtaine d’hommes. Pas un poste de garde, pas une sentinelle ! Il est vrai que nous avons devant nous une de ces divisions qui ont passé des mois dans les intervalles des ouvrages du mur de l’Atlantique. Le Manuel du service en campagne est oublié depuis longtemps !
« En revenant pour faire rapport, Wibaut a aperçu un cycliste descendant tranquillement la D 144, son fusil en bandoulière. Il revient vraisemblablement d’avoir établi la liaison ou avoir reçu des ordres de l’unité tenant Beuzeville.
L’équipe plonge dans la haie voisine et n’en ressort que pour pointer une mitraillette sur le ventre du cycliste ahuri. C’est un Feldwebel, de fort méchante humeur pour avoir été pris de façon si ridicule.
L’attaque prévue pour midi sur Beuzeville va se déclencher ; mon bulldozer n’est toujours pas arrivé et le Feldwebel prétend ne rien comprendre à mon interrogatoire. Mon allemand émaillé de flamand suffit en général à ce genre d’opération. On m’annonce un spécialiste « intelligent » pour le faire parler et également inspecter les lieux, l’obstruction à dégager, etc.
Sur ces entrefaites, l’attaque a démarré vers Beuzeville. Le 3e peloton semble avoir vécu des aventures peu agréables au nord vers Fiquefleur. Le réseau est en pleine activité à ce sujet. Je suis averti que le 4e peloton vient à Quetteville, derrière notre 5e peloton, afin d’être prêt à exploiter avec lui si Beuzeville tombe. Un capitaine des commandos arrive en jeep : Intelligence Officer de la brigade engagée, il prend en charge le Feldwebel. Il n’en tirera d’ailleurs rien de plus que moi. Mais il est suivi par un petit bulldozer qui tombe en panne dès qu’il se met au travail ! Peu importe, l’attaque menée seulement avec des armes portatives et des moyens insuffisants ne permet pas la prise de Beuzeville.
Le 5e ainsi que le 4e peloton sont donc frustrés de l’exploitation projetée ; exploitation d’autant plus alléchante qu’elle se serait faite à travers un ennemi en pleine retraite ! Vers 16 heures, nous recevons ordre de rejoindre l’Escadron à l’arrière. Ce n’est que le lendemain à l’aube que celui-ci, se ruant vers Pont-Audemer devant une brigade para, passera par le petit tunnel de notre 5e peloton. Toute la 6th Airborne Division suivra le même chemin.


26 août 1944.

Le 5e peloton du S/Lt. d’Oultremont a reçu une mission particulière pour la journée du 26 août. Le 5e peloton, en queue de colonne, déboîte à hauteur de Toutainville, afin de tenter de saisir le pont de Foulbec. Un brouillard épais permet au peloton de suivre la rive gauche de la Risles sans être vu de l’ennemi, qui tient la rive droite et surplombe la vallée. Le scout-car de tête, Furet, commandé par le Brig. Leleu, pénètre dans le village enserré de haies ; il arrive sans encombre au carrefour d’où part la route qui mène au pont.
Deux coups de feu, le grésillement du poste B de Leleu, toujours mal réglé et j’entends : « J’en ai un ». Il en a bien un, au saut de la route, entre deux haies, il a tiré au jugé, la crosse de son « brengun » reposant sur ses genoux ! Je le dirige vers le pont, tenant alors moi-même le carrefour, lorsqu’une déflagration m’apprend que le pont a sauté, cent mètres devant Furet. Notre arrivé rapide, dans l’ouate du brouillard, a surpris l’ennemi qui a laissé du monde sur la rive gauche. A défaut d’une tête de pont, les voltigeurs ramassent tout ce monde avec l’appui de la patrouille arrière ; il y en a dans les caves, dans les fenils, derrière les haies, et bientôt une dizaines de prisonniers sont occupés à creuser la tombe de leur Feldwebel surpris par Leleu. Une reconnaissance à pied est poussée à travers le bocage vers la Risles, afin de servir de sonnette d’alarme en cas de retour de l’ennemi, mais aussi pour tenter d’inspecter le degré de destruction du pont. La rive droite est fortement tenue, le pont n’est pas approchable : la patrouille servira seulement de sûreté. La même aventure est arrivé à Pont-Audemer, mais, en écoutant la radio, il semble que la situation soit moins calme qu’à Foulbec, où l’ennemi ne peut repérer une unité très légère, invisible dans ce bocage. Je reçois ordre de tenir le village aux issues, ce qui était fait, et de signaler tout mouvement ennemi, ce qui est notre métier de base !
Le brouillard se dissipe peu à peu ; le soleil est déjà haut dans le ciel ; il fait beau et bon vivre ! Notre déjeuner est loin, on songe à casser la croûte à tour de rôle... quand le bruit caractéristique d’une colonne nous parvient. Nous sommes tous en alerte quand, au tournant de la route côtière, apparaît un bren-carrier dont l’équipage n’est pas peu surpris de voir un canon de tourelle braqué sur lui. C’est le premier véhicule de la 3e compagnie belge ; elle vient s’emparer du pont de Foulbec ! Elle ignorait que le pont avait sauté depuis 8h30 et que mon peloton était sur place depuis lors...
La liaison est essentielle aux armées !
Je saute à terre pour donner à l’officier de l’avant-garde les renseignements sur l’ennemi et prier ces braves d’étirer une colonne qui a une fâcheuse tendance à s’empiler. Il n’y a plus de brouillard, il y a beaucoup de véhicules dans Foulbec et... l’ennemi possède la cible rêvée, valable et bien repérée. Le carrefour prend des bombes de mortiers, des obus de tous calibres et je disparais sous mon AB, Perelmans, mon canonnier ayant fermé la tourelle. Entre deux salves, je réintègre ma tourelle et, me considérant relevé de ma mission par la présence de la 3e compagnie, je demande à rejoindre l’Escadron, ayant hâte de quitter Foulbec qui devient un nid à projectiles.
Ayant refilé les prisonniers à l’infanterie, mieux équipée que nous pour leur transport, je sors mon unité de ce patelin où il faisait si bon vivre à se dorer au soleil, moins d’une demi-heure plus tôt. Notre casse-croûte fut pris bien plus tard, en vue de Pont-Audemer... mais ceci est une autre histoire !





L’Escadron maintient le contact jusque vers 16 heures, parfois sous un feu intense, qui interrompt de temps à autre les effusions de la population qui commence à sortir des caves. Le 3e peloton, qui s’est recomplété, rejoint l’Escadron et rencontre en route un couple de Français qui se dirigent vers Pont-Audemer. Le mari ayant entendu le Cdt. Dulait donner des ordres en français, s’en étonne et s’enquiert de la nationalité de la troupe. Apprenant qu’il s’agit de Belges, il s’exclame : « Marie, c’est une division belge qui nous libère ». C’était faire beaucoup d’honneur à notre petit escadron.
Nous nous regroupons d’abord au sud de Pont-Audemer, puis recevons l’ordre de rejoindre la brigade belge à Berville-sur-Mer. C’est avec regret que nous quittons la 6th Airborne Division, avec laquelle nous combattons depuis huit jours, et allons bivouaquer à Conteville. Cette période nous semble à la fois très longue et extrêmement courte. Les parachutistes et les commandos sont devenus de vrais frères d’armes, sur lesquels nous pouvions compter et qui nous ont employés au mieux des circonstances souvent extrêmement difficiles pour eux. La journée suivante est partagée entre le repos et l’entretien des véhicules et de l’armement. Nous sommes fourbus mais heureux d’avoir participé avec succès au dégagement de la Normandie. Ainsi se termine pour nous la campagne de Normandie.



Extraits :

‘’Au Galop de nos Blindés’’ par Roger Dewandre.
‘’1944 Des Belges en Normandie’’ par Guy Weber.

Source:

http://www.brigade-piron.be/temoignages_fichiers/tem_doultremont.charles.emile.html
 
 
Note: 5
(3 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 31/05/22


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