L’Armée Secrète, la zone IV (Centre de la Belgique) Comte d’Ursel, Comte de Lichtervelde et ses fils

La zone IV, telle qu'elle est délimitée fin 1943, couvre le centre du pays. Outre la province de Brabant, elle englobe les parties des provinces de Liège et de Namur situées sur la rive gauche de la Meuse et de la Sambre_ Avant d'arriver à cette délimitation territoriale de l'AS bientôt opérationnelle, elle s'est constituée durant des mois. Le recrutement des soldats de l'armée de l'ombre ne s'effectue pas sans dégâts dus à l'inexpérience de la guerre secrète et à l'imprudence face à un ennemi redoutable.
Le comte Gérard d'Ursel n'a que sept ans lorsque son père meurt pour la Belgique le 18 août 1914. Il devient ingénieur agronome et se marie en 1933. Lieutenant de réserve au régiment de son père, les Guides, il est fait prisonnier à Zeebrugge lors de la capitulation. Il est libéré au mois d'août après avoir réussi un rudimentaire test de connaissance du néerlandais. Son domicile de Grez-Doiceau étant sinistré par la guerre, Gérard d'Ursel s'installe chez ses beaux-parents au château de Villers-les-Heest non loin de Namur. Il est approché de-ci de-là pour faire partie de l'AS en formation, mais, probablement influencé par ses liens familiaux avec la France, il réserve sa réponse de crainte que le mouvement ne soit infiltré par les communistes.




Le comte Gérard d'Ursel, décédé à Verl le 6 avril 1945




Devenu père pour la cinquième fois en juin 1942, ses responsabilités paternelles lui font solliciter le consentement de sa femme avant d'accepter de faire partie de l'état-major d'un groupe organisé dans la région de Huy par le capitaine-commandant Louis Reyntens.
Reyntens est un prêtre, volontaire de la guerre de 14 et officier de réserve qui a commandé un bataillon motocycliste des Chasseurs ardennais en 1940. Fatale erreur souvent commise, le nom de Gérard d'Ursel est inscrit sur une liste... que la police allemande découvre dans la cellule d'un moine dominicain du couvent de La Sarte à Huy. Le dominicain réussit à s'échapper, mais Gérard d'Ursel est arrêté au château de Villers-les-Heest le 28 octobre 1942. Emprisonné à la prison de Charleroi, il est condamné à mort le 22 avril 1943. Deux des coïnculpés à son procès sont fusillés, mais lui bénéficie de la clémence de von Falkenhausen qui accepte son recours en grâce. Le 8 juin, il condamné à purger une peine de quatre ans de travaux forcés en magne. Il est déporté le 12 août 1943 vers le camp de travail de Windelsbleich près de Bielefeld en Westphalie. En mars 1944, à bout forces et atteint d'une pneumonie, il est conduit à l'hôpital de Verl il s'éteint le 6 avril 1945.



Les parachutages

Les vastes étendues du Brabant wallon sont utilisées comme plaine de parachutage à partir de 1943. Deux agents secrets dropés fin 1943 dans le cadre de la mission ‘’Lear-Buckhound’’ sont chargés de repérer des endroits adéquats et de former des comités de réception Trois opérations de largage organisées par leurs soins sont couronnés de succès. Effectuées en trois temps, les 18 et 20 octobre 1943, treize containers tombent du ciel à Ittre et à Maransart. Une des équipes chargées de réceptionner et de cacher le chargement d'une douzaine de conteneurs est confrontée à un contretemps : le propriétaire de la cache qui avait été prévue prend peur et retire son accord. Elle se tourne en désespoir de cause vers le châtelain de Baudemont à Ittre, le comte John de Lichtervelde qui, bien qu'ayant fait les frais d'une perquisition en mars 1942, accepte d'entreposer les armes chez lui. Marié à Marie-Anne Jolly et père de trois fils, Gaston, né en 1921, Georges, né en 1922 et Étienne, né en 1928, John de Lichtervelde exploite sa vaste propriété située aux confins d'Ittre et de Nivelles. John de Lichtervelde et ses fils ne sont pas membres de l'Armée secrète, mais apportent leur soutien à la mission Caracal-Kola qui a été mise sur pied par Maurice Durieux et son radio Henri Heffinck parachutés en décembre 1942. Henri Heffinck a été mis en rapport avec les Lichtervelde environ un mois après son arrivée, probablement par le biais de Jean de Lantsheere, un des sauveteurs puis collaborateur de Durieux. Gaston et Georges de Lichtervelde participent aux activités de propagande du groupe par la distribution de tracts et de journaux clandestins. Ayant obtenu l'accord du châtelain, une équipe composée de quatre hommes apporte en camion le contenu de douze containers au château de Baudemont et les dissimule à la hâte dans une meule de foin.
Les armes sont déplacées une quinzaine de jours plus tard dans une ancienne glacière dont l'ouverture, recouverte d'une petite plaque métallique, est dissimulée par les herbes.
Le 3 décembre 1943, une camionnette se présente au château et y prend livraison des armes, mais étant trop petite, elle ne peut emporter tout le contenu de la glacière et laisse quatre bazookas sur place. Le 5 décembre 1943, des dizaines d'Allemands encerclent la propriété et découvrent les bazookas dans la cachette qui leur a été dévoilée par un membre de l'AS qui a parlé sous la torture. John de Lichtervelde et ses deux fils aînés Gaston et Georges sont emmenés (le cadet est au collège) et internés à Saint-Gilles. Le 30 avril 1944, ils sont condamnés à mort et déportés, le 10 mai suivant. Ils arrivent au pénitencier de Bruchsal près de Karlsruhe deux jours plus tard. Le 7 septembre 1944, prisonniers Nacht-und-Nebel en attente de leur exécution, ils sont conduits vers la prison de Schwàbisch-Hall. Quelques mois plus tard, nouveau transfert, vers l'est, à la prison de Brandenburg où ils restent deux jours avant d'arriver, le 5 janvier 1945, à la prison de Sonnenburg en Pologne. Le 31 janvier 1945, John de Lichtervelde et ses fils Gaston, âgé de 23 ans et Georges, qui en a 22, sont conduits devant le peloton d'exécution et fusillés

.


Le comte de Lichtervelde et ses fils, Gaston et Georges



La mission "Lear-Buckhound" terminée, le service de parachutage est confié début décembre 1943 au capitaine-commandant de réserve Marc van Overbeke, seul organisateur de parachutages responsable d'une zone à ne pas être envoyé par Londres. Il est aidé dans sa tâche par quatre assistants dont Marc Anciaux Henry de Faveaux et Pierre van Wassenhove qui sont nés en 1922 et qui servent en outre d'estafettes du service de liaison et de transmissions. Dans ce cadre, ils transportent des messages, mais aussi des fonds, des armes, des uniformes, des badges, entre l'état-major de l'AS, l'état-major de la zone et les différents secteurs et refuges.



Source bibliographique : ‘’Pour le Roi et la Patrie’’ de Marie-Pierre d’Udekem d’Acoz
Sources iconographiques : Idem et Comte Baudouin d’Ursel.

En complément voici une photo de Jean Flacon de la mission Lear-Buckhound.
La photo m'a été aimablement communiquée par M. Gregory Delbrouck.