Chasseur de nuit à 45 ans

Première mission sur le continent
Lucien Leboutte

Lucien Leboutte a été , et ce malgré son grade belge de major qu'il avait abandonné pour pouvoir voler en opérations, un simple pilote aux commandes d'un avion de combat comme des milliers d'autres. A la différence cependant, mais elle est importante, qu'il était beaucoup plus âgé que tous ses compagnons d'arme. Il est en effet un des très rares aviateurs, nés avant 1900 à avoir combattu sur des appareils de la Seconde Guerre mondiale. Il n'entre pas dans mes intentions de faire ici l'historique de sa carrière mouvementée et encore moins l'apologie de son courage et de son obstination en faveur de ce que nous appelons encore toujours " La bonne cause ". Mais pour bien situer cette " Première mission sur le continent " il est nécessaire de regarder l'homme qu'était Lucien Leboutte d'un peu plus près.

43 ans ! Trop vieux pour voler ?

Déjà au cours de la Première Guerre mondiale, il fut déporté par les Allemands. Il s'évada en 1918, fut repris et interné jusqu'à la fin des hostilités.
Vingt-trois ans plus tard, en 1941 et devenu entre-temps major aviateur à l'Aéronautique Militaire, il récidiva et s'évada de Belgique occupée par la France. Il fit quelques prisons en Espagne pour échouer finalement à Miranda. Comme la plupart des Belges, passés par Miranda de Ebro, Lucien Leboutte s'y déclara de nationalité canadienne, fut inscrit comme tel, se retrouva sur la liste des sujets britanniques et fut expulsé, cinq mois plus tard, à Gibraltar d'où il atteignit finalement l'Angleterre. Arrivé là, il remua ciel et terre pour entrer le plus rapidement possible dans la R.A.F. Comme d'autres Belges, il se présenta dans un centre de recrutement où l'on s'intéressait plus spécialement à des pilotes brevetés. Il lui fut répondu que, malgré toutes ses heures de vol et sa grande expérience, sa candidature ne pouvait être acceptée parce qu'il " était trop vieux " pour le service aérien opérationnel. Lucien Leboutte avait à ce moment quarante-trois ans.


Comment rajeunir de 10 ans.

Fort de cette expérience, décevante pour lui, mais nullement découragé, il rentra à Londres et se procura une nouvelle pièce d'identité pour un Leboutte rajeuni de dix ans. Quelques jours plus tard il frappa à la porte d'un autre centre qu'on lui avait recommandé comme service de recrutement de pilotes de chasse de nuit.
En fait, ce centre ne recrutait personne mais il était chargé de sélectionner parmi des pilotes, chasseurs de jour, des éléments pouvant convenir pour la chasse de nuit.
Couvert par sa nouvelle carte d'identité, Lucien Leboutte fut autorisé à se présenter à l'examen médical. On le trouva apte à tout travail aérien et il put finalement s'engager dans la R.A.F. comme Pilot-Officer, c'est à dire sous-lieutenant. Il rejoint immédiatement une unité d'entraînement sur bimoteurs Oxford et Bristol Blenheim, puis une O.T.U ( Operational Training Unit ) pour arriver finalement dans une escadrille de chasse de nuit, équipée de Bristol Beaufighters, dans le sud de l'Angleterre. C'est ce chasseur de nuit biplace, puissamment armé-4 canons de 20 mm et 6 mitrailleuses qui allait devenir le cheval de bataille de Leboutte au squadron 141. Et c'est ici qu'il faut situer le récit qu'il nous fait de sa première mission sur le continent.