Derniers articles https://www.freebelgians.be Derniers articles (C) 2005-2009 PHPBoost fr PHPBoost JOURNAL D'UN PRISONNIER DE GUERRE-Léon Brabant https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-247+journal-d-un-prisonnier-de-guerre-l-on-brabant.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-5-247+journal-d-un-prisonnier-de-guerre-l-on-brabant.php (Stalag IV A - 1940)<br /> <br /> En 1940, Léon BRABANT passa cinq mois en détention en Allemagne avant de retrouver les siens. Dans un petit carnet aux pages maintenant jaunies, noircies par une écriture au crayon, il a relevé avec une rare précision tous les détails de sa vie de prisonnier. Ses descriptions permettent d’en apprendre beaucoup sur la dernière guerre et les conditions de vie de ceux qui, comme lui, ont connu la captivité. Quoi de plus fort en effet que le témoignage d’une personne ayant vécu ces temps perturbés !<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/leonbrabant.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Léon BRABANT naquit à Gaurain-Ramecroix en 1897</p>.<br /> <br /> En congé illimité après son service militaire, il fut muté dans la réserve en 1937 à la 3e compagnie du 27e bataillon des unités de garde des voies de communication et établissements (G.V.C.E; Tournai). Le 10 mai 1940, Hitler envahit la Belgique. Rappelé au sein de l’armée, Léon a alors 43 ans et est marié depuis 16 ans. D’abord combattant sur le sol belge puis prisonnier en Allemagne, il eut la chance (si on peut dire) de sortir de l’enfer de la captivité à la fin octobre 1940<br /> <br /> <strong>LA CAMPAGNE DES 18 JOURS .</strong><br /> <br /> L’invasion du pays par les troupes allemandes débuta le 10 mai 1940 et aboutit à la capitulation belge du 28 mai 1940; cette période est connue sous l’appellation de « campagne des 18 jours ». Le 13 mai, le ministre de la défense nationale décréta la mobilisation. Rappelé au sein de l’armée, Léon ne pouvait que se soumettre; suivons son parcours:<br /> Vendredi 17 mai : A 14.3O heures, départ de Maubray à vélo afin de rejoindre mon unité à Ostende. Logement à Ellezelles.<br /> Samedi 18 mai : A 18 heures, arrivée à Ostende. Logement à l’athénée.<br /> Dimanche 19 mai : A Ostende, garde.<br /> Lundi 20 mai : A Ostende, repos. J’apprends qu’à Maubray, la population a évacué.<br /> Mardi 21 mai : Planton au cantonnement. Vers 17 heures, bombardement d’Ostende. Rassemblement des hommes disponibles afin d’aller combattre le début d’incendie de la grande poste. Sommes rentrés après minuit, fumés comme des jambons! Bombardement toute la nuit.<br /> Mercredi 22 mai : Garde au cantonnement. Deux bombes le soir. Nuit calme.<br /> Jeudi 23 mai : Garde à la poste, à l’hôpital de Bredene. Patrouille en ville en vue d’empêcher le pillage des maisons évacuées. Dans la nuit, départ d’une trentaine de soldats vers Bredene pour garder des ponts et écluses minés. Retour au cantonnement le jour suivant vers midi.<br /> Vendredi 24 mai : Matinée (voir ci-avant). Après-midi, alors que je croyais me reposer, des avions sont venus bombarder l’hôpital militaire d’Ostende. L’incendie s’est déclaré immédiatement. Nous avons sorti et sauvé tous les blessés (40 environ; soldats et civils) et les avons ramenés au cantonnement sur des civières. Nous nous sommes ensuite occupés d’eux: avons envoyé les plus graves vers un hôpital et descendu les plus valables dans l’abri. Journée inoubliable. Toute la nuit les bombardements ont continué.<br /> Samedi 25 mai : Bombardement sans arrêt pendant toute la journée. Vers 16 heures, nous quittons Ostende, sans regret, pour aller nous installer à Mariakerke. Partons à vélo. Sommes logés dans des maisons vides de leurs habitants. Je loge dans un bon lit. Sommes à trois dans une chambre à la villa René, pas loin des dunes. Quel changement! On se sent sorti de l’enfer et entré au paradis vu la tranquillité et le bon air. On s’est couché, fenêtre grande ouverte.<br /> Dimanche 26 mai : Journée tranquille. Messe à 8 heures. J’ai regardé passer toute une foule d’évacués belges qui revenaient de France. Je me disais que je pourrais peut-être voir les miens s’ils ont évacué. C’est-ce qui me tracasse le plus: « avez-vous quitté la maison? où êtes-vous? n’êtes-vous pas malheureux? ».<br /> Lundi 27 mai: Garde.<br /> <br /> <strong>DE LA CÔTE BELGE A L’ENTREE EN ALLEMAGNE</strong><br /> <br /> Mardi 28 mai : CAPITULATION de la Belgique. Je quitte Mariakerke tout de suite pour rentrer à Maubray au plus tôt. Malheureusement, je suis arrêté à Leuze par les Allemands (si près du but!) et dirigé sur Renaix. De là, on nous conduit, à pied, d’étape en étape, jusqu’en Hollande puis en Allemagne.<br /> Jeudi 30 mai : Renaix-Enghien, à pied.<br /> Vendredi 31 mai : Enghien-Nivelles, à pied.<br /> Samedi 1 juin : Nivelles-Gembloux, à pied.<br /> Dimanche 2 juin : Gembloux-Merksem, à pied.<br /> Lundi 3 juin : Merksem; on loge dans une prairie.<br /> Mardi 4 juin : On part vers Heerlen (NL).<br /> Mercredi 5 juin : Réveil à 4 heures. Traversée à pied de tout le Limbourg hollandais où nous sommes reçus on ne peut mieux par la population. On entre en Allemagne à 18 heures.<br /> <br /> <strong>DE LA FRONTIERE ALLEMANDE AU STALAG IV A.(Camp de HOYERSWERDA)</strong><br /> <br /> Mercredi 5 juin : Dès notre arrivée en Allemagne, on embarque dans des wagons fermés et on voyage toute la nuit.<br /> Jeudi 6 juin : Toujours sur notre train, poursuivons le voyage jusqu’à 18 heures. Sommes ankylosés. Après une demi-heure de marche, arrivons dans un camp très bien aménagé. Nous nous trouvons à HOYERSWERDA (Haute Silésie) à la frontière tchécoslovaque. Sommes plusieurs milliers de Belges (Flamands et Wallons) dans le camp; des Français aussi. On peut enfin se laver, se raser. Recevons de la nourriture.<br /> Du vendredi 7 juin au mardi 25 juin : Séjour au camp. Tous les jours, on aperçoit des cigognes. Le 21 juin, 400 Belges quittent le camp, mais on ignore pour quelle destination. On espère toujours rentrer chez soi (cafard).<br /> <br /> <strong>DE HOYERSWERDA AU CAMP DE KLEINSAUBERNITZ (Camp de travail)</strong><br /> <br /> Mercredi 26 juin : Réveil à 3.30 heures. A 6 heures, 1000 Belges quittent le camp.<br /> Embarquons à la gare d’HOYERSWERDA. Débarquons vers midi à BAUTZEN. Montons à 35 dans un camion jusqu’à GUTTAU, au camp de travail de KLEINSAUBERNITZ. D’aucuns parmi nous vont aller travailler dans des fermes; des fermiers, d’ailleurs présents dès notre arrivée, viennent choisir le ou les prisonniers qu’ils souhaitent recruter, à charge pour eux de le(s) nourrir.<br /> Personnellement, je suis désigné ainsi que 8 autres soldats pour aller œuvrer dans une fabrique de flocons de pommes de terre, à 4 km du camp (BARUTH).<br /> Sommes bien logés au camp.<br /> Jeudi 27 juin : Sommes restés au logement (11 hommes) pour aménager celui-ci. Recevons de la bonne nourriture.<br /> Vendredi 28 juin : A 6 heures, sommes 4 à partir, à pied, pour la fabrique (dénommée aussi « usine ») à BARUTH en vue d’y travailler; il s’agit d’un premier contact.<br /> <br /> <strong>SEJOUR AU CAMP DE KLEINSAUBERNITZ</strong><br /> <br /> <br /> Léon BRABANT (prisonnier 19.803) séjourna au camp de KLEINSAUBERNITZ du 26 juin au 23 octobre 1940, soit pendant près de quatre mois :<br /> <br /> <strong>Le travail</strong>.<br /> <br /> L’usine qui l’occupe se situe à BARUTH, à 4 km du camp. Le trajet, à pied, prend une heure tant le matin que le soir. Elle fabrique des flocons de pommes de terre <br /> mais commercialise aussi des machines agricoles, des engrais (sacs de 75 kg), des pommes de terre, des aliments pour le bétail et la volaille. Douche 3 à 4 fois par semaine.<br /> Le travail consiste à charger et décharger les camions et les wagons qui arrivent et partent régulièrement. Pendant les temps morts, Léon se voit chargé d’effectuer des travaux de peinture (boiseries et matériel agricole), de traitement des mauvaises herbes, des terrassements, du bricolage, de l’ensachage de flocons de pommes de terre. Le contremaître est on ne peut plus gentil.<br /> Le dimanche est jour de repos, en principe tout au moins; Léon en profite pour faire sa lessive et de la couture (repriser ses chaussettes , recoudre un bouton…).<br /> <br /> <strong>Les camarades. </strong><br /> <br /> Léon fait état de la présence, dans le camp, de soldats de Maubray et des environs, avec lesquels il se réjoui d’avoir des contacts le soir (jeu de cartes notamment); ils logent dans le même baraquement:<br /> - de Maubray: Albert HELLIN (dit « Albert du piston »), Victor HUART (dit « Victor Bilou »), Amé HELLIN (dit « Amé Michorèle »),<br /> - de Fontenoy: Georges HELLIN (dit « Geoges du Boteleu), Emile GALLAIX, Auguste PETIT,<br /> - de Callenelle: Ghislain DUMOUTIEZ,<br /> - de Wasmes: Fernand DEUR (?).<br /> <br /> Beaucoup de camarades travaillent dans des fermes; le soir, ils se retrouvent tous au camp.<br /> <br /> <strong>La nourriture.</strong><br /> <br /> L’alimentation constitue un des sujets primordiaux des récits de Léon; la description qu’il en donne fait en effet l’objet de développements journaliers circonstanciés.<br /> Dans l’ensemble, à en juger par ses écrits, on ne peut pas dire qu’il se soit plaint de la nourriture qui lui a été dispensée, tant en quantité qu’en qualité.<br /> - Le matin: soupe , tartines et parfois pâté.<br /> - Le soir: quatre tartines avec charcuterie, soupe.<br /> - A midi, en semaine mais aussi le dimanche, repas à l’usine. Suffisant et très varié. En<br /> plus des traditionnelles pommes de terre (servies telles quelles ou en salade), il comprenait toujours une viande (porc, parfois rosbif, boulettes, oiseau sans tête, foie) ou de la charcuterie (lard, jambon, boudin), ou encore du fromage blanc (ou de lait battu); des légumes (haricots verts, carottes, tomates, chou, chou-fleur, navet, concombre), de la<br /> sauce (souvent au sucre: elle passait moins bien; ou sucrée à la moutarde: infecte).<br /> Comme variantes: du riz, de la ratatouille, de la soupe (aux oignons, aux raisins).<br /> Le dimanche uniquement: un dessert (crème à la framboise ou au cacao).<br /> Le dimanche 25 août, Léon a répondu favorablement, ainsi qu’un camarade, à la demande d’un habitant de l’endroit qui souhaitait avoir de l’aide pour scier son bois:<br /> « Dès notre arrivée à 8 heures, nous avons eu du café au lait et deux couques bien beurrées. A midi, nous avons mangé à la même table que la dame, son père et sa mère: pommes de terre, un gros morceau de porc et beaucoup de sauce; comme dessert, une espèce de marmelade aux raisins, et puis, ce qui m’a plu, une grande tasse de vrai café au lait et sucre. L’après-midi, nous sommes retournés au logement et le soir, la dame nous a apporté à chacun quatre tartines au pâté et une carafe de cacao qui m’a bien goûté (depuis si longtemps que je n’en avais plus bu !). <br /> Nous avons également reçu un paquet de tabac et un paquet de cigarettes. Nos camarades de la fabrique nous ont apporté notre souper (quatre tartines au pâté); de cette façon, je pense me régaler pendant quelques jours.<br /> A la demande de la dame, nous sommes retournés chez elle le dimanche suivant (le 1er septembre) pour poursuivre le travail. En arrivant, nous avons reçu deux couques, du café et deux morceaux de tarte. A midi, le travail terminé, nous avons déjeuné avec deux grosses boulettes, de la sauce et trois verres de bière; comme dessert, un genre de confiture et encore de la tarte. Nous avons reçu chacun un paquet de tabac, un paquet de cigarettes et des allumettes. A 13.30 heures, nous sommes retournés au logement. Le soir, la dame nous a apporté à chacun trois tartines avec du saucisson et une bouteille de bière. On en boit si rarement qu’on serait prêt à ingurgiter la bouteille entière! De plus, nos camarades de la fabrique nous ont apporté notre souper: 4 tartines au pâté. Ainsi, j’ai l’avance pour demain. <br /> Mercredi 15 octobre : en attendant 13 heures, alors que je me promenais dans la cour de l’usine, le patron m’a appelé chez lui et m’a offert une carcasse de poulet et du chou rouge, avec des pommes de terre. D’être ainsi à sa table, cela me faisait tellement drôle que j’avais envie de pleurer.<br /> <br /> Ces récits, que nous avons tenu à reproduire in extenso, montrent à quel point, après une période de privations, le retour à une alimentation « normale », autour d’une table familiale, peut être source de plaisir et de réconfort. Un rayon de soleil; une bouffée d’oxygène…si appréciables.<br /> La discipline.<br /> Les conditions de détention sont décrites dans le journal du prisonnier Brabant comme correctes. Les sentinelles sont « humaines ». Une disposition importante du règlement affiché dans les chambres précise que:<br /> <br /> « Il est strictement interdit aux prisonniers de guerre de s’approcher, sans autorisation formelle, d’une femme ou d’une jeune fille allemande ou d’entrer en relation avec elle de quelque manière que ce soit. Tout prisonnier violant cet ordre sera condamné jusqu’à 10 ans de prison ou, dans des circonstances graves, subira la peine de mort.<br /> Signé: Le commandant en chef de l’armée allemande. »<br /> <br /> Léon ne fait pas mention de maltraitances physiques, ni morales, ni d’humiliations.<br /> <br /> <strong>Un blessé.</strong><br /> <br /> Le mercredi 3 juillet, étant occupé à charger des machines agricoles, une presse est tombée sur le camarade Henri BAUGNIES. « Si je n’avais pas retenu la machine de toutes mes forces, ce camarade aurait été tué sur le coup. On a dû le transporter en clinique; il n’a rien de cassé. Il en sera quitte pour 15 jours de repos. Un ouvrier allemand a eu le pied cassé en même temps. »<br /> J’ai revu Henri BAUGNIES le mercredi 23 octobre, deux jours avant ma libération; il était presque guéri. <br /> <br /> <strong>Le courrier.</strong><br /> <br /> Ce qui pesait le plus lourdement sur le moral de Léon était l’absence totale d’informations pendant longtemps sur le sort réservé à sa famille. Il a dû en effet attendre le 10 août, soit trois mois après son départ, avant de recevoir la première lettre de son épouse.<br /> Jugeons plutôt sur pièces combien fut douloureuse cette attente, mais aussi heureuse l’arrivée de la première missive:<br /> 7 juillet : si au moins on avait des nouvelles de la famille.<br /> 21 juillet : Albert HELLIN a reçu des nouvelles de chez lui via sa belle-sœur.<br /> 24 juillet : pas encore reçu de nouvelles; triste.<br /> 1 août : toujours pas de nouvelles.<br /> 7 août : 6 lettres sont arrivées; il n’y en avait pas pour moi; quelle déveine.<br /> 8 août : toujours pas de nouvelles.<br /> 10 août : le soir en rentrant au logement, quelle chance, il y a une lettre et une carte.<br /> Je suis heureux d’apprendre que mon épouse et mon fils sont en bonne santé. J’ai lu et relu les nouvelles plus de 10 fois en suivant. Je ne pouvais pas lire quatre lignes sans pleurer. Quelle malchance tout de même j’ai eue. Dire que je suis éloigné des miens de 1000 km et que, par contre, des camarades sont rentrés chez eux. Je me suis couché à 22 heures; il était bien 2 heures du matin quand je me suis endormi.<br /> 11 août : anniversaire de notre mariage, il y a 17 ans; je dois hélas le passer ici … en veuvage. Mon premier travail, au réveil, est de relire la lettre reçue hier, toujours avec les larmes aux yeux.<br /> 12 août : je passe encore en revue la lettre.<br /> 14 août : une dizaine de lettres sont arrivées au camp; presque toutes signalent que beaucoup de soldats sont rentrés au pays. Moi, je n’ai rien obtenu. A quand notre tour de rentrer?<br /> 18 août : on a distribué 8 lettres; rien pour moi.<br /> 21 août : le soir en rentrant on me remettait une lettre; je suis on ne peut plus content; je ne parviens pas à la lire sans avoir les larmes aux yeux. Albert HELLIN apprend par une lettre que sa sœur Marguerite est décédée et que Léon BEUDIN, le mari, est rentré un mois plus tard.<br /> Par la suite, le courrier arrivait plus régulièrement, mais au compte-gouttes et avec beaucoup de retard (deux et parfois trois semaines). Il reste que Léon continue dans son journal à traduire de manière récurrente son impatience à recevoir de la correspondance. Il n’est par ailleurs pas exclu que certaines lettres écrites par son épouse ne lui parvenaient pas.<br /> <br /> Quant à l’envoi de courrier par les prisonniers à destination de la Belgique, il ne fut autorisé qu’à partir du 10 juillet et il était très réglementé, comme l’indique le document ci-après. Des formulaires vierges de cartes et lettres, remis à chacun en nombre limité (une lettre et trois cartes par mois), étaient les seuls à pouvoir être utilisés; c’était l’unique possibilité d’informer les proches de leur vie et de leur état de santé:<br /> <br /> <strong>Le cafard.</strong><br /> <br /> « Cafard » : voilà le maître mot qui émaille le journal de Léon. Les dimanches, en particulier, se déroulaient dans la morosité; ils étaient source de souffrances, de cafard, d’attente.<br /> Dans les premiers temps de sa captivité, il entretenait l’espoir d’un retour rapide au pays, mais l’éloignement prolongé et l’incertitude quant à la durée de la détention devenaient insoutenables; le découragement engendrait inévitablement des idées noires . Combien de fois n’a-t-il pas écrit dans son journal: « A quand le retour? Hélas, il se fait bien attendre », réactions d’autant plus compréhensibles que des informations lui parvenaient de temps en temps signalant le rapatriement de prisonniers en Belgique.<br /> 26 août : des camarades nous ont dit avoir entendu à la radio que nous serions tous rentrés pour la mi-septembre.<br /> 29 août : je commence à perdre l’espoir de retourner avant la fin de la guerre.<br /> 31 août : allons-nous rester ici les derniers? Quelle joie lorsque nous serons de retour! <br /> 27 septembre : un camarade, Edmond WAUTRECHT, de Houdeng-Aimeries, apprend que demain, il pourra retourner au pays et ce parce qu’il est bilingue (N.B.- , cette personne, une semaine après son retour, est allée donner des nouvelles de son père à Maurice, qui étudiait à l’Institut St-Ferdinand, à Jemappes).<br /> 28 septembre : un soldat allemand nous dit que nous retournerons dans quelques semaines; cette nouvelle fait remonter le moral; il était temps car il était déjà bien bas. »<br /> En fait, l’attente durera encore un mois!<br /> <br /> <strong>Abstinence tabagique.</strong><br /> <br /> Gros fumeur de pipe, Léon subit un sevrage tabagique forcé au début de sa captivité. Sa souffrance psychique la plus pénible était, disait-il, liée à l’absence de tabac<br /> 13 juin : je n’ai plus de tabac.<br /> 10 juillet : avons reçu un peu de tabac.<br /> 12 juillet : le contremaître de l’usine est très gentil avec nous; j’ai de la chance de lui pour pouvoir fumer de temps en temps une bonne pipe.<br /> 21 juillet : la patron de l’usine, à qui j’ai dit que c’était le jour de notre fête nationale, m’a donné un cigare et un morceau de tarte au fromage.<br /> 1 août : s’adressant à sa famille: «vous pouvez m’envoyer un colis (il ne peut pas dépasser 2 kg); je n’ai pas besoin de nourriture, si ce n’est du chocolat, mais de tabac et d’une pipe. »<br /> 4 août <br /> : le patron nous a gratifié de cigarettes et de tabac.<br /> 7 août : on nous a attribué une solde pour la première fois.<br /> 8 août : grâce à la solde (70 Pfennig par jour), je peux maintenant acheter du tabac et fumer à volonté!<br /> 16 août : j’ai acheté une pipe, une boîte à tabac et du tabac.<br /> Voilà un calvaire qui au moins prenait fin!<br /> <br /> Exacte notion du temps.<br /> <br /> Il est frappant de constater à quel point la notion exacte du temps écoulé et des dates importantes est restée présente et obsessionnelle dans la mémoire de Léon. Il fait état régulièrement, et avec une grande précision, du temps passé depuis son départ de la maison, son arrivée au camp, la capitulation de la Belgique, etc. Il pointe aussi du doigt le jour de son anniversaire de mariage ainsi que l’anniversaire de son épouse, les fêtes typiquement belges (21 juillet, 15 août), le jour de la reprise des cours de son fils.<br /> La foi.<br /> La foi fut un pilier non négligeable dans l’équilibre mental de Léon; elle lui a permis de surmonter plus facilement ses inévitables moments de découragement.<br /> <br /> Pendant son bref séjour à HOYERSWERDA, il servit la messe en plein air (les dimanches 16 et 23 juin) devant 2000 prisonniers.<br /> <br /> Au camp de KLEINSAUBERNITZ, aucune manifestation religieuse n’était organisée. Son journal relate toutefois quelques faits et réflexions:<br /> Le dimanche 21 juillet, on nous a demandé qui voulait aller assister à la messe catholique, sachant qu’il y avait deux heures de route à pied (idem pour le retour) pour arriver à l’église. Nous nous sommes décidés à huit pour y aller.<br /> Dimanche 4 août : A 10 heures, j’entends les cloches de l’église protestante qui sonnent à toute volée pour la messe. Il fait beau; j’ai le cœur qui saigne.<br /> A 10.30 heures, j’écoute à la radio une belle messe chantée. Je me crois au jubé à Maubray en train de chanter (N.B.- Léon était chantre à l’église de Maubray). Je vois mon épouse à sa place habituelle dans l’église; je ne puis m’empêcher de pleurer.<br /> Jeudi 15 août : fête de l’assomption. Pas le moindre signe de fête. On travaille comme les autres jours car, chez les protestants, le 15 août n’est pas un jour férié; or, dans cette contrée, il n’y a que des protestants. Ici, il pleut, s’il fait le même temps à Maubray, la procession ne pourra pas sortir (N.B.- Allusion à la traditionnelle procession du 15 août) !<br /> <br /> <strong>LES DERNIERS JOURS AU CAMP DE KLEINSAUBERNITZ</strong><br /> <br /> Les derniers jours passés au camp avant le retour en Belgique furent vraiment pathétiques. Jugeons plutôt :<br /> Mardi 22 octobre : la patronne du Gasthof où je vais chercher la nourriture me remet un sac contenant une dizaine de tartines supplémentaires en justifiant cette action par le fait qu’un coup de téléphone venait de lui apprendre qu’un soldat retournerait le lendemain au Stalag IV (à HOYERSWERDA) en vue d’un rapatriement ultérieur en Belgique. Elle ignorait de quelle personne il s’agissait. Au souper, nous étions 8 à nous regarder, nous demandant qui serait cet heureux. J’avais l’impression que ce serait moi; aussi, je ne suis pas parvenu à manger. Je pleurais de joie rien qu’à y penser. Comme de fait, on vient subitement me prévenir que c’était moi, mais aussi 3 camarades (de Fontenoy): Georges HELLIN, Auguste PETIT, Emile GALLAIX. Quel énervement; je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit. J’ai préparé tout mon barda, en vue du départ à 4.30 heures du matin.<br /> Mercredi 23 octobre : lever à 3.30 heures. Toilette rapide. A 4 heures, départ à pied pour la gare de BARUTH. Quelle tristesse lorsque nous quittons le camp; pire qu’un enterrement; nos compagnons d’infortune - càd ceux qui malheureusement restent sur le carreau - pleurent en nous disant au revoir. Prenons le train à BARUTH; à 6 heures, descendons à RADIBOR (10 km au nord de BAUTZEN). Vers 7 heures, partons au logement des prisonniers belges de cette région. Un 5e soldat, un habitant d’Anvaing, qui était à MALWILZ, vient se joindre à nous pour le retour.<br /> A 15 heures, trajet en train de RADIBOR pour arrivée à la gare de HOYERSWERDA à 16.30 heures, puis une heure de marche pour atteindre le Stalag IV A. On nous fait remplir une fiche (nom, date de naissance, etc). On nous signale que nous retournerons sous peu. Dormons dans un baraquement sur de simples planches. Sommes 16 en partance. Il reste environ 200 Belges au camp, des Français, des Polonais…<br /> Jeudi 24 octobre : 2 sur les 16 partent avant-midi. On nous demande de ne pas quitter le baraquement car on peut nous appeler à tout moment. Le soir arrive: rien. Le temps semble long.<br /> Vendredi 25 octobre : on nous dit que nous partons sur le champ. Nous devons remettre nos effets militaires et on nous donne en remplacement des vêtements civils. Sommes à croquer! L‘important, c’est que nous retournons. Sommes 14 des environs de Tournai dans le cas. On nous délivre l’attendue « attestation de démobilisation » (voir ci-après).<br /> Ici prend fin le précieux journal personnel tenu par Léon BRABANT,<br /> qui donne une splendide illustration du vécu de l’auteur pendant ses jours d’errance et d’emprisonnement.<br /> Nous ignorons le temps qu’a pris le trajet de son retour en Belgique.<br /> <br /> <strong>Une fois la liberté retrouvée, Léon fut membre actif de l’Armée Secrète</strong>.<br /> <br /> Source :<br /> <a href="https://w.maubray.be/JournalDUnPrisonnierDeGuerre.htm">https://w.maubray.be/JournalDUnPrisonnierDeGuerre.htm</a> Sun, 31 Mar 2024 11:32:26 +0200 Mémoires de L’Hoest Nicolas né à Heure-Le-Romain le 6 Mars 1913. https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-246+m-moires-de-l-hoest-nicolas-n-heure-le-romain-le-6-mars-1913.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-246+m-moires-de-l-hoest-nicolas-n-heure-le-romain-le-6-mars-1913.php Rappelé sous les armes le 25 Aout 1939 au Fort de Pontisse.<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/lhoest_nicolas_001freebelgians_mars2024.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Nicolas L’Hoest affecté au Fort de Pontisse******</p><br /> <br /> <strong>Début de la seconde guerre mondiale</strong> :<br /> Le 10 Mai 1940 l’Allemagne estime que l’heure est venue de frapper le coup décisif et de passer à l’offensive. Pour la Belgique, pour les garnisons des forts de Liège, la guerre éclair vient de commencer.<br /> <strong>Le vendredi 10 mai 1940</strong> à 0 Heure 40 :<br /> Une communication de l’Etat-major annonce l’alerte, le territoire de la Belgique est menacé. Toutes les coupoles sont occupées et elles sont prêtes à entrer en action. Il en est de même pour les coffres de la défense rapprochée. Au Fort de Pontisse, tout est mis en place pour la défense de la position et de la zone qu’il doit couvrir.<br /> A 4 Heures 20 : Deux gendarmes de la brigade de Herstal viennent signifier au Commandant du Fort qu’il doit faire appliquer le plan « E » C'est-à-dire la phase d’alerte « Pied de Guerre Réelle »<br /> A 5 Heures : La coupole de 105 doit effectuer un tir sur le Fort d’Eben-Emael. Des parachutistes viennent d’être déposés par des planeurs. Cent coups de canon seront ainsi tirés en direction du toit du fort d’Eben-Emael, cette opération sera renouvelée plusieurs fois au cours de la journée. Durant ce premier jour de guerre, le Fort de Pontisse interviendra sur un autre objectif : il va empêcher, par des tirs précis de sa coupole de 105, le passage des chaloupes allemandes qui essayent de traverser la Meuse à la hauteur de la ville d’Eysden, cité hollandaise, en face de Lixhe-Lanaye. Les canots sont détruits ou ils ont basculé dans le fleuve, les Allemands vont ainsi renoncer à leur nombreuses tentatives de traverser la Meuse.<br /> <strong>Le Samedi 11 mai 1940</strong> à 1 Heure 30 :<br /> Le Fort de Pontisse fait un tir de concentration sur une batterie allemande repérée à 500 mètres du clocher de l'église de Saint-Rémy. Les tirs durent 5 minutes.<br /> A 2 heures : Sous la conduite de leurs officiers et sous-officiers, les hommes qui doivent rejoindre l'armée de campagne quittent le fort. Ceux qui restent savent, à présent que leur mission est de mener des combats retardateurs donc une mission de sacrifice.<br /> A 4 heures 30 : Les tirs vont reprendre, parce que les troupes allemandes tentent d’installer un pylône d'observation à Grand-Lanaye et de construire un pont, a environ 500 mètres plus au nord du lieu de passage, par ou elles avaient tenté de traverser la veille. 18 barques ou nacelles ont été détruites par les tirs, le pylône et le pont ne seront pas construits.<br /> A 5 heures 30 : Le Commandant du 2ème groupe des garnisons des Forts de Liège vient installer son poste de commandement au Fort de Pontisse. Il peut ainsi se rendre compte du zèle déployé par le Capitaine Pire et par ses hommes dans la défense de la position.<br /> A 6 heures : Le Fort exécute des tirs en avant du pont de Berneau.<br /> A 7 heures : A la demande du Fort d'Eben-Emael, les artilleurs de Pontisse tirent sur le Moulin, en bordure du Geer.<br /> A 8 heures 30 : Des troupes allemandes sont en marche dans le triangle Visé – Mouland – Warsage. Les coups répétés du Fort de Pontisse obligent l'ennemi à se réfugier dans une ferme proche, et les tirs sont alors dirigés vers cette ferme.<br /> A 10 heures : C’est la visite du Commandant de l’artillerie du IIIème Corps d’Armée. Il se déclare très satisfait des prestations du Fort de Pontisse.<br /> A 11 heures : La liaison avec Eben-Emael est coupée, on s'interroge. Au cours de la journée, le poste d'observation « P.L.13 » sur la route d'Oupeye est bombardé par l'artillerie allemande, installée dans la région de Dalhem. On apprend, en même temps, que la villa JOASSART à Argenteau est occupée et que les Allemands y ont installé un observateur. L'obusier de 75 du Saillant III réplique par quelques tirs précis, qui ont pour effet de calmer le zèle de cet observateur, et les tirs de l'artillerie allemande se dispersent.<br /> A 18 heures : On a appris que le Fort d’Eben-Emael était tombé, alors le Commandant du Fort de Pontisse autorise l’observatoire permanent 204 à se replier sur Liers après avoir détruit les dossiers.<br /> A 20 heures : Les guetteurs signalent que des patrouilles allemandes viennent de Hermalle, et qu'elles tentent de franchir le pont à Vivegnis. La coupole du Saillant III disperse cette patrouille par ses tirs au but. Le Fort tire alors sur le pont de Vivegnis, qui va sauter au 6ème coup. La coupole de 105 exécute des tirs sur le tunnel de Dalhem, ou les troupes allemandes se sont réfugiées. L'obscurité va empêcher de pousser les réglages au maximum pour les tirs sur le pont du Canal Albert à Hermalle, mais les ponts de Hermalle sauteront aussi sous l'action des troupes du Génie belge, le pont de Haccourt sera, quant à lui, détruit par les cyclistes frontières.<br /> La nuit : Pendant que des patrouilles de sécurité circulent dans les environs du fort, la coupole de 105 exécute des tirs d’interdiction sur les nœuds routiers de Withuis en Hollande, de Wonck et Bassenge dans la vallée du Geer.<br /> Le dimanche 12 mai 1940 à 6 heures 30 :<br /> Une patrouille de la section des mitrailleurs contre avions voit un bombardier léger, de la Royal Air Force, s’abattre dans la campagne de Rhées. Elle ira récupérer les hommes de l'équipage. Malheureusement, le pilote Mike ROONEY a été tué, le Capitaine TIDERMAN, chef de la mission et son observateur, blessé à la main, sont amenés au Fort. Dans la matinée, des patrouilles sont allées reconnaître la vallée du Geer, la zone de Milmort – Hermée – Grand-Aaz ainsi que le secteur de Lanaye, elles rapportent des renseignements intéressants sur les positions allemandes et les communiquent au bureau de tir. Ces positions deviennent des objectifs pour la coupole de 105 qui commence à les pilonner.<br /> Vers 11 heures 30 : Le poste d’observation « P.L.13 » signale une colonne motorisée, qui monte la route de Haccourt à Oupeye. Aussitôt, les 4 coupoles de 75 concentrent tous leurs tirs sur cette route. Prise sous les feux de Pontisse, la colonne allemande doit faire demi-tour, en laissant sur place quelques motos et une voiture.<br /> Vers 13 heures : La situation se répète avec une colonne d'infanterie allemande, qui débouche sur la grand’ route d'Haccourt. Bien renseignés, les tirs du Fort et les mitrailleurs de l'abri « P.L.13 » entrent en action et les Allemands, surpris par la précision des coups, se dispersent dans les vergers. Ils s'abritent dans les maisons proches, d'autres au cabaret « le Stop » et à la ferme d'en face. Mais le poste « P.L.13 » est tellement précis dans les coordonnées qu'il transmet au Fort, que les canons de Pontisse n'ont aucun mal à transformer le cabaret et la ferme en écumoire. Ainsi délogés de leurs abris, les soldats allemands s'éparpillent dans la campagne et les soldats du Fort les poursuivent de leurs tirs appuyés.<br /> Par après : Les Allemands, vexés par l'échec de leurs tentatives, vont essayer de s'emparer de l'abri-observatoire « P.L.13 », mais leurs attaques seront repoussées. Au Fort, la coupole du Saillant I semble avoir été touchée, mais elle sera vite réparée.<br /> A 20 heures : Barchon communique que la batterie allemande, qui tire sur le fort de Pontisse, est installée à la Chapelle de LORETTE, à Visé. Immédiatement, la coupole de 105 prend la position allemande sous le feu de ses canons. Alors, l'activité de l'artillerie allemande ralentit peu à peu et elle cesse quand la nuit tombe.<br /> Durant la nuit : Les Allemands ont fait installer des pièces d'artillerie en grand nombre. A présent, leurs canons à pied d'œuvre, vont commencer a harceler Pontisse.<br /> <strong>Le lundi 13 mai 1940</strong> :<br /> Le jour est à peine levé, que la bataille reprend et elle va durer jusqu'au soir et mettre en lumière, de façon éclatante, la valeur militaire de la garnison de Pontisse.<br /> En premier lieu : C'est le poste « P.L.13 » qui rallume le combat contre une colonne d'infanterie allemande venant de Haccourt vers Oupeye. Comme la veille, elle tombe sous le feu du Fort et elle doit rebrousser chemin.<br /> Peu après : L'artillerie ennemie va prendre le « P.L.13 »sous ses tirs, pendant que d'autres troupes allemandes apparaissent sur la route du Canal vers le Werihet, le Fort de Pontisse va les accrocher et quand les Allemands arrivent à hauteur du pont de Hermalle, ils tombent sous le feu des 2 coupoles de 105 du Fort de Barchon. Mais ces acharnés soldats parviendront quand même à traverser le barrage de feu. L'ennemi est exaspéré, de voir que tous ses mouvements sont contrariés par un Fort qui faisait figure d'adversaire insignifiant à côté de Eben-Emael, tombé en 36 heures. Aussi, le commandement allemand a décidé de lancer un assaut en règle contre Pontisse, pour mettre ce fort hors de combat.<br /> A 10 heures : Le sous-officier, chef de poste de l'abri prise d'air, signale qu'il reçoit des coups qui lui sont portés par des obus de petit calibre qui sont tirés depuis le Fond de La Vaux. Aussitôt, les coupoles de 75 et les fusils mitrailleurs commencent à faucher les positions allemandes de La Vaux. Très vite, l'abri prise d'air apparaît comme étant la cible principale et elle reçoit des moyens supplémentaires, qui lui permettent d'arroser de ses tirs, maisons, remises, hangars, jardins, vergers, lisières des bois, où l'ennemi pourrait trouver refuge. Mais les Allemands se sont déployés en éventail depuis la route militaire jusqu'au village de Vivegnis. De là, ils se lancent à l'attaque du Fort. Les coupoles de 75 frappent à coups redoublés dans les rangs allemands. Mais cela reste la prise d'air, l'objectif, où l'ennemi porte ses coups les plus redoutables et elle se défend avec acharnement. Deux petits canons allemands, bien dissimulés dans les jardins des maisons du Fond de La Vaux, sont repérées et réduits au silence.<br /> La bataille fait rage jusque 13 heures 30, après, le vacarme s'apaise, l'ennemi n'a conquis aucun avantage, il se replie et il regagne ses positions de départ.<br /> A 14 heures : On n'aperçoit plus aucun Allemand dans les alentours du Fort, seulement quelques véhicules de reconnaissance sur la route d'Oupeye-Hermée. Les tirs du Fort vont les démolir à hauteur de l'Arbre du Chenay.<br /> A 16 heures 30 : Une batterie allemande, installée à la ferme de CROMWEZ, au nord de Dalhem, est prise à partie par les canons des Forts de Barchon et de Pontisse.<br /> A 17 Heures : Des troupes allemandes qui prennent position à hauteur de la ligne du tram vicinal Liège-Bassenge, et aux débouchés d'Oupeye sont repérées, les coupoles de 75 se chargent de les repousser, ceux qui se trouvent dans la campagne de Hermée refluent vers le champ d'épreuve de la fonderie des canons, où ils seront encore délogés par nos obusiers.<br /> A 18 Heures 30 : Les Allemands lancent une nouvelle offensive, les tirs de canons de petit calibre viennent frapper l'abri de la prise d'air, du poste d'observation cuirassé. Le Fort, lui-même, est bombardé par des obus de moyen calibre. Malgré cela, les obusiers ne lâchent pas leurs proies. Mais cela tire de partout et les cibles sont tellement nombreuses que nos soldats ne peuvent pas répondre à toutes les demandes. Les Allemands se rapprochent dangereusement, mais on ne peut plus faire face à tous les dangers qui menacent le Fort. A la même heure, le poste « P.L.13 » est attaqué par des troupes qui montent vers Oupeye par les champs du Wérihet et par la route de Haccourt. Il demande un appui au Fort, pour être dégagé mais, malgré ses appels pressants, il n'est pas possible de donner satisfaction, le Fort doit parer à des dangers plus immédiats.<br /> Pourtant, le chef du poste « P.L.13 » voit un officier allemand en side-car qui s'arrête à 30 mètres de l'abri à côté du sentier dit « du Sacrement », qui va d'Oupeye vers Beaurieux.<br /> Cet officier ne se rend pas compte de la proximité avec l'abri « P.L.13 », il déploie sa carte, le chef de poste signale la chose au bureau de tir du fort « discrètement ». Au moment ou l'officier allemand allume une cigarette; un obus lui éclate entre les jambes. Une fois la fumée dissipée, il ne reste sur place que des débris, les cadavres seront retrouvés à plusieurs mètres delà. Le chef de l'abri « P.L.13 » demande qu'on lui apporte des vivres et des munitions.<br /> A la tombée de la nuit : Le Fort s'est jusque là, défendu rageusement. Les Forts de Barchon – Evegnée – Fléron et même Flémalle ont aidé au mieux Pontisse pour barrer les accès au fort à l'ennemi. Avec l'obscurité, les combats diminuent et leur intensité est retombée, on peut alors penser à ravitailler « P.L.13 ».<br /> A la nuit : Une patrouille composée d'un gradé et de deux hommes quittent le Fort en direction de « P.L.13 ». Ils rentrent 3 heures plus tard, n'ayant pas pu passer les barrages ni de Oupeye, ni de Vivegnis, tous les chemins sont fortement gardés. De toute manière, c'était inutile, le chef de poste de « P.L.13 », constatant la rupture de liaison avec le Fort avait quitté l'abri avec ses hommes, profitant de l'obscurité, ils se sont refugiés dans les caves d'une maison voisine où ils resteront trois jours avant de regagner leur domicile. Des tirs de harcèlement sur les nœuds routiers. Une surveillance a été placée sur le massif pour détecter toute activité ennemie qui s’approcherait du Fort.<br /> <strong>Le mardi 14 mai 1940</strong> au lever du jour :<br /> On voit des travailleurs ennemis occupés à des travaux de terrassement sur la crête voisine, ils vont être dispersés par le feu des 75 de Pontisse, mais ils reprennent leurs travaux, dès que les tirs en leur direction cessent. Nos coupoles de 75 ne peuvent pourtant pas rester concentrées sur ces travailleurs ennemis parce qu'il faut aussi disperser des troupes allemandes à l'orée d'Oupeye. Le Fort de Barchon est attaqué par l'aviation allemande, et la coupole de 105 tire en fusant à l'aplomb du Fort de Barchon, pour obliger les STUKAS qui bombardent en piqué, de lâcher leurs bombes de plus haut.<br /> A 13 heures 25 : C'est à présent Pontisse qui est attaqué par les bombardiers en piqué, qui déversent leurs bombes sur le massif et sur les organes de défense voisins. C’est alors qu'un homme arrive au bureau de tir pour signaler que la coupole du Saillant II est hors service et qu'il y a des blessés.<br /> A 15 heures : C'est au tour de la coupole du saillant I de recevoir un coup dans sa proximité et ici aussi, la coupole a des dégâts qui vont handicaper son fonctionnement. Conjointement aux attaques aériennes, le fort subit aussi le feu des canons de campagne allemands, mais le Fort se défend avec acharnement, la prise d'air et les obusiers 75 intacts parviennent à maintenir l'ennemi à distance.<br /> A 18 heures : Des voitures blindées allemandes sont immobilisées près de l'arbre du Chenay, à Oupeye, sous les tirs du Fort de Pontisse. Ensuite, Barchon demande le concours de Pontisse pour exécuter un tir sur une villa de la route de Chefneux.<br /> A 18 heures 30 : Deux observateurs sont blessés, le premier à la main fracassée par un petit obus pénétrant, le second est atteint à la face par des éclats après l’explosion d'un autre obus.<br /> A 19 heures 30 : Comme c'était aussi le cas le jour précédent, tous les environs du Fort sont couverts par une épaisse fumée qui aveugle tous les postes de guet, c'est le prélude d'une grande attaque, aussitôt, bien que la visibilité soit nulle, les fusils-mitrailleurs, les obusiers de 75 et même la coupole de 105 déploient toute leur puissance de feu sur les glacis et ils transforment, en zone de mort, tous les endroits où des assaillants pourraient s'aventurer.<br /> A 20 heures 30 : L'assaut à sans doute échoué, parce que le Fort encaisse des coups d'un bombardement à gros calibre de l'artillerie lourde allemande. Les coups sont portés, à intervalle régulier, jusqu'à la tombée de la nuit et ils font trembler tout le Fort.<br /> <strong>Le mercredi 15 mai 1940</strong><br /> Les hommes sont épuisés par les alertes continuelles, ils essayent de prendre quelques heures de repos mais ce n'est pas facile, à cause des bombardements successifs, la tension nerveuse est au maximum.<br /> A 6 heures : Le Bombardement de gros calibre reprend contre le Fort et des mouvements de troupes ennemies inquiètent les défenseurs, qui répliquent par des tirs de leurs coupoles. Le Fort de Barchon exécute les tirs qui lui ont été demandés sur les arrières de la ferme THIRY et en revanche, Barchon demande que le Fort de Pontisse lance des salves d'interdiction sur les débouchés venant du village de Housse.<br /> A 7 heures : Tout rentre dans un calme relatif. Des patrouilles sortent du Fort, pour constater les dégâts, tout le long des glacis, les barbelés sont cisaillés, les piquets sont balayés, il n'y a plus aucun obstacle en place, la rampe d’accès n’existe plus, la porte du corps de garde est sortie de ses gonds qui sont arrachés, le fossé du coffre de gorge est comblé par des terres, plusieurs cratères ont de 4 à 5 mètres de profondeur entre les Saillants II et III, le cratère est immense. Sur les pentes des glacis, il ya une quantité invraisemblable de fusils, mitraillettes, grenades, boites de munitions et de fusées, pistolets lance-fusées, besaces, havresacs, lunettes de pointage, tout un matériel abandonné par les soldats allemands. Dans une excavation, on découvre le cadavre d'un soldat allemand, la tête à moitié arrachée. Des corvées sont désignées pour dégager les abords et nettoyer les glacis, il faut précipiter tout ce matériel, laissé sur place dans les fossés du Fort. Pendant qu'une équipe est chargée de combler les excavations du fossé de gorge, une autre équipe doit garnir de mines l'éventration de la contrescarpe. L'aumônier, aidé par quelques brancardiers porteurs du fanion de la Croix-Rouge, se préparent à enterrer le cadavre allemand. Ils sont appelés par un soldat allemand qui agite un drapeau blanc, marqué de la Croix- Rouge. L'homme dévale la pente, débouche par le petit sentier, il est aussi porteur d'un brassard de la Croix-Rouge et il vient expliquer aux soldats belges que le soldat tué est un « KAMARADE », et il demande à reprendre ses effets personnels, on les lui remet, à l’exception de ses papiers, qui seront remis au bureau de tir pour être examiné et le brancardier allemand repart par où il est venu en emportant les effets de son « KAMARADE ». Grâce au dévouement des deux cuisiniers du Fort, grâce à la complaisance des membres de l'administration communale herstalienne et au courage de monsieur LOUVEAU de Herstal, le fort a reçu, malgré les bombardements, du pain frais jusqu'à ce jour.<br /> Aujourd'hui : Les soldats du Fort peuvent prendre une douche, manger une bonne soupe chaude et du café chaud. Les spécialistes du matériel travaillent à la remise en état de la coupole de 75 du Saillant I. Le Fort d'Evegnée a repéré une batterie allemande installée dans le parc de Bernalmont et il demande au poste d'observation cuirassé de Pontisse de diriger et de renseigner ses tirs sur la position allemande. Dans l'après-midi, le Fort de Pontisse exécutera quelques tirs sur une batterie allemande installée au nord de Dalhem, et le harcèlement continue sur les principaux nœuds routiers.<br /> <strong>Le jeudi 16 mai 1940</strong> au petit jour :<br /> Un groupe de servants de la coupole de 105 est designé pour s’installer dans la ferme THIRY, sa mission est d'observer les mouvements des Allemands autour de la ferme et du fort, mais surtout de surveiller le versant du fond de La Vaux, qui est caché aux observateurs du poste cuirassé du Fort. Des téléphonistes établissent une ligne volante pour communiquer avec le fort et les hommes emportent cinq mitrailleuses pour la défense de leur poste. Seulement, ils reçoivent l'ordre de n'intervenir qu'en toute dernière extrémité pour ne pas dévoiler leur position.<br /> A 9 heures : L'abri d'observation situé « aux Communes », à Cheratte hauteur, signale une colonne de 200 hommes qui se dirigent de Haccourt vers Vivegnis. Le Fort de Pontisse accroche cette colonne par des tirs de la coupole de 105. Des groupes de travailleurs allemands se détachent en direction d'Oupeye et à la lisière du bois de Pontisse, les renseignements fournis par les postes d'observation de la prise d'air, de la ferme et de l'observatoire cuirassé du Fort concordent et les coupoles leur livrent une véritable chasse.<br /> A 14 heures 30 : Des fantassins allemands s'avancent sur la route de Hermée, le poste de la ferme Thiry demande à pouvoir intervenir, mais on leur répond de ne pas bouger, c'est la coupole du Saillant I qui se charge de cette besogne.<br /> A 19 heures 30 : Une troupe d'infanterie allemande débouche au pont de Haccourt et vient vers le sud en suivant le canal, le fort règle ses tirs qui se poursuivent jusqu’à la nuit tombante sur ce passage.<br /> Le soir : Le Fort d’Aubin-Neufchâteau transmet à Pontisse un message adressé au Fort de Liège signé par Léopold Roi des Belges, qui disait « Officiers, sous officiers et soldats de la position fortifiée de Liège, vous résistez jusqu’au bout de vos forces pour défendre la Patrie, je suis fier de vous ! » Le message de sa Majesté le ROI a été diffusé sur les antennes de la radio qui ajoutait encore que la population Belge toute entière exprime sa plus grande admiration aux héros qui dans les Forts de Liège, résistent à outrance à tous les assauts de l’envahisseur. Suite à ce message le moral du Fort est bon. Certains de nos soldats vont même pousser la chansonnette, il serait même question d'aller « pendre son linge sur la ligne SIEGFRIED »<br /> <strong>Le vendredi 17 mai 1940</strong><br /> Le bombardement qui avait cessé la veille reprend à une cadence assez lente. Barchon est attaqué par les avions qui lâchent leurs bombes en piqué. Le chef de poste, installé dons la ferme Thiry, donne des indications précises à la coupole de 105 pour procéder au déclenchement des tirs fusants au bon moment. De son côté, le Fort d'Evegnée procède par des tirs identiques. Touché par les éclatements de ce tir croisé, un STUKA est abattu, il s'écrase à proximité du Fort de Barchon. Après le S.O.S. lancé par Barchon, toutes les coupoles de Pontisse exécutent des tirs de dégagement dans les fossés et à la limite nord du Fort de Barchon, ainsi que sur la route de Housse.<br /> Vers midi : La liaison téléphonique, avec Barchon, est coupée, pour communiquer, il reste le lancement des fusées et la télégraphie sans fil.<br /> Après-midi : Un avion de reconnaissance allemand survole le Fort à basse altitude et peu après, le bombardement reprend avec violence, les obus de gros calibre martèlent le toit du Fort, les coups assourdissent et on sent même le souffle des déflagrations. Les petits canons de campagne allemands sortent du bois des Trixhes, et ils se camouflent sur la crête de La Vaux pour tirer sur les défenses du Fort. Des obus plus petits arrivent à grande vitesse sur leurs objectifs. L'observateur de la ferme Thiry et celui de la prise d'air guident, au mieux, les coupoles du Fort qui répliquent et pour le Saillant IV, qui n'a pas de vue directe, c'est le poste d'observation cuirassé qui dirige ses tirs. La coupole du Saillant III est détruite et deux hommes sont gravement atteints, le chef de poste fait savoir qu'un obus a traversé la coupole et il l'a réduite en ferraille. Quand le médecin arrive sur place, le premier homme est mort, quant au second, il est transporté à l'infirmerie mais il décède sur la table d'opération. Ce sont le soldat milicien HEUSY et le soldat rappelé BAJARD. BAJARD était un soldat d'un autre régiment, qui avait rejoint le Fort de Pontisse ne sachant pas où retrouver son unité. Quant aux blessés, les soldats BRITTE et HELLIN, ils sont soignés à l'infirmerie. Le Fort de Barchon a signalé qu'une batterie allemande, qui tirait sur Pontisse, était probablement située à Wandre, mais tous les efforts pour la découvrir sont restés vains.<br /> A 19 heures 30 : C'est le poste d'observation cuirassé qui est touché. Un obus de 88 allemand a traversé le blindage, et les observateurs ont dû battre en retraite. Au milieu de la nuit, les hommes du poste installé à la ferme Thiry ont pris les dispositions pour installer des obstacles sur lesquels les Allemands doivent buter en cas d’intrusion nocturne. Soudainement, l'homme qui assurait la garde entend des bruits de bottes au rez-de-chaussée. Ce sont effectivement des soldats allemands qui visitent la ferme, mais ils s'en iront sans avoir trouvé nos soldats belges installés aux différents étages.<br /> <strong>Samedi 18 mai 1940</strong> :<br /> A peine le jour est-il levé, que le bombardement qui s'était interrompu durant la nuit, reprend avec force et vigueur. Les obus de 88 des fameux canons allemands pleuvent sur le Fort de Pontisse. Qui plus est, les Allemands s'aperçoivent de la présence des soldats belges, qui observent depuis la ferme Thiry. Aussitôt ce poste est pris pour cible, plusieurs tirs en rafale ponctués par les obus de 88 balaient la toiture de la ferme. Mitrailleuses et appareils téléphoniques sont basculés, plus de communication avec le Fort. L'infanterie allemande surgit aux débouchés d'Oupeye, elle est accueillie par les salves des obusiers de 75 qui fonctionnent encore et par le tir fusant de la coupole de105. Le Saillant IV intervient contre les troupes allemandes rassemblées en bordure du Bois de Pontisse. Le Saillant I reçoit un coup qui bloque son fonctionnement, on essaye de suite de réparer.<br /> A 10 h 30 : Il ne reste plus qu'un seul obus à la coupole de 105, un officier et un sous-officier artificier sont désignés pour la faire sauter dès qu'elle aura tiré son dernier coup. Le Fort est fortement ébranlé par les bombes des avions allemands qui viennent encore s'ajouter au pilonnage terrestre. Soudain, une terrible déflagration, c'est la coupole de 105 qui vient de sauter. La prise d'air est également engagée contre l'infanterie allemande qui parvient à s'installer au-dessus de l'abri. Au bout d'une demi-heure, l'officier de tir voit une forme humaine qui se laisse glisser le long d'une corde pour attaquer l'embrasure de la prise d'air, aussitôt, l'officier abat cet intrus d'un coup de pistolet. Le Saillant IV tente plusieurs tirs à courte distance pour dégager la prise d'air, mais il n'a pas de vue sur cet objectif et les tirs sont dispersés. Il y a déjà une heure que les avions viennent bombarder le Fort, quand un coup plus violent que les autres ébranle les murs. Une bombe est tombée à l'aplomb de l'escalier qui conduit à l'étage du bas, une deuxième bombe qui viendrait frapper sur la gorge du massif couperait tout accès vers la sortie. La coupole du Saillant IV balaie les environs avec ses boîtes à balles. La prise d'air voit surgir les assaillants à l'embrasure avec des lance-flammes, aussitôt, c’est le « branlebas » les soldats belges évacuent et à peine la porte blindée refermée, les lance-flammes attaquent. Sous l’action de la chaleur, les munitions spéciales, balles traçantes et incendiaires ainsi que quelques grenades restées dans le local, explosent littéralement. Après la déflagration, des épaisses fumées envahissent la prise d’air.<br /> Par précaution, la ventilation est coupée mais l’officier entend les appels venant du Saillant IV, les servants sont menacés d’asphyxie, ils demandent que l’on rétablisse le système de ventilation. Les fumées se répandent dans tout le Fort et les soldats de Pontisse sont pris aux yeux et à la gorge. C’est à un point tel que, même cinq jours plus tard, nourriture et boissons resteront imprégnées de cette odeur. Un S.O.S est lancé au Fort de Barchon, mais il semble que l’appel ne soit pas reçu. Barchon ne répond plus, les tirs venant de ce Fort ont cessé depuis midi. Tous les efforts pour réparer la coupole du Saillant I sont restés vains, d’autant plus que les bombes lâchées par les avions ont encore aggravé le blocage. Alors, est donné l’ordre aux artificiers de la faire sauter. La liaison avec la poterne d’entrée est coupée, la situation s’aggrave. Seule la coupole du Saillant IV mène encore la vie dure aux assaillants et aux pièces de l’artillerie allemande située en bordure du Bois de Pontisse, mais ses munitions s’épuisent, il ne lui reste plus que 30 obus et boîtes à balles. Pour les coffres de défense, la situation devient insoutenable, on ne distingue rien à cause des fumées, et quand les fusils mitrailleurs veulent intervenir, des pièces lourdes installées sur le glacis tirent à bout portant sur les embrasures où les Allemands attaquent aux lance-flammes. Depuis la galerie, les soldats du Fort entendent des bruits de travaux : les Allemands sont en train de placer des mines. Des assaillants installés, à cheval, sur la caponnière tentent de répéter le coup de la prise d’air. Des mitrailleuses sont installées pour prendre la galerie en enfilade. Le Fort de Pontisse est acculé, il a épuisé tous ses moyens de défense. Le Saillant IV, seul en état de tirer, épuise ses dernières munitions<br /> A 13 heure 45 : Le drapeau blanc est présenté à l’entrée du Fort. Le Fort de Pontisse s’est rendu à l’extrême limite de ses forces. Après la chute du Fort de Pontisse, les Allemands n'en croyaient pas leurs yeux, étonnés qu'ils fussent du peu de perte subie par la garnison, en plus, ils croyaient que le fort était doté d'un système de télécommande, au vu de la rapidité et de la multiplicité de ses tirs. Un lieutenant allemand s'écriera même « DAS IST BRAVE SOLDATEN ». Ils accordèrent aux soldats de Pontisse le droit de pouvoir enterrer leurs deux morts au combat et ils rendront les honneurs militaires à ces deux combattants. Ensuite, ils feront évacuer les soldats belges blessés et malades, et ils vont également évacuer le major allemand qui commandait les troupes d'assaut. Cet officier supérieur a eu la jambe broyée par un obus et c'est un médecin belge qui lui avait donné les premiers soins. Les Allemands permettront au major SIMON, commandant du IIème groupe et au capitaine PIRE, commandant du Fort de Pontisse de conserver leurs sabres.<br /> Source :<br /> <a href="https://www.maisondusouvenir.be/soldat_lhoest_nicolas.php">https://www.maisondusouvenir.be/soldat_lhoest_nicolas.php</a> Thu, 29 Feb 2024 16:32:46 +0100 La campagne des dix-huit jours mai 1940 : Albert Dhondt https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-245+la-campagne-des-dix-huit-jours-mai-1940-albert-dhondt.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-245+la-campagne-des-dix-huit-jours-mai-1940-albert-dhondt.php <p style="text-align:justify">Albert Dhondt a connu le front depuis l'invasion de la Belgique par les Allemands jusqu'à la capitulation. En tant que sous-lieutenant au 2e Régiment des Guides, il commande un peloton qui fait le trajet d'Opitter dans le Limbourg jusqu'à la côte belge.<br /> Le 2 juin 1940, il fut fait prisonnier de guerre et déporté à Soest. Il y décrit la ‘’ campagne de 18 jours’’ telle qu'il l'a vécue au jour le jour. Les notes étaient écrites au crayon sur 69 pages dans des ‘’cahiers d'écolier’’ à trois lignes.<br /> L’auteur avait alors 25 ans et venait de se marier</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/19_2_03a4_albert_d_hondt.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <strong>Le début</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Juste au début de la guerre, nous nous trouvions avec les 2e Guides le long du canal de Campine , à 25 km devant le régiment, dont nous devions défendre 4,5 km avec le 5° escadron. pour les 4 pelotons, d'environ 22 hommes. Cela signifiait que je disposais d'une longueur de 1 100 m à défendre pour mon peloton en cas d'attaque.<br /> <br /> La garde-frontière, dont nous occupions actuellement le poste, était entré en période de camp depuis 14 jours et devrait se précipiter au secours de notre régiment en cas de danger. Lorsqu'il faut défendre une bande de 1100 m, avec 22 hommes armés de 2 mitrailleuses, abrités dans des abris en terre de fabrication artisanale, qui sont loin de résister aux bombardements, cela signifie que lorsqu'il faut résister longtemps, c’était impossible. J'en étais très conscient. Mais pour le bien des soldats, le chef de section devait garder une bonne attitude et cacher volontairement la vérité, ce qui était trop cruel.</p><br /> <br /> <strong>Le 9 mai</strong><br /> <br /> Vers 21 heures, nous nous sommes assis avec tous les officiers du 2e Groupe ainsi que les soldats des 5e et 4e Escadrons à l'auberge du maire d' Opitter où une fête a été organisée pour les soldats, organisée par l'aumônier Van Dijck , quand la nouvelle s'est répandue que les permissions de 5 jours étaient à nouveau admises.<br /> <br /> En raison de la situation, ces congés avaient été réduits de 5 jours à deux au cours d'un mois. Joie générale en apprenant cette nouvelle. Mais presque au même moment, étant sortis pour échapper au café moisi et prendre l'air, nous avons vus moi et le lieutenant Max Vandenkerckhove, en direction de Gruitrode une lueur rouge provenant d'un feu de forêt. Je n'avais jamais vu un tel incendie, et encore moins la nuit. Cette occasion ne pouvait pas être manquée. Nous prenons notre vélo et nous dirigeons vers Gruitrode. Ce sont les vastes forêts de la commune qui avaient pris feu. Le bourgmestre, les échevins et toutes les autorités étaient sur place et avec leur aide nous avons commencé les travaux d'extinction. Entre-temps, tout le régiment était sur place, de sorte que l'incendie fut éteint en deux heures. Une heure plus tard, les troupes étaient rassemblées et le maire a offert à toutes les personnes présentes plusieurs verres de bière.<br /> Tout le monde parut très surpris lorsque le sergent Verhelst entra et cria : « Lieutenant, la forêt est de nouveau en feu. » A ce moment-là, nous étions encore avec six officiers - les autres s'étaient tournés vers le cantonnement avec les militaires<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/19_2_03cdhodt2freebelgians.gif" alt="" class="valign_" /><br /> La position.</p><br /> <br /> <br /> <strong>10 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Il était maintenant environ 2 heures du matin le 10 mai, à cette heure-là mon motocycliste est venu m'appeler : « Albert »… <br /> Arrivé à la position, les deux gardes m'apportent l'appel : Tout le monde présent, sauf 2 hommes en congé. Après les claquements et les salutations d'usage, ils sont autorisés à reprendre place dans leurs abris pendant que je m'assois contre un arbre. Fatigué et sentant que le sommeil va m'attraper, j'ordonne à mon infirmier et à ma trompette de monter la garde à tour de rôle au cas où je devrais m'endormir... "Lieutenant, lieutenant, regardez." Il était environ 4 heures du matin,… Vingt-sept avions ont survolé nos têtes. « Le brigadier Lenz , a mis en place le tir; le premier avion qui arrive essaie de le faire tomber ! L'ordre fut exécuté avec courage et, moins de dix minutes plus tard, six avions de bombardement lourd arrivaient en provenance de Maaseik. J'ai donné l'ordre de tirer. Tous les officiers le long de la ligne avaient fait de même et c'est là que nous avons eu les premiers vrais tirs de mitrailleuses sur des avions. Et tandis que le garde Janssens se tenait à mes côtés pour recevoir des ordres, une ligne de balles d'avion a éclaboussé l'eau et a tiré la ligne entre moi et ce garde. Durant la première heure de la guerre, les balles volaient à moins de dix centimètres de nos deux têtes. Une sensation étrange, brrr...<br /> A ce moment-là, Huyge , mon motocycliste, s'est approché de moi : « Lieutenant, vous les avez vus ? Des pilotes allemands ont survolé ! Ils disent tous que c'est la guerre ! Si je les avais vus ! <br /> <br /> Puis j’ai réuni les gardes : « Dites à vos soldats de votre groupement tactique que c’est la guerre. Chacun a son devoir à accomplir. Pendant toute la guerre et à tout moment, ils peuvent compter sur moi. Je compte sur toi et sur eux. Je ne veux pas de lâches dans mon peloton et le premier qui recule sans mes ordres, je tirerai comme un chien. Déterminé à tenir parole et sentant la responsabilité de 20 jeunes vies qui, comme je le savais bien, me suivraient comme des moutons, je me suis installé en vigie et j'ai attendu l'ennemi.<br /> Attendre de voir ce qui va se passer et rester seul avec ses pensées, dans les circonstances dans lesquelles moi et mes soldats nous trouvions à ce moment-là, est plus tortueux qu’un bombardement. Oui, que se passe-t-il en ce moment à Stekene avec tous ceux que j'aime, et surtout avec ma jeune femme ?.. Je savais qu'en réalité rien ne leur était arrivé, mais je pensais qu'ils étaient là-bas à s'inquiéter et à s'inquiéter pour moi. Non, personne ne devrait avoir pitié de moi, c'était la guerre, tout le monde devait se battre, il s'agissait de sauver sa vie et celle de ses amis. Si un, ou deux, ou vingt tombaient pour le bien de vingt et un, ils tomberaient. J’étais déterminé à le faire et, à partir de ce jour, je suis devenu dur comme l’acier.<br /> A 8 heures, nous recevons l'ordre de faire sauter les ponts de Bree et d'Opitter . Bien sûr, tout le monde était curieux de voir ce travail dangereux et de voir plusieurs milliers de kg. de fer s'envoler dans l'air. Ici, nous avons eu notre premier blessé : Seghers . Petite blessure, un morceau de fer au pied, mais comme c'était la première, cela a été largement rapporté.<br /> Après la destruction de ces deux ponts, la panique a bien sûr régné parmi la population vivant de l'autre côté du canal. Ces gens étaient enfermés : du côté nord, la garde ennemie, de l'autre côté du canal la première ligne de l'armée belge. Quand le choc a dû survenir, ils étaient au milieu de l’incendie. Il n'était pas question de transfert, nous avions coulé tous les bateaux en toute hâte.<br /> Vers 9 heures j'ai envoyé ma trompette à mon logement pour confectionner sacs et valises au plus vite et du mieux que je pouvais et aussi pour demander quelques sandwichs. La journée s'est poursuivie dans la même tension anxieuse jusqu'à ce que, vers 16 heures de l'après-midi, nous recevions le choc d'une quarantaine de cyclistes qui patrouillaient. Nous leur avons envoyé quelques balles, mais en vain. Ils rebroussèrent chemin et un peu plus tard nous entendîmes des tirs réguliers de fusils et de mitrailleuses sur notre droite : le 4ème escadron était au contact de l'ennemi.<br /> Et ici, je voudrais m'arrêter un instant pour évoquer l'un des gardes-frontières qui s'est comporté de manière imprudente, mais certainement héroïque. Lorsque le feu fut ouvert sur l'ennemi, l'un des soldats sauta hors de sa cachette et, le torse exposé, se plaça au sommet d'un des abris en béton et de là il abattit quatre soldats allemands ; le cinquième était lui-même. C'était un héros, mais je me demande : "Est-ce normal ?"<br /> A 18 heures, soulagement pour tout le monde, ordre de retraite. Nos camions se trouvaient à environ 4 km de notre position, de l'autre côté de la route d'Opitter. Cette fois, il n'était pas nécessaire, comme lors des exercices, de dire aux hommes de se taire et de suivre.<br /> Les garçons étaient littéralement entassés dans les camions, debout ou assis les uns contre les autres, et passaient la nuit à conduire. Nous ne savions pas où menait la route, il nous suffisait de suivre son prédécesseur à une distance de 20 mètres pendant la nuit, sans lumière et sans lune.<br /> En tout cas, ce fut un soulagement pour tout le monde lorsque nous avons traversé le canal Albert et entendu le pont sauter dans notre dos. Puis je me suis endormi.</p><br /> <br /> <strong>11 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">A 4 heures du matin, le 11 mai, j'ai été réveillé par le capitaine qui m'a dit : « Lieutenant, je crois que nous sommes là. » Nous sommes arrivés à Zepperen où nous avons rancontré une femme à qui nous avons acheté un sandwich pour trois francs. Nous sommes restés à Zepperen jusqu'à 11 heures du matin. Comme c'était bon d'enlever ses vêtements noirs et brûlés et de se laver.<br /> Ce matin-là, nous avons perdu notre premier soldat à cause d'une balle de mitrailleuse provenant d'un avion après en avoir abattu un nous-mêmes.<br /> <br /> Quand je me souviens de cette retraite d'Opitter, je dois vraiment dire que les Allemands avaient pitié de nous et qu'ils n'avaient en réalité aucune intention de nous tuer. Parce qu'ils ont suivi nos camions pendant une heure entière. Avec cinq ou six bombes, ils auraient pu détruire tout le régiment ou le mettre hors de combat. Ils ne l'ont pas fait. Et cela s’est produit tout au long de cette guerre : là où il n’était pas nécessaire de tuer, les Allemands n’ont pas tué.<br /> Nous quittons Zepperen le 11 mai à 11 heures avec pour mission d'occuper Kortessem, qui sera attaquée par les Allemands. Nous sommes partis à pied, et sommes arrivés à Kortessem vers 14 heures , après une marche forcée. Il ne faut pas oublier que les soldats devaient tout transporter, et transporter « tout » veut dire quelque chose, parlons simplement de leurs munitions. Il n’est pas surprenant que le peloton et l’escadron tout entier soient arrivés épuisés.<br /> J'ai reçu ma mission : « Occuper l'aile droite du village pour éviter un encerclement. En chemin vers mon point d'occupation, je croise tout un escadron de cyclistes qui, abandonnant leurs vélos, courent dans les champs en criant : « Retournez, sauvez-vous, les Allemands sont là ! Le peloton à ma gauche, pris de panique, s'est enfui et nous a dépassés, tandis que le peloton extérieur avec l'adjudant Theunisse s'était perdu et avait demandé à rester avec moi. Le lieutenant du peloton en fuite, actuellement en mission, était entre temps revenu et avait rétabli l'ordre. L'explication de cette panique ? La fuite lâche de ces cyclistes - je suis content d'avoir oublié le nom du régiment -, ajoutée à l'absence de l'officier alors que le peloton était attaqué par un char ennemi, qui avait tiré un coup de canon avec une bombe explosive sur eux.<br /> Les 7 chars français présents démarrent immédiatement une patrouille et reviennent une demi-heure plus tard : aucun ennemi n'est présent dans la zone.<br /> Mais cela ne suffisait pas aux soldats, ils avaient trop peur, ils n’avaient pas encore fait leur baptême du feu. Pour leur donner plus de tranquillité, j'ai reçu l'ordre du commandant d'aller en patrouille avec deux soldats jusqu'à trois kilomètres de la position, pour voir s'il y avait des Allemands.<br /> Arme à la main, accompagnés de deux volontaires, nous sommes partis en racontant des histoires humoristiques tout au long du chemin. Après avoir parcouru un demi-kilomètre, un habitant d'une maison est venu et m'a dit en toute confidentialité : "Lieutenant, n'allez pas plus loin, il y a au moins 10 chars allemands là-bas, à 300 mètres." Et quand je lui ai demandé comment il le savait, il m'a répondu qu'il venait de là et qu'il avait parlé aux conducteurs. Etant comme j'étais, pour ne rencontrer aucun ennemi, ou du moins pas un char, m'en remettant au dire de la patrouille française, je ne me fiais pas à ce discours ; et comme c'était plein d'espions là-bas, je lui ai mis mon revolver dans le dos et je l'ai laissé ouvrir la voie. Une heure plus tard, ma mission était terminée et je retournais en position avec mon bon citoyen où je le remettais au commandant. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé d'autre. Mais la surprise du commandant fut grande lorsque je l'informai qu'il n'y avait aucune troupe amie de ce côté et que nous étions donc à l'extrémité de cette ligne de défense.<br /> Et plus tard, on a découvert que nos amis voisins étaient partis à la demande de civils qui ont semé la panique parmi nos soldats. Qui sait, peut-être des Allemands habillés en civil ou des parachutistes.<br /> Comme mes hommes souffraient de faim et de soif - ils n'avaient ni mangé, ni bu ni dormi depuis le 9 mai (imaginez le moral), nous leur avons permis d'aller chercher tout ce dont ils avaient besoin dans les maisons abandonnées.<br /> Pendant la nuit, la moitié du peloton était autorisée à dormir, tandis que l'autre moitié devait rester de garde. Moi-même, je dormais comme un bébé, avec un artilleur qui, après avoir dispersé sa batterie, avait débarqué près de moi, et mon ordonnance. Entre nous se trouvaient deux chiens perdus.</p><br /> <br /> <strong>12 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">A minuit, l'ordre de retraite arriva, qui devait avoir lieu à 13 heures. Dans tout l'ordre et dans un silence complet, murmurant des ordres d'une oreille à l'autre, un véritable calvaire commençait. Tout le monde était encore fatigué de la veille et, pire encore, nos camions étaient perdus. Comme nous étions sur le point d'être encerclés, la retraite devait se faire à marche forcée de ±7 km/h. Après une marche de 10 km, nous avons eu notre premier repos. Les garçons tombaient comme des blocs sur la route parmi les fantassins qui dormaient partout. Le repos ne doit pas durer longtemps pour ne pas laisser les pieds se refroidir et ne pas donner la possibilité de s'endormir. Il y avait des cuisines, des chariots, des voitures partout, circulant dans des fossés et en silence (il ne faut pas oublier que tout déplacement devait se faire de nuit et sans éclairage). Il fallait aller jusqu'à Alken , où le colonel enverrait un moyen de transport. Nos pieds étaient littéralement déchirés. Pourtant, la route continuait. Beaucoup avaient déjà pris un vélo en cours de route et suivi à vélo. Tout le monde a été très déçu lorsque nous sommes arrivés à Alken et qu'il n'y avait aucune trace de camions. Nous continuerions la marche sur la route de Diest. J'ai été envoyé en avant à vélo avec ordre de savoir à Diest, par téléphone, où se trouvait le régiment (il était maintenant vers 8h30 du matin le 12 mai (dimanche) et de demander au colonel pour un moyen de transport, pour diriger, car l'escadron était en morceaux et ne pouvait plus avancer à pied (nombre de km ±50).<br /> À Diest, il y a eu une véritable dévastation. Il n'y avait pas une seule maison devant laquelle je suis passé qui n'ait été endommagée par des éclats de bombe ou des explosions aériennes. A l'entrée de la ville, de chaque côté de la route, il y avait deux cratères d’obus d'un diamètre d'au moins 12 à 13 mètres. Pas une seule personne n’était visible dans la rue. Une belle vue, une vue tellement mortelle en plein jour. Arrivé à la mairie, j'ai tout fouillé, je n'ai rien trouvé, jusqu'à ce que je pense à regarder dans les rez-de-chaussée et les caves. La première porte que j'ai ouverte, je les avais : Le maire, le curé, le secrétaire et tout ce qui appartient à une telle mairie. « Est-il possible de téléphoner ? Non, toutes les lignes étaient hors d’usage. Puis je reviens d’où je viens. Ces gens me regardaient avec des yeux du genre : « Eh bien, il marche dans la rue. »<br /> J'ai trouvé l'escadron près d'une villa qui se situe sur la route principale entre Alken et Diest. Nous étions là, nous, soldats, épuisés de fatigue et avec du sang dans les chaussures. Je ne pouvais plus marcher debout. Il fallait néanmoins continuer le voyage, aussi avons-nous décidé entre officiers de réquisitionner tous les vélos de la région ou des réfugiés qui se trouvaient sur le chemin<br /> Ici, je peux affirmer avec certitude que ce n'était pas agréable d'enlever les vélos des gens avec une arme à la main. Mais il fallait le faire. <br /> Dans la nuit du 12 au 13 mai, nous, les 5 officiers, montions la garde à tour de rôle pour voir s'il y avait un retrait des troupes. Rien à voir.</p><br /> <br /> <br /> <strong>13 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Je proposai de me procurer un cochon et de l'abattre pour l'escadron. Au moins, les garçons pourraient manger de cette façon. Accord total. Les soldats étaient logés dans une maison vide où il y avait beaucoup de pommes de terre disponibles. Un cochon a été réclamé et deux heures plus tard, nous avions enfin de la nourriture qui avait pour la première fois le goût de la nourriture.<br /> Cependant, pendant que nous mangions, Van Cutsem est venu nous chercher pour former une résistance à Klein Vorst<br /> Sur le chemin de Klein Vorst, nous rencontrâmes la colonne du ravitaillement, qui ne sachant pas où se trouvaient les cuisines, se tenait le long de la route avec ses camions plein de pain. Une miche de pain a été rapidement distribuée à tout le monde, ce qui a contribué à remonter le moral.<br /> Lorsqu'ils arrivèrent à Klein Vorst, un contre-ordre avait été reçu car la brèche était trop grande. Le régiment était en grande partie parti et nous ne vîmes que des carabiniers en fuite qui durent occuper Klein Vorst.<br /> Les lieutenants Vandenkerckhove et Dumon avanceraient avec leur peloton et défendraient un point faible. Avant de partir, ils se sont serré la main et ont dit : « Ça va. » Ces deux pelotons risquaient une mort certaine. Je me tenais à l'arrière de la colonne pour éviter les désertions, tandis que le lieutenant Morel de Westgaver devait s'assurer que les camions faisaient demi-tour et que les hommes restaient à l'intérieur, prêts pour une retraite rapide.<br /> Et je ne peux passer sous silence l’un des plus beaux moments de toute ma carrière d’officier.<br /> Assisté d'un militaire - je n'oublierai jamais son nom car Reyniers a fait un travail formidable - j'étais bien décidé à ne laisser personne s'éloigner. Jusqu'à ce qu'à un certain moment, toute une bande de carabiniers accourent. Nous nous sommes tous deux positionnés au milieu de la route avec un pistolet dans une main et une grenade à main dans l'autre. Je leur ai crié à pleins poumons : « Le premier qui bougera un autre pied aura le plein chargement ! », tandis que Reyniers : « Si vous (et là il a proféré un énorme juron) ne retournez pas à votre poste. , je te jure que ma grenade arrivera sur ton cul...". Et comme frappées par la foudre, ces cent hommes s’immobilisèrent. Le major s'est avancé et m'a demandé des nouvelles. « Je suis désolé, mon major, j'ai pour ordre de ne laisser passer personne et j'exécuterai mes ordres même si ma première balle était pour vous. La vie de centaines de personnes peut dépendre de la vôtre. Et ils repartirent, de sorte que quelques heures plus tard, les deux pelotons, perdus sans aide, revinrent complètement sains et saufs. On n’oublie pas de tels moments.<br /> Vers 23 heures, nous sommes autorisés à nous retirer et notre escadron se voit confier 8 prisonniers de guerre (dont 2 blessés) capturés 't Kint de Roodebeke . (On apprend ici le décès du lieutenant Van Maldeghem , qui s'était aventuré sur la digue à moto pour donner du courage à ses soldats.)<br /> Les prisonniers de guerre devaient être répartis : deux par camion entre nos soldats, à qui nous avions d'abord chargé de les traiter comme ils l'auraient souhaité s'ils subissaient le même sort.<br /> Nos garçons ont répondu à cet appel et n'ont pas fumé une seule cigarette sans que les prisonniers ne fument également.<br /> Sans savoir où nous allions, chaque chef de section suivait la colonne ; mais par hasard, nous avons été coupés par une colonne française, à tel point que nous avons perdu le contact avec le régiment. Heureusement nous avions le mécanicien du régiment qui nous avait suivi et avait en sa possession le panneau indicateur : Nous devions aller à Londerzeel . Incapables de rouler plus loin dans l'obscurité, nous avons attendu le jour et sommes arrivés à Londerzeel vers midi.</p><br /> <br /> <strong>14 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Ici, nous avons profité d'un repos bien mérité jusqu'au lendemain, le 15 mai.<br /> Cependant, je voudrais mentionner ici une réponse sympathique d'un de mes soldats, mais je ne me souviens plus de son nom. Lorsque nous avons déposé nos prisonniers et aidé les deux Allemands blessés à descendre du camion, un citoyen a crié : « Tuez-les morts, lâches, pourquoi devez-vous les nourrir et les aider ? » Puis l’un des hommes se redressa et dit : « Monsieur, ces garçons ont été capturés au cours de la bataille, les armes à la main. Ils n’ont pas demandé la guerre, pas plus que vous et moi, et si vous avez tellement envie de tuer des Allemands, venez avec nous demain, vous aurez autant d’occasions que vous le souhaitez. Alors ce citoyen, rouge de honte, disparut sans laisser de trace.<br /> Deux médecins civils ont fait le rapprochement : l'un avait reçu une balle dans le dos, tandis que l'autre avait les deux fesses transpercées. Et ici, nous avons appris d'eux qu'ils étaient assis avec 140 hommes de l'autre côté du canal, où, au moment de leur capture, il n'en restait qu'une quarantaine. Et tout un régiment de carabiniers s'enfuit !...<br /> A Londerzeel, j'ai essayé de joindre mon domicile par téléphone, mais sans succès. Ensuite, j'ai écrit une lettre. Je ne sais pas s'il est arrivé.</p><br /> <br /> <strong>15 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 15 mai, nous sommes réveillés par un bombardement sur la gare de Londerzeel et sur notre colonne ; mais sans conséquence.<br /> Ce jour-là, notre cuisine est arrivée et elle était perdue. Le soir quand il a commencé à faire nuit, nous avons quitté Londerzeel, mais comme la route était bloquée, nous sommes revenus au même endroit à 3 heures du matin et avons passé le reste de la nuit dans le même lit que la nuit précédente.</p> <br /> <br /> <strong>16 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 16 mai, il n'y a pas grand-chose à dire, si ce n'est que le matin, nous trois, moi, Morel et Dumon, étions en route pour acheter de la viande et avons été mitraillés par un avion que nous avons vu abattu une demi-heure plus tard par un tir de DTCA , qui y a magnifiquement travaillé.<br /> A 21 heures nous sommes partis pour Lochristi , où nous sommes arrivés à 6 heures le 17.</p><br /> <br /> <strong>17 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Ici, nous pensions passer une bonne nuit de sommeil, mais nous avons vite su que nous étions en alerte pour intervenir à tout moment si nécessaire. Mon premier souci ici fut de téléphoner à nouveau à la maison, mais en vain. Vers midi, j'ai reçu une lettre de Maria. Imaginez la joie.<br /> <br /> Dormir dans un lit ne nous apporterait plus grand chose, car à une heure on nous disait d'être prêts pour le départ, et finalement à 9 heures du soir la colonne partait en mission pour le Moervaart. J'ai sauté de joie à cette nouvelle, peut-être que je verrais et parlerais à quelqu'un de Stekene qui pourrait transmettre ce message à la maison.<br /> Ce voyage à Moerbeke a été un véritable périple. Comme je connaissais bien le chemin de Gand à Stekene, j'avais du mal à suivre le pas d'escargot de la colonne et, fatigué, je m'endormais.</p><br /> <br /> <strong>18 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Vers minuit, ils sont venus me réveiller.<br /> C'était Dumon, qui conduisait son camion devant moi, s'était égaré, ainsi que toutes les autres voitures dans la rue. Après une courte reconnaissance, j'ai déterminé que nous étions à Exaarde . Après avoir pris la tête, je me suis rendu à Moerbeke où se trouvait le Comdt. Ruzette et qui attendait déjà avec impatience car il pensait que les Allemands avaient déjà occupé le Moervaart.<br /> J'ai eu le secteur 500m à droite du pont, Vandenkerckhove le pont lui-même, tandis qu'à leur gauche Morel et Dumon.<br /> Épuisés de fatigue - ils n'avaient en fait pu dormir qu'une nuit dans la paille à Londerzeel - j'ai laissé le peloton dormir jusqu'au lever du jour (à condition qu'il y ait une demi-heure de quart), après quoi chacun devait se débrouiller. Nous pensions que l'ennemi pouvait apparaître à tout moment. Je pensais que Stekene était occupée par les Allemands et j'ai donc abandonné jusqu'à ce moment tout espoir de revoir ma femme. Taymans (le commandant de brigade de la gendarmerie de Stekene) est passé par ici et m'a crié que tout allait bien à Stekene .<br /> Mon activité ce jour-là était de couler tout ce qui se trouvait sur le canal comme moyen de transport, peut-être au grand détriment de la famille Van Garsse de Moerbeke. Miss Van Garsse et la famille Thys auront la gentillesse d'essayer de donner de mes nouvelles à la maison, lorsque le message arriverait que nous allions nous déplacer à Absdale avec deux sections, tandis que les sections Vandenkerckhove et Dumon occuperaient Hulst . Ceci dans le but de permettre la retraite française.<br /> Nous étions prêts à 4 heures du matin et nous avons discuté avec Ruzette de l'itinéraire à suivre. Ils passeraient par Hulst. Je n'ai rien dit à propos de la route le long de la Stekene. Je savais quelle route je suivrais... Revoir Stekene et tous les miens !... Imaginez mon retour à la maison... Non, ce jour-là et ces visages ne pourront jamais être oubliés.<br /> "Ma dame, n'ayez pas peur, ne vous inquiétez pas pour moi..." Combien de fois devrais-je le répéter même si nous savions ce que nous représentions. Et quand Ma me dit avec effroi : « Mais tu entres dans la gueule du loup », j'ai dû me retenir de répondre avec ma dureté acquise : « Nous ne sommes pas des moutons, mais ici c'est loup contre loup. » avec la ferme intention de ne pas me laisser massacrer sans avoir au préalable eu mon lot de victimes.<br /> Après être descendu d'abord dans la Kerkstraat, j'arrive à Absdale en même temps que le peloton Morel et le reste de l'escadron. L'installation du point de défense demandait une heure de travail, car les garçons avaient appris à faire autant de travail en une heure qu'ils en faisaient en une journée entière. J'ai pris un repas copieux dans une maison dont je ne me souviens plus du nom du propriétaire. Et en fait, la nuit dernière, j'ai bien dormi et je n'ai rien entendu des colonnes françaises qui passaient.</p><br /> <br /> <strong>19 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">J’ai été réveillé à 6 heures du matin et je me suis levé. Nous étions maintenant le dimanche 19 mai et j’ai écouté la messe dans une grange, lue par l'aumônier Van Dijck. <br /> A toute vitesse nous devions occuper la ligne Klinge-St-Gillis-Stekene à 12 heures , dans le but de stopper une éventuelle attaque allemande lors de la retraite des Chasseurs.<br /> J'ai dû occuper la route St-Niklaas-Hulst , là où se termine la Kattestraat .<br /> Ma mission était de mettre en place une seule arme tandis que le reste du peloton était obligé de rester dans le camion pour accélérer une éventuelle retraite.<br /> Et c'est ici que ma femme, après un voyage à Absdale, m'a rendu visite et a passé de bons moments avec mon père. Cependant, comme je m'attendais à une attaque allemande - après tout, on pouvait toujours s'y attendre - j'ai essayé de la renvoyer chez elle le plus rapidement possible car je n'aurais pas aimé qu'elle me voie au combat. Et je me souviens encore très bien du visage de mon père lorsque je lui ai demandé « Prends bien soin de Mariake ».<br /> Quelques heures plus tard, nous partions pour le tronçon Wetteren-Uitbergen Escaut , où nous occupions chacun un pont. Bien sûr, comme nous traversions à nouveau Stekene , j'en profiterais pour rentrer chez moi. Une fois le peloton chargé et prêt à partir, j'ai sauté sur ma moto et j'ai été ramené chez moi. Tout le monde n’a pas eu la chance d’être chez soi deux fois en deux jours pendant une guerre…<br /> Après avoir embrassé et rassuré ma femme, je suis monté dans mon camion, qui était entre-temps arrivé à la porte, et j'ai poursuivi et rattrapé la colonne à Moerbeke.</p><br /> <br /> <strong>20 mai.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">C'était à Lokeren . Soudain, la voiture s'arrête devant moi, ce qui fait que j'ai dû m'arrêter aussi. A ce moment, je vois la raison du retard : Lokeren a été bombardée. Rester immobile dans une ville surpeuplée pendant un bombardement, c'est rechercher le danger et risquer la mort. Conscient du danger, j'ordonne aux hommes qui sont descendus de cheval de remonter et aux conducteurs de repartir le plus vite possible. Et là, je peux vraiment remercier le bon Dieu. Au moment où le camion devant moi avait parcouru environ 20 mètres, une bombe est tombée là où il était immobile, donc à environ 20 mètres devant moi. Je roule vite et alors que j'étais à l'endroit où la première bombe est tombée, la deuxième est tombée à l'endroit où je me trouvais, donc à 20 mètres derrière moi. J'ai ri et j'ai dit à mon chauffeur : « Quels salopards ! et nous avons continué jusqu'à l'Escaut, entre Wetteren et Uitbergen, où nous avons reçu des balles de mitrailleuses d'une patrouille envoyée en avance, que nous n'avons pas eu l'occasion d'abattre correctement, car nous avons dû nous retirer à 21 heures.<br /> Et pendant l'attente entre Wetteren et Overmeire, le commandant m'informa : « Albert mon garçon, nous allons défendre ta commune, nous avons pour mission d'occuper Stekene et de former une ligne de défense sur ton lieu de naissance. Et à ce moment-là, j'ai eu peur pour la première fois. Je savais ce qui arrive à une municipalité où il y a une ligne de défense et où il y a de véritables combats. Et ce serait certainement le moment le plus périlleux pour moi de me battre alors que mes proches étaient en fuite et connaissaient le danger qui me guettais. <br /> Mais j’étais aussi heureux de revoir Stekene. Puis je me suis endormi...<br /> Quand je me suis réveillé et que je pensais être à Stekene, nos camions étaient à en Hollande. En chemin, un contre-ordre était arrivé et on m'a dit qu'après notre passage, ils avaient fait sauter le pont de Stekene. Je ne sais pas si c'est vrai, en tout cas, si je ne l'ai pas entendu, j'ai dû dormir sur mes deux oreilles .<br /> <br /> Nous sommes désormais le 20 mai vers 5h du matin. De Philippine nous sommes partis à pied jusqu'à, si je ne me trompe, Nieuwwestpolder, en deuxième ligne avec des Chasseurs Ardennais. Rien à signaler de toute la journée, sauf dans la nuit du 20 au 21, un bombardement, une vingtaine de bombes qui sont tombées sur notre ligne. Ils ne pouvaient même pas laisser une personne dormir paisiblement ici !</p> <br /> <br /> <strong>21 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Je voudrais ici souligner l'avarice de ces agriculteurs, pourtant riches. Les officiers et moi n'avons pas eu à nous plaindre. Nous avons bien mangé, mais c'était clair : on mange bien ici, il fallait nous épargner...<br /> Cependant ce fut différent avec les soldats. Par exemple, il y en a un qui a demandé de lui vendre 2 œufs et le fermier lui à refusé « car ils n’avaient pas d’œufs ». Il est donc allé les chercher lui-même au poulailler.<br /> Un autre exemple , ce fermier est venu se plaindre parce que ceux qui posaient les lignes téléphoniques avaient coupé le fil de son pâturage, et cela "monsieur, sans rien demander", comme si ces garçons savent à ce moment-là à qui appartenait ce fil et s’ils en avaient le temps de s’en occuper. Deuxièmement, s'ils prennent le fil de votre pâturage, comparez cela avec un officier de Brasschaat (Artillerie) qui a reçu l'ordre d'abattre sa propre maison pour avoir une vue dégagée. Non, il ne pouvait pas comprendre quelque chose comme ça.<br /> <br /> Le soir, lors du départ vers Waterland-Oudeman , qui se faisait à pied, je lui demandait un verre d’eau. Sa réponse me stupéfia : "On vous donnera à boire un verre d'eau de pluie, lieutenant, c'est beaucoup mieux, mais vous ne pouvez pas le dire aux autres, sinon ils repartiront tous." Imaginez ça... Une demi-heure plus tard, pendant la retraite, sa maison a été bombardée.</p><br /> <br /> <strong>22 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Nous sommes donc partis le 21 pour Waterland-Oudeman, où nous sommes arrivés le matin du 22 mai. <br /> Nous avons frappé à la porte de la première maison où, après avoir mangé du jambon, nous pouvions dormir jusqu'à 8 heures du matin. En prenant soin de nos pieds, en cherchant d'autres chaussures et vers le soir, j'entends encore le commandant nous dire : « Enfin une bonne nouvelle : nous allons à Zelzate , au pire point d'attaque, les garçons, nous allons être autorisés à tirer." L'avenir montrerait qu'il n'avait pas menti.</p><br /> <br /> <strong>La bataille de Zelzate</strong><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/19_2_03efreeblegians_zelzate.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Bataille de Zelzate</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Nous sommes arrivés à Triest vers 21 heures , entre Assenede et Zelzate. De là, nous allions, à pied, pendant qu'il faisait nuit, relever les carabiniers et occuper la ligne sur le canal.<br /> En arrivant sur le canal, après avoir d'abord pris le poste, j'ai rencontré un habitant de Stekene, Albert Paelinck , et quand j'ai demandé comment était la situation et combien de morts il y eu, la réponse me réconforta. Une. Donc une position calme. L'escadron était positionné : A la frontière Belgo-Hollandaise, peloton Morel, successivement à droite : Dumon, Vandenkerckhove et moi. Nous avons occupé l'usine de goudron et je me suis retrouvé avec un groupement tactique à gauche et à droite des gros réservoirs de goudron et d'essence qui se trouvaient dans cette usine, avec le 1er escadron à ma droite, de l'autre côté de la route.<br /> Nous avions une grande position défensive (pour laquelle nous pouvons remercier les Carabiniers) et nous étions dans les caves des maisons qui se trouvaient à environ 15 mètres devant les chars.<br /> Comme les garçons étaient très fatigués, j'ai donné l'ordre de ne pas répondre au coup de feu avant le début d'une véritable attaque, et de laisser dormir tout le peloton, à l'exception de deux doubles sentinelles. Je suis moi-même allé au poste de commandement de Vandenkerckhove, à environ 30 mètres de ma première armeautomatique. Les coups de feu occasionnels continuaient, ce qui nous dérangeait le moins. Nous ne voudrions pas trahir notre position. Faute de bière, nous avons bu du vin et comme nous n'avions pas de cigarettes, nous avons fumé 5 à 6 sortes de cigares. Cette maison allait être démolie de toute façon, alors nous avons simplement apprécié ce que nous avons trouvé. Cette nuit-là, nous avons dormi comme des loirs, même si de temps en temps une balle ricochait sur le mur ou passait à travers la fenêtre.</p><br /> <br /> <strong>23 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le matin du 23 mai : la même fête s'est poursuivie de l'autre côté de la rue. J'ai donc fait preuve de la même vigilance et ceux qui n'étaient pas de service ont été autorisés à faire frire du bacon, à fumer des cigares et à jouer aux cartes. Mon ordonnance, ma trompette et celle de Vandenkerckhove avaient pour ordre de préparer un délicieux repas dans la maison où nous avions dormi à midi. C'était vraiment amusant cet après-midi-là. Nous avions des invités : Dhaeseleer , Marganne et le premier chef Vandaele . La soupe était servie par nos officiers en tablier, un cigare à la bouche et la bouteille de vin dans leur sac. Parce que encore une fois, nous avons bu du vin avec notre nourriture. Et celaavait bon goût !<br /> Cependant, nous venions tout juste de faire le bon choix ou, bang ! Nous avions une bombe là-bas. Nous nous sommes regardés avec un « Wow, ce n'était pas trop loin » et nous sommes immédiatement sortis pour jeter un œil. Six avions ont survolé nos têtes et les bombes sont tombées les unes après les autres.</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Chacun de nous a immédiatement pensé la même chose : « Au peloton ». Cela ne fut pas attendu et sous la mitrailleuse de ces avions nous sautâmes dans les tranchées, chacun dans son peloton. Et aussitôt le bombardement de l’artillerie allemande commença.<br /> Lorsque le premier groupement tactique est arrivé, la panique était totale. « Pietje Blommaerts , vous restez avec le FM, les autres à leur poste, car une attaque va certainement commencer maintenant. Je vais jeter un œil au 2ème groupement tactique. Et immédiatement, j'ai sauté dans le couloir de la maison, dans la cour, et j'étais à environ 10 mètres du premier char, lorsqu'une bombe incendiaire y a mis le feu.<br /> <br /> Immédiatement, tout le char a pris feu. Le carburant enflammée a couru sur la route asphaltée, qui elle-même a pris feu, à tel point qu'il m'a été impossible d'atteindre mon 2ème groupement tactique et, pourchassé par le goudron en feu, j'ai sauté dans la maison dans la cave avec les hommes. "Lieutenant, regardez." Les Allemands tirent sur la cheminée de l'usine et le poste de guet s'effondre aussitôt.<br /> <br /> <br /> Et maintenant arriva l’attaque. Le tireur FM avait reçu l'ordre de tirer sur ce qu'il avait vu. A un moment il m'appelle : « Lieutenant, une vingtaine d'entre eux ont sauté hors de la maison. » « Piet, ne le manque pas mon garçon, eux ou nous. Nous ne pouvons pas rentrer à cause de l'incendie. Bogaerts , De Ceuster et Lenaerts aux meurtrières. Les autres aident à remplir les chargeurs. J'ai attrapé le premier fusil que j'ai trouvé et je suis allé aux côtés de De Ceuster. Et maintenant le jeu commençait.<br /> Nous avons clairement vu qu'une vingtaine d'Allemands ont sorti en toute hâte un bateau pour le jeter dans le canal et immédiatement une volée est sortie de mon groupement tactique (je ne savais rien de l'autre groupement tactique et n'ai entendu aucun coup de feu.) "Bravo, Piet." Six d'entre eux tombèrent dès la première volée, les autres s'envolèrent vers les maisons. Quelques minutes de repos, puis l'artillerie commença à tirer au-delà des fenêtres de l'autre côté. Et maintenant, le jeu est devenu vraiment agréable (c’est bien à dire, mais c’était vrai). Nous ne nous retrouvions plus homme contre homme, mais meurtrier contre meurtrier. Les balles rebondissaient sur le mur et arrivaient sifflants ànos oreilles.<br /> Sans plus réfléchir, nous avons regardé dehors, et la première personne qui a montré la tête vers la fenêtre est tombée au bout d'un moment et dans la rue. C'était devenu une compétition entre moi et mes autres tireurs à la carabine pour voir qui pourrait en tirer le meilleur parti. La mitrailleuse a été mise hors service pendant une demi-heure pour je ne sais quelle raison. J'en ai compté six qui sont tombés par la fenêtre et ont été remplacés par six autres qui sont tombés sous les balles de Piet, qui avait désormais récupéré son FM. Les balles ont ricoché sur le mur et à un moment donné, j'ai ressenti une vive douleur au cou. "Merde, ils m'ont eu!" mais au lieu d’une balle, c’est un éclat de pierre qui est tombé dans mon cou. Mais aussitôt la peur et la panique sont revenues : « Le lieutenant a été touché. » Mais cela n'a duré que jusqu'au moment où j'ai crié : « Piet, ils amènent une mitrailleuse dans la rue. Et le jeu recommença. La mitrailleuse s'est arrêtée, les hommes sont restés là, morts ou blessés par nos balles.<br /> Entre-temps, le feu s'était propagé à 20 mètres de notre maison, cela faisait maintenant environ deux heures que nous étions là et la sueur coulait sur nos corps à cause de la chaleur. Nos visages étaient noirs à cause de la poussière, et tout le monde éternuait à cause de l'odeur poudrée qui régnait. Le bombardement avait augmenté jusqu'à environ 7 à 8 bombes par minute qui passaient devant nous pour exploser plus loin dans l'usine. L'usine elle-même a également pris feu.<br /> Où serait l’autre moitié de mon peloton ? Brûlé ou sauvé ? Pas beaucoup de temps pour réfléchir et pas le temps de s’adoucir. Et nous avons continué à nous battre. Une demi-heure plus tard : <br /> « Lieutenant, la maison est en feu au-dessus de nos têtes. » "C'est bon les gars, nous sommes mieux ici que dehors." Personne ne parlait beaucoup, et quiconque venait se plaindre avait raison mais était envoyé à son poste avec mépris, jusqu'à ce que plus personne ne se plaigne et que le bon moral atteigne son apogée. Désormais, des blagues étaient racontées sur la base de ce que nous voyions devant nous. Nous avons fauché ce qui se trouvait devant nous jusqu'à ce qu'une porte s'ouvre de l'autre côté et qu'un canon de 37 mm apparaisse dans l'ouverture. Anxieux! La maison a tremblé au-dessus de nos têtes, la balle a touché le toit. Une seconde a mieux frappé et a provoqué l'effondrement du toit.<br /> <br /> J'ai laissé les autres ramper dans la tranchée, pendant que Piet Blommaert et moi essayions de faire taire le canon, mais nous n'y sommes pas parvenus et quelques minutes plus tard, la maison est tombée sur nos têtes. Mais comme c'était prévu, j'ai d'abord fait faire deux sorties, toutes deux restées ouvertes. Il était maintenant environ 16 heures, nous avions passé environ 3 heures et demie dans le feu, craignant qu'à tout moment ces chars (maintenant ils étaient tous en feu) n'explosaient et que le carburant bouillant et brûlant ne coule dans les tranchées. J'ai rassemblé mon demi-peloton à gauche de la maison et je leur ai assigné une nouvelle position, tandis que j'allais moi-même voir le commandant et lui rendre compte de notre travail et aussi de la raison pour laquelle j'avais changé de position.<br /> <br /> Je n'oublierai jamais le visage du commandant au moment où il m'a vu émerger. Celui-ci avait été soufflé en l'air à son poste de commandement au moment où il venait de quitter la maison. Il s'était donc rendu au peloton de Vandenkerckhove pour combattre à la carabine avec les soldats. "Mon commandant", entendis-je crier de loin, "regardez là-bas, le lieutenant Dhondt est toujours en vie, il est venu ici." L'homme avait presque les larmes aux yeux lorsque je me suis approché de lui. « Albert, mon garçon, nous pensions que tu avais été brûlé vif, car jusqu'à présent, la chaleur est presque insupportable. Retournez vite vers vos hommes car ils auront peur. Au cours de mon périple, devant parfois ramper sur le ventre, je retournai vers mes hommes.<br /> Alors que j'étais à environ 50 mètres de l'endroit, un coup direct a été porté à l'endroit qui leur avait été assigné. Une pensée insupportable : tous mes garçons sont morts. Mais quelques minutes plus tard, j'étais rassuré : effrayés par mon absence, ils s'étaient couchés dans la tranchée environ 20 mètres plus loin et avaient recommencé à vivre lorsque je leur avais marché sur le dos : « Le lieutenant est de retour », c'était tout. » disaient-ils, et la joie se lisait sur leurs visages usés et sales. "Lieutenant, ne nous quittez plus, car nous avons peur si vous n'êtes pas là." Cela ressemblait presque à une prière et à une confession. Maintenant, je n'avais plus d'effectif disponible et je remplaçais là où les hommes manquaient. "Allez les garçons, n'ayez pas peur, nous continuerons là-bas, les tranchés y sont plus étroites et plus profondes, vous pourrez vous reposer jusqu'à la fin du bombardement." Mon manteau gisait dans la maison où nous avions dormi, et craignant d'attraper quelque maladie, j'allai le chercher. Les balles s'envolèrent du mur. Allongé sur le dos, j'ai ouvert la porte d'un coup de pied et après la pluie de balles qui a suivi, j'ai sauté à l'intérieur et, après avoir porté également mon trompette, j'ai rejoint mes garçons.<br /> Il était maintenant environ 17 heures et les bombes les unes après les autres remuaient le sol autour de nous. L'air était plein de poudre et nous étions assis l'un contre l'autre dans une fosse, attendant notre bombe, fumant une cigarette après l'autre. Des heures horribles, devoir attendre sa mort. À ce moment-là, nous avons vu un soldat du peloton sortir du rang, soupirer et pleurer, se déshabiller, sortir de la tranchée et tomber au bout de quelques minutes. Pauvre fou !...<br /> Vers 20 heures, les bombardements avaient cessé et l'escadron était rassemblé. Arrivé au poste de commandement avec mes onze hommes, je trouvai le commandant du peloton Vandenkerckhove. Et à ma question ausujet de Dumon la réponse fusa :Tué en action. Et le lieutenant. Dhaeseleer et le lieutenant. Le Formanoir ? Mort. Et Morel ? Toujours pas de nouvelles. Sur les six officiers de notre secteur, trois avaient déjà été tués et un manquait à l'appel. Puis une demi-heure plus tard, Morel est arrivé, nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre et nous avons commencé à pleurer comme des enfants. Les soldats de nos deux sections sont restés silencieux et nous ont observés avec admiration et gratitude. Morel a eu 8 morts et s'est échappé de la même manière que moi. J'avais moi-même onze disparus, peut-être brûlés. L'escadron dans son ensemble a subi une perte d'environ 30 %, ce qui est énorme et ne s'est produit dans aucun autre régiment. Mais... nous n'avions pas laissé passer l'ennemi !<br /> La retraite ce soir-là à travers l'usine en feu était intimidante car nous n'étions pas soulagés. Les Allemands avaient percé une autre partie du canal .<br /> Nous nous retirons à pied vers Assenede , les officiers restants pistolets à la main. Les camions étaient prêts à Assenede. Machinalement, je suis monté et je me suis endormi. À mon réveil, j'ai demandé au chauffeur quand nous partions, ce à quoi il m'a répondu que nous étions déjà arrivés.</p><br /> <br /> <strong>Le 24 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Il était maintenant 5 heures du matin le 24 mai et nous étions à Aardenburg .<br /> Fatigués d'épuisement, les garçons dormaient là où ils se couchaient dans le verger, pendant que nous, moi, Morel et Vandenkerckhove cherchions une maison pour nous reposer quelques heures supplémentaires. Le propriétaire était heureux de nous laisser entrer. Il ne pouvait pas nous donner de lit, deux officiers y dormaient déjà. Cela n'avait pas d'importance, du moment que nous avions un plancher pour nous coucher<br /> Vers 9 heures du matin, nous avons été réveillés par mon chauffeur de moto venu nous chercher en toute hâte : le convoi était parti pour Middelburg. Entre-temps, les deux motards de Morel et Vandenkerckhove étaient également arrivés et, après avoir d'abord mangé, nous sommes partis.<br /> "Ne bougez pas, lieutenant, la colonne a été bombardée." Avec ça, j'en savais assez et un km. De plus, 13 cadavres de nos motos gisaient sur la route. Pauvres garçons, qui sait, peut-être que ce ne sera notre tour plus tard !<br /> <br /> A Middelburg, après avoir d'abord évalué la situation du peloton, mon peloton fut complété par le reste du peloton Dumon, et je pris position sur le canal Léopold . <br /> Mais avant, je voudrais évoquer la blessure du brigadier. Fiérens.<br /> Il était peut-être midi quand soudain un avion survola notre cantonnement, mitrailla à une hauteur de ± 50 m et lança des grenades. Chacun s'est jeté à terre sur place ou a sauté dans le premier fossé ou trou pour se sauver. Cependant, Fierens , le sergent en charge de la cuisine, avait profité du calme et s'était endormi dans le camion-cuisine. Réveillé par le bruit, il s'est levé et a voulu sortir au moment où le camion était sous le feu des tirs. Il a reçu un éclat d'obus sous le nez qui lui est arrivé jusqu'à l'oreille, tandis qu'une balle lui a fracassé le bras. J'entends encore sa voix quand je m'approche de lui : « Regardez, lieutenant, qu'est-ce qu'ils m'ont fait maintenant. » "Ce n'est rien mon garçon, allonge-toi tranquillement, le médecin viendra plus tard." Son visage est devenu vide. J'ai mis sa tête sur mes genoux et j'ai renvoyé tous les spectateurs (les garçons ne devraient pas voir plus de sang que nécessaire). « Qu'en pensez-vous, docteur ? J'ai demandé quand il était arrivé. « Un oiseau pour le chat. Nous allons essayer… » Il a été soigné et emmené. Pauvre gars plein d'entrain, il voulait me donner son portefeuille avant de partir... Trois jours plus tard nous apprenions son décès.<br /> <br /> <br /> Lorsque nous avons vérifié le matériel après cette mitraillade, environ 50 balles avaient percé le camion-cuisine. <br /> Ce jour-là j'ai donc pris position sur le canal Léopold sans avoir à me défendre et à 20 heures ma mission était terminée.</p><br /> <br /> <strong>25 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Il était remarquable de constater que nous étions toujours pour ainsi dire poursuivis et immédiatement découverts par les pilotes allemands. C'est pourquoi nous avons reçu l'ordre de quitter cet endroit rapidement à 3 h 30 le 25 en direction de Sluis .<br /> Déployés à Sluis, nous avons reçu l'ordre de partir immédiatement vers le Zoute pour défendre la mer . Cependant, mon peloton et moi retournions à Sluis pour renforcer le 4ème escadron. Des chars allemands y avaient été repérés et 2 prisonniers avaient été capturés. C'est pourquoi nous attendions l'ennemi là-bas.</p><br /> <br /> <br /> <strong>26 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le dimanche 26 mai, Sluis ne fut pas attaqué. Ce jour-là cependant, étant laissé seul à mes pensées, je me mis à réfléchir et j'étais déprimé. « Pourquoi le roi a-t-il permis que toutes ces jeunes vies soient massacrées ? Je savais qu'il ne nous restait plus qu'un petit coin de terrain et qu'en cas d'offensive sérieuse, il ne resterait plus un seul vivant de nous. Les garçons avaient été assez courageux, mais que voulez-vous, l'épuisement sans sommeil ni repos, manger de temps en temps ou ne pas manger du tout. Et absolument aucune, mais absolument aucune aide des avions anglais.<br /> Car pendant cette guerre, j'ai développé une haine contre l'Angleterre qui ne quittera pas mon cœur de sitôt. L'Angleterre perfide et égoïste, qui nous a promis son aide, mais au lieu de nous aider, elle a laissé nos soldats être assassinés et nos maisons pillées, menaçant nos citoyens avec leurs armes.<br /> Cependant, le roi ne s'est pas encore rendu, nous nous sommes battus pour le roi et le pays dont nos cœurs et nos femmes faisaient partie. Nous avons continué..</p>.<br /> <br /> <strong>27 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Nous avons quitté Sluis à 4 heures du matin le 27 mai pour occuper le canal de dérivation Bruges-Zeebrugge. Eh bien, si les avions d'ici n'avaient pas eu pitié de nous, que serions-nous devenus ?<br /> Toute la journée, à 2 heures d'intervalle, Zeebrugge était bombardé et nous nous asseyions contre le canal, tout le régiment abrité dans une bande de 5m sur 1km dans un petit bois. En fait, ils n’ont pas tué là où cela n’était pas nécessaire.<br /> A notre droite se trouvaient des Français armés de fusils qui avaient vu l'autre guerre. Vraiment une bonne aide. <br /> Si cela devait se terminer par une bagarre, non, je ne donnerais pas un demi-cent pour nos vies, mais nous l'avons défendu et avons dû nous en sortir. . Ici, j'ai également trouvé le garde et 5 hommes de mon groupement tactique perdu. Ils n’étaient pas armés et presque sans vêtements. Et quand j'ai demandé où étaient les autres, leurs armes et leurs vêtements ? Des armes et des vêtements ont brûlé, probablement les camarades aussi. Ils n'ont pas été suivis.<br /> Nous y avions construit une défense très solide, avec même des passages souterrains. Ils pourraient toujours venir avec des armes égales, mais... des armes égales !...<br /> Les pilotes étaient venus bombarder à 8 heures du matin et on savait que le même jeu allait se produire vers 10 heures. Or, nous apprenons également que lors d'un bombardement, une dizaine d'hommes ont été tués et blessés, dont l'aumônier Van Dijck (fragment de bombe dans la poitrine).<br /> Après cette nouvelle, les soldats furent complètement terrifiés, et les aviateurs, d'abord méprisés et craints, furent désormais évités avec une terreur extraordinaire.<br /> A 21 heures, le message est arrivé que nous partirions à 22 heures à pied vers Zeebrugge, après quoi nous nous rendrions en camion à Lissewege pour assurer des patrouilles de l'autre côté du canal. <br /> Un travail dangereux qui entraînait presque toujours la mort.<br /> Avant de partir, le magnifique pont de Zeebrugge avait été inauguré, ce qui avait nécessité des années de travaux et coûté des millions. Je me demande pourquoi cette destruction, si nous ne défendions pas le canal après tout...<br /> Nous partons à 22 heures. Un de mes hommes, souffrant d'appendicite, a dû être transporté sur une échelle, faute de soignants. C'était comme un enterrement.<br /> Lorsque nous sommes arrivés à Zeebrugge, nous avons eu ce à quoi nous nous attendions. Ils y étaient. Et c'est ici que nous avons connu le bombardement le plus intense de cette guerre après Zelzate. Les Allemands ont largué des bombes qui, en explosant, allumaient également une lumière aussi aveuglante que si elle était en plein jour. Non, nous n'étions pas du tout à l'aise. Tout le monde se baissa là où il le pouvait et il se trouva que deux d'entre eux sautèrent dans une flaque de boue et en sortirent à peine avec la tête. Malgré le caractère critique du moment, il y a eu beaucoup de rires à ce sujet.<br /> Dès que les camions sont arrivés, nous sommes montés à bord et sommes partis. Cependant, à cause du désordre, nous avons perdu la bonne route et sommes arrivés à Lissewege vers minuit. L'escadron n'a pas pu être retrouvé et après deux heures de recherche, nous avons décidé de dormir dans la première maison que nous avons trouvée, ce que nous avons fait.</p><br /> <br /> <br /> <strong>le 28 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le matin du 28 mai, vers 8 heures du matin, nous avons été réveillés par des garçons du peloton qui sont venus nous dire que selon le dire des passants, le roi avait abandonné. Vandenkerckhove et moi avons fait des recherches plus approfondies et cela s'est avéré vrai. Le roi avait pris une sage décision.<br /> Tout le monde était content, et malgré la fatigue, nous avons trouvé le courage de crier solennellement : « Vive le roi ! Peut-être n’aura-t-il jamais été aussi sincère qu’à ce moment-là.<br /> <br /> Maintenant que la guerre est finie et que la misère est terminée, je voudrais faire quelques remarques pour mieux illustrer la misère dans laquelle nous avons vécu et donner les raisons pour lesquelles nous avons abandonné.<br /> N'oublions pas que pendant les 18 jours qu'a duré la guerre, nous n'avons pas eu un seul jour de repos ; que nous passions nos nuits 1° dans des camions, où il était impossible d'adopter une position confortable, 2° à ciel ouvert (et ce n'était pas beaucoup mieux) 3° ou dans une grange. Cela pourrait être qualifié de paix juste et réelle.<br /> Nous n'avons vu aucune nourriture les premiers jours et peu de nourriture les derniers jours. Et surtout la bataille avec des armes inégales et les actions égoïstes des Anglais qui ne nous ont pas aidé une seule fois pendant la bataille.<br /> Ainsi, à la fin de la guerre, nous nous sommes retrouvés avec des soldats épuisés, effrayés et moralement affaiblis, armés d’un matériel vétuste, face à une forte armée allemande, reposée et téméraire, aidés par des avions et armés de matériel moderne.<br /> La différence était trop grande, la bataille trop inégale. Et personne ne peut dire que le roi et nous avons manqué à notre honneur, comme l'a affirmé le ministre Pierlot dans son discours du 28 mai. Mais le roi est resté dans son pays, et il y en a qui ne l’ont pas fait.<br /> Le 28 vers midi, le groupe était rassemblé à Dudzele à la ferme Croos . Dans un silence complet, un verre fut pris avec le roi parmi le corps des officiers. Nous sommes restés là toute la journée et avons récupéré les armes à remettre. Les soldats se sont progressivement éloignés. Ils espéraient rentrer chez eux. <br /> La nuit du 28 au 29 s'est passée à la ferme des Croos. J'ai dormi dans le camion qui contenait nos affaires de voyage ; question d'attendre.<br /> Pas de nouvelles le 29 , attendez les ordres allemands.<br /> La nuit du 29 au 30 s'est passée à la ferme bruxelloise.<br /> <br /> Tôt le matin ( 30 mai ), nous sommes partis pour Assenede . Combien de garçons pauvres avons-nous vu sur le chemin, accompagnés par des soldats allemands. Les gens l'ont vu, nous avons été vaincus...<br /> Le 31 mai, nous sommes allés à Grembergen . Je laisserais ma valise ici et laisserais des nouvelles de quelqu'un qui se rendrait à Stekene le 2 juin.<br /> Nous y sommes restés jusqu'au dimanche matin 2 juin et sommes partis pour Brasschaat où nous allions être démobilisés. Cependant, à quoi avions-nous l'air le soir, lorsque nous avons embarqué pour l'Allemagne. Sur le quai de Kalmpthout , j'ai essayé de rassurer ma femme avec un message adressé à la Croix-Rouge. Si j'ai réussi, je ne sais pas .<br /> Nous sommes prisonniers, attendons le jour où nous pourrons revivre.</p><br /> <br /> <strong>Source :<br /> <a href="https://www.deuzie.be/artikels/19-2-03.htm">https://www.deuzie.be/artikels/19-2-03.htm</a><br /> Archives communales de Zelzate.</strong> Sat, 10 Feb 2024 20:56:49 +0100 Général Aviateur Léo De Soomer https://www.freebelgians.be/articles/articles-2-244+g-n-ral-aviateur-l-o-de-soomer.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-2-244+g-n-ral-aviateur-l-o-de-soomer.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/leon_de_soomer_freebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Léo (Léon) DE SOOMER est né à ANVERS le 30 janvier 1909. Il a épousé le 09 février 1933 à SAINT-HUBERT Léonie (Loulou) PETIT. Lors de son mariage, le Sous-Lieutenant du 2ème Régiment aéronautique de l'armée belge était domicilié à Malines, Ils n'eurent pas d'enfants. <br /> <br /> <br /> <br /> Il débuta sa carrière militaire aux écoles de pupilles de l'armée le 31 janvier 1925.<br /> Nommé successivement Caporal le 4 juin 1927, sergent le 4 décembre 1927 et sous- Lieutenant le 26 décembre 1929, il sera chef de peloton au 7ème régiment de Ligne du 26 décembre 1929 au 19 janvier 1930, rentre le 20 du même mois à l'aviation comme candidat Observateur jusqu'au 6 juillet 1930. Il sera avec Jean DE GALLATAY les deux premiers officiers sortis de l’École Royale Militaire à passer directement à l’aviation le premier décembre 1929.<br /> <br /> Léon DE SOOMER obtiendra son brevet civil à l’École ORTA de SAINT-HUBERT le 31 mars 1931, c'est probablement à cette époque qu'il a rencontré Léonie PETIT qui deviendra plus tard son épouse. Par la suite il entra à l’École Militaire de WEVELGHEM dont il a reçu son brevet élémentaire le 16 juillet 1931<br /> <br /> Il séjourne en escadrille au 2ème Régiment Aéronautique en tant que pilote et observateur du 7 juillet 1930 au 27 avril 1934. Il sera nommé Lieutenant le 26 décembre 1932. Il est désigné pour prendre la direction de l’Atelier Moteurs du 28 mars 1934 au 15 septembre 1936. Durant ce temps, le 26 mars 1935, il est commissionné Capitaine Aviateur et se prépare à l’École de guerre dans le groupe de service des études où il y entra le 16 septembre 1936. Il est Breveté d’État-Major (BEM) deux ans plus tard le 15 septembre 1938 et fait alors un stage du 16 septembre 1938 au 25 septembre 1938 comme Commandant de la Batterie au 6ème d’Artillerie.<br /> Par la suite, il entra au bureau des études techniques aux Établissements de l’Aéronautique Militaire à EVERE du 26 septembre 1938 jusqu'au 3 octobre 1938. Il repartira de nouveau en stage de brevet d’État-major au 6ème Régiment d'Artillerie du 4 octobre 1938 au 18 août 1939<br /> <br /> Il n'est pas seulement un fin pilote, c'est un bûcheur acharné, Le 19 août 1939, Léon DE SOOMER passe à l’État- major de la Défense Aérienne du Territoire (DAT),<br /> C’est la mobilisation, ensuite est arrivé le début la seconde guerre mondiale dont il fera sa campagne des dix-huit jours au DAT. Le 10 mai 1940, il est chargé d’assurer la liaison avec les missions aéronautiques françaises et britanniques. L’armée belge capitule : Léon DE SOOMER est fait prisonnier le 28 mai 1940, il a reçu l'autorisation du Lieutenant Général DUVIVIER de tenter de rejoindre la Grande-Bretagne, il a repris sa liberté le 29 mai 1940. A pieds, en compagnie du Major RENSON et le Capitaine GROSSMAN, il traverse les lignes, passe à la nage le canal de FURNES à BERGUES, et finalement arrive à DUNKERQUE,<br /> <br /> Nous le retrouvons adjoint au Lieutenant-Colonel Louis WAUTERS l’Attaché de l’Air, en Grande Bretagne le premier juin. Il fut la cheville ouvrière de l’époque, grâce à sa connaissance parfaite de l'anglais (Ses parents avaient rejoint l'Angleterre durant la première guerre mondiale ; il avait fréquenté l'école anglaise durant quatre années), sa volonté et aux contacts qu’il établit à l’Air Ministry ont permis de réglé l’incorporation des aviateurs dans les unités de la RAF, permettant à vingt-neuf d’entre eux de participer à la Bataille d’Angleterre. Grâce à son action à la fin de l’année 1940, près d’une centaine de candidats Pilotes, Navigateurs ou mitrailleurs de bord sont à l’entraînement dans les diverses écoles de la RAF.<br /> C'est lui également qui va procéder à l'organisation de l’école de pilotage Franco-belge à ODIHAM.<br /> C'est encore lui qui va veiller à l’instruction du personnel au sol de la 1ère escadrille belge<br /> Le 3 mars 1941, il devient Pilot Officer (équivalent grade belge : Sous-lieutenant d’aviation)<br /> <br /> C'est seulement après l'exécution de ce travail peu intéressant pour un pilote d'un allant tel que le sien, qu'il sera autorisé à suivre un cours d’entraînement opérationnel (OTU) du 7 avril 1941 au 3 juin 1941 avant d'entrer le 4 juin 1941 à la 32ème escadrille de chasse au Pays de Galles. Une vraie escadrille internationale où mêlés à des anglais, des Canadiens, des Australiens, on rencontre des Polonais, des Tchèques, des Français, des Danois et même un Belge. Leur principale mission sera la protection des convois maritimes passant au Sud de l'Irlande. Beaucoup d'alertes, mais peu de résultats.</p><br /> <br /> Laissons-lui la parole :<br /> <br /> <p style="text-align:justify">« En octobre, je passe avec mon escadrille à HOUSTON (KENT) pour devenir une escadrille spécialisée anti-flak contre les caboteurs passant dans la manche avec des Hurricane à 4 canons de 20 mm. L'escadrille devient aussi une escadrille de chasse de nuit, elle fera des missions spéciales avec les M.T.B. de DOUVRES. En 1942, l'escadrille passe à WEST MALLING pour assurer la défense de nuit du sud de LONDRES. J'en ai marre et saute sur l'occasion de prendre un Flight à la 174ème escadrille » (Flight Commander)<br /> Il restera dans cette escadrille du 10 juin 1942 au 21 août 1942. Ses missions seront des attaques des caboteurs dans la Manche de jour comme de nuit et des attaques d’aérodromes de chasseurs allemands dans le Nord de la France et usines sur le continent… En mai 1942, il est promu Flight Lieutenant (équivalent grade belge : Capitaine d’aviation).<br /> <br /> Le 19 août 1942, avec cette Escadrille, il a participé au raid sur DIEPPE pour laquelle il se verra décerner la croix de guerre Belge.<br /> « Rien que des Anglais, canadiens et Néo-Zélandais. Plus tard DE SELYS et DE CALLATAY me rejoignent, c'est la plus ancienne unité d'aviation anglaise, une escadrille de Chasse de nuit en Hurricanes dont le premier Flight est stationné au Nord de LONDRES, elle participe à la défense de cette ville. L'autre Flight travail à MANSTON Comme « INTRUDERS » (intrus). Ce métier ne paie pas. Fait tout et bien que j'obtiens le rééquipement de l'escadrille sur « TYPHOONS » et la transforme en escadrille de chasseurs bombardiers en janvier 1943. Nous revenons à WEST MALLING, puis à HOUSTON pour attaquer les caboteurs et part dans la Manche et les îles Hollandaises ainsi que les objectifs terrestres (surtout les aérodromes) dans le Nord de la France. Nous fessons les missions de jour et de nuit. »<br /> « Le 23 août 1943, je suis mis au repos. Je passe à l'Etat-Major de la Chasse anglaise pour devenir Wing-Commander officier de liaison pour les Belges. M'y occupe du personnel, fait des études, apprend tout ce que je peux et commence la construction d'une documentation. » <br /> Il restera à ce poste jusqu’au 30 avril 1944. Par la suite, le premier mai 1944, il sera l'Attaché au Cabinet du Ministre de la Défense Nationale où il assurera les fonctions d'officier de liaison auprès de la Chasse Britannique, commissionné Major Aviateur BEM le 26 septembre 1945, sa fonction prendra fin le 3 avril 1946 et le lendemain 4 avril, il est promu Chef de Cabinet du Ministère de la Défense Nationale. Il sera nommé Lieutenant-Colonel BEM le 26 juin 1946.<br /> <br /> Nommé Group-Captain (équivalent grade belge : Colonel Aviateur) le 26 juin 1949, sa carrière active est loin d’être terminée. En effet, le 26 août 1949 le Ministre lui confie le Commandement du Groupement « Instruction et Entraînement ». Il réorganise ces services, leur donne une ampleur nouvelle. Sa fonction sera terminée le 17 novembre 1950 le jour avant son départ en mission aux U.S.A., d'où il reviendra le 23 décembre 1950 pour reprendre le commandement du Groupement « Instruction et Entraînement » du 24 décembre 1950 jusqu'au 19 mars 1952<br /> Léon DE SOOMER est décédé le mardi 09 octobre 1956 âgé seulement de 47 ans d'une courte et terrible maladie dans un hôpital de Londres non loin de son domicile à THAME-ON-DITTON, un village situé dans le secteur urbain du grand Londres.<br /> <br /> Source : article paru sur le site<br /> <a href="https://www.sitytrail.com/fr/poi/7039608-saintxhubert--10x-general-aviateur-leo-de-soomer/">https://www.sitytrail.com/fr/poi/7039608-saintxhubert--10x-general-aviateur-leo-de-soomer/</a></p> Fri, 29 Dec 2023 19:54:26 +0100 Lily van Oost https://www.freebelgians.be/articles/articles-3-243+lily-van-oost.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-3-243+lily-van-oost.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/van_oost_freebelgians_7290c.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Anne-Marie (Lily) van Oost est née le 20 octobre 1923. Elle vivait alternativement à Gand et au Château den Ast à Huise près d'Audenarde<br /> Après la fermeture du camp HKK (camp scouts pour les enfants de prisonniers de guerre) à Huise, Lily van Oost est entrée en contact avec avec la Résistance par un détour. Ses déplacements à vélo entre Huise et Gand lui ont facilité la tâche.</p><br /> <br /> <strong>Lily dans la Résistance</strong><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/lily_et_henri_van_oost.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Lily et son frère Henri</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 1er octobre 1943, elle reçut une mission de liaison entre l'état-major de la Zone III et le commandant du secteur de Flandre orientale. Elle devait également transmettre des messages concernant les opérations militaires d'Aalter à Wingene et de Huise aux zones de largage. Dans son historique, cette phase est qualifiée de « pré-alerte ». Cela dura jusqu'au printemps 1944.<br /> Commence alors un deuxième apprentissage, la période « d'alerte » où Lily doit délivrer des ordres secrets. Par mesure de précaution, elle décide de s'installer à Ter Vaart, à Mariakerke-près de Gand, en mars 1944. La maison avait deux entrées : Ter Vaart du côté du canal, et de l'autre côté Bruggesteenweg 554. Elle pouvait accueillir des réfractaires au travail obligatoire, des agents anglais et des résistants si bien qu'elle commençait en quelque sorte à remplacer son frère Henri qui se cachait dans le Refuge Huise.<br /> La période de Résistance "active" de Lily van Oost débute le 1er juin 1944. Les ordres deviennent plus nombreuses et importantes : missions de liaison pour l'organisation des sites de largage et des abris, liaison avec les chefs des groupes de sabotage, coopération dans les transports d'armes et les transferts d'argent. Elle continue de recevoir des conseils en ce sens du major A. Haus et de son frère Henri, qui sera bientôt obligé de rejoindre le maquis. Avec la tête de son frère mise à prix, ses parents arrêtés et elle-même recherchée, Lily a continué à travailler "avec un courage incroyable".<br /> Elle était sans vergogne, confiante et avait le sens de l'humour pour pouvoir facilement jouer son nouveau rôle. Elle cachait des messages dans ses boucles. Elle a appris à toujours être sur ses gardes et à ne faire confiance à rien ni à personne. N'était-elle pas toujours sur la route comme coursière et relais ?<br /> Dans ses témoignages d'après-guerre, Lily décrit son frère comme un héros sans évoquer ses missions. Elle minimise son propre travail : « Mon travail, c'était plus d'aider les résistants que d'être résistance moi-même ». Mais son engagement était extraordinaire : une vraie femme de résistance et de vrais défis. « Nous étions engagés, il n'était pas question qu'on s'arrête. Cependant, si vous souhaitiez en savoir plus, il fallait tenir compte de toutes les mesures de sécurité ; c'était difficile de rester constamment dans le secret ». Elle n'en dirait pas plus.<br /> <br /> Le 27 juillet 1944, Lily van Oost reçut le message que ses parents avaient été libérés et renvoyés à Huise. Par prudence, on lui a ordonné de quitter la zone ; elle s'apprêtait à partir pour les Ardennes. Elle a cependant dû faire un détour par la rue Belliard à Bruxelles pour récupérer sa fausse carte d'identité. Mais le GFP rôdait et fit d'une pierre deux coups : Pauline de Selys qui habitait la maison voisine et Lily van Oost dont la carte d'identité a été retrouvée dans la boîte aux lettres. Toutes deux ont été arrêtés.</p><br /> <br /> <strong>Déportée à Ravensbrück</strong><br /> <br /> Lily était ravie de voir quelque chose de différent et a quitté la prison de Gand avec joie. Le train s'est arrêté à Anvers, Hambourg et Neuengamme et est arrivé à la petite gare de Furstenberg le 3 septembre à minuit. Après une marche de plusieurs kilomètres, les prisonniers atteignirent Ravensbrück, un lieu inconnu dans l'obscurité totale. Les gardes rugissaient, les fouets claquaient, les chiens aboyaient, bref l'agressivité de toutes parts. Un autre monde mais elle eut la chance d’en revenir, mais Henri, son frère, le héros, un ami, est resté absent pour toujours.<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/lily_a_son_retour_de_deportation.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Lily à son retour de déportation.</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 27 août 1946, Lily van Oost épouse le baron Gaston de Gerlache de Gomery (1919-2006), un des premiers résistants du service de renseignement Luc-Marc et plus tard pilote de la RAF. Comme son père Adrien de Gerlache, il devient explorateur polaire après 1954. Ce mariage et les cinq enfants que Lily lui avait apportés lui avaient apporté une véritable paix.<br /> <br /> <strong>Source:</strong><br /> <a href="https://www.belgiumwwii.be/nl/oorlogsportretten/van-oost-echtg-de-gerlache-de-gomery-lily.html">https://www.belgiumwwii.be/nl/oorlogsportretten/van-oost-echtg-de-gerlache-de-gomery-lily.html</a><br /> et article de Claire Pahaut</p>. Thu, 30 Nov 2023 11:55:26 +0100 Sur les traces de Jean de Sélys Longchamps https://www.freebelgians.be/articles/articles-6-242+sur-les-traces-de-jean-de-s-lys-longchamps.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-6-242+sur-les-traces-de-jean-de-s-lys-longchamps.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/traces_selys.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> Il n'aura fallut à Jean de Sélys Longchamps que dix secondes pour gagner sa part d'éternité le 20 janvier 1943, aux commandes de son Typhoon en rase-mottes au-dessus des toits de Bruxelles pour provoqué une vague d'enthousiasme au sein de la population belge occupée. Une légende était née<br /> <br /> Marc Audrit signe la toute première biographie consacrée à celui que ses coéquipiers surnommait avec respect "The baron".<br /> <br /> Livre paru aux Editions Weyrich ISBN: 978-2-87489-902-7 Thu, 16 Nov 2023 11:49:43 +0100 Colonel Aviateur Joseph Renier https://www.freebelgians.be/articles/articles-2-241+colonel-aviateur-joseph-renier.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-2-241+colonel-aviateur-joseph-renier.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/renier_freebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <br /> <p style="text-align:justify">Joseph Renier est né à Hollogne-sur-Geer le 19 juillet 1910. Après des humanités scientifiques à l'Athénée Royal de Liège, il s'engage à l'Armée à l'âge de 19 ans et ce, pour une période de trois ans. Sa formation de base terminée, il est affecté au 2°Régiment d'Artillerie stationné à Anvers. En 1930, il présente et réussit l'Examen A, ce qui lui ouvre les portes d’une carrière d'officier d'active par la voie du cadre. Pilote à l’Aéronautique Militaire Le 1 juillet 1931, il passe à l'Aéronautique Militaire en qualité de sergent élève-pilote. Rattaché à la 66°Promotion, il rejoint l'École de Pilotage de Wevelgem et obtient son brevet de pilote militaire le 1 août 1932. Il est affecté comme sergent-aviateur à la 1°Escadrille du 2°Régiment d'Aéronautique alors stationné sur l'aérodrome de Awans- Bierset. L'escadrille est équipée de Breguet XIX, elle fait partie du III°Groupe de Bombardement. Après des passages successifs par l'École d'Aéronautique pour y acquérir et parfaire sa formation d'officier, Joseph Renier rejoint l'aérodrome de Nivelles, nouveau terrain de déploiement du 2° Régiment d'Aéronautique qui, dans le cadre d'une réorganisation importante de la 5e Arme, est devenu en 1935 régiment de chasse à part entière. Joseph Renier est affecté tout d'abord à la 3° Escadrille, ensuite à la 1°Escadrille du III° Groupe. Il vole successivement sur Fairey Firefly et Fairey Fox. Nommé Sous-lieutenant aviateur le 26 juin 1935, Lieutenant aviateur le 26 juin 1938, le 30 septembre de la même année, alors qu’il est chef de peloton de chasse, il passe à l'École de Tir aérien d'Ostende (Steene) comme commandant de l'Escadrille de Tir. Il y est sous les ordres du Major Désiré Guillaume qui, quelques années plus tard, sera le premier C.O. belge de la ‘’350’’. Pour Joseph Renier, il s'agit d'une mutation intéressante puisqu’elle lui donne l'occasion de voler sur tous les types d'avions de chasse de notre Aéronautique Militaire : Fairey Fox, Gloster Gladiator, Fiat CR.42 et Hurricane sur lequel il effectuera 40 heures de vol. Notons au passage qu'il aura l'occasion de piloter le chasseur prototype Renard 36, appareil de la classe du Hurricane, conçu par l'ingénieur belge Alfred Renard, mais que l'incurie des autorités politiques de l'époque ne permit jamais d'amener au stade de la production de série. <br /> À la veille des hostilités, Joseph Renier totalise 1.400 heures de vol, dont 150 heures comme observateur.</p><br /> <br /> <strong>Mai 1940 – décembre 1941</strong> <br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 10 mai 1940, la neutralité de la Belgique est bafouée, les jours de notre Aéronautique Militaire sont comptés. Après avoir évacué vers l'aérodrome du Zoute 9 avions remorqueurs dont la Luftwaffe réglera rapidement le sort, le 13 mai l'École de Tir reçoit l'ordre de se replier sur la France. Ce sera tout d'abord vers Cazaux, ensuite vers Montauban où sont stationnés des éléments du 2°Régiment d'Aéronautique. Joseph Renier va connaître cette période trouble où l'impéritie des autorités politiques et militaires sapera à coup sûr le moral des unités belges repliées en France. Le 19 août 1940, il reçoit l'ordre de rentrer au pays avec l'État-major de l'Aéronautique Militaire. Il s'exécute. Rendu à Bruxelles le 23 août, il échappe au sort réservé à la plupart des officiers d'active : l'internement et la captivité. Allergique aux idées de l'Ordre Nouveau et peu enclin à confier son avenir à l'OTAD (Office des Travaux de l'Armée Démobilisée), chargé notamment de fournir un emploi dans les organismes de l'État aux militaires d'active démobilisés, Joseph Renier décide de rejoindre l'Angleterre. Il quitte la Belgique le 29 janvier 1941. Il lui faudra un mois pour atteindre Marseille, un mois encore pour se retrouver au pied des Pyrénées qu'il parvient à franchir clandestinement le 23 avril. Le 24 avril 1941, il est arrêté à Barcelone, y reste emprisonné jusque fin juillet avant d'être transféré comme tant d'autres à Miranda de Ebro. Miranda de Ebro, un des nombreux camps créés par les franquistes à la fin de la guerre d'Espagne pour interner les soldats républicains qu'il fallait isoler de la population. Mais désormais ce sont les évadés malchanceux des zones occupées par les armées du Reich, qui tentent via le Portugal ou Gibraltar de rejoindre l'Afrique ou l'Angleterre, qui en sont principalement les pensionnaires. Les internés y vivaient dans des conditions déplorables, soumis à l'arbitraire des autorités espagnoles, à la volonté délibérée des geôliers de les humilier, vivant dans la hantise de moisir en Espagne et d'en sortir trop tard pour encore participer à la lutte. Néanmoins, résultat d'une activité diplomatique continue, au prix de tractations se monnayant en termes de fournitures diverses à l'Espagne franquiste, les portes du camp s'ouvraient de temps à autre pour rendre à la liberté des groupes d'internés laissés dans l'ignorance de leur sort jusqu’à la dernière minute. Joseph Renier est ainsi « libéré » le 13 décembre 1941 et placé en résidence surveillée jusqu'au moment où les autorités consulaires belges lui délivrent les documents permettant de franchir la frontière portugaise. Via Lisbonne, il rejoint Gibraltar. Le 25 décembre 1941, il embarque à bord d'un navire qui accoste à Glasgow (Greenock) le 04 janvier 1942. <br /> </p><br /> <strong>À la RAF</strong> <br /> <br /> <p style="text-align:justify">Après le passage obligé par la ‘’Patriotic School’’ et ses interrogatoires, Joseph Renier est intégré aux Forces belges en Grande-Bretagne le 20 janvier 1942. Le 10 mars, il rejoint le RAF Depot d'Uxbridge comme membre de la RAF Volunteer Reserve avec le grade de Pilot Officer on probation. Après un court passage par la Service Flying Training School Nr 9, assurant notamment la remise en condition des pilotes étrangers ayant rejoint la RAF, c'est l'OTU Nr 58 de Grangemouth qui l'accueille. Il y découvrira le potentiel du Spitfire, les tactiques et les procédures en usage au sein du Fighter Command. Il termine son réentraînement avec la mention ‘’A good average pilot’’ et le 19 août 1942, il est affecté au 609 Squadron dont le badge s'orne de la rose blanche d'York. Il s'y retrouve en pays de connaissance. En effet, les pilotes belges auront tout au long de la guerre une relation privilégiée avec cette escadrille : pas moins de 55 pilotes belges combattront sous ses couleurs, trois d'entre eux en assureront même le commandement. Pour l'heure, Joseph Renier y retrouve A. Blanco, J. de Selys, R. Dopere, V. Ortmans, R. Lallemant, R. Roelandt, R. Van Lierde, J. Creteur et R. Wilmet. Certains se sont trouvés sous son commandement à Nivelles ou à l'École de Tir mais aujourd'hui, c'est comme simple ailier qu'il prend place parmi ses compagnons d'arme. En août 1942, l'escadrille est stationnée à Duxford au sud de Cambridge. Rappelons qu'elle a partagé avec le 56 Sqn l'avantage tout relatif d'être la première escadrille de la RAF à être équipée du nouveau chasseur Typhoon, l'appareil tant attendu pour relever le défi du Fw 190. Mais, initialement tout au moins, le Typhoon ne s'est pas révélé être à la hauteur des espérances. Des problèmes techniques, tant au niveau de la cellule que de la motorisation, perturberont la période de conversion de l'escadrille. Les pilotes de la ‘’609’’ essuieront les plâtres et il faudra toute la conviction de leur CO, le Sqn Ldr R. Beamont et sa confiance dans les qualités intrinsèques de l'avion, pour que le Typhoon soit adopté par les autorités. Il s'imposera vite comme un système d'arme redoutable, particulièrement à basse altitude. <br /> Malgré ces difficultés, l'escadrille avait retrouvé son statut opérationnel dès la mi-juillet 1942, mais seuls trois ‘’Sweeps’’ au-dessus du continent avaient été effectués au cours du mois. Nonobstant une servicibilité des avions qui s'améliorait progressivement, celle-ci était encore insuffisante pour que l'escadrille soit engagée dans l'opération Jubilee, le raid sur Dieppe, le jour même de l'arrivée de Joseph Renier. Les derniers mois de l'année, l'essentiel des missions confiées à l'escadrille consistera en patrouilles à basse altitude au-dessus du Channel au large de Falmouth et Dungeness à partir de Biggin Hill puis de Manston et ont pour but d'intercepter les chasseurs bombardiers ennemis, principalement des Fw 190 qui mènent des opérations de harcèlement sur les villes et les installations côtières. Joseph Renier effectue sa conversion sur Typhoon sans problème. Fin septembre, il est prêt à entrer dans le grand cirque. Il effectue sa première mission opérationnelle le 26 septembre 1942 en compagnie de Jean de Selys Longchamps. Gageons qu'elle lui aura laissé un souvenir durable. Ce matin là, le ‘’B ‘’ Flight dont ils font partie est en alerte depuis 05hrs30. À 11hrs12, ils décollent pour intercepter ce que le contrôle radar leur annonce comme étant probablement un Ju 88 <br /> Le 30 septembre, Joseph Renier a l'occasion de faire étalage de toute sa maîtrise. Au retour d'une mission d'entraînement de nuit, son Typhoon (PR-R) connaît une panne hydraulique. Le train d'atterrissage refuse obstinément de descendre. Joseph Renier réussira dans l'obscurité à poser son appareil sur le ventre pratiquement sans dommage, ce qui lui vaudra les félicitations du Station Commander. En novembre 1942, Joseph Renier est nommé Flight Lieutenant. Avec une confiance accrue du Fighter Command dans la fiabilité du Typhoon, c'est toute la panoplie des missions offensives concoctées par le 11 Gp qui remplira bientôt les ordres de mission de l'escadrille : Rodeo, Circus, Rhubarb, Roadsted, Night Intruder se succèdent. Au cours des 16 mois de sa présence à la ‘’609 ‘’, Joseph Renier effectuera 215 heures de vol en missions de combat. Si son palmarès ne compte pas de victoires aériennes, il connaîtra sa part de succès dans les attaques au sol contre les objectifs d'opportunité les plus divers : locomotives, trains, chalands, camions, centrales électriques qui constituaient le menu habituel des sorties à basse altitude. Sa dernière mission à la ‘’609 ‘’, Joseph Renier l'effectue le 30 novembre 1943. Il s'agit pour l'escadrille d'une ‘’première’’. <br /> Désormais, elle ajoutera à son programme des Sweeps à basse altitude et à longue distance dans le but d'engager lors de leur atterrissage, les chasseurs ennemis rentrant de mission d'interception des bombardiers alliés. Sous le commandement de son CO, le Sqn Ldr Thorton-Brown, l'escadrille décolle pour ratisser la région de St Truiden - Venlo, mission qui verra Remy Van Lierde, leader de la Blue Section dont Joseph Renier fait partie, se payer une victoire sur un Me 110. Joseph Renier termine son premier tour d'opérations avec une appréciation élogieuse de son CO dont l'essentiel tient en quelques lignes : « Joseph Renier has carried out some excellent operational work (...) has proved himself a very reliable operation pilot (…) I consider he should receive some form of recognition for his service. » </p><br /> <br /> <strong>Aux usines Napier</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Cette forme de reconnaissance que souhaite pour lui son CO, Joseph Renier la connaîtra dans son affectation suivante. En effet, sa période de repos il la vivra non pas dans quelque obscure fonction administrative, mais comme pilote d'essai aux usines Napier de Luton. Le 12 décembre 1943, il y remplace Raymond Lallemant, figure éminente de la ‘’609’’, qui lui aussi, à l'issue de son premier tour d'opérations, avait été appelé à la même fonction. Le travail ne manquait pas. Le Typhoon ainsi que le Tempest alors en développement, étaient équipés du moteur Napier Sabre de 2.400 hp, dont les autorités de la RAF s 'attachaient à augmenter la fiabilité. Des nouveaux réglages étaient étudiés, des composants étaient modifiés, démarches qui exigeaient des essais approfondis avant d'être intégrés dans les chaînes de production. Joseph Renier restera affecté aux Usines Napier jusqu'au 12 février 1944, effectuant pas moins de 56 hrs de vols d'essai en ces deux mois d'hiver. Restant dans le domaine technique, le 13 février, il est muté à la 13 Maintenance Unit de Henlow comme pilote d'essai des Typhoon et Mosquito sortant de réparation. Dans ce contexte, il effectue une conversion rapide sur le cheval de bataille de la firme De Havilland, le Mosquito, familièrement appelé « The Wooden Wonder », en référence à sa structure de bois, mais qui se révélera comme l'un des avions les plus polyvalents de la guerre. Joseph Renier restera attaché à cette unité jusqu 'au 4 juillet 1944, y effectuant 110 hrs de vol à la plus grande satisfaction du commandant de l'unité : « … A sound and capable officer who has carried out his duties of test pilot of Mosquito and Typhoon aircraft in a very satisfactory manner. » Deuxième tour d'opérations Il quitte la 13 MU pour entamer son deuxième tour d'opérations. Le contexte opérationnel s'est radicalement modifié au cours des six mois où Joseph Renier s'est trouvé éloigné des combats. Le 6 juin, le débarquement en Normandie a marqué l'ouverture du deuxième front. Même si les Alliés ne sont pas encore parvenus à réduire totalement la résistance allemande dans le Cotentin, la formidable machine de guerre anglo-américaine est en marche. En Méditerranée, la Sicile, la Sardaigne, la Corse sont aux mains des Alliés. La conquête de la péninsule italienne se poursuit, Rome est tombée le 4 juin, le débarquement sur la Côte d'Azur se prépare. A l'Est, les Russes sont à l'offensive depuis la Baltique jusqu'à la Mer Noire. L'étau se referme sur les forces de l'Axe. Son deuxième tour d'opérations, Joseph Renier l'effectuera comme pilote de reconnaissance photographique. Homme précis, consciencieux pour qui le détail a de l'importance, cette affectation nouvelle, comme la précédente d'ailleurs, répond particulièrement bien à son tempérament et à ses capacités. C'est aussi de la part des autorités de la RAF une marque de confiance et d'appréciation car peu de pilotes étrangers sont admis à servir dans ce type d'unité. Le 4 juillet, Joseph Renier rejoint à Dyce le 8 PRU/OTU. Il y effectue 53 hrs de vol sur Mosquito qui lui permettent de découvrir les spécificités inhérentes à sa nouvelle mission. Le 12 septembre, il débarque au 34 PR Wing de la 2TAF et est affecté au 140 Sqn équipé de Mosquito PR.XVI. Une escadrille de Spitfire PR.XI et une escadrille de Wellington complètent l'effectif de l'unité. Le Wing, dont la mission est axée sur la reconnaissance à haute altitude, de jour comme de nuit, est un des outils essentiels de la planification des opérations et, à ce titre, dépend directement de l'État-major de la TAF. Dès le 9 septembre, le 140 Sqn a été redéployé en France et c'est à Amiens que Joseph Renier rejoint sa nouvelle escadrille. Fin septembre, toutes les escadrilles du Wing se trouvent réunies à Melsbroek qui sera leur base d'opérations principale pendant six mois. Si ce stationnement à Melsbroek marque le retour au pays, les opérations sont cependant loin d'être terminées. Découvrons rapidement le nouvel environnement dans lequel se retrouve Joseph Renier. Doté d'une batterie de caméras verticales (4) et oblique (l), le Mosquito PR.XVI, à la robe bleu nuit, équipe le 140 Sqn depuis juillet 1944. La version de reconnaissance photographique est la dernière-née de la lignée. Le tandem pilote et navigateur qui en constituent l’équipage permet une répartition optimale des tâches. Caractéristique unique dans un avion à la structure de bois, la cabine de pilotage est pressurisée. Démuni de tout armement, ce sont ses performances qui doivent principalement garantir sa sauvegarde. Un plafond opérationnel de 40.000 ft, une vitesse de 365 Kts à 28.000 ft 7 doivent le mettre en principe hors d'atteinte des chasseurs ennemis du type Fw 190 et Me 09, pour autant que ceux-ci ne disposent pas d'un avantage en altitude lors d'une interception éventuelle. La mission PR était cependant semée de nombreuses embûches. S'enfoncer en solitaire à haute altitude dans la profondeur du territoire ennemi présentait des aléas certains. Même si aux altitudes auxquelles les Mosquito PR évoluaient les risques de la « Flak » étaient réduits, voler en-dehors des zones de ‘’contrails’’ était impératif pour échapper à la détection visuelle. D’autre part, le maintien d'un ‘’look-out’’ de tous les instants, parfois difficilement conciliable avec l'exigence d'une navigation précise, restait la meilleure garantie de survie. Le facteur météo était déterminant pour le succès de la mission. Seul, un ciel dégagé autorisait les prises de vues, mais des conditions météorologiques favorables avaient comme corollaire de mettre en l'air un nombre accru de chasseurs de défense aérienne. Au retour, le danger pour les équipages venait parfois des rapides chasseurs alliés qui ne s'encombraient guère de procédures d'identification, or le Mosquito avait une silhouette proche de celle du Me 410. Au total, conséquence directe des limitations météo, les escadrilles PR effectuaient moins de sorties que les autres unités de la TAF, mais en contrepartie, l'exceptionnelle endurance du Mosquito permettait que chaque mission soit exécutée de façon approfondie. Au moment où Joseph Renier rejoint son escadrille à Amiens, une partie importante de la Belgique est libérée, mais la Campagne de Hollande piétine. Les Anglais vont connaître un drame à Arnhem que d'aucuns imputeront à une carence dans l'exploitation des missions PR puisqu’une sousestimation du simple au double des forces allemandes déployées sera une des causes de l'échec. Par ailleurs, la longueur excessive des lignes de communication va bientôt ralentir le rythme des opérations. Si le port d'Anvers est tombé intact aux mains des Alliés, son utilisation reste impossible dès lors que le bas-Escaut et les îles zélandaises sont toujours sous le contrôle des Allemands. De plus, ceux-ci vont prendre la métropole comme cible de leurs attaques de V1 et V2, à partir de sites de lancement fixes ou mobiles situés dans les environs de Rotterdam, Den Haag, Tilburg, Breda. Le difficile repérage de ces sites sera pour les unités PR une mission prioritaire qui s'ajoutera à celles plus traditionnelles de recherche des concentrations et mouvements de troupes, de localisation des lignes de défense, d'établissement du niveau d'occupation des aérodromes. Joseph Renier effectue sa première mission le 6 octobre 1944 en assurant une couverture photographique du secteur Rotterdam - Den Haag à 28.000 pieds, 2hrs30 de vol sans problème. Les missions opérationnelles se succèdent, la plupart d'entre elles à bord du Mosquito MM395 avec son fidèle navigateur le Flight Sergeant Guilliams. Toutes des missions à haute altitude qui les mèneront très souvent dans le secteur s'étendant du nord d'Amsterdam vers les îles de la Frise, répétition rendue essentielle pour garantir une investigation systématique et la fiabilité du renseignement. Au cours de ces missions, ils auront l'occasion d'observer les panaches de fumée signant la trajectoire balistique des fusées V2 dans la stratosphère et d'être les témoins d'interceptions menées contre les formations de bombardiers alliés par des Me 262 et Me 163, nouvelles menaces qui guettent aussi les chasseurs PR. Le mauvais temps perturbe considérablement l'exécution des missions dans le cours du mois de décembre. Les Allemands en profiteront pour lancer leur offensive dans les Ardennes. Le 1 janvier 1945 à l'aube, l'aérodrome de Melsbroek subit de plein fouet la fameuse attaque surprise de la Luftwaffe. L'opération « Bodenplatte » coûtera au 34°Wing la perte de six Mosquito PR XVI, six Spitfire PR XI et quatorze Wellington. Les missions reprendront cependant le jour même et il faudra moins d'une semaine pour rétablir les effectifs à leur niveau normal. Fin février, les escadrilles du wing sont réorganisées. Des transferts de personnel s'opèrent, Joseph Renier quitte le 140 Sqn au sein duquel il aura effectué 19 missions opérationnelles, il est versé au 16 Sqn équipé de Spitfire PR XI. 8 À l'instar du Mosquito PR XVI, le Spitfire PR XI est un avion non armé, mais en l'absence d'un poste de pilotage pressurisé, l'inconfort est cette fois au rendez-vous. Ses performances sont quasi équivalentes à celles du Mosquito, par contre le risque attaché à la mission PR effectuée par un avion monoplace se trouvait considérablement accru. Avec le franchissement du Rhin à Wesel le 25 mars 1945, débute la Campagne d'Allemagne, dernière phase de la guerre à l'Ouest. Le 21°Groupe d'Armées, associé à la 2°TAF, progresse vers la côte balte. Entre le 23 mars et le 26 avril 1945, Joseph Renier effectuera 13 missions à bord de son Spit, volées pour la plupart en couverture de la région de Brême – Hambourg – Kiel. Si l'on s'en réfère à ses compte rendus de missions, certaines d'entre-elles lui ont laissé un souvenir marquant. Mais c'est sans conteste sa mission du 18 avril 1945 qui fera date. Effectuée à partir de Eindhoven où l'escadrille s'est redéployée début avril, elle lui vaudra par ailleurs en grande partie l'octroi de la DFC. Le 26 avril, Joseph Renier effectue sa dernière mission de guerre : une couverture photo du trafic maritime à l'embouchure de l'Elbe vers Cuxhafen - Borkum à 27.000 ft - 2hrs05min de vol. Le 16 juin 1945, Joseph Renier quitte le 34 Wing pour l’État-major du Group Captain Leboutte installé à Bruxelles. Il est membre de la « Belgian Recruiting Mission » avec le grade de Squadron Leader. Il y œuvrera à la mise sur pied de notre Aviation Militaire dont nos escadrilles nationales - 349 et 350 - déployées à Fassberg doivent constituer la pierre angulaire mais qui pour l'heure sont toujours sous la tutelle de la RAF. Le 4 décembre 1945, la Distinguished Flying Cross lui est décernée.</p> <br /> <br /> <strong>Source : Les Vielles Tiges de l’aviation belge<br /> Article de Jean Buzin.<br /> <a href="https://www.vieillestiges.be/fr/bio/37">https://www.vieillestiges.be/fr/bio/37</a></strong> Mon, 30 Oct 2023 10:12:35 +0100 En Campagne avec le 14e de Ligne https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-240+en-campagne-avec-le-14e-de-ligne.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-240+en-campagne-avec-le-14e-de-ligne.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/francois_duysinx_004_freebelgians_10_2023.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Monument à la gloire de l’Infanterie</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Après avoir été un conducteur d’hommes modèle sur le champ de bataille, le Capitaine de réserve François Duysinx a été un des premiers à organiser la Résistance dans la région de Stavelot.</p><br /> <br /> <strong>Des clairons sonnent dans la nuit.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Depuis douze jours, la 11 DI est au camp de Beverloo, en période de tirs et manœuvres. La journée a été dure : c’est que demain, vendredi, le 1/14 est appelé à un grand honneur : donner devant S. M. Léopold III une démonstration d’attaque avec préparation d’artillerie tirant à obus réels. Pendant des heures, on a répété le schéma de l’exercice et on a creusé une position de départ. Tout va bien : le Major est aux anges. Au Mess, après le souper, on trinque à la réussite de ‘l’attaque de demain ». Et on ne se fait pas prier de regagner son « bloc ». – Dans le sommeil, passe un songe : un clairon sonne... Ce n’est pas un songe : je suis réveillé et j’entends toujours un clairon, deux clairons, un autre plus lointain... Quel est l’imbécile qui joue à cette heure ? On se promet d’aller lui dire son fait... et tout à coup, on reconnaît la sonnerie : c’est l’alerte qu’on sonne là ! Plus de vingt clairons sonnent en canon ces notes lancinantes, obsédantes. Bah ! une alerte de plus : on connaît la chanson depuis la phase A ! – On s’habille en grommelant contre ses satanées alertes de nuit. Mais non : le clairon ne sonnerait pas la nuit pour un exercice. – Dans le noir, toutes les fenêtres brillent. On voit passer et repasser devant les carrés de lumière des ombres hâtives. – Il est une heure. Mon ordonnance entre, les yeux pleins de sommeil : « Mon lieutenant, il y a alerte ! » « Ça va ! » - Sans se hâter, le petit « boy » empaquète dans le coffre, les deux chemises, les bottes, les cartes, sans oublier les six boutons de col « réglementaires ». – Je suis en tenue. Je précède mon coffre au bureau de la Compagnie. Tout le monde s’affaire. Les voitures se chargent, les chambres se vident ; les cartouches, les gamelles, les douches de la cuisine s’entrechoquent ; les mille petits bruits familiers du camp qu’on lève, mais on ne parle pas ; on dort encore plus qu’à moitié.<br /> Sans battre aucun record de vitesse, la Compagnie, lanternes allumées, se rassemble. Appel. On se hâte au lieu de rassemblement du bataillon, pressés d’en finir et de regagner sa « calle ». Les quatre compagnies sont là, avec leur charroi. Sur les fusils, les têtes s’appesantissent. – Le side-car du Major, un ordre bref : « On doit quitter le camp immédiatement ». OH ! Oh ! c’est sérieux. Les arrière-gardes se constituent. Mission : évacuer par chemin de fer le matériel lourd des unités. L’arrière-garde ! Belle « carotte » pour ceux qui en sont : pas de marche en perspective. Un des mes soldats, le petit V..., un pauvre bonhomme débile, m’implore : « Mon lieutenant, est-ce que je peux aussi rester en arrière-garde ? J’ai mal à la jambe ». Je sais que c’est vrai. Ça fera un de trop pour la compagnie si on s’en tient au règlement. Mais qui le verra ? « Allons, reste aussi ». – Il s’en va tout content.<br /> 3 h. 20 – Le bataillon se met en marche. Défilé de lanternes blanches et rouges qui tortillent le long de la colonne. On quitte les « carrés », on travers la plaine de Stall-Eicker-Heide. Du sable plein les pieds ! Où va-t-on ? Que fait-on ? On ne se le demande même pas !<br /> 4 h. 55 – On est déjà loin du camp. Le jour s’est levé ; derrière nous, là-bas, en direction de Beverloo, on entend des détonations. Sans doute, l’artillerie qui « répète » ? Puis un moteur qui se rapproche. A droite, à gauche, de la colonne, un, deux, trois, dix avions. Les index se tendent : ils passent à « rase mottes » et on les voit entre deux arbres. Quelqu’un a crié : « Dat zijn Duitschen ». On rit, puis un bruit a couru le long de la colonne. On a vu sur le « zinc » des croix blanches. Les carnets de « figuratifs d’avions » sortent des « porte-cartes » des officiers... « Croix blanche, appareils sombres : nationalité allemande ! » Serait-ce possible ? Le major remonte la colonne en side-car. A chaque peloton, il s’arrête une seconde : « Ce sont des Allemands, il faut tirer ! » Stupeur ! Sans être trop certains, on fait charger les armes automatiques. Les tireurs F.M. refont, une fois de plus ce geste d’introduire un chargeur de balles « traçantes ». Mais il a pris maintenant, ce geste tant de fois fait, quelque chose de nerveux, de fébrile. – « Ben quoi ? Pas besoin de s’affoler ? Ce sont des égarés, mais il faut tirer dessus s’ils nous survolent ; c’est normal ! » Du nouveau : les têtes se tournent vers l’arrière ; dans le soleil tout là-haut, brillent de nombreux appareils. On les compte : quarante-sept là, trente-neuf plus haut, douze plus bas. Ils avancent. Ils passent. Des roulements sourds grondent au loin, vers l’avant, vers l’arrière, sur les côtés. Puis des coups plus secs, suivis là-haut, des petits nuages : la D.C.A. Mais ces nuages sont noirs aujourd’hui : avant, ils étaient blancs ? Qu’y aurait-il de changé ? Et toujours des appareils qui viennent vers nous. Au-dessus de Beverloo, un signe bizarre, comme un éclair permanent rougeoie. – Décidément, tout ça n’est plus « très normal ». La colonne stoppe. Les postes de défense anti-avions se forment. De derrière les haies, du fond des fossés, pointent les cache-flammes des F.M. et les canons des dix fusils sur lesquels chaque peloton compte. Les officiers circulent, mais plus n’est besoin des mille recommandations d’usage : les têtes sont cachées, les corps étendus au plus près du sol. Un 4,7 tracté passe en trombe vers la tête du bataillon. – Au dessus de tout ça, très haut, toujours des escadrilles qui se suivent. – On se remet en marche, en files, sous les arbres qui bordent la route. Pas un mot. De temps en temps quelqu’un qui, tout en marchant, charge son fusil ou son pistolet : « On ne sait jamais !... » Le Colonel est là qui regarde la colonne ; il est interdit de faire prendre le « pas ordinaire » pour passer à sa hauteur. A chaque officier, il glisse un mot vite et bas : « N’affolez pas vos hommes, les Allemands ont envahi le territoire et le survolent. On peut s’attendre à tomber sue des troupes de parachutistes ». – Cette fois, on sait ! Voici un patelin : tout le monde est dehors. Ceux qui ont entendu les premiers communiqués de la radio nous les disent au passage.<br /> </p><br /> <strong>Oiseaux de malheur dans le ciel</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">On arrive à Webbekom (Diest). L’avant-garde nous attend sur la route : elle a assisté au bombardement de l’aérodrome de Schaffen qui est tout proche : elle a vu les premières victimes : des civils et aussi quelques soldats. Chaque peloton a son cantonnement, mais personne ne songe à se reposer. On parle de « ça ». Les équipes au travail creusent des tranchées de protection aérienne. Les civils sont affolés bien plus que la troupe. La route est déjà couverte d’autos, de vélos qui partent... Un communiqué de radio ‘quel émetteur ?) a lancé le premier « canard » : « La 11 D.I. belge est anéantie au camp de Beverloo qui a été bombardé ». Nous sourions... puis on pense tout à coup à ceux qui sont restés au camp en arrière-garde. Il faut savoir à quoi s’en tenir : un jeune lieutenant part avec trois hommes sur un camion réquisitionné : ils vont voir là-bas et au besoin ramener ce qu’ils pourront. A la grâce de Dieu, car il faut repasser le canal dont les ponts peuvent sauter d’un instant à l’autre. On attend. – Que va-t-on faire de la D.I. ? Pourra-t-on l’engager comme elle set privée de tants d’équipements, de matériel, de munitions, restés à Beverloo ? Bien sûr que non ! Nous irons c’est certain, « à l’arrière » pendant quinze jours pour nous reconstituer, et puis seulement, en verra ! Dans le feu des discutions, sur le seuil de la ferme, on ne pense plus qu’à ces « Messerschmidt » qui continuent, là-haut, leur rondeau sinistre. Tout à coup, on se retrouve par terre : un craquement terrifiant a secoué tout le patelin ; les murs ont heurté nos dos et nous voilà, immobiles et claquant des dents : première torpille tombant dans les environs, et encore pas très près ! On reste des minutes sans bouger, fût-ce le petit doigt. Puis, on relève la tête, tout penaud de sa piètre conduite dans ce baptême raté ! O héroïsme, où t’en vas-tu ? Une seule satisfaction : tout le monde a fait comme vous. – Voici revenir l’aventureuse camionnette : elle est chargée jusqu’au toit de sacs bleus, de coffres, d’archives, d’armes, de matériel culinaire, de réserves d’effets. – L’arrière du châssis est éventré ; le pont du canal a sauté pendant le voyage du retour. Les passagers sont livides : la première vision de guerre les a anéantis ; ils sont allés au camp sous les rafales des avions qui continuaient de survoler ; ils ont vu les blocs effondrés, le grand mess éventré, la voie ferrée tordue, les wagons démantelés et sous leurs débris, les corps d’une trentaine de ceux de l’arrière-garde, surpris par la première torpille, en plein chargement. Parmi ces premières victimes du 14, le corps noirci et défiguré d’un de nos amis, jeune lieutenant comme nous.<br /> On en reste hébété, n’osant y croire. – La journée se passe. Voici les soldats de la compagnie restés au camp en arrière-garde ; ils ont échappé au massacre et nous ont rejoints par hasard. Mon pauvre V... n’est pas avec eux : il ne reviendra que plusieurs heures après, mort de peur et de fatigue. Et peu après lui, un revenant ! Un de nos soldats, puni de cachot, et qu’on avait oublié (sic) dans une cellule de « Malakoff » à Beverloo. Il a passé à travers des murs en flammes pour s’échapper et son uniforme n’est plus qu’un souvenir. – Dieu soit loué ! La compagnie est au complet : on s’embrasse et on pleure d’émotion.</p><br /> <br /> <strong>Marches interminables</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">En marche ! Tous feux éteints : pas une cigarette qui brille. On traverse Diest. Irait-on s’embarquer ? Non : l’itinéraire, jalonné à chaque tournant de rue par une veilleuse bleue, quitte Diest. Voici la route. On marche et l’on marche dans le noir. « Ils ont juré de ne pas nous faire voyager en chemin de fer ! » On s’indigne... mais on marche toujours. – Soudain, trouant le noir et aveuglante, une fusée s’allume tout près de la route. On se terre : la clarté s’éternise, très vive, puis meurt lentement. On repart. Voici Montaigu. Les haltes horaires n’existent plus en pratique, car la colonne s’étire de plus en plus et les arrêts de la tête ne suffisent plus à la queue pour « rappliquer »... Et cette tentation terrible d’allumer une cigarette, qui devient hallucinante... Voici Aerschot. On ne s’arrêtera donc jamais ! Si : à Betekom, non loin d’Aerschot. Le bataillon s’enfourne dans un immense bâtiment scolaire. Il est 5 heures du matin. Beaucoup d’hommes ont dû abandonner la marche : on ne les reverra plus. – Le survol ennemi nous réveille d’heure en heure. – Les postes de défense anti-aérienne fonctionnent dans chaque Compagnie. On entend bombarder au loin, mais on ne voit rien. Bref la journée est calme (pour nous).<br /> 20 h. 25 – On se remet en marche. On est tout habitué déjà à cette vie d’oiseaux de nuit. Et on connaît cette fois le but de la marche : Wavre-Notre-Dame. Ça fera encore quelques bons kilomètres « dans les pieds » mais la compagnie est en tête de la colonne et ça rend un peu de courage. Le Major marche à notre hauteur. C’est un officier merveilleux, toujours « en forme ». Il va à pied comme le simple plouc. Les premières étapes sont enlevées au pas. Il faut se hâter car il est prudent d’atteindre le but avant l’aube. Pourtant la marche se ralentit bientôt... les intervalles entre les pelotons s’agrandissent insensiblement : la fatigue fait son œuvre. Tant pis... on avance. L’aube est venue et nous sommes loin encore du but. Il est 5 heures. Voici Peulis : on va traverser la grand’route de Malines. Là-bas le clocher de Wavre : on y sera vite. Pressons-nous, car le survol ennemi commence à s’entendre et il ne faut pas se laisser repérer. – Un side-car venant de l’avant, s’arrête à hauteur de la colonne. Un pli pour la Major, urgent : « L’ennemi a franchi le canal Albert. On peut s’attendre à une attaque dans le courant de la matinée. Prenez position immédiatement. Le 1/14 occupera la position de la ligne K.W. dans un secteur délimité au croquis ».<br /> </p><br /> <strong>En position sur la ligne K.W.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Une troupe d’un autre régiment s’arrête au centre de notre point d’appui. Petite hésitation. Un officier s’avance : « Vous occupez notre position ». « Zut ! » Je file trouver le Major. L’ordre d’occupation de la position est modifié. Il faut porter le peloton à la hauteur de l’abri P. 19 et en toute hâte car on nous signale une avance des éléments ennemis. En route ! – Voici P. 19. Ses petites fenêtres bleues aux rideaux trop bien plissés ne nous trompent plus. Ici, pas même un bout de tranchée ! Seul, un mince réseau de barbelés, ininterrompu, autour de l’abri. Orientons-nous. Voilà à trois cents mètres environ devant nous, les fameux éléments C. hérissés en un solide coude à coude. Un peu en retrait, quatre abris. Ce sont les deux compagnies avant du bataillon. Entre les deux, le clocher de Peulis : poste d’observation du bataillon. A notre droite et sur notre ligne, deux abris ; les autres pelotons de notre compagnie ; second échelon du bataillon. Derrière notre abri, un bosquet : le P.C. 1/14. Plus loin une troisième ligne d’abris : le bataillon réservé au régiment. De-ci de-là, une ferme ; coupant la ligne d’éléments C à hauteur de l’église de Peulis, la route et ses maisons qui s’étirent jusqu’à Malines. Derrière nous, à quelque cinq kilomètres, émerge Saint-Rombaud. Mes hommes travaillent aux tranchées des trois îlots qui protègent les abords de l’abri. Et voici la clé de P. 19 et le dossier d’occupation. Tout ça est très clair. L’abri a un champ de tir superbe. La liaison de feu entre les points d’appui est assurée. Voici installés aux fenêtres de tir un fusil-mitrailleur et une mitrailleuse. Les équipes de tir sont au courant de leur mission. A un adjudant-mitrailleur est confiée la conduite du feu de l’abri qui doit résister à outrance. Je me mets en liaison avec le tout jeune lieutenant qui commande notre compagnie. Celui-ci est malade : fatigue, énervement, émotion. La position s’organise. Il est midi : l’avant n’a pas encore tiré : tout semble calme au-delà de la ligne K.W. La route regorge de civils en fuite, lamentable défilé qui va durer des jours. On travaille sans arrêt jusqu’au soir. Le terrain est meuble et les travaux déjà avancés. On a reçu des dépôts considérables de munitions et même, le croirait-on, des caisses de grenades Mills. On a vissé avec d’infinies précautions les allumeurs sur les corps des grenades (Pas très rassuré, dans le fond, celui qui se livre à ce petit jeu pour la première fois !) – « Ils peuvent venir maintenant ! » - Un ordre du bataillon : « Le travail se poursuivra pendant la nuit ». Le soir vient. La nuit est noire. Le col de la capote frileusement relevé, la sentinelle fait les cent pas à quelques mètres devant l’abri. Dans chaque îlot, les pelles s’activent. Le jour se lève.<br /> Serions-nous déjà au lundi de la Pentecôte ? Un léger arrêt de travail pour prendre à la voiture-cuisine qui fait le tour des îlots, un pain et une gourde de café chaud. Et l’on se remet à la tâche. Les îlots sont entièrement creusés, déjà quelques équipes élaguent le champ de tir. Quelques créneaux s’ouvrent sur les parapets ; du camouflage apparaît par place. Au loin, on bombarde. Devant nos lignes, toujours rien. Le soir tombe une nouvelle fois. Un nouvel ordre : « Le travail se poursuivra par moitié dans la nuit. A l’aube tout le personnel sera en place. Attaque probable à l’aube ». Je ferme l’abri : un adieu, une recommandation suprême aux occupants. Dans le fond des tranchées, des groupes tassés sous une couverture : les équipes au repos ; ils en ont pour deux heures avant de remplacer ceux qui travaillent. Sous la lune pâle, les canons des fusils tracent des rais bleuissant sur le noir des parapets. La sentinelle scrute l’avant, immobile.<br /> Minuit. Des coups de feu assez rapprochés. La sentinelle m’appelle : « On tire sur l’abri ». Il est à plat ventre. Une balle me siffle à l’oreille : je me jette à terre. Une rafale. Quelques coups de feu. J’alerte mes groupes de combat. En un clin d’œil, chacun est à son poste, tendu vers l’avant mystérieux. On tire toujours. « Sacrebleu, c’est l’arrière qui tire ! » Frayeur de la première nuit d’attente. Les pelotons réservés tirent sur nos ombres. On enrage et ... on reprend le travail sans sortir la tête des tranchées. Voici l’aube qui point. On « les » attend, le doigt sur la gâchette, les yeux se fixent sur les buissons. Rien. Tout est calme. Il fait plein jour. Revoici la cuisine. Le café rend des forces. On se remet au travail. Il s’agit de couvrir les boyaux et d’achever le camouflage. Pendant toute la journée, des troupes passent sur la route vers l’arrière : la 9 D.I. reflue du canal Albert. Que se passe-t-il là ? Aucun de ces hommes n’ « en » a vu ! Midi : une colonne de troupes françaises portées en camions, monte vers le Canal. Les pelotons qui bordent la route entonnent la « Marseillaise ». Les camions des « Poilus » sont couverts de fleurs. Ils sont joyeux, ces « poilus ». On distingue quelques quolibets : « On va le peindre, Hitler ! » (Avec un bon accent du Midi). Pendant des heures, cette colonne passe. Voilà qui est bon signe ! Le clairon de guet anti-avion sonne l’alerte. Trois avions allemands nous survolent à basse altitude. On a vu des parachutistes en sauter. Illusion ou réalité ? Des patrouilles s’en vont en reconnaissance. Chaque civil devient un suspect. Et revoici le soir. Nouvel ordre : le même qu’hier. « C’est pour l’aube »... A 22 heures, une fusée éclairante monte à travers la nuit : un P.C. de première ligne qui veut savoir à quoi s’en tenir. Immédiatement, un feu violent se déclenche sur nos deux flancs et à l’arrière. La sentinelle aussi a tiré en criant : « Wie is daar ? » - Je vais voir : le pauvre diable claque des dents. Il me montre un bosquet. Je ne distingue rien. Derrière moi, quelqu’un crie d’une voix de stentor. Le Major ! « Cessez le feu, n... de D... ! » Un clairon sonne : « Cessez le feu ». Un autre lui répond. Le tir redouble. Chaque groupe accuse ses voisins de lui tirer dessus. Qui donc tire ? Et sur quoi ? En tout cas, l’arrière recommence le petit jeu de la nuit dernière. On voit les flammes des canons braqués dans notre direction. Plus d’une heure se passe avant que les clairons et les ordres aient raison des tiraillades. L’ordre de demain matin menacera de Conseil de guerre quiconque tirera par affolement et sans raison. – Nouvelle aube : nouvelle attente anxieuse, attente déçue. (Oui ! je crois bien que c’est la déception !) Reprenons le travail. La tranchée s’organise. En trois jours, nous avons atteint le raffinement qui, à la P.F.L., nous avait demandé neuf mois ! Pour parer aux difficultés du ravitaillement « réglementaire », nous avons de tout sous la main : six vaches dans la petite ferme là-bas : chaque groupe a sa cruche de lait remplie en permanence. Des sacs de sucre et des boites de gâteaux secs, ils viennent de ce magasin sur la route que plus personne n’occupe. Pour plus tard, (On les couve avec un soin jaloux) douze poules. Sur la camionnette qui fait partie de la compagnie à présent, chacun a trouvé des souliers de rechange et de la graisse d’arme. Tout va bien ! Par exemple, les fermes d’alentour n’ont plus leurs hangars : les trois pans et le toit en sont sur les tranchées, recouverts d’une bonne couche de terre ! Oh ! le doux plaisir d’opérer ces petits déménagements ! Neuf heures. Deux blindés ennemis passent le long de la ligne d’éléments C. Nos 4,7 ont ouvert le feu. Deux fumées blanches ont monté. Un coureur file chez le Major, porteur de la bonne nouvelle : « Deux chars hors de combat devant nos lignes. Vive le 14. On les aura ! » Illusion ! Une patrouille va démentir ce beau rêve...<br /> 17 h. 15. Du nouveau ! Au dessus de nos têtes passe quelque chose qu’on ne voit pas, avec un petit bruit de chariot de bois. Et là-devant, les maisons s’écrasent avec des craquements de Jugement dernier. Nos 220 tapent ferme. Y aurait-il enfin des troupes devant nous ? Oui ! les pelotons de première ligne les ont vues : des pièces d’artillerie et une cinquantaine d’hommes qui creusent à quelque cent mètres en avant de la K.W. Ça, c’est pour l’artillerie : trop loin pour nous, pauvres fantassins ! Un officier mitrailleur de l’avant va quand même risquer un tir lointain. Il installe sa pièce dans un grenier et tire lui-même. Demain, on ira voir son casque, la visière fendue à l’avant par une balle destinée à son front et qui a ricoché sur le cimier.<br /> La nuit vient sans que notre artillerie cesse son tir ; le travail est achevé dans l’ensemble : voilà le moment de dormir un peu ; on n’en avait plus guère l’habitude depuis cinq jours ! Dans chaque groupe, trois hommes veillent. A une heure, alerte ! Tirs de mousqueterie partout : derrière nous une fusée rouge descend très lentement. Un bobard circule : c’est un parachutiste. Et chacun de s’affoler. Le téléphone du Major sonne sans arrêt : « des patrouilles ennemies sont aux éléments C. Elles tentent de dériver les bancs d’attache ». On tire de plus en plus. Et pourtant on ne voit rien. L’aube vient. Le tir d’artillerie cesse. La fusillade continue, cette fois en première ligne. Dans une ferme, notre aumônier nous apporte la communion. On s’attend à quelque chose. Un adjudant part en patrouille avec une poignée d’hommes. Ils restent trois heures absents. Les éléments C sont intacts mais dans les maisons, en avant des lignes, quelques groupes d’ennemis tirent sur nous. Le temps de transmettre à l’artillerie d’appui une demande de tirs et le bombardement reprend de plus belle. Mais cette fois les boches ripostent. Un premier obus tombe au centre du point d’appui de la compagnie, visant l’emplacement des 4,7. On se terre et on attend. Ça dure des heures mais nos pièces tirent bien plus que les « leurs ». Quand on relève la tête, on aperçoit dans le clocher de Peulis une brèche béante : deux observateurs du bataillon ont été tués à leur poste. Le secteur redevient calme. Seule de temps à autre, une détonation : un G.P. tire sur nous de tout près. Qui ? Où ? On ne le saura pas ! On a demandé des volontaires pour de nouvelles patrouilles. Quinze hommes se présentent dans mao peloton ; j’espérais bien plus ! La journée s’achève, dans la fièvre de ces premiers contacts avec la guerre, sinon avec l’ennemi.<br /> </p><br /> <strong>On abandonne la ligne K.W.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">A 18 heures, une nouvelle circule de bouche en bouche, ahurissante : « On va battre en retraite ! » C’est fou ! Mais c’est vrai ! L’ordre officiel arrive. On est consterné. On se rassemble. Tout le charroi est regroupé à Malines et le régiment a exigé notre camionnette ! On doit laisser sur le terrain des monceaux de choses précieuses : des caisses de munitions entières, des vivres, des équipements. On a mis le tout hors d’usage. On a tenté de faire sauter et on l’a inondé de pétrole : en partant, on y jettera une allumette... Pour emporter le plus de munitions possible, on laisse là les havres-sacs. Chaque homme porte sa dotation de combat plus deux sacs de cartouches ; la charge est effrayante. Les trépieds pour fusils-mitrailleurs, inutile de songer à les porter à bras : on les laisse là. Et on part... Sur la route, les colonnes de fantassins sont doublées de colonnes d’artillerie, de colonnes de charroi. Dans Malines, l’embouteillage est à son comble. On avance de 20 m. en 20 m., et chaque fois c’est un mortel arrêt qui dure parfois ¾ heure. Le bataillon est coupé en deux. La queue suit, sans le savoir, une autre colonne. La tête doit se frayer un passage à travers les flots de civils qui déferlent vers l’intérieur du pays. On se retrouve par miracle ! Là-bas, vers Peulis, on tire : l’arrière-garde doit avoir été accrochée. On passe à Capelle-au-Bois. Autour du pont, les rues n’existent plus : c’est un amas épouvantable de ruines. Juché tout en haut d’un monceau de pierrailles, un T 13 français tient le pont. Toute la colonne a passé sans encombres. Il ne reste plus de l’autre côté du pont que les compagnies d’arrière-garde. On arrive à Malderen. On a marché douze heures. Beaucoup d’hommes sont restés sur les bords de la route ; beaucoup de sacs de cartouches jonchent le fond des fossés ! Sans enlever ceinturon ni casque, les hommes s’enfournent dans les granges. Les officiers de la compagnie, réunis dans la salle commune d’une ferme accueillante, se détendent. On se lave, on se rase (c’est la première fois depuis le 10 mai !) Puis on s’endort. Il est midi... Notre hôtesse improvisée vient nous secouer. Un coup d’œil à la montre. Serait-il déjà 19 heures ? – « Vos soldats sont tous partis ! » - « Allons, allons, pas de blague ! » - « Venez voir ! » C’est bien vrai ! Dans le garage, des armes, des pelles, des munitions, plus que trois soldats qui ronflent. On les éveille, mal éveillé soi-même. Rien à en tirer ! Sur la route un peloton est réuni : tout ce qui reste de la compagnie : 57 hommes. Quelqu’un nous apprend qu’une auto remplie d’officiers belges vient de passer en trombe. On a crié : « Les boches sont là, sautez sur les camions ! » Le bruit s’est répandu en quelques minutes ; des centaines d’hommes étaient partis, les uns accrochés à des camions français qui roulaient vers Eccloo, les autres sur les voitures des unités. Le commandant de notre compagnie saute sur un vélo « pour les regrouper » (où ?) On restera deux jours sans le revoir. Le Major est là, qui fulmine. On regroupe ce qui reste du bataillon : deux cents hommes peut-être, la plupart des officiers, et un caisson de mitrailleuse. Le reste a disparu, et c’est la même chose dans tout le régiment, peut-être dans toute la D.I. On installe ces maigres ressources en défensive. On attend : rien ne se passe. L’arrière-garde nous rejoint : elle a été accrochée, mais en est sortie indemne. Le Major confronte les carnets de campagne : l’arrière-garde s’est repliée avant l’heure prévue, et l’on parle de dégradation pour les responsables. Personne ne souffle mot ! A minuit, on reçoit l’ordre de se replier. En route. On sauve ce qu’on peut de ce qui traîne dans la paille. Des soldats portent deux fusils, d’autres un fusil et un F.M., d’autres encore un D.B.T. et deux G.P. On traverse Buggenhoude, Lebbeke, Audeghem. Sans alerte, mais aussi sans arrêt ! A l’aube, nous passons la Dendre sur une passerelle. Il y a là une colonne formidable : toutes les unités sont mêlées. On continue de marcher : Schoonaarde, Wikkelen, Uitbergen, Overmeire, Beervelde, Loochriste, Oostacker, Langerbrugge, Everghem, Cluysen. On s’arrête après vingt-six heures de marche. C’est le 19 à deux heures. On ne se demande même plus ce qu’on fait de nous, ce que l’ennemi fait... On ne pense plus. On dort huit heures tout habillé. Le commandant de la compagnie rapplique avec cinquante hommes. On s’installe en défensive, à Hulleken, en troisième échelon de D.I. On creuse. Quelques-uns de nos hommes nous rejoignent. Comment ? La moitié de mon peloton est présente, mais je n’ai qu’un F.M. sur quatre et un D.B.T. sur trois. Les travaux se poursuivent sans arrêt le 20 et le 21. Le 21, à 20 heures, le bataillon reçoit l’ordre de contre-attaquer vers le canal de Selzaete où l’ennemi aurait percé nos lignes. Notre artillerie tire sans repos. Nous marchons jusqu’à Ertvelde. On fait le plein de munitions et on attend le déclenchement de la contre-attaque. Rien ne vient. L’aube du 22 naît. On dort sur place. Ordre de se replier sur Ertvelde à 9 heures. Repos de neuf heures, bienvenu. A 21 heures l’ordre d’hier se renouvelle. On s’équipe et on part... On retrouve la position de la veille. On s’y tapit sous la lune froide. Le jour vient sans apporter rien de neuf. A 6 heures, nous rentrons au cantonnement de repos à Ertvelde. A 12 h. 30, nous sommes survolés par l’ennemi qui bombarde Ervelde et mitraille des colonnes sur la route. On assiste, du fond de son fossé, à des visions de cauchemar : un Messerschmidt poursuivant à travers champs un sergent qui court comme un fou sous les rafales. Dans les vergers où bivouaque notre compagnie, un obus tombe : il a pulvérisé un arbre, un des trois sous lesquels il n’y eût pas dix ou quinze hommes couchés ! On s’en tire avec une égratignure dans une guêtre ! Ertvelde flambe, tout proche. L’horizon se peuple de gigantesques fumées noires et lourdes : les réservoirs des usines en bordure du Canal. Et voilà la pluie qui s’en mêle ! Mais non, ce n’est pas la pluie : c’est une descente pesante de suie grasse que nous valent les nuages de fumée. En un instant on est noirci de la tête aux pieds. Et pas moyen de se débarrasser de cette saleté !<br /> </p><br /> <strong>Enfin ! On contre-attaque...</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">16 heures : Ordre de contre-attaquer. Cette fois, c’est bien vrai. On va « faire quelque chose » ! On progresse à travers les haies, vers Rieme. On longe la route jonchée de cadavres d’hommes et de chevaux. Un câble à haute tension git par terre, dans un amas de briques et de tuiles. Un homme s’y laisse prendre : un corps de plus parmi tant d’autres corps. Sur la route refluent des groupes du régiment qui a lâché pied au Canal. C’est une panique effroyable. Ces visages sont horrifiés. N’essayez pas d’arrêter ces fuyards : ils ont perdu le contrôle de leurs volontés. Qu’ils fuient ! Nous, nous avançons. La nuit tombe. Nous voici au mur de la « Purfina ». On y fait des brèches et nous nous faufilons dans le dédale des ateliers, des hangars, des réservoirs. Tout ça flambe et gicle et crisse. De l’acide coule à flot sur les pavés. Un sergent tombe : il se relève entièrement brûlé, mais il ne se laissera évacuer qu’après la fin de notre opération. Les semelles et les contreforts des souliers s’en vont en lambeaux, rongés par l’acide. On avance dans un vacarme épouvantable et une chaleur de four. Les pelotons avant ont ouvert le feu : nous devons nous approcher de la tranchée à reprendre : elle est en bordure du Canal, au pied du mur de l’usine. Surpris par notre arrivée, l’ennemi lâche pied de toute part. La tranchée est libre. Nos hommes sautent dedans et tirent. Des groupes d’Allemands en déroute passent en hurlant sur le chemin de halage à un mètre des canons des fusils. Les voici étendus sur la berge. Deux « Fritz » ont jeté les armes et, à genoux, ont demandé grâce. Un ordre, et ils nous rejoignent dans la tranchée, « notre tranchée » à présent. Ce sont nos deux prisonniers. Quelle fierté ! Les soldats sont en proie à un délire d’action. Il faut les retenir pour les empêcher de traverser le Canal à la nage et d’aller balayer les tranchées ennemies qu’on devine là, sur l’autre rive, à 30 mètres de nous. Il y a un de nos gars qui a crié : « On va aller reprendre le Canal Albert ! » Belle minute vraiment ! En attendant, ils mitraillent à cœur joie « ceux d’en face ». Mais dans l’usine, il doit rester des détachements ennemis, car on tire par derrière. Mon peloton s’en va en patrouille. Une longue file qui rampe le long des bâtiments, immobilisée de temps à autre par une rafale hâtive. Et toujours cette rafale est suivie d’une course précipitée dans les hangars dont les toits tombent morceau par morceau avec des bruits sourds. Décidément, l’ennemi semble peu disposé à « tenir » ! Nous voilà au bout de l’usine. Nous n’avons pas eu à tirer un coup de feu. Nous rentrons dans le grand calme. Revoici notre bout de tranchée. Le commandant est inquiet : aucun des coureurs envoyés au bataillon n’est revenu.<br /> </p><br /> <strong>Repli général</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Voici un officier : un inconnu ; on se méfie ! C’est un lieutenant du 37 qui, renonçant à fuir avec son régiment, est revenu sur les positions, seul. Il a vu en passant notre Major et il nous apporte un ordre. Et quel ordre ? « Repli général de l’armée. Regroupement du bataillon à Rieme ». – Stupeur ! « Alors ? C’était bien la peine de reprendre cette tranchée ! » On ne comprend plus rien ! « Qu’est-ce qu’il f..., là-derrière ? » Il faut bien se résoudre. Mon peloton va protéger le repli de la compagnie. Je m’installe dans la tranchée. Le gros nous quitte. Un quart d’heure... Mon commandant revient vers nous avec son aide-comptable : « On a oublié de prévenir du repli les mitrailleurs ! » - « Vous en faites pas, on va faire ça ! » Ils s’en vont dans la nuit. Derrière nous une rafale, quelques coups de feu. – « Sacré nom ! il s’est fait prendre dans une embuscade ! » - Je regroupe mes mitrailleurs et je trouve, par surcroît, un peloton égaré d’une autre compagnie. Il est temps de partir. Tout mon monde est en marche. On sort de l’usine. La route, éclairée par le rouge des réservoirs en feu. On a tiré sur nous ! Nous sommes tous par terre ! Ça doit venir de ce terril qui surplombe un mur de l’usine. On tire encore : nous ne voyons pas d’où ça vient. Il ne s’agit pas de se laisser tirer comme ça ! On enfonce une porte et on se précipite dans une maison. On ne voit rien de plus ; et pas moyen d’en sortir par l’arrière : il faut revenir sur la route. On risque la tête, on ne tire plus ! Profitons-en ! Ai pas de course le long des murs (et les mitrailleurs portent leurs pièces à bras !) Voici enfin Rieme. Le bataillon est toujours là. « Où est notre commandant ? » - « Pas vu ! » Diable ! Un vélo nous tombe dans les jambes : l’aide-comptable. Il raconte l’affaire : « Le commandant est tombé avec moi sur six Allemands postés à la porte de l’usine. Pas moyen de filer ! Il a essayé de leur parler allemand, mais ils n’ont pas bougé. Alors le commandant a tiré les treize coups de son G.P. Ils ont tiré une rafale et se sont sauvés. Nous aussi ! » - Et bientôt, voici le commandant en personne. Il l’a échappé belle ! Il nous a sauvés, car ces six gaillards-là attendaient notre peloton d’arrière-garde pour le surprendre au sortir de la « Purfina ». La contre-attaque a fait plusieurs victimes dans le bataillon. Un adjudant a été blessé au ventre. On se met en marche. Eccloo-Necke. On a passé le Canal de Dérivation de la Lys. Le 24, à 14 heures, nous nous arrêtons : la première halte après vingt-trois heures de combat et de marche. On dort cinq heures. – Ordre de s’installer en défensive à Somerghem (second échelon de la D.I.). Les travaux n’avancent pas ! Le moral est tombé à zéro. Après l’enthousiasme de Rieme, nous voilà bien bas. Des groupes entiers sont restés en arrière pendant la marche ; sans doute sont-ils déjà aux mains de l’ennemi. Un de nos groupes de combat qui constituait pointe d’arrière-garde mobile pour le bataillon, à dû s’endormir sur place, car aucun de ses hommes n’a suivi ! – Nuit blanche et froide, mais calme. Aube sans histoire. Des avions nous inondent de prospectus défaitistes : « Les Allemands seraient à Dunkerque ». Cette blague ! – Les travaux n’avancent toujours pas. Il faut un bombardement à cent mètres de nos lignes pour décider les pelles à se mettre en mouvement. C’est le coup de fouet qu’il fallait. Le moral remonte d’heure en heure.<br /> Nos « camarades » (qu’ils disent !) nous tirent dessus ! Eh bien, on les recevra ! La position est déjà au point à 23 heures. On accorde repos pour la nuit. Mais dans les rares fermes des alentours, il n’y a plus une place : les granges fourmillent de réfugiés : ceux qui n’ont pu passer en France et qui mendient le reste de nos cuisines. Il y en a jusqu’à septante dans une remise.<br /> Le 26, l’ordre de la D.I. porte notre bataillon à l’ordre du jour pour la contre-attaque du 23. On reprend pied. On réorganise les unités. Il manque vingt-et-un hommes à mon peloton, disparus au cours de la marche. La journée est calme. Nos patrouilles circulent sans être inquiétées. A 17 heures, une « saucisse » s’élève devant nous. On n’y prend pas garde. A 19 heures, six obus atteignent notre point d’appui. Deux « entonnoirs » sont à moins de cinq mètres de nos tranchées. Les arbres sous lesquels est creusé mon P.C. sont décapités et noircis. « Satanée saucisse ! »<br /> Ordre de contre-attaquer vers le Nord<br /> A 20 heures, le bataillon reçoit l’ordre de contre-attaquer vers le Nord. Tant mieux ! On se met en place et on attend jusqu’au lendemain à 10 h. 15. On part enfin, mais la « saucisse » est encore là qui nous guette. Sur le bataillon en dispositif resserré, dans les champs sans fossé, plusieurs batteries déversent leur mitraille pendant près de quatre heures, sans une seconde d’arrêt. On ne croit plus qu’on en réchappera : on est entassé dans les moindres creux et on ne se donne même pas la peine de se faire un trou. Quand le tir cesse, on ose à peine faire l’appel. Les voix qui répondent : « Voorwaarts » sont haletantes... Il n’y a qu’un blessé léger pour tout le bataillon. Ça rend du courage ! On part... mais ce n’est pas pour contre-attaquer : c’est un nouveau repli général. Ça sent la fin... On gagne le Canal Gand-Bruges. Sur les deux berges, survolé par des avions qui ne tirent pas un coup, c’est un défilé sans fin. On croirait que toute l’armée s’est donné rendez-vous ici. Voilà le pont d’Aeltrebrugge. Sur l’aérodrome de Maria-Aelter, tout proche, s’écrasent les torpilles. Nous devons d’après l’ordre, passer le pont et remonter vers le Nord prendre position à Knesselaere. Pressons le pas. Une détonation terrible. Un blindé vient d’apparaître sur la berge nord et a tiré un coup de 3,7 sur la colonne. Ça a été rapide comme l’éclair, mais un monceau de corps et étendu à nos pieds. Pour notre compagnie : un caporal tué ; deux sergents et quatre soldats blessés gravement. En un instant la berge a été vidée. Tout le monde est en fuite. Les blessés seuls sont restés au bord du Canal avec les morts. Nous endiguons la panique comme on peut. Nous allons passer le pont. Celui-ci saute devant nous : l’ennemi est sur l’autre berge. La débandade est affreuse. Un sergent et quelques hommes retournent, malgré tout, vers le Canal. Ils y relèvent les blessés, les tirent vers l’arrière, les chargent sur une charrette et les évacuent. Que faire ? Où est le Major ? Où sont les hommes ? Nous avons, en tout et pour tout à la compagnie, trois officiers et une quarantaine de soldats. On attend en vain un ordre. Personne n’est en vue... Ce fantôme de compagnie part à l’aventure. Et c’est une marche infernale dans les blés, dans les fossés, sous les avions... On boit du lait, on gobe un œuf, en passant, au hasard des fermes. – Allons à Saint-Georges ! On y dort trois heures. Il n’y a plus de Belges là ! – Sur l’autostrade Gand-Bruges, on suit une colonne d’artillerie. – On subit un ultime bombardement. On se jette à travers champs. – De toute part, des groupes d’hommes qui marchent sans savoir. Du Sud, du Nord, de l’Est, ils affluent et toujours d’où qu’ils viennent, ils se prétendent poursuivis par l’ennemi. Une seule direction reste à envisager : Bruges. Qu’y fera-t-on ? Qu’y trouvera-t-on ? Mystère ! Mais on marche... Il est cinq heures. Nous sommes au 28 mai. On rencontre une fraction du 29e de ligne qui, sans ordre comme nous, a décidé de s’organiser en défensive, près d’Oostkamp. Notre bataillon (ce qui en reste !) doit être là derrière, paraît-il : un peu plus loin, sur l’autostrade. On gagne la grand’route. Quels sont ces soldats en bonnet de police et sans armes ? Rêvons-nous ? Non ! Une auto passe : des officiers belges, des officiers allemands.<br /> <strong>Et alors nous apprenons que, depuis quatre heures du matin...</strong></p><br /> <br /> François Duysinx.<br /> <strong>Source : Musée du Souvenir.<br /> <a href="https://www.maisondusouvenir.be/en_campagne_francois_duysinx.php">https://www.maisondusouvenir.be/en_campagne_francois_duysinx.php</a></strong> Thu, 28 Sep 2023 20:30:01 +0200 Jeanne Defroidmont, une grande Résistante liégeoise. https://www.freebelgians.be/articles/articles-3-239+jeanne-defroidmont-une-grande-r-sistante-li-geoise.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-3-239+jeanne-defroidmont-une-grande-r-sistante-li-geoise.php <p style="text-align:justify">Jeanne Defroidmont est née le 26 novembre 1922, elle est décédée le 11 janvier 2010 à l’âge de 87 ans. Elle était une des filles d’une famille nombreuse de 9 enfants.</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/jeanne_defroidmont_freebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Pourtant, curieusement, bien qu'elle ait été très connue et très reconnaissable, peu, hors de son village et de ses connaissances, connaissaient son nom de famille. La vie Jeanne DEFROIDMONT se confond avec le récit d'un parcours exceptionnel. Elle consacra à la Résistance presque 4 années qui auraient dû être les plus belles de sa vie.<br /> Pour tous, elle était connue sous le nom de « Blanche Neige ».<br /> Dès le mois de janvier 1941, Jeanne Defroidmont s'engage dans un groupe de résistance dirigé par Joseph Witrouw, chef de peloton, et commandé par le Lieutenant-Colonel de réserve P.J. Dardenne et le Lieutenant Justin Bloom du refuge « Vive » zone IV section Liège de l'Armée Secrète.<br /> Malgré son jeune âge, 18 ans à peine, elle accomplit toutes les missions dangereuses qui lui étaient confiées sous le nom de guerre « Blanche-Neige ». Elle s'occupe du ravitaillement des réfractaires et des maquisards ainsi qu'aux familles de déportés et prisonniers de guerre. Elle effectue des transports d'armes et de postes émetteurs récepteurs et confectionne de fausses cartes d'identités. Elle transmet de très nombreux messages.<br /> Toujours prête à toutes les actions, aussi dangereuses qu'elles soient, Blanche-Neige est arrêtée par les allemands au cours d'une mission mais elle parvient à s'échapper par ses propres moyens et à prendre le maquis.<br /> Afin de se soustraire aux recherches de la Gestapo, elle réapparait sous différents aspects : déguisement en bonne sœur ou en paysanne ; avec ou sans port de lunettes, changement de coiffures, teinte des cheveux, etc...<br /> </p><br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/jeanne_defroidmont_freebelgians_1.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Jeanne en religieuse<br /> </p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">C'est ainsi qu'elle parvient à éviter toutes les filatures. Agent de liaison entre le secteur Liège/N.W. et les refuges, elle continue la lutte et brave tous les dangers, en participant à de nombreux sabotages.<br /> Elle travaille d'un commun accord avec Jean Leclercq de Pepinster, Sous-Lieutenant des P.I. (Partisans Insoumis) et le Lieutenant Joseph Davister de Visé, agent de liaison dès la première heure. Jean Leclercq transmettait de la documentation et des renseignements à son chef Justin Bloom, Lieutenant de l'A.S., qui les communiquait à Radio Londres. Quant au Lieutenant Davister, il commandait tout un groupe pour les transports d'armes. Il s'occupait d'une filière de renseignements, aidait et ravitaillait les réfractaires.<br /> Début septembre 1944, à l'arrivée de l'armée américaine sur le canal Albert, en face de Visé, on demande des volontaires pour passer et repasser les lignes ennemies afin de fournir certains renseignements aux alliés. De tout le secteur, seuls Jeanne Defroidmont et le Lieutenant se présentèrent. Au péril de leurs vies, ils parviennent à communiquer aux alliés des renseignements de toute première importance.<br /> Dans le courant du même mois, une autre mission aussi périlleuse leur est demandée et c'est encore Blanche-Neige qui se portera volontaire en compagnie de J. Leclercq. Téméraires jusqu'au bout, ils traversèrent les lignes allemandes dans la région de Fouron et rapportèrent avec succès les précieux renseignements qui furent aussitôt transmis à la 30e division américaine.<br /> Blanche-Neige a également travaillé sous les ordres de J. Davister au profit du 2ème bureau de l'AS. du commandant Callens, qui lui avait donné comme mission de repasser les lignes allemandes à Gemmenich pour obtenir des précisions sur l'emplacement des canons AT. Encore une fois « Mission Accomplie ».<br /> En guise de reconnaissance, elle reçoit en date du 2 octobre 1944, une citation à l'ordre du jour transmis par le général Eisenhower, commandant en chef de l'Etat-Major Supérieur des forces expéditionnaires alliées, en témoignage d'admiration pour la résistance belge.<br /> Madame Jeanne Defroidmont, alias Blanche-Neige, fut citée à l'ordre du jour par le commandant de l'A.S., le lieutenant général Pire pour le motif suivant : « Membre de l'Armée Secrète dès janvier 1941. Procura des faux documents d'identité et de travail. Assura de dangereuse mission de liaison et de courrier. Fournit des renseignements d'ordre militaire. Transporta des armes, des munitions et des postes-émetteurs. Prit part aux opérations libératrices du territoire ».<br /> Plusieurs médailles honorifiques lui ont été décernées et notamment la Croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold II avec palmes, la Croix de Guerre 1940 avec palmes et la médaille de la résistance.<br /> <br /> Source :<br /> Article de M. Van Bilzen<br /> <a href="https://www.maisondusouvenir.be/jeanne_defroidmont.php">https://www.maisondusouvenir.be/jeanne_defroidmont.php</a><br /> <a href="http://awans-memoire-et-vigilance.over-blog.com/2021/03/une-grande-resistante-liegeoise-membre-de-la-fnc-jeanne-defroidmont.html">http://awans-memoire-et-vigilance.over-blog.com/2021/03/une-grande-resistante-liegeoise-membre-de-la-fnc-jeanne-defroidmont.html</a></p> Thu, 31 Aug 2023 12:11:37 +0200 Mémoires de guerre de René Vitrier https://www.freebelgians.be/articles/articles-4-238+m-moires-de-guerre-de-ren-vitrier.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-4-238+m-moires-de-guerre-de-ren-vitrier.php T<strong>émoignage transmis par son fils Eric</strong><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/vitrier_rene_freebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">« Je m’appelle René Vitrier, né à Ensival le 4 juin 1923. Quatrième enfant d’une famille de six enfants, mes parents sont d’une moralité exemplaire et très patriotes. Le 10 mai 1940, notre petite Belgique fut envahie par nos voisins allemands. Mes amis et moi n’avons pensé qu’à une chose, défendre notre Patrie. A l’appel des autorités militaires et politiques, demandant aux jeunes de 17 et 18 ans de rejoindre l’armée belge qui attendait alors à Binche, nous sommes partis sur le champ pour rejoindre les combattants. Je vous passe les péripéties de ce voyage vers Binche, à pieds, en camion, en voiture, le tout parfois sous les mitraillades des avions ennemis. Bref, après plusieurs jours assez pénibles, nous sommes arrivés sur place. Hélas pour nous, l’armée n’était plus à Binche, et suivant les nouvelles instructions, nous devions aller beaucoup plus loin pour la retrouver dans le midi de la France. Nous étions très déçus mais pas découragés. La suite du voyage, je vous laisse les soins de l’imaginer. La faim, la fatigue, la peur des bombes….Au terme d’un long parcours rempli d’anecdotes, nous sommes enfin arrivés où l’armée nous attendait, dans le village de Céssenon à 20 kms de Béziers.<br /> Une chance pour nous, nous avons été reçus d’une façon remarquable et très familiale mais notre but c’était d’aller plus loin pour rejoindre l’armée et nos alliés en Angleterre. Mais grosse déception, les officiers belges qui étaient dans le village nous ont ordonné de rentrer en Belgique.<br /> Une fois rentrés chez nous, que faire ? Nous voulions poursuivre notre idéal, cela était très difficile et il fallait rester très discret. Aussi, ai-je eu la chance de rencontrer deux militaires belges qui avaient réussi à fausser compagnie aux allemands.<br /> Avec eux, j’ai immédiatement accepté de coopérer pour faire de la résistance.<br /> Mon rôle était de transmettre des renseignements sur les forces d’occupation à mes chefs, qui étaient Monsieur Roger Bergweiler (dit Rotche), évadé d’Allemagne et tué en 1944, et à son second Monsieur Kinisdale.<br /> Je devais également transporter des armes et ravitailler des réfractaires aux travaux obligatoires en Allemagne, certains se cachant à Liège, et d’autres dans l’agglomération.<br /> Avec mon ami, M José, nous avons un jour fait sortir de la clinique Peltzer de Verviers, deux pilotes anglais pour les remettre à nos chefs.<br /> Durant la période d’occupation allemande, les rafles étaient assez fréquentes et c’est avec crainte que j’ai fait l’objet de deux arrestations avec interrogatoire dans la mesure où un officier allemand avait été tué par nos résistants.<br /> Enfin, quand les alliés ont débarqué avec la First Belgium Brigade (devenue la Brigade Piron), nous les avons rejoints avec plusieurs amis. Nous nous sommes engagés volontairement pour la durée de la guerre le 24 octobre 1944 et mon numéro de matricule était le 11011.<br /> Entré en service actif le 26/12/1944, j’ai été affecté en tant que premier chauffeur de transport de troupe et de matériel à la A Coy du 1er bataillon où je conduisais un camion Fordson. J’étais sous le commandement du capitaine Jacques Wanty secondé par son chef de peloton, le lieutenant Hardy, d’une part, et de l’Rsm Timmerman (dit Tim), d’autre part.<br /> La période d’instruction d’infanterie, par ailleurs fort à mon goût, était calme au début mais est devenue beaucoup plus mouvementée par la suite. J’y ai fait beaucoup de camarades et les officiers et sous-officiers étaient très chics avec nous. Je me souviens cependant d’avoir écopé de deux jours de corvées pour avoir laissé quelques gouttes d’eau sur mon fusil. L’inspection des armes était très stricte et c’était donc de ma faute.<br /> Durant notre instruction, la ville d’Anvers a subi de violents bombardements de fusées V1 et V2 et une bombe de type V1 s’est par ailleurs abattue sur notre caserne de Saint-Nicolas faisant au minimum un tué et de très nombreux blessés.<br /> Au terme d’une instruction intensive et accélérée de 3 mois à tir réel au camp de Saint-Nicolas-Waes, nous sommes partis un dimanche de Pâques en direction de Neerpelt où nous sommes restés trois jours. La Brigade est ensuite remontée début avril sur le front dans le cadre de la seconde grande campagne de Hollande. Là il y avait énormément de boulot à faire car nous devions sans cesse rouler pour les compagnies et leur apporter soit de la nourriture, soit des munitions, soit des vêtements.<br /> Notre destination était le réduit défensif que les Allemands avaient constitué en Hollande avec leur 15ème armée et le 1er bataillon est parti en convoi motorisé vers le Nord.<br /> Nous avons été alignés plusieurs jours le long du bras sud du Rhin qu’est le Waal et avons ensuite traversé le Rhin à Nimègue avant de poursuivre à l’ouest entre les 2 branches du Rhin (Le Lek et le Waal). Avec mes camarades, nous étions toujours gonflés à bloc. Près d’Arnhem et de Nimègue se distinguaient encore les traces des durs combats qu’avaient menés les parachutistes anglais en septembre 1944. Je garde en mémoire la présence de tombes et de corps de soldats tombés à Arnhem. Une odeur suffocante empestait la région à cause des nombreux cadavres d’hommes et d’animaux qui pourrissaient et jonchaient toujours le terrain depuis lors.<br /> Le service motorisé faisait partie de l’échelon B et nous devions servir l’échelon A qui était en première ligne. Le bruit du canon, la faim, le froid, la peur et le manque de sommeil étaient durs à endurer. La vie que nous menions était fatigante, d’autant que nous dormions toujours dans notre camion. Les combats étaient toujours très durs et notre 1er bataillon avait pour mission de reprendre le terrain perdu par les alliés en dépit des nombreux tirs d’artillerie. A l’approche du village d’Ochten qui était le point fort d’une position de résistance allemande, le bataillon a dû faire face à plusieurs reprises à l’agressivité de la 88ème division SS hollandaise qui procédait régulièrement à des tirs d’armes automatiques.<br /> Les digues routières et les prairies découvertes ou inondées étaient abondamment minées et de nombreux cratères parsemaient les routes, ce qui rendait la conduite difficile et dangereuse. Une ambulance a ainsi sauté sur l’une des mines enfouies sur une digue alors que je la suivais avec mon camion.<br /> Plusieurs maisons en Hollande étaient aussi truffées de booby trap <strong>(voir note)</strong>. Même dans les rues, il y avait des mines anti-personnelles cachées dans divers objets. Je garde notamment en mémoire le souvenir d’explosifs placés sur ou sous les appuie-fenêtres ainsi que des mines cachées dans une charrette mise au travers de la route alors que j’arrivais avec mon camion. J’alertai ma hiérarchie qui envoya directement les démineurs. Ces derniers confirmèrent alors ma suspicion en découvrant ce qu’il y avait dans la charrette. <br /> Lorsque nous allions ravitailler l’échelon A, nous devions rester à une certaine limite de la première ligne mais mon envie me poussait pour aller dire bonjour aux amis et j’ai donc dépassé un jour la limite fixée aux chauffeurs en montant sur une chenillette « Bren carrier ». C’est ainsi qu’avec mes camarades nous avons été soumis quelques minutes après mon arrivée, à une violente concentration d’artillerie ennemie et où mon ami Jef Derboven a été tué près de moi le 24 avril 1945 aux alentours d’Ochten. C’était un très gentil garçon et sa disparition dans les derniers jours de la guerre nous a tous affecté.<br /> Début mai 1945, l’ordre de cesser le feu fut donné sur le front de Hollande et la brigade fut envoyée dans la région de Culemborg près d’Utrecht.<br /> A chaque ville ou village libéré, une foule énorme nous saluait et montait sur les camions pour recevoir de la nourriture car les hollandais avaient énormément souffert de la faim durant les derniers mois de la guerre. Il y avait des drapeaux orange partout et les habitants paraissaient heureux en dépit des souffrances qu’ils avaient endurées.<br /> Notre brigade procéda ensuite au désarmement d’unités allemandes parmi lesquelles figuraient aussi des volontaires russes. Lors d’un périple, j’eu l’occasion de faire plusieurs prisonniers dans une ferme, lesquels me remirent leurs armes et équipements. On sentait que la fin de la guerre était proche et ces soldats allemands qui s’étaient rendus ne souhaitaient sans doute pas figurer parmi les derniers tués. C’est lors du désarmement d’unités allemandes que la victoire finale fut annoncée le 8 mai 1945. La victoire fut fêtée dignement dans la petite ville de Gorinchem.<br /> La Brigade fit ensuite mouvement au milieu des troupes allemandes pour se rendre en Allemagne et commencer l’occupation.<br /> <br /> Source : Brigade Piron.<br /> <a href="http://www.brigade-piron.be/temoignages3/tem_vitrier_rene.html">http://www.brigade-piron.be/temoignages3/tem_vitrier_rene.html</a></p><br /> <br /> Note: Bobby trap= Piège militaire: <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dispositif_pi%C3%A8ge">https://fr.wikipedia.org/wiki/Dispositif_pi%C3%A8ge</a> Mon, 31 Jul 2023 17:27:01 +0200