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Rss Un maquis Franco-Belge en Slovaquie Août 1944 - Février 1945
Août 1944 - Février 1945

Il y avait en Hongrie en 1944 plusieurs centaines de prisonniers de guerre français évadés d'Allemagne et jouissant de leur liberté de mouvement, car la Hongrie de l'amiral Horthy n'était pas en guerre contre la France, ni contre la Belgique.
Parmi eux, cinq prisonniers de guerre belges
-DERVAUX Henri, né à Cerfontaine le 1er décembre 1913, soldat à la compagnie de mitrailleuses anti-avions du corps de cavalerie;
-DOZOT Gérard, né à Herstal le 24 juin 1920, caporal d'active au fort de Pontisse;
-HUBRECHTS Gaston, né à Seraing le 15 janvier 1919, caporal au 7ème régiment de chasseurs à pied;
-LEHERT Alphonse, né à Wauthier-Braine le 22 juillet 1912, soldat au 16ème régiment de ligne
-LEROY Albert, né à Grandcourt le 5 février 1916, soldat au 4ème régiment de chasseurs ardennais.

En août 1944, la Légation de France à Budapest apprend qu'il existe un groupe de partisans dans les montagnes slovaques et les plus courageux des évadés décident de rejoindre ces partisans. Quelques officiers français évadés, les lieutenants Georges Barrazer de Lannurien (commandant de la Brigade Foch sur le terrain),Michel Bourrel de la Roncière (qui assura le recrutement depuis la Hongrie), Poupet et Tomasi, organisent le départ de Hongrie et la traversée de la Slovaquie jusqu'au refuge des partisans. Le 9 août 1944, les premiers évadés arrivent dans la région de Tura en Slovaquie. Picard René relate que le voyage en chemin de fer jusqu'à Galanta, à proximité de la frontière slovaque, se passe le mieux du monde, sans contrôle d'identité. Le franchissement de la frontière a lieu de nuit et les évadés trouvent refuge à Luda chez un boulanger. De là, des guides slovaques conduisent nos hommes jusqu'au repaire des partisans. Lehert arrive le 16 août; Dozot et Hubrechts le 17; Leroy le 20 et Dervaux le 24.
Du 4 au 18 août, 96 évadés en Hongrie rejoignent l'unité en formation.

Un état nominatif de la légion des combattants français en Slovaquie, dressé à la date du 29 septembre 1944, renseigne encore trois autres Belges, mais il n'existe au service des prisonniers de guerre aucun dossier à leur nom.
Il s'agit peut-être de travailleurs déportés, évadés également en Hongrie. Ce sont:
-DE MAERTELAERE Robert, né à Montigny-sur-Sambre le 13 octobre 1920 (tué à Strecno);
-PIRSON Louis, né à Bruxelles le 27 octobre 1912;
-VAN DER HEYDEN Roger, né à Thuillies le 20 janvier 1912, sergent.
Quant à Hubrechts, il donne le nom d'un autre Belge inscrit avec lui à la légion des combattants en Slovaquie. Il s'agit de
-FROIDURE Albert, né à Bouffioulx le 19 octobre 1921, soldat au 2ème régiment de chasseurs à pied, probablement travailleur déporté en Allemagne et évadé en Hongrie.

Les partisans se groupent dans la montagne près de Kantor. Ils sont dirigés par un officier russe parachuté, le 26 juillet 1944, près de la localité de Liptov, nommé Vélicko, orthographié l.A. Welitschko par Cestmir Amort. Les partisans prennent le nom de brigade général R. Stéfanik
( général slovaque, héros de la guerre 14-18 ) et s'organisent en trois compagnies, l'une comprenant les Russes, la seconde les Slovaques et la troisième les Français et les Belges. Le lieutenant de Lannurien prend le commandement de la compagnie française. Les partisans reçoivent des uniformes tchèques et des armes russes ou tchèques, ainsi que des interprètes et deux infirmières. Dozot est désigné comme caporal chef de pièce antichar à la 3ème section d'assaut. Comme tous les partisans de langue française sont d'anciens militaires, la compagnie est rapidement formée et disciplinée. Lorsque les opérations actives commencent, elle comprend déjà plus d'une centaine d'hommes (160 d'après J. Sole).

Il arrive cependant aux partisans d'exagérer l'imprudence. C'est ainsi que de nombreux évadés continuant à arriver de Hongrie, le Français Raymond Volbart et le Belge Hubrechts sont placés à la gare de Zilina pour les recevoir et les guider vers le cantonnement. Ils sont tous deux armés du fusil et en uniforme slovaque avec l'étoile rouge des partisans. Mais voilà qu’arrive en gare une unité allemande. Nos deux partisans sont aussitôt désarmés, emprisonnés et dirigés vers l'Allemagne. Heureusement, la qualité de prisonnier de guerre leur est reconnue. Ils sont portés disparus à la légion des combattants à la date du 27 août 1944.
Le 28 août, la « Légion française des combattants en Slovaquie », (en slovaque: Françuska Legia bojvnikov no Slovensku) descend de ses montagnes et libère le village de Skablina. L’unité commandée par de Lannurien cantonne alors au village de Sklabinsky-Podzamok. Sous les généraux slovaques Golian et Viest a lieu en effet en août 1944 un soulèvement national qui surprend les Allemands. Le 29 août 1944, Banska Bystrica est libérée. Rapidement tout un énorme territoire est libéré et un gouvernement national anti-allemand est créé à Banska Bystrica le 1ier septembre, sous le nom de « Conseil national
slovaque ». Cependant les Allemands et le gouvernement pro-allemand de Tiso, sont restés maîtres de Bratislava et de toute la région des plaines. Ils regroupent hâtivement leurs forces et, dès le 29 août, s'efforcent de remonter la vallée du Vah en direction de la capitale du mouvement insurrectionnel.

Le général allemand Berger, commandant en chef des troupes allemandes en Slovaquie, qui a été surpris de l'ampleur de l'insurrection, mais qui sait que les troupes slovaques insurgées sont inexpérimentées et de faible valeur, décide d'attaquer le plus vite possible avec les unités dont il dispose, afin de ne pas laisser le temps au Conseil national slovaque d'aguerrir ses troupes. Dès le 29 août, les troupes allemandes attaquent le territoire insurgé de plusieurs directions : la 19ème division de Gebirgsjäger SS de la Moravie vers Zilina; la 86ème division de Pologne vers Kezmarok; la 20ème division SS du sud-ouest vers Trnava; la 108ème division de Kosice vers Spisska Nova Ves.

Les Slovaques portent leurs meilleures troupes, c'est-à-dire les unités de partisans, vers les endroits menacés.
Les partisans français sont chargés de défendre le défilé de Strecno pour interdire l'accès à la ville de Vrutki et à la vallée du Turiec. Ils livrent un combat très dur de toute une journée au défilé de Strecno et éprouvent leurs premières pertes, dont De Maertelaere, mais les Allemands sont bloqués.
Les Allemands se heurtent à une résistance acharnée à laquelle ils ne s'attendaient guère. C'est ainsi qu'à Strecno, la légion des combattants français en Slovaquie, avec le détachement russe Souvorow et les troupes slovaques de la garnison de Martin, résistent durant cinq jours à toutes les attaques.
Les partisans français sont relevés par une unité slovaque et reviennent à Skablina le 2 septembre. Le moral de l'unité est atteint : elle a repris trop tôt contact avec la force militaire allemande. Le 4 septembre, 4 sous-officiers et 2 hommes disparaissent et sont portés déserteurs. Le 6 septembre, les Allemands occupent Vrutki et les partisans français sont mis en ligne à Priekopa avec l'unité slovaque du major Dobrovosky. Le combat de Priekopa est très dur, mais les partisans ne cèdent pas un pouce de terrain.

Le plan allemand échoue. L'insurrection connaît un précieux répit. L'aviation russe parachute des armes, des munitions et des vivres ainsi que des renforts, tandis qu'une mission militaire anglo-américaine arrive à Banska Bistrica.
Les partisans sont relevés et mis au repos à Sliac près de Banska Bistrica, où la brigade reçoit un commissaire politique, le lieutenant-colonel russe Hrapko.
Ils y reçoivent également un renfort imprévu : 80 jeunes Français des chantiers de jeunesse, qui avaient été déportés aux usines de munitions Skoda de Dubnica et d'armement à Porazska-Bistrica et 3 officiers : le capitaine Forestier et les lieutenants Gessely (prêtre) et Lehmann.
Lannurien organise immédiatement l'instruction militaire accélérée de ses recrues. Il les confie à l'adjudant-chef Bronzini de la légion étrangère. Cependant, l'unité se réorganise. Vélicko est nommé lieutenant-colonel par l'armée rouge et de Lannurien capitaine par le général de Gaulle, qui inscrit l'unité à l'ordre de bataille de l'armée française sous le nom de :
« Groupe des combattants français en Slovaquie ».

Elle comprend 4 sections de combat et une de commandement. Le charroi totalise 3 camions, 2 voitures et une moto. Elle reste sous le commandement de Velicko qui, pour lui donner la même force que celle des compagnies russes et slovaques de la brigade Stefanik, lui adjoint une section slovaque de 54 volontaires commandés par l'adjudant slovaque Hanach, ce qui porte son effectif à 250 hommes. La brigade est mise en ligne à Janova-Lehota. Elle y est relevée par la brigade aéroportée tchécoslovaque, arrivée à Tribudy en avion du front de Pologne, et est au repos à Detva où a lieu une revue militaire. Leroy, chef d'une équipe de destruction, est, pour son beau travail, cité à l'ordre du jour de la brigade. La brigade Stefanik part alors à la frontière hongroise à Krupina.
Les Allemands cependant trouvent cette insurrection bien gênante. Ils se contentent au début d'isoler le territoire insurgé, tandis qu'ils rassemblent les troupes nécessaires pour écraser cette dangereuse menace. Ils parviennent à grouper l'équivalent de 8 divisions et, le 19 octobre, passent à l'attaque sur tout le front sud, en partant de Hongrie.
Le 20 octobre, ils attaquent également de l'est et de l'ouest. Suite à la supériorité du commandement allemand et de son infanterie, l'armée slovaque est enfoncée dès le 25 octobre 1944 et Banska Bystrica prise par les Allemands le 27 octobre. L'armée slovaque est prise de panique et s'effondre dans le désordre le plus total.

Seules les unités de partisans surnagent en ce désastre. Elles seules, grâce à leur tactique de la guerre de partisans, sont capables de résister, mais il leur faut, pour cela, rejoindre leurs montagnes. Ils se réfugient dans la vallée de Jasna de la chaîne des Basses-Tatras. La brigade Stefanik se regroupe dans la partie nord de la Slovaquie, près de la rivière Orava et les Tatras de Liptov. Le commissaire politique rejoint les lignes russes en avion, car pour lui la capture aurait signifié la mort.
Les sections sont dispersées et ce n'est qu'avec 60 hommes que le capitaine de Lannurien s'installe dans une vallée étroite vers Nemecka-Luka. Le 1ier novembre, les sections perdues, sauf celle du lieutenant Gessely, rejoignent le gros de l'unité. Le lieutenant-colonel Velicko arrive également avec les Russes et les Slovaques. Velicko décide de suivre la vallée du Vah en direction de l'est, de franchir la rivière, de gagner les Hauts -Tatras en direction de la frontière polonaise et de rejoindre l'armée russe.
Il fait partir ses trois compagnies à une heure d'intervalle : les Russes en tête, puis les Slovaques, enfin les Français. Le passage de la rivière est malaisé. Seules les com-pagnies russes et slovaques parviennent à traverser. Lorsque de Lannurien arrive avec ses hommes, il se heurte à des forces allemandes supérieures. Coupé de son chef, il décide de gagner les montagnes au sud de la rivière. Les partisans français s'installent pour l'hiver dans la montagne au nord du village d'Ivanovo. Ils occupent quelques granges primitives et descen-dent au village pour le ravitaillement. Le capitaine trouve cependant que le camp n'est pas assez éloigné du village et décide d'établir un nouveau camp, 600 mètres plus haut dans la montagne. Le 10 novembre, alors que seuls les malades, l'interprète et l'infirmière sont restés dans les granges et que tout le personnel valide travaille à la construction du nouveau camp, les Allemands surprennent le campement et mettent toutes les granges en feu.
Seul un des blessés parvient à s'échapper; 16 partisans (dont Dervaux), l'infirmière et l'interprète sont faits prisonniers.
Les partisans ( 80 au total ) doivent à présent vivre au nouveau camp inachevé. Le froid est très vif, la neige épaisse et les vivres s'épuisent, ce sera bientôt la fin des haricots. Le chef se rend compte que les Allemands vont, soit attaquer en force, soit affamer les partisans dans leur montagne dépourvue de nourriture. Les partisans, en effet, ne peuvent subsister qu'avec l'aide de la population, or il n'est plus question de descendre à Ivanovo, surveillé par les Allemands et où ces derniers ont trouvé des guides pour les conduire dans la montagne.

Lannurien estime qu'il ne peut plus assurer la subsistance d'une troupe de partisans aussi grande que la sienne. Il divise sa troupe en 8 détachements d'une dizaine d'hommes qui vont tenter leur chance séparément. Ils doivent se diriger vers le sud-est, région de Kosice, où les montagnes sont moins élevées et où il y a de nombreuses fermes isolées. On procède au partage des interprètes, de l'argent, des vivres et des munitions et, le 16 novembre, ont lieu les premiers départs.
Le groupe du capitaine ( 12 hommes ) part le dernier. Après bien des souffrances dans la neige et le froid, le groupe arrive le 4 décembre dans la région de Detvianska-Huta où il trouve refuge dans une habitation forestière. De là sont lancés des coups de main et des attaques de véhicules allemands isolés. Par la radio, ils apprennent que, à la date du 9 décemhre 1944, décret 264 du général de Gaulle, le groupe est cité à l'ordre du jour de l'armée française. Cependant le front se rapproche et enfin, au matin du lier février 1945, le groupe de partisans voit s'élancer vers lui une compagnie de soldats russes. Ceux-ci sont tout étonnés de trouver des « Françousky Partisany ». Ils sont aussitôt dirigés vers l'arrière du front. L'armée russe regroupe tous les partisans de la région à Malinec, puis décide que les partisans russes et slovaques seront remis en ligne, mais que les hommes de la compagnie franco-belge seront rapatriés. Ils reçoivent des uniformes russes, gardent leur arme-ment russe et sont envoyés à Tura en Hongrie, puis à Odessa. Bien entendu, ils jouissent d'un traitement spécial de la part des Russes et circulent à leur guise aux environs des camps de regroupement, contrairement aux autres prisonniers de guerre libérés. Ils sont rapatriés par Odessa

En conclusion de cette étude, nous pouvons franchement dire que l'armée belge peut être fière de ces quelques prisonniers de guerre qui ont repris les armes dans des conditions aussi difficiles.

( Source : article pages 187 à 194 du livre de Georges Hautecler " Evasions réussies " )
 
 
Note: 5
(1 note)
Ecrit par: prosper, Le: 28/05/11


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