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Rss Adolphe Meny : un Héros tout simple des Commandos
Le jour de la Toussaint 1944, les Alliés lancèrent une opération combinée pour s'emparer de l'île de Walcheren, dont les batteries empêchaient l'accès au port d'Anvers, indispensable à l'assaut final de l'Allemagne.
Le 41ème Royal Marine Commando, qui a sous ses ordres la 4ème Troop belge du 10ème Commando interallié, débarque à Westkappelle pour enlever les redoutables batteries côtières. Après un jour de violents combats, le 2 novembre, au cours d'une nouvelle attaque, le lieutenant Meny, du Commando
belge tombait grièvement touché en pleine poitrine par une balle.
Né à Borgerhout ( faubourg d'Anvers) le 29 juillet 1914, quelques jours avant le départ de son père pour la guerre, Adolphe Meny était le fils d'un officier d'infanterie qui avait commencé sa carrière à l'Ecole régimentaire de Menin, s'était battu courageusement devant Anvers et sur l'Yser, mais avait été fait prisonnier aux avant-postes en 1917. Après la guerre, il termina sa vie militaire au 5e de ligne, à Anvers, où il fut mis à la retraite comme lieutenant- colonel en 1935.


Une enfance toute simple et déjà l'étoffe du héros

Adolphe était fils unique, fort aimé de ses parents auxquels il donnait beaucoup de satisfactions, sans être toutefois un élève brillant. Garçon aimable, il était plutôt " taiseux " et n'exprimait guère spontanément ses sentiments.
Comme son père, il désirait faire carrière à l'armée et se présenta à l'Ecole militaire où, en 1935, il fut admis à la section de l'artillerie et du génie. En 1938, il est nommé sous-lieutenant à l'Ecole d'application et, en mai 1940, évacué avec celle-ci vers la France.
Voici ce que raconte de lui un de ses camarades de promotion:
Adolphe Meny était grand, fort et bien équilibré, moralement et physiquement. C'était avant tout un homme d'action. En fonction des circonstances, il prenait rapidement une décision et trouvait le moyen de l'exécuter jusqu'au bout. Il avait solidement les pieds sur terre et voyait bien la frontière entre le possible et l'impossible. Ce qui le singularisait le plus, c'était qu'il était beaucoup plus mûr que la plupart d'entre nous, bien que nous ayons à peu près tous le même âge. Nous étions des gosses alors qu'il était déjà homme
C'était un joyeux compagnon et, en sa compagnie, on ne s'ennuyait jamais. Il avait un sens aigu du ridicule et savait très bien se moquer des travers de ses camarades, cela sans jamais être méchant, on ne peut pas imaginer qu'il ait eu des ennemis. Il savait aussi encaisser les coups du sort et garder le moral dans l'adversité, sans accuser le coup en apparence. Je pense que, sous une légèreté extérieure, il cachait beaucoup de sérieux. Sa réserve venait surtout, du fait qu'il était beaucoup plus mûr que ses compagnons et ne trouvait personne à qui parler d'égal à égal.


La débâcle

Pour mieux vous le faire connaître, je vais vous conter comment il est arrivé en Angleterre pendant l'été 1940.
C'était le 10 mai, nous étions à l'Ecole d'Application (à Bruxelles) et reçûmes l'ordre de rejoindre un CISLA (centre d'instruction) qui était formé à Limoux, près des Pyrénées. Ceux d'entre nous qui possédaient un véhicule pouvaient s'y rendre par la route. Meny avait une Saroléa 350 cm³, excellente moto de fabrication belge, qui tourna toujours comme une horloge.
Il m'offrit une place sur le siège arrière et nous arrivâmes ainsi à Limoux, où notre instruction d'artilleur se poursuivit. Loin de la guerre, nous formions une bande joyeuse et, au déjeuner, lorsque nous étions quatre à table, la serveuse apportait d'office quatre bouteilles de vin rouge sans que personne ait demandé quelque chose.
Mais les nouvelles devenaient mauvaises et on sentait que la réalité devait être encore pire. Un jour, on entendit parler à la radio d'une terrible bataille sur la Somme qui dura trois jours, et puis on entendit le maréchal Pétain dire qu'il faudrait peut-être capituler dans l'honneur. Nous pensâmes alors que rien
n'arrêterait les Allemands et qu'ils envahiraient toute la France. Pour ceux qui voulaient combattre il était temps de rejoindre l'Angleterre.
Meny décida de partir le lendemain très tôt et de nouveau m'offrit une place sur sa moto.
Avant de partir, il voulut mettre quelqu'un au courant de sa destination. Il y avait à l'état-major du CISLA un commandant assez âgé, réserviste peu élégant et qui s'occupait de tâches administratives assez ingrates. Meny pensa qu'il comprendrait et nous allâmes le trouver pour le mettre au courant de notre projet. Il nous dit que s'il avait été plus jeune, il partirait avec nous.
Meny avait réussi à se procurer quelques formulaires d'ordres de marche et y avait apposé des cachets et des signatures. Nous en remplîmes un pour Bordeaux, le grand port qui nous semblait le plus favorable pour nous embarquer. Ces papiers facilitèrent grandement notre voyage.
Les noeuds routiers étaient surveillés par des territoriaux, anciens de 1914-1918, armés de fusils de chasse et coiffés de bérets alpins. La hantise du moment était les " motorisés ", ce qui pouvait s'appliquer à deux motocyclistes vêtus d'un uniforme inconnu; mais quand je sortais l'ordre de marche tout allait bien. A un certain poste de contrôle, je me trompai et présentai un ordre de marche en blanc. Le chef de poste dit : " Les sous-lieutenants..., c'est un peu vague ! ", mais je réussis à rétablir la situation en montrant l'ordre de marche correct.


Bordeaux et le départ pour l'Angleterre

A Bordeaux, le seul navire à quai, prêt à prendre le départ, était un contre-torpilleur anglais. Le capitaine nous expliqua que pour y embarquer, il fallait l'autorisation de l'ambassadeur d'Angleterre. Nous partîmes à sa recherche; dans cette grande ville pleine de gens affairés, on ne voyait aucun militaire, si ce n'est un général belge.
Comme nous ne tenions pas à fournir d'explications sur notre présence à Bordeaux, nous le saluâmes très correctement et nous éclipsâmes dans une rue latérale. A l'ambassade britannique on nous expliqua que le navire devait transporter le personnel et les familles du corps diplomatique et une grosse quantité d'or, que le bateau n'etait pas très grand et que nous ferions mieux de chercher ailleurs.
Nous prîmes la direction de la Pallice et nous y trouvâmes un navire qui embarquait les rescapés d'une grande unité polonaise. Nous y fûmes accueillis avec enthousiasme mais nous nous aperçûmes bientôt qu'il s'adressait à notre moto qui disparut rapidement.
Pendant l'embarquement, nous vîmes un avion de chasse Me 109 foncer sur nous; ordre nous fut donné de débarquer et d'embarquer sur un autre navire. Heureusement, car à la tombée de la nuit, un bombardier allemand passa à basse altitude et lâcha un chapelet de bombes sur le navire que nous venions d'abandonner.
Après une traversée de cinq jours et une navigation en zigzag pour éviter les sous-marins, nous arrivâmes à Plymouth le 23 juin où nous apprîmes la capitulation française.
Nous passâmes la première nuit a la prison de la ville, ce qui était normal car nous n'étions connus d'aucun des Polonais avec qui nous avions fait la traversée.
Le lendemain matin nous fûmes interrogés par un membre de la Police judiciaire belge envoyé par l'Ambassade et qui eut tôt fait de voir que nous n'étions pas de la cinquième colonne.


Tenby

Nous fûmes ensuite envoyés à Tenby où se rassemblaient les militaires belges se trouvant en Grande-Bretagne, venant soit de France et de Belgique après avoir échappé aux Allemands, soit arrivant des pays d'outre-mer où les avait convoqués un ordre de rappel. On y voyait aussi un Belge qui avait combattu à Narvik et qui portait un uniforme de l'armée norvégienne. Un autre Belge s'était soi-disant battu dans l'aviation finlandaise contre les Russes. Il disparut un beau matin et l'on n'en entendit plus jamais parler.
Un jour nous reçûmes la visite d'un officier qui venait recruter des candidats pour la Royal Air Force. Meny et moi nous présentâmes avec quelques camarades. Adolphe portait des lunettes et n'avait pas beaucoup d'espoir d'être accepté mais il désirait combattre et espérait que les Britanniques, dans les circonstances actuelles, se montreraient moins difficiles.
Nous fûmes dirigés sur le camp de Saint Athans où se trouvaient rassemblés un millier de candidats aviateurs de toutes nationalités mais en majorité polonais.
Lors du premier examen médical, Meny dut comprendre qu'il n'y avait pas d'espoir. Il avait d'ailleurs reçu des nouvelles de Tenby et appris que quelque chose bougeait là-bas
Un autre destin apparaît pour lui.


Les Commandos

Dès juin 1940, les Britanniques à l'esprit audacieux avaient conçu le projet de créer des détachements d'hommes déterminés pour harceler l'ennemi en utilisant l'élément qui fut toujours l'allié des Britanniques, la mer, et aussi cet autre élément qu'est l'obscurité.
Avec l'appui de Churchill, il fut décidé de former dix " Commandos ", sorte de petits bataillons avec un armement léger.
En 1942, un Commando interallié fut constitué comprenant une " troop " belge commandée par le capitaine Danloy
L'entraînement était extrêmement dur et se faisait dans des conditions de guerre et munitions réelles. Il provoquait souvent des pertes en tués et blessés.
Cent et vingt Belges, dont Adolphe Meny furent volontaires pour la " troop " belge. Après l'entraînement en Ecosse, quatre-vingt neuf obtinrent le brevet de commando.
Le sous-lieutenant Meny reçut le commandement d'une section dont je faisais partie.
Comment évoquer le souvenir d'un homme Si on ne sait rien de sa vie intime, un homme avec qui on a porté la tenue de combat, avec qui on a juré, transpiré et combattu, mais dont on connaît mal la vraie personnalité.
Nous avons passé trois années ensemble, trois années d'entraînement, de combat, d'expériences communes et, malgré tout, il reste encore un inconnu
Que ce fut un véritable officier " Commando " personne ne pourrait en douter.
Blond et de haute taille, on aurait pu le prendre pour un Viking... Peut-être pour un Allemand, à cause de son allure militaire. Au Moyen Age, on l'aurait très bien vu à la tête d'un groupe de Croisés
En Belgique occupée, il aurait, sans aucun doute, été un " Résistant "
Tel était Meny. Courageux et motivé, jamais irréfléchi.
Je l'ai connu au Pays de Galles en 1940, quand j'étais soldat à la 1ière compagnie de fusiliers du Bataillon belge. C'était un grand et énergique lieutenant dans une autre compagnie, sévère d'aspect et d'abord peu facile. Il valait mieux le saluer correctement, car celui qui, soi-disant distrait, aurait fait semblant de ne pas l'avoir vu, était sans hésiter mis au rapport. Nous trouvions qu'il était " pèteux ". Plus tard, nous pûmes nous convaincre que c'était sa véritable nature. C'était un militaire et pour lui le style militaire c'était la maîtrise de soi-même.
Un homme qui plaçait la vocation d'officier au-dessus de tout, devait donner l'exemple. Aussi nous l'admirions et le suivions inconsciemment, mais nous ne le connaissions pas.
Pensait-il à son foyer ? Etait-il parfois découragé et mélancolique comme nous l'étions ? Pouvait-il rire et faire des blagues ?
Même maintenant, après toutes ces années, la seule image claire que nous ayons devant les yeux est celle d'un officier robuste, dur et sévère à l'entraînement et en manœuvre, énergiquement décidé au combat.
Si nous consultons le style un peu passe-partout de ses citations, il ne semble pas cependant exprimer des clichés :
La citation de sa croix de chevalier de l'Ordre de la Couronne avec palme et celle de sa Croix de Guerre avec palme ne ressemblent pas à des clichés:
" Chef de peloton réunissant les plus belles qualités d'un officier : Audace, calme, dévouement inlassable, connaissance de son métier, endurance dans l'effort ! "
Tel était le Meny que nous avons connu
Si vous étiez originaire de la région d'Anvers et si, comme concitoyen, vous vous attendiez à quelque sympathie ou traitement de faveur, vous vous trompiez.
Il n'avait pas de ' 'bête noire " mais il n'avait pas non plus ' ' d'enfant chéri ' '
Ce qu'il ordonnait devait être exécuté; il expliquait pourquoi et le faisait le tout premier. Il savait nous inspirer et nous motiver.
Peut-être était-il un père pour nous qui étions des gosses devenus prématurément des militaires, mais un père calme et soigneux, sévère mais correct. Il n'admettait pas les " tireurs au flanc ", mais ne se cachait pas derrière ses étoiles pour laisser les autres tirer les marrons du feu.
Comme il avait toujours été en tête à l'entraînement, il y fut aussi au front.
Peut-être était-ce à cause de la tension du temps de guerre que nous n'avions connu que Meny " le sérieux".
Et cependant, il était pour nous plus qu'un supérieur. Nous admirions son audace et sa témérité. Pendant des exercices dangereux, avec des tireurs d'élite britanniques comme adversaires, il se ruait le premier à travers rivières et marais et réussissait, dans l'obscurité, sur les rochers et les obstacles, les tours les plus périlleux. Nous imitions son audace et devînmes ainsi, peu à peu et inconsciemment des combattants expérimentes.
Sa bravoure qui le poussait à toujours vouloir être en tête finit par lui coûter cher. Pendant un entraînement à Abersoch, il voulut montrer le premier un dangereux exercice de Commando, la death ride, il fallait se laisser glisser le long d'un câble, d'un rocher haut comme une maison. La corde céda et Meny tomba dans le vide. Tout ceux qui assistèrent crurent à une issue fatale. Quand il se releva, il se plaignait de fortes douleurs à la cuisse qui était brisée, mais les premiers mots qu'il murmura furent " qu'il n'y avait aucun de ses hommes impliqués dans l'accident "
Nous étions au bord des larmes. Perdre un tel chef aurait été une catastrophe pour une troupe d'élite comme la nôtre.
N'importe quel autre militaire aurait attendu calmement sa guérison complète, mais quand il apprit sur son lit d'hôpital que sa troupe devait partir au front, quelques jours avant notre départ pour
l'Afrique du Nord, nous le vîmes revenir parmi nous. Il boitait encore tellement bas que nous demandâmes s'il avait acheté quelqu'un à l'hôpital pour pouvoir sortir.
Il ne retrouva plus jamais son ancienne allure, mais il cachait derrière un comportement encore plus énergique et plus bourru, la souffrance que, sans doute, il ressentait encore.
Mais il était revenu parmi nous


En Italie

En septembre 1943, le Commando belge est transporté en Algérie et, le 1er décembre, il débarque à Tarente en Italie.
Il monte ensuite vers le front, près de la côte Adriatique pour y être intégré à la 8ème Armée britannique.
Dès le 14 décembre, Meny part en reconnaissance avec le 1er sergent Artémieff qui raconte ainsi cette opération
" Nous devions partir en patrouille, mais nous n'avions pas de vêtements blancs qui devaient nous rendre peu visibles pour l'ennemi dans la neige.
Nous trouvâmes cependant auprès de la population de Montenero les draps de lit nécessaires pour nous faire des uniformes de neige improvisés.
Ce jour-là, il faisait terriblement froid. Le vent se ruait sur nous comme un chien qui tire sur sa chaîne. Des glaçons se formaient sous notre nez. Nous étions engourdis.
Le lieutenant Meny partit en avant. Jamais, Adolphe Meny n'aurait laissé à un autre le poste le plus dangereux. Je le suivais comme commandant en second de la patrouille à environ trois mètres cinquante de distance. Les autres commandos me suivaient.
A un certain moment, je ne vis plus Meny. " Halte, couchez-vous ", ordonnai-je. Je me risquai vers l'avant et je murmurai : " Adolphe ". Pas de réponse ! Je regardai à gauche, à droite. Rien ! Je pris peur et cherchai mon poignard. Pouvait-on ainsi disparaître aussi brusquement ? Un instant avant, je voyais encore mon lieutenant et personne n' avait entendu un coup de feu. Peut-être était-il étranglé ?
Un peu plus tard, je compris. Je vis un trou de plus de dix mètres de profondeur. J'entendis une toux discrète.
" Qu'est-ce que tu fais là ", grognai-je, car j'étais certain que Meny se trouvait au fond du trou.
" Je n'en sais rien ", fut la réponse.
Pour ramener notre lieutenant à la surface, nous dûmes attacher ensemble dix des " tuggle ropes ", les cordes qui nous servaient de ceintures.
Un certain sourire se jouait sur les lèvres de Meny. Si je ne l'avais trouvé, il n'aurait sûrement pas survécu à une nuit de gel.
Ce sourire dépeint Meny. Son camarade de promotion avait sans doute raison quand il disait que Meny avait le sens de l'humour
Dans le journal de campagne de l'unité, nous lisons que le 14 décembre à 9 heures, une patrouille commandée par le lieutenant Meny avait été reconnaître la rivière Sangro, était rentrée vers 13 heures et avait repéré l'endroit par lequel elle passerait la rivière le soir même pour patrouiller de l'autre côté.
A 17 heures, il repartait. Le caporal Beauprez traversait le Sangro à la nage, malgré le froid en tirant avec lui une corde à laquelle on attacha un dinghy (bateau pneumatique) sur lequel passa le restant de la patrouille, Meny en tête. Après huit heures de patrouille jusqu'à environ 1500 mètres du Sangro, le groupe rentra à 23 heures 30 sans incident.
L'hiver, très dur, se passa ainsi dans la montagne, en patrouilles et en combats de nuit.


En Dalmatie

En mars 1944, le Commando belge est transporté en Dalmatie sur l'île de Vis, située à 35 kilomètres de la terre ferme, toujours tenue par les partisans de Tito. Ceux-ci ont besoin d'être soutenus par les Alliés. Les Belges sont employés à protéger l'île contre les attaques allemandes mais désirent bientôt participer aux expéditions et raids vers les autres îles. En compagnie des Partisans et des Commandos britanniques, nous effectuons de petits débarquements surprises sur les îles environnantes, au cours desquels nous ramenons quelques prisonniers et du matériel. Pas un seul Belge ne fut tué au cours de ces opérations et le nombre de nos blessés fut insignifiant. Adolphe Meny conduisit ainsi avec succès le débarquement sur l'île de Korcula.
Les Britanniques employaient des M.T.B. (motor torpedo boats) rapides et puissamment armés pour attaquer la navigation côtière ennemie. Un petit groupe de commandos eut pour tâche d'escorter chaque M.T.B. afin de se rendre maître de l'équipage des captures et d'inspecter leur chargement.
C'était là une façon de faire la guerre dont nous avions bien souvent rêvé et nous nous sentions pleins d'enthousiasme pour ce genre de missions ! Chaque nuit, six Commandos escortaient les M.T.B. et l'on ne devait jamais faire appel à des volontaires. Les prises étaient parfois très intéressantes pour améliorer l'ordinaire.
Le 13 avril 1944, Meny participa à une telle expédition.
Un mois plus tard, le Commando belge, rappelé en Angleterre, s'embarqua et arriva à Liverpool le 3 juin, quelques jours avant le débarquement, mais éprouva la déception de ne pouvoir y participer.


A. Mény et ses commandos



Walcheren

Commence alors une longue attente qui dure jusqu'au 10 octobre 1944. A ce moment, les Belges sont amenés à Ostende d'où ils peuvent aller passer quelques heures dans leur famille. Adolphe Meny peut ainsi revoir une dernière fois les siens.
Dès son retour commence la préparation de l'attaque de l'île de Walcheren.
Celle-ci a lieu le 1er novembre; le débarquement s'effectue sous un feu meurtrier qui provoque de nombreuses pertes. Des combats sans merci se déroulent pendant plusieurs jours.
Les Alliés qui avaient débarqué dans la brèche de Westkapelle, n'avaient progressé qu'avec peine à travers la boue, l'eau et les champs de mines. Des 78 Belges arrivés à la côte il n'en restait plus que 62. Pendant cinq jours on n'avait avancé que de quelques kilomètres. Tout le monde était épuisé.
Le capitaine Danloy avait justement projeté d'accorder douze heures de repos à ses hommes, quand l'ordre vint d'envoyer une section dans le bois de Domburg pour s'emparer d'une position ennemie; la batterie " W18 " devait être conquise. Elle était défendue par des troupes d'élite de la Kriegsmarine, qui connaissaient tous les tours des unités spéciales et donc aussi de la nôtre.
Ce fut le lieutenant Meny qui reçut cette mission difficile et il s'apprêta à l'exécuter sans hésiter. C'était peut-être surhumain, mais cela devait être fait.
Nous passâmes la nuit sous une pluie battante, en alerte et sans dormir. Vers le matin, le restant de la troupe rejoignit notre section.
Le signal fut donné et nous commençâmes l'attaque. Devant nous rien que des arbres et des buissons touffus. Chacun d'eux abritait peut-être un ennemi qui nous guettait. Les balles commençaient à siffler dangereusement près de nos oreilles. Nous avancions par bonds, d'arbre en arbre, et nous tirions au hasard dans les amas de feuillages et les branches susceptibles de camoufler un Allemand. Le tir augmentait constamment d'intensité. Les armes automatiques allemandes crachaient rageusement. Notre section reçut l'ordre de se déplacer sur la droite. A gauche le terrain était interdit par un champ de mines.
Meny, très calme, donnait quelques ordres brefs. Peut-être était- il le seul de notre groupe à garder la tête froide, car nous étions encore étourdis par la progression rapide que nous venions de faire. Nous nous étions emparés d'une dizaine de prisonniers et l'ivresse de la victoire nous rendait téméraires et imprudents.
Mais Meny veillait et nous rappelait à la prudence. Il reprenait résolument et péremptoirement toute attitude ou tout mouvement irréfléchis.
Le feu ennemi s'intensifiait et les armes automatiques claquaient sans répit. Aucun endroit n 'était sur et Meny dit à son ordonnance : " Creusons ici, nous y passerons la nuit ". Il paraissait invulnérable. Il rampait, se glissait, roulait d'un buisson à l'autre. Les Spandaus crachaient et les Brens et les Vickers leur répondaient.
Les Allemands ne cédaient pas un pouce de terrain sans le disputer avec acharnement. Plusieurs Commandos furent touchés.
A ce moment, le lieutenant Meny tomba, mortellement frappé en pleine poitrine par une balle. Au même moment le petit Dive s'affaissa sur son fusil-mitrailleur, une rafale de mitrailleuse l'avait atteint à la tête et au bras. Le sergent Artémieff, en tête de sa section eut l'épaule fracassée par une balle. Officier et sous-officiers étaient hors de combat.


Adolphe Meny, un héros tout simple

Meny n'était pas un héros comme on se les représente parfois : ce n'était pas un coq de combat qui, à bon ou à mauvais escient, fonce pour le panache. C'était un homme qui croyait en ce qu'il faisait, qui mettait tout en jeu pour servir son pays et qui, après son accident, en eut d'autant plus de mérite.
Un homme pour qui le mot " patrie " n'était pas seulement un grand mot mais qui, au-delà de la gloriole et de la pompe des parades patriotiques, représentait un ensemble de valeurs spirituelles, culturelles et matérielles, valeurs pour lesquelles il était prêt à donner sa vie.



Source: extrait du texte de Carlo Seghers dans "20 Héros de chez nous" par le Général Crahay.
 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 28/05/11


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