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Rss Sergent Joseph Philippart 11°Compagnie du 3° bataillon du 13° de Ligne.



Un ordre est un ordre, mais……………..

L'adjudant Briks qui m'accompagne est très excité. Il sort son revolver pour un oui ou pour un non. Il ne me paraît pas dans son état normal, il voit des espions partout. Il est vrai que les nerfs sont terriblement éprouvés. L'après-midi on se relaie pour monter la garde sur le pont. En principe nous devons fouiller les civils qui évacuent car, paraît-il, il y a des espions déguisés. Je crois qu'on est atteint ‘’d'espionite’’, on voit des espions partout. L'imagination et la tension nerveuse grossissent les choses car, à part deux cas douteux (un prêtre entre autres), pas d'espion.
Les nerfs sont tendus, c'est ma première mission. Je suis très anxieux. Nous progressons sous bois suivant la méthode dite ‘’en tiroirs’’. Un homme prend la tête pendant que les deux autres, le doigt sur la détente, surveillent sa progression ; ensuite le dernier homme relaie le 1er et ainsi de suite
Nous craignons à tout moment de sauter sur une mine ou d’être la cible d'un parachutiste embusque dans les arbres
Finalement nous arrivons sans encombre au fortin n°1. Là je trouve le sergent responsable, très énervé. Il prétend avoir entendu des bruits suspects derrière lui, le fortin se trouve à l'orée du bois en direction de Wierde (Namur). Que faut-il faire ?
J'essaie d'être très calme et je propose de faire une reconnaissance avec mes deux soldats dans la zone boisée qui se trouve derrière le fortin. Nous partons : un soldat à droite, l’autre à gauche et moi au milieu. Nous avons à peine parcouru une trentaine de mètres que j’entends le sergent intimer l’ordre ‘’Halte ou je fais feu’’
JE CROIS QU'ON EST ATTEINT D’ESPIONITE ; ON VOIT DES ESPIONS PARTOUT !!!.
A notre grande stupéfaction, le sergent couche en joue trois civils qui se trouvent, les mains en l’air, à 50 mètres de là, près de la deuxième rangée de barbelés. Nous les distinguons à peine dans la demi-obscurité.
Le sergent du fortin est affolé et ne sait que faire. Nous prenons le relais, nous tenons nos trois individus en joue après avoir renouvelé la sommation d'usage. Je suis très angoissé car je me trouve dans une position très inconfortable : Trois suspect devant moi et d'éventuels parachutistes derrière moi. Je demande au sergent de descendre dans son fortin et de téléphoner au lieutenant pour lui faire part de la situation. Il remonte quelques instants après pour me faire part de la surprenante et terrible réponse : ‘’Fusillez-les’’
N'en croyant pas mes oreilles, je lui demande de téléphoner de nouveau pour dire au lieutenant que les trois individus sont à ma merci, les bras en l’air.
Naturellement, je ne suis quand même pas très rassuré car je ne distingue pas très bien leurs gestes et je leur intime encore l'ordre de lever les bras bien haut. Le sergent remonte encore une fois et me dit : ‘’Le Lieutenant vous donne l'ordre formel et militaire de les abattre, car ils ne peuvent absolument pas se trouver dans cette zone à cette heure-ci ; ils sont considérés comme dangereux.’’ Alors je suis obligé de prendre la décision la plus pénible de ma vie. Je désigne à chacun de mes soldats l'homme à viser, je prends moi-même celui du milieu comme cible et le commandement tombe, affreux et terrible en même temps : ‘’FEU!’’. Les trois détonations claquent et les trois hommes tombent.
Presque aussitôt, j'entends une voix qui s'élève avec un fort accent étranger qui réclame à boire. Je suis hébété, je ne réalise pas encore que j'ai tiré sur un homme. A ce moment, un des trois se lève brusquement et se met à courir à toute allure dans la direction opposée. Nouveau commandement de ma part, trois coups de feu, l'homme chancelle puis s'abat comme une masse. Comme un automate, je demande au sergent du fortin d'avertir le lieutenant de ce qui se passe et de lui demander des instructions. Je suis fou furieux d'avoir du exécuter cette triste manœuvre et les larmes me montent aux yeux. Le sergent m'apporte la réponse : ‘’Fouillez les trois victimes et s'ils peuvent encore parler, questionnez-les !’’
Sans aucune précaution, la rage au cœur, je me dirige avec mes deux soldats vers le lieu du carnage. En me voyant arriver, un des trois hommes me réclame encore à boire. Les larmes me coulent le long des joues. L'autre blessé, les yeux exorbités, tremble de tous ses membres et le troisième, qui a voulu fuir, est mort. Les deux premiers mourront dans l'après midi. J'ai interrogé celui qui seul parle un peu de français et j'apprends que ce sont trois Juifs poméraniens qui sortent de la prison de Saint-Gilles (Bruxelles) où ils étaient internés parce qu’ils n’avaient pas de permis de travail. Ils essayaient de gagner la France. Il me dit aussi avoir traversé les lignes allemandes auparavant. Nous les fouillons sans rien trouver de compromettant.
Que fallait-il en penser ?? Étaient-ils sincères ?? Étaient-ce des espions ?? Le mystère restera toujours entier.
J’ai rejoint la compagnie avec mes deux compagnons, mais j’étais nerveux et de mauvaise humeur.
Campagne 1939 – 1940 : faisant partie de la 8ème Division d’Infanterie, le Régiment fut affecté pendant la mobilisation à la défense de la position fortifiée de Namur (PFN). Les tragiques événements survenus sur d’autres fronts le forcera à abandonner sans combat la PFN dès le 15 mai 1940. Remis en ligne sur la Lys, dans le sous-secteur de Vive-St Bavon (Sint Baafs-Vijve), Wielsbeke, il y subit le choc de l’ennemi les 24,25 et 26 mai 1940. Sa belle conduite à cette occasion lui valut une septième citation : La Lys 1940. Il avait perdu sur la Lys 91 des siens dont 5 officiers. Pour éviter la capture, son drapeau fut brûlé.

Source bibliographique :
Carnets de Guerre édité par les Editions Jourdan
Source Internet :
https://www.amicale12-13li.be/Pages/historique.php
Source Iconographique :
https://www.amicale12-13li.be/Pages/historique.php

 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 01/02/20


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