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Rss Les ailes belges de la Bataille d'Angleterre
Après la guerre éclair de mai-juin 1940 et la capitulation de la France, le monde entier était convaincu que l'Angleterre, seule, ne tiendrait pas longtemps devant les armées victorieuses de Hitler. On attendait aussi, avec beaucoup de scepticisme, une riposte britannique aux coups allemands.
Les Belges rentraient chez eux après leur pénible exode, l'armée était prisonnière et l'Aéronautique Militaire avait cessé d'exister.
C'est dans ce contexte qu'une poignée d'aviateurs refusa d'accepter cette situation et, préférant le combat aux camps de prisonniers ou à l'inactivité, ils s'échappèrent, malgré les ordres qui le leur interdisaient, de France et du Maroc pour rejoindre la Grande-Bretagne. Certains parmi eux furent immédiatement portés déserteurs et condamnés pour détournement de matériel militaire !!!!
En janvier 1948, le ministre de la Défense nationale fit enfin effacer des matricules les condamnations encourues par les aviateurs Le Roy du Vivier, Van den Hove d'Ertsenryck, Vicky Ortmans, Doutrepont, Offenberg, Jottard, le comte de Hemricourt de Grunne et le lieutenant d'artillerie Oudenne.
Cinq d'entre eux étaient tombés au combat... Certains s'étaient embarqués à Port-Vendres pour Gibraltar le 23 juin.
Il y eu d'autres évasions :
Celle de Jottard et Offenberg qui ont rejoint Casablanca en « empruntant» un Caudron-Simoun de l'armée de l'air française et réussi à s'y embarquer le 2 juillet, celle des pilotes embarqués à Bordeaux le 22 juin par le capitaine Ryckmans de Betz, le détachement de 17 officiers, 55 élèves-pilotes et 10 soldats que le capitaine Clajot parvient à embarquer de justesse à Casablanca le 3 juillet.
Deux officiers de l'état-major de la D.A.T. (Défense Aérienne du Territoire), le major Renson et le capitaine De Soomer, avaient réussi à s'échapper le 29 mai de la poche des Flandres.
Blessé par une sentinelle anglaise trop nerveuse, De Soomer devra à sa blessure de rester à Londres tandis que Renson était renvoyé en France, la politique du gouvernement belge étant alors de regrouper ses forces.
Le général Denis, ministre de la Défense Nationale, avait refusé d'avaliser un accord négocié par le général Legros et le lieutenant-colonel Wouters, attaché de l'air belge à Londres, pour faire passer en Angleterre le personnel navigant et le doter de matériel britannique.
Le 12 juin, Emile Wouters était cependant arrivé à un accord pour l'utilisation immédiate des pilotes belges de Hurricane qui arriveraient en Grande-Bretagne et pour le réentraînement / reclassement des autres.
Il a repris le 25 juin les pourparlers et transmettra le 6 juillet les propositions qui serviront d'accord de base.
Les Britanniques demandent qu'on leur envoie d'urgence les pilotes formés en vue d'un réentraînement de deux semaines dans une OTU (Operational Training Unit). Ils seront des pilotes de la Royal Air Force, soumis aux lois britanniques, et quel qu'ait été leur grade en Belgique, les officiers et adjudants aviateurs n'obtiendront que le galon de Pilot Officer on Probation, à l'essai, et sans garanties pour le futur, avec statut de la Volunteer Reserve.
Par la suite, quand les pilotes auront fait leurs preuves au combat et auront gravi les échelons de la hiérarchie britannique, cela donnera lieu à des situations courtelinesques avec les services administratifs belges de Grande-Bretagne ne reconnaissant que leur grade de 1940.

Cent vingt-quatre aviateurs et candidats furent ainsi groupés en Angleterre avant le mois d'août 1940. Vingt-neuf parmi eux étaient utilisables immédiatement dans les escadrilles du Fighter Command. Les autres devaient d'abord passer par un réentraînement réduit ou un entraînement complet avant de pouvoir penser au combat.
Comme il n'y avait aucune possibilité de constituer à cette époque des unités belges et que la situation de guerre ne permettait pas le moindre délai, quinze pilotes belges furent immédiatement répartis entre les escadrilles de Hurricane du Fighter Command n° 87, 213, 32, 43, 145, 46 et 229. Leurs noms: M. Buchin; R. de Cannaert d'Hamalle; B. de Hemptinne; R de Hemricourt de Grunne; F. de Spirlet; G. Doutrepont; A. Jottard; D. Le Roy du Vivier; R. Malengreau; J. Offenberg; V. Ortmans; J. Philippart; E. Seghers; A. Van den Hove d'Ertsenryck et W. Van Lierde.


Un des élèves d'OTU devait manquer à l'appel: le sergent aviateur Léon Defosse s'était tué le 1ier août en vol de réentraînement à la veille de son envoi en escadrille.
Les instructeurs anglais sont sévères car il n'est pas question de gaspiller le précieux matériel volant. Les pilotes doivent s'adapter d'urgence aux tactiques et au jargon propre à la R.A.F.: scramble, bogey (avion non identifié), bandit (avion ennemi) ...
Si des «civils» seront plus tard admis à l'entraînement, on refoule impitoyablement ceux que l'on considère comme trop âgés, telle le capitaine de réserve Jacques Ledure, pilote de chasse de 14-18, qui avait réussi à s'embarquer à Dunkerque et fut le premier évadé à rejoindre Londres. Refoulé par la R.A.F., il partira aux Etats-Unis et deviendra major dans l'aviation américaine .....
Quatorze autres (pilotes, observateurs et mitrailleurs) sont répartis, après une courte adaptation sur Bristol Blenheim, entre les squadrons 235 et 236 du Coastal Command.
Leurs noms: L. Dejace; R. Demoulin; Giovanni Dieu; H. Gonay; L. Heimes; L. Javaux; J. Kirkpatrick; H. Lascot; O. Lejeune; A. Michiels; L. Prévot; R. Roman; A. Van Wayenberghe et F. Venesoen.
Rappelons que tout ceci se passait à une époque où il n'était pas du tout question de reconstituer un gouvernement belge à Londres, ce qui ne sera fait qu'au mois de novembre c.-à-d. après la Bataille d'Angleterre.
Les premières victoires belges sont remportées par Buchin et Philippart lorsque, au cours des combats qui se déroulent au-dessus de Douvres et de Portland le dimanche 11 août, ils abattent chacun un Junkers 88.
Mais la véritable Bataille d'Angleterre - le Adlertag - est déclenchée le 13 août dans l'après-midi.
Deux formations de bombardiers ont cependant mal interprété les ordres et ont mené une offensive privée dans la matinée.
Les Allemands effectueront ce seul jour 1485 sorties, principalement sur les aérodromes du sud et du sud-est de l'Angleterre.
Le 15 août, la 213 à laquelle appartiennent Buchin et Philippart se trouve mêlée vers 17h30 à un furieux combat au large de Portsmouth où une formation de 150 avions ennemis est attaquée par quelques sections de Hurricane. Combat effréné où les chasseurs piquent, se croisent, se frôlent, tirent, se heurtent, s'abattent en flammes.
Vers 18 heures, le combat est terminé. Buchin n'est pas rentré. Personne ne l'a vu tomber. La mer ne le rendra jamais.
Il sera le premier Belge tué en combat aérien au sein de la R.A.F
Philippart, comme pour venger son ami, a abattu au cours du même combat trois Messerschmitt 110 et en a endommagé un quatrième.
Le lendemain R. de Hemricourt de Grunne, qui a déjà quatorze victoires à son actif remportées comme pilote nationaliste en Espagne, abat son premier appareil allemand. Le même jour Van Den Hove d’Ertsenrijk et Le Roy du Vivier, appartenant tous deux à la 43, attaquent une formation de bombardier et s’adjugent chacun un Junkers 87 Stuka. Le Roy du Vivier sera le premier étranger à commander, un peu plus tard, une escadrille de la R.A.F.
Le 17 août, en patrouille d’interception, De Grunne, opérant avec la 32ème, abat un Me 109 au cours d’un combat entre chasseurs.
Le 18 août, il attaque avec sa formation un groupe de bombardiers fortement escorté et descend son 3ème appareil, un Dornier 17.
Malheureusement il est abattu lui-même en flammes quelques minutes plus tard.
Grièvement brûlé, il parvient à sauter en parachute, fera 4 mois d’hôpital, reprendra son service après et sera tué en mai 1941.
Le 20 août Van Den Hove d’Ertsenrijk abat un Me 109 qui s’enfonce dans les eaux de la Manche.
Le 22 août, en patrouille avec sa section à 20.000 pieds au-dessus d’Exmouth, Philippart abat un Ju 88.
Le 23, Malengreau qui opère avec la 87 endommage un Me 109 mais celui-ci parvient à s’échapper. Le 24, Seghers est descendu par la chasse ennemie.
Le 25 août, lorsque vers 18h00, la 213 rencontre l’ennemi au-dessus de la côte sud, Philippart, dans un combat à un contre dix, remporte sa sixième victoire mais pris à son tour dans le feu d’un adversaire, il est abattu au-dessus de la mer.
Il parvient à sauter en parachute; ses camarades le voient descendre. Des vedettes et des patrouilleurs de la marine le chercheront longtemps mais sans le retrouver. Quatre jours plus tard, son corps sera rejeté sur une plage. Il avait remporté six victoires en quinze jours.
Les exploits des aviateurs belges dans la R.A.F étaient connus en Belgique occupée dès le début de la Bataille d'Angleterre ainsi qu'en témoigne le texte ci-après, qui a paru dans le deuxième numéro de la Libre Belgique clandestine de septembre 1940.

«A un vaillant,
Le 23 août, un aviateur belge, participant à l'action de la Royal Air Force, a abattu un bombardier allemand, portant ainsi à cinq le nombre de ses victoires depuis le 10 mai. Nous sommes heureux en tête de ce deuxième numéro de rendre hommage à ce vaillant.
Grâce à lui et à ses compagnons qui ont pu le rejoindre, des Belges collaborent encore à la lutte contre l'ennemi de notre pays. Qu'il trouve ici l'expression de notre admiration et de notre gratitude


Le 2 septembre, Le Roy du Vivier est abattu en flammes et sérieusement blessé à la jambe. Deux jours plus tard le second Belge de l'escadrille, Van den Hove, abat deux Me 109 mais il est touché lui-même. Quoique couvert d'huile et noir de fumée, il parvient à poser son avion sur un aérodrome près de la côte. Récupéré, il repart immédiatement avec un autre avion.
Le 8 septembre il se fait descendre à nouveau et fait un atterrissage forcé près de Ashford, son avion criblé de balles.
Van den Hove avait déjà remporté une victoire en Belgique, le 10 mai, lorsqu'il attaqua une formation de quinze bombardiers et en abattit un près de Bruxelles.
Le 11 septembre fut un jour de succès pour Doutrepont, lorsque son escadrille avait à affronter une centaine d'appareils ennemis au sud-est de Londres. Il parvint à abattre coup sur coup deux parmi eux et puis en démolir un troisième en collaboration avec deux camarades.
Vicky Ortmans - 100 missions d'interception pendant la Bataille d'Angleterre - abat un Dornier 215, le 15 septembre, date cruciale de la bataille.
Le même jour, Doutrepont, de l'escadrille 229, rencontra 25 Me 109 à 20.000 pieds au-dessus de la petite ville de Maidstone. Il attaqua aussitôt la section la plus haute dans le ciel tandis que ses camarades s'occupaient du gros de la formation. Au cours du combat, l'avion de Doutrepont fut durement touché et alla s'écraser sur la petite gare de Staplehurst dans le comté de Kent.
Le pilote avait été tué sur le coup.
Toujours le 15 septembre, Van den Hove qui vient d'être muté de la 43 à la base de Kenley fait partie d'un groupe de
vingt-quatre Hurricane qui se rue sur une formation ennemie très supérieure en nombre. Ayant été touché, isolé, il descend rapidement. Plus personne ne le reverra.
Vicky Ortmans ajoute un Heinkel 111 à son tableau de chasse. Quelques jours plus tard, participant à l’interception d'une puissante formation de bombardiers, sa première victoire fut un Dornier 215. Attaqué par les chasseurs d'escorte, il remporte une deuxième victoire.
Le 7 octobre, de Hemptinne, qui trouvera la mort en 1942, remporte une première victoire sur un Heinkel 111.
Le lendemain, Prévot s'octroie une victoire inattendue en abattant un Heinkel 60, inattendue parce que c'était le premier avion de ce type à être descendu et que Prévot pilotait un Blenheim du Coastal Command, en mission de reconnaissance au-dessus des côtes françaises. Une demi-heure plus tard, Gonnay rentrait à la base, ayant abattu lui aussi un Heinkel 60.
Le 27 octobre, Jottard est porté disparu. On ne le retrouvera jamais.
La Bataille d’Angleterre se termina officiellement le 31 octobre 1940.
Elle ne s'arrêta pas brutalement mais mourut graduellement avec de temps à autre un regain brutal de violence.
Le plus jeune pilote de ce groupe de braves trouva la mort au-dessus du comté de Kent le jour de la Toussaint 1940; il s'appelait de Cannaert d'Hamalle. Il avait 21 ans ... et était arrivé le premier en solitaire le 20 juin à Plymouth avec un convoi de Polonais.



Source bibliographique: Article de Gustave Rens in "Jours de Guerre" n° 7 Editions du Crédit Communal de Belgique"
Crédits photographiques: Collection G.Rens
 
 
Note: 5
(1 note)
Ecrit par: prosper, Le: 12/07/11


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