Livre d'or
Image aléatoire
Galerie
Newsletter


Archives

 
Rss SOUVENIR DE LA LIBÉRATION DE NAMUR.

Les hasards de la guerre ont conduit un jeune Bruxellois, Maurice J. HINSENKAMP, à participer aux combats pour la libération de Namur, en 1944. Recherché par la Gestapo, tandis que ses parents étaient envoyé dans les camps de concentration, il échappa plusieurs fois à la capture et connut divers refuges avant d'aboutir à Namur où Raymond PRAILE l'enrôle dans l'Armée blanche. C'est ainsi que l'on nomme alors, la Résistance sans faire de détail dans ses différentes composantes.
Le 3 septembre 1944, lors du regroupement de la "Zone I de l'Armée secrète, il est intégré au "Groupe Marchal" que commande le futur général LEGRAIN. Ce groupe portait le nom d'un de ses membres, le sergent du Génie Albert MARCHAL, fusillé par l'ennemi en 1943.





Albert Marchal né le 7 octobre 1916 et fusillé le 20 octobre 1943



Il accomplit de nombreuses actions de sabotage et de guérilla avant d'entrer à Namur et est cité à l'ordre du jour de l'A.S. par le colonel VANDEZANDE.
De ses pérégrinations de clandestin, M. HINSENKAMP a tiré un récit qui fut d'abord publié dans "Pygmalion", la revue des fraternelles de l'A.S.





Voici le chapitre consacré à la libération de Namur.
M. HINSENKAMP et ses compagnons ont rencontré, à Fosses, les premiers chars américains. Quittant la ferme de Taravisée, ils sont arrivés sur les hauteurs dominant la ville, qui est encore tenue par les Allemands. A l'aube, l'ordre de départ est donné. L'ancien résistant raconte :
"Sur deux rangs, nous avons pris la route de Namur. Pour ma part, toujours avec mon vélo dont le porte-bagages était chargé de victuailles du groupe, consistant en un magnifique jambon, un pain et une motte de beurre.
De part et d'autre de la route, des véhicules américains de tous types étaient garés et les G.I's qui bivouaquaient, formaient la haie. Depuis la veille, ils attendaient leur ravitaillement qui n'avait pas su suivre la rapidité de leur avance. Voyant que seulement la moitié d'entre nous était armée pour attaquer Namur, certains distribuèrent aux démunis des fusils et des grenades allemandes en dépit du prix qu'ils y attachaient.
A la place Wiertz, nous avons fait halte et après avoir déposé, le superflu, dont mon cher vélo, dans l'une des maisons d'angle, nous avons attendu l'ordre d'attaque en fumant ce qui pouvait être notre dernière cigarette qui, pour ma part, a été effectivement l'une de mes premières et de mes dernières.
Lorsque le lieutenant LEGRAIN commanda d'avancer en tirailleurs de chaque côté de la rue qui descendait vers les Bas-Prés et prit la tête de la colonne de droite, la contrainte enfin libérée me projeta à sa hauteur le long des façades de gauche. Au bas de la rue, une péniche placée en travers de la Sambre à la demande de Léon Wilmet, nous permit de franchir la Sambre au moyen de ce pont improvisé qui remplaçait celui d'Omalius, dynamité.
Nous savions les Allemands dans le parc Louise-Marie et à l'emplacement du pont d'Omalius, soit à portée de fusil, mais n'avons essuyé aucun feu, réservé au groupe suivant, commandé par le lieutenant De VILLE.
Réunis au couvent des Ursulines, nous sommes absous et bénis par l'archiprêtre Remy et entendons siffler les obus d'un canon anti-aérien qui tirait à l'horizontale. Egalement, les balles d'un d'entre nous dont la trop grande confiance dons le cran de sécurité de sa mitraillette faillit nous perdre.
Ensuite, par la rue Lelièvre, nous avons gagné la sacristie de la cathédrale Saint-Aubain et, guidé par le vicaire MATHEN, grimpé dans le clocher pour repérer les Allemands, retranchés dans l'Arsenal, le parc Louise-Marie et les rues avoisinantes. En particulier, à l'angle de la rue du Séminaire et de la rue de l'Evêché. Ce courageux vicaire qui nous guida et soigna les blessés était originaire d'Aubange où ses parents abritaient réfractaires et résistants. Il est devenu Monseigneur MATHEN, évêque de Namur et aumônier du groupe. En novembre 1979, la médaille de reconnaissance de l'U.F.A.S. lui fut remise par le général LEGRAIN en présence d'une vingtaine de survivants. A l'époque, nous n'avons pas voulu mitrailler les Allemands de la position exceptionnelle que constituait le clocher et sommes descendus les attaquer par le Fonds Saint-Aubain.
De cet endroit, je crus pouvoir les faire tous capituler par la seule force de ma voix en dépit de leur supériorité en nombre et en armement et l'ordre reçu de tenir jusqu'au bout. En allemand, je leur crie qu'ils sont encerclés et qu'ils n'ont rien à craindre de nous s'ils se rendent. En réponse, une porte s'ouvre sur notre droite et un drapeau blanc apparaît. De cette position, une rafale de mitraillette aurait pu tous nous faucher, 35 ans plus tard, Monseigneur MATHEN devait déclarer que sans mon exorde, il n'aurait pu être nommé évêque de Namur. Le doigt sur la gâchette de nos armes, nous n'avons jamais opéré une volte-face aussi rapide. Je crie d'avancer les mains en l'air, un soldat apparaît, puis un second. A cet instant, une fusillade part de la rue du Séminaire. Terrifiés, sept Allemands s'avancent vers nous pour se faire fouiller. Deux d'entre nous les emmènent, tandis que sous les rafales d'un fusil-mitrailleur qui ricochent sur les pierres de la cathédrale, nous nous abritons derrière le coin coupé opposé.





L'éclusier de Mornimont, Camille MALHERBES s'engagea trop. Soudain, une fontaine de sang gicle dans son dos. Le poumon gauche perforé. Nous le ramenons dans une cour intérieure, où le lieutenant LEGRAIN, commotionné, s'est également écroulé et est emmené. Une civière est cherchée pour Camille qui me chuchota ce qu'il croyait être ses dernières recommandations à sa femme et à ses enfants. Il devait heureusement en réchapper.
Pendant ce temps, sous le couvert d'un drapeau blanc, Emile KIRSCH s'était engagé dans la rue du Séminaire. Accueilli par un feu nourri, il en réchappa miraculeusement avec seulement deux balles dans l'avant-bras droit. Pour le venger je gagnai à nouveau le fond Saint-Aubain où un résistant du groupe De VILLE me fit signe. Il m'expliqua qu'en traversant les maisons, il y avait possibilité d'approcher de l'endroit où s'étaient retranché les Allemands. Escaladant le mur de séparation arrière, nous pénétrons dans la première maison de la rue de l’Évêché. A la fenêtre du premier étage est posté un autre résistant qui me montre la rue de l'Arsenal d'où arrivaient les Allemands et la maison d'en face qui faisait l'angle entre notre rue et celle du Séminaire. La façade se présentait de profil et d'une fenêtre du premier étage sortait un fusil-mitrailleur qui nous avait arrosés. Le servant ne pouvait être atteint de nos fenêtres, pas même de la tabatière. Sous les combles, apercevant un trou dans une tuile, je me penche pour regarder au travers, lorsque je le vis soudain se multiplier et réalisai qu'il s'agissait de balles traversant la toiture.
Je redescends au premier tour pour voir une section de soldats allemands s'abriter derrière le coin de la rue de l'Arsenal. Nous les mitraillons et un de nous va chercher du renfort. J'entends des ordres criés au mitrailleur de nous prendre sous son feu. Heureusement, il ne pouvait pas plus nous atteindre que nous ne le pouvions. De sorte que nous tenons tête au tir des autres armes qui se concentrent sur nous, faisant sauter plâtras, carrelages et chauffe-eau de la salle de bain dans laquelle nous nous trouvions, jusqu'à ce que les assaillants parviennent à traverser notre barrage et commencent à enfoncer la porte d'entrée. L'ordre est donné de lancer des grenades dans nos fenêtres et nous n'avons que le temps de débouler dans l'escalier avant les premiers éclatements.
Fond Saint-Aubain, j'exhortai une dernière fois les Allemands à la reddition, mais ne reçus qu'une invitation ironique de venir le leur demander plus près.
J'attendis vainement des renforts et lorsque, sous le couvert de la nuit, je constatai que les vélos allemands, déposés à l'angle de la rue du Séminaire, avaient disparu et la rue abandonnée, je sonnai à la porte de M. DEMUTH, à deux cents mètres de là, pour pouvoir m'endormir pour la première fois depuis deux jours.
Le lendemain, je rejoignis le P.C. du groupe qui avait pris ses quartiers chaussée de Bruxelles, aux Ets WILMET. J'y appris les détails de la veille. Vers deux heures, le sous-lieutenant "Mioche" DENBLIJDEN avait amené quatre tanks américains qui en remontant l'avenue Stassart avaient cerné le parc, nettoyé le groupe De VILLE. Si les pertes que nous avons infligées à l'ennemi l'ont fait se retirer, nous déplorons dans nos rangs des blessés et la mort de l'adjudant DEJET.
A la place Wiertz, je constate la disparition de mon vélo et de son chargement de victuailles.
Quelques opérations de nettoyage sont encore entreprises contre des tireurs cachés dans les toits et des îlots de résistance à l'école des cadets. Escortant des prisonniers, nous croisons des FFIs qui ont suivi en voiture l'avance des troupes américaines. Froidement, ils nous déclarent qu'eux ne faisaient pas de prisonniers.
Namur est libérée. Les Américains y entrent de toutes parts et nous organisons notre armement et notre charroi dans l'espoir de pouvoir les suivre dans leur avance. A l'Arsenal, transformé en camp de prisonniers de guerre, certains essayent de troquer des accessoires de leur uniforme, tandis que d'autres se glissent plusieurs fois dans la file des rations. Les collaborateurs, dont la chasse est organisée, s'y trouvent également rassemblés".
Démobilisé à la fin de septembre, M. HINSENKAMP a eu le bonheur de voir rentrer ses parents, quelques mois plus tard, cruellement éprouvés par leur captivité. Et il conclut :
"Nous avons réappris à vivre et essayé d'oublier. Mais peut-on laisser oublier une époque où un même idéal patriotique unissait la majorité des Belges, quelles qu'aient été leur appartenance linguistiques ou autres. Celui pour lequel des milliers d'autres sont morts, fusillés, décapités, perdus ou torturés. Pouvons-nous laisser ignorer cette force aux jeunes qui questionnent et s'interrogent ?".



Sources :
https://sites.google.com/site/resistancecouvin/groupe-marchal
Journal "Vers l'Avenir" du samedi 3 et dimanche 4 septembre 1983.
Livre de M. Hinsenkamp ‘’Un Allemand dans la Résistance’’
 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 01/11/18


Scroll
Scroll