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Rss Le maquis d'Orchimont, dit des Bérets verts

La guerre des maquis n'a pas été une des révélations de la Seconde Guerre mondiale comme l'ont été le radar ou les fusées. Les armées napoléoniennes avaient du plier, qui ne s'en souvient, devant la guerilla espagnole. A nouveau, entre 1939 et 1945, le poids des groupes de partisans a parfois été décisif. Certains maquis eurent même l'importance d'une armée. On pense aux partisans qui harcelèrent l'armée allemande au moment où le Général Hiver, et après lui le dégel du printemps, stoppèrent blindés, convois de ravitaillement, transport de troupes, logistique sanitaire etc, dans l'immense plaine russe. On pense aux montagnards de Grèce et de Yougoslavie.
D'autres écrivirent des épopées plus modestes où l'héroïsme et parfois la témérité, l'efficacité ou parfois un effet psychologique aussi grand que certains aspects tactiques ont constitué des pages d'histoire. On pense au Vercors.
La situation en Belgique a toujours été différente. Dans ce pays il a en effet toujours été difficile, à raison même de son exiguïté, d'assurer la formation de pilotes d'avion de chasse et l'entraînement de l'artillerie sans prendre souci des frontières politiques.
Dans ce pays qui compte parmi les plus peuplés de l'Occident, rares sont les zones où l'on eût pu organiser, sans que tout le monde le sache immédiatement, l'hébergement de troupes d'hommes relativement nombreuses.
Très tôt, pourtant, il fallut le faire pour soustraire à la déportation les travailleurs requis par l'industrie de guerre allemande. Mais ce fut une forme très particulière de maquis, certains s'installèrent dans la forêt ardennaise à l'écart des grand-routes. Les problèmes du ravitaillement de ces réfractaires se compliquaient du fait qu'ils se recrutaient dans des milieux où les réserves financières n'étaient pas telles qu'un homme pût abandonner les siens. Il fallut organiser des « allocations aux familles ». C'est le mérite particulier du Groupe « Socrate » qui joua, sous l'autorité de Raymond Schreyven, un rôle considérable en constituant une véritable banque de la clandestinité et de la lutte contre la déportation.
Un autre type de maquis a été mis sur pied pour répondre aux besoins de camouflage temporaire ( et parfois durable ) de chefs ou d'agents de groupements de résistance qui avaient échappé à une arrestation et qui devaient « disparaître ». Souvent encore il s'imposa de maintenir à l'abri des indiscrétions des prisonniers de guerre évadés, des aviateurs récupérés après que leurs bombardiers eussent été abattus à l'aller ou au retour d'une opération sur les centres industriels de l'Allemagne. Curieusement, ces derniers maquis ont souvent été urbains. Vers la fin de la guerre, il y avait dans certains quartiers de nos villes une forte population clandestine. La sécurité, si difficile que cela puisse paraître, y a été très largement assurée et ces groupes n'ont connu que des pertes peu importantes. Les mois passant, la nécessité apparut cependant de dégorger les maquis urbains vers la forêt ardennaise. Le « Groupe G », par exemple, l'un des principaux mouvements de sabotage, disposait ainsi à Hatrival de huttes dans la forêt où sous la protection des gardes forestiers conduits par l'un d'entre eux, Camille Hermand, se cachèrent des agents recherchés par les polices d'occupation. La ligne « Comète » dut vers la fin de la guerre construire elle aussi des camps dans les forêts normandes pour les pilotes et les prisonniers évadés qu'elle récupérait. Les événements militaires ne lui permettaient évidemment plus de les conduire, comme cela avait longtemps son plan, vers l'Espagne
Parfois, enfin, on dut recourir à la véritable technique du maquis, c'est à dire à des concentrations de partisans armés au sein des forêts peu pénétrables ( ce sont là des sites rares en Belgique ).
En Ardenne se sont ainsi formés plusieurs maquis. Ils étaient constitués de commandos qui préparaient, en liaison avec un état-major national et avec l'état-major allié, à des opérations de guerre sur l'arrière des troupes ennemies. Il ne paraissait plus douteux en effet, à partir de 1943, que ces derniers allaient à un moment prochain reculer vers le Rhin.
Deux groupes principaux de maquis de cette espèce ont été organisés en Belgique: ceux de « l'Armée Secrète » et ceux des « Milices Patriotiques »Ce serait parler un peu vite de dire que les uns étaient de droite et que les autres étaient communistes. Car d'un côté comme de l'autre, à cette époque, on ne demandait pas aux recrues d'exhiber une carte de parti. N'empêche que socialement parlant, il est vrai que les « Milices Patriotiques » rattachées au « front de l'Indépendance » se recrutaient dans des milieux plus modestes ou plus progressistes, tandis que les anciens militaires, des membres des divers groupements scouts, une jeunesse plus traditionnelle, préféraient un encadrement assuré par des officiers recrutés au sein de « l'Armée Secrète » Le maquis dont on veut vous raconter un des exploits est celui d'Orchimont.
Orchimont sur la Basse Semois, a été pourvu à partir d'octobre 1943 d'un commandement relevant de « l'Armée Secrète » ( zone 5, secteur 5, groupe D ). Mais déjà longtemps auparavant d'anciens Chasseurs Ardennais et de jeunes patriotes avaient commencé à se rassembler dans ce territoire entre Alle et Vresse, entre la frontière française et Carlsbourg. Ils s'entraînaient en vue d'actions qui étaient très vraisemblablement à prévoir si, dans la progression des armées alliées, la Meuse devait jouer un rôle d'obstacle plus important qu'elle ne l'avait joué en mai 1940 dans la progression des armées allemandes. La région n'était certes pas située sur les grandes lignes de communication militaires. L'occupation militaire ennemie était d'ailleurs assez réduite, à l'exception d'un détachement de la Kriegsmarine installé à Bièvres à partir du printemps 1944. Les liaisons avec l'émetteur radio de Mogimont exigeait cette protection. Dès les premières semaines de 1944, le groupe d'Orchimont est bien structuré. Il a été muni d'armes par deux parachutages nocturnes qui se sont étalés sur une neige épaisse. Deux autres parachutages auront lieu en mai et en août.
Le 21 septembre 44, quinze jours après la libération de Bruxelles, dix quadrimoteurs anglais déverseront en plein jour des containers chargés d'assez d'armes pour permettre à une troupe bien entraînée de jouer un rôle important. Cette troupe entendait d'ailleurs s'inscrire dans la tradition régionale. Les hommes avaient été pourvus du béret vert des Chasseurs Ardennais. Ils n'en étaient pas peu fiers.
Parallèlement au groupe d'Orchimont, des maquis français se sont développés de l'autre côté de la frontière entre Meuse et Semois. Tout comme le maquis d'Orchimont, ils ont reçu des instructions et du matériel venus d'Angleterre. En accord parfait, le maquis belge du Commandant Benoît, alias Daniel Ryelandt, avait des commandos installés dans la forêt française, tandis que des Français du commandant de Bollardière, entretenaient certains commandos sur le territoire belge.
Le 21 juin 1944, sur ordre de l'état-major de l'Armée Secrète, une série de sabotages furent entrepris. L'un visait une double coupure du câble téléphonique souterrain reliant Paris à Cologne. L'autre était la destruction de la ligne aérienne qui reliait un état-major de la Luftwaffe, cantonné à Charleville, à la station radar de Mogimont.
Dans la nuit du 15 août, un détachement de parachutistes belges commandés par le Capitaine Renkin fut largué du côté français de la frontière. Dans les derniers jours du même mois, un régiment de Panzergrenadiers s'installa dans les villages de Vresse et de Membre, pour protéger la retraite allemande. La guerilla commençait vraiment!
De sporadiques les accrochages devinrent bientôt réguliers.
Dans les premiers jours de septembre, pourchassant les armées allemandes, le 102° régiment de cavalerie U.S. atteint les Ardennes françaises. Grâce au maquis du Commandant de Bollardière, le pont sur la Meuse à Monthermé tombe intact entre ses mains. Le 5 septembre, c'est au tour des hommes d'Orchimont d'associer leur effort à celui du 102°et à celui de leurs camarades français.
La progression reprit aussitôt. Le même soir, les Panzergrendiers qui s'étaient retranchés à Membre et Vresse se rendaient compte qu'ils étaient tournés et que leur ravitaillement était coupé. Il ne leur restait plus qu'à battre en retraite vers Menuchenet, tandis que des hommes d'Orchimont et des Américains détruisaient leurs chars et leur dernier camion d'obus sur la route qui va de Gedinne à Membre. La progression était si rapide que Belges et Américains d'un côté, Allemands de l'autre, étaient furieusement entremêlés. Il fallut même inviter les vilages libérés à ne pas pavoiser avant l'arrivée de l'infanterie pour éviter des représailles.
Cependant, avant cette offensive finale, chacune des sections d'Orchimont avait depuis longtemps mené sa propre lutte. Le sixième groupe, commandé par le Lieutenant d'active J.Dinant, qui avait été gravement blessé en mai 1940 au fort d'Evegnée, se livra à un sabotage de lignes téléphoniques. Entre Mogimont, Rochehaut, Alle, une ligne téléphonique militaire allemande allait de Liège à Charleville et Reims. Elle s'appelait L.T.12 Cette ligne assurait les communications entre les stations ennemies de radio de l'Est français et de l'Ardenne belge. Depuis quelques mois la sixième section abattait systématiquement les poteaux de cette ligne. Les équipes de réparation allemandes qui venaient du poste de surveillance de Mogimont étaient perpétuellement sur les dents. Le 17 juillet, exécutant les ordres de l'A.S., les hommes d'Orchimont mettent hors d'usage deux kilomètres de ligne. Pour cela ils font sauter trente-six poteaux. Le câble de rechange amené immédiatement par l'équipe de réparation allemande, disparaît avant même que cette dernière ait pu l'employer. L'occupant, acculé, n'a plus d'autre parade que de prendre des otages. Ceci entraîne nécessairement la suspension provisoire des opérations. Les communications de la L.T.12 n'en avaient pas moins été interrompues pendant quatre cent trente cinq heures. Et ce, au lendemain du débarquement!
Le 15 août, le front se rapproche nettement. Il apparaît nécessairement cette fois d'anéantir l'équipe de réparation, seule manière d'assurer un sabotage permanent de la L.T.12. Au lieu dit Bondon, entre Alle et sedan, la route passe en tranchée entre deux remblais hauts de quatre mètres. Les poteaux sont à nouveau abattus. Le camion des réparateurs pénètre lentement dans la tranchée. Sur les deux talus des maquisards à l'affût sont couchés sur le sol; Un officier S.S. jaillit du camion, revolver au poing, au momemnt même ou le véhicule ralentit. Il bondit sur le talus de gauche. Il se trouve au milieu du commando d'Orchimont. Une rafale le fauche irrémédiablement. Le combat devient général. Le camion est neutralisé, le moteur calé, le réservoir troué une partie de l'escouade allemande qui s'est réfugié sous le véhicule est attaquée à la grenade. Deux autres de ses hommes qui eux avaient réussi à atteindre le fossé sortent les bras levés et implorent leur ennemi invisible en se dirigeant vers le milieu de la route: « Nicht schiessen…». Ces deux-là, deux gradés, seront les seuls survivants. Ils seront faits prisonniers. Leurs camarades sont morts ou grièvement blessés. Le camion est incendié. Les blessés sont transportés vers Alle avec les deux gradés indemnes. Les morts sont ramenés vers le village. Que faire? Une convention militaire d'un type probablement inédit intervient entre vaincus et vainqueurs. Les blessés seront remis à l'autorité militaire allemande en m^me temps que les corps des morts à la seule condition qu'ils déclarent avoir été attaqués par des parachutistes américains. Cette précaution évitera de nouvelles représailles sur la population.
Le maquis d'Orchimont a réalisé sa mission. Une préparation sérieuse a permis des sabotages sérieux et un harcèlement décisif sur un ennemi en retraite. Le seul fait de l'existence du maquis a par ailleurs donné à toute la région un moral élevé que la réapparition des bérets verts des Chasseurs Ardennais n'a pas peu contribué à soutenir.
Les opérations de la Basse Semois ont comporté dix « coups » semblables à celui de Bondon. Ix fois l'ennemi fut ralenti, voir arrêté. Ses communications téléphoniques, ses relais radio ont perdu leur efficacité. Une fraternité d'armes franco-belge s'est par ailleurs recréée. Les rapports avec la 102° U.S. dont deux officiers furent par la suite décorés avec leurs camarades belges, ont apporté à l'avance alliée une aide sans laquelle l'action d'avant-garde eût été dangereuse et incomplète.
Coût de l'opération: dix-sept hommes perdus en combat. Cinq autre emmenés par les Allemands ne sont pas revenus des camps de concentration. Les pertes ennemies dans l'ensemble de la Basse Semois ont dépassé cent cinquante hommes.
En fait ce bouchon des bérets verts sur les lignes de communication et sur les voies de retraite de troupes que talonnait les Américains a obligé des régiments allemands et particulièrement des blindés à des détours considérables et a des retards dont l'offensive libératrice a enregistré les effets bénéfiques.
A l'heure où la pointe Est du territoire national sera libérée, les bérets verts des Chasseurs Ardennais seront en première ligne.
L'action des maquisards d'Orchimont s'est étendu en fait sur trois mois. Mais durant ces semaines décisives, l'héroïsme a été le lot quotidien des hommes du Commandant Benoît.


Source bibliographique: "Histoire de Résistants" par W. Ugeux (page 73 et suivantes) paru aux Editions Duculot, 1979 ).
 
 
Note: 5
(1 note)
Ecrit par: prosper, Le: 28/05/11


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