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Rss Auguste Vanlaethem raconte
Emprisonné à Saint-Gilles et Breendonk

Arrêté le 16 mai 1944 à 3h40 du matin par la Gestapo, je fus emmené dans les cellules des caves de l'Avenue Louise à Bruxelles; j'y restai jusque 8h du matin. pour partir il y avait trois voitures et deux camions de noirs
( collaborateurs ).
Deux sentinelles sont venues me chercher et elles m'ont poussé dans l'ascenseur; l'on me conduisit au 9ème étage. Là commença le premier interrogatoire. Restant muet à leurs questions et menaces, ( le premier dura une heure ) ces lâches me firent coucher sur une table et, à tour de rôle ils me battirent avec des chicotes ( espèce de matraque ). Après cet acte infâme, je fus reconduit dans ma cellule à moitié évanoui.
A 10h, même supplice, à 14h la même chose se passa et exactement dans les mêmes conditions, pour recommencer de nouveau à 17h. Cette fois ce fut le plus terrible. Les coups de crosses et de pieds ne me furent pas épargnés, et quand cette abominable scène fut finie, j'avais des dents arrachées, j'étais noir de coups et rempli de sang. Alors seulement ces satyres me dirent que j'étais condamné à mort et que j'irais crever à BREENDONCK.

A 18h30 je quittais de nouveau ma cellule pour être conduit menottes au poignets à ce sinistre camp.
La Gestapo me remit entre les mains des fameux DEBOTTE et WEISS qui me reçurent à coups de cravache et de pieds.
L'interrogatoire recommença et je me vis après, dépouillé de tout ce que je possédais, ( argent, montre ).
Déshabillé complètement, l'on me fit courir, évidemment toujours avec des coups de cravache jusqu'à la place où se trouvait le coiffeur, qui me rasa la tête comme un caillou. Ce travail terminé, et toujours sous l’œil attentif de ces maudits S.S. les coups de cravache et de pieds redoublèrent.
Nous étions toujours nus, l'on nous mena ainsi jusqu'au magasin, où l'on nous lança une chemise, un pantalon de toile, une veste de l'armée belge et une paire de sabots.
Après m'être habillé en hâte, sous les coups, on me mena dans une cellule de 1 mètre de large sur 1 mètre 90 de long. Là on me laissa à moitié évanoui. Je suis resté toute la nuit appuyé contre le mur d'où ruisselait de l'eau tellement il faisait humide dans ces cachots. Le lendemain je devais faire connaissance avec d'autres tortionnaires.
A 8h, j'entendis crier au dehors, on vint défaire les verrous de ma cellule. Je ne savais presque plus bouger, ce qui me valut une nouvelle série de coups, en me faisant comprendre que je devais enlever mes habits et mettre la cagoule qu'ils me présentaient. Je dus prendre la tinette à la main, puis on me tira la cagoule au fond de la tête et par le bout de ce sac on me tira dehors. Chaque fois que j'accrochais une porte ou un coin de mur, je recevais des coups de poings dans les côtes. On me traîna ainsi jusqu'au W.C... Là on m'enleva cet espèce de sac et on me dit que j'avais deux minutes pour faire mes besoins. Ensuite il fallait nettoyer la tinette. Les coups et les hurlements ne manquaient pas à cet occasion.
Quand ce fut terminé, je dus remettre la cagoule et repartir en étant entraîné de la même façon qu'à l'aller. Avant d'arriver à ma cellule, on m'introduisit dans une impasse. Je fus de nouveau débarrassé de ma cagoule et je vis que j'étais dans un lavoir. Je dus me laver en dessous d'un robinet sans essuie, ni savon. J'étais tout à fait mouillé et c' est dans cet état que je dus à nouveau repasser ma cagoule. Je fut reconduit en cellule où je dus rester à la même place jusque 20h.
Je reçus à midi un bol de soupe, et à 18h, un morceau de pain et un peu de café.
A 20h la sentinelle criait en allemand " couchés ", ce que je n'avais pas compris le premier jour. Je fus donc forcé de resté debout toute la nuit, car au signal " couchés ", la sentinelle retirait une barre de fer qui supportait un panneau de bois. Celui-ci était garni de lattes tous les 10 cm. Il fallait donc être prêt à son signal, et baisser ce panneau pour ce coucher.
Le matin à 6h, le " Boche " criait : " debout ", et il fallait être prêt avec le panneau, le dresser contre le mur pour qu'il puisse passer la barre dans la planche de repos. Après il fallait rester en position pour recommencer le même parcours que la veille avec la cagoule. De retour en cellule, il était obligatoire de rester à la même place jusque 22h. Pour
manger on nous apportait : 1 litre de café erzatz le matin, 1 litre de soupe puante le midi, 150gr de pain le soir avec 1/2 litre de café. Chaque distribution était accompagné d'une pluie de coups. Il était défendu de changer de place pour manger. Au bout de 2 à 3 jours, j'avais les membres paralysés. Je ne savais plus enlever mes sabots tellement j'avais les pieds gonflés. En plus ces messieurs avaient la fantaisie de venir vous mettre en sang 3 à 4 fois par jour. Ils protestaient si vous étiez appuyé contre le mur ou encore si vous n'étiez pas en position quand ils venaient regarder par le trou de regard qui se trouvait dans la porte.

Je suis resté comme cela 24 jours jusqu'au 9 juin, où par suite du débarquement du 6 juin, on évacua complètement BREENDONCK.
Ce jour là, vers midi, on me conduisit dans un couloir où je revis d'autres prisonniers. On nous fit remettre complètement nus. Nous fûmes conduits dans une grande chambre où l'on nous remit nos vêtements qu'on nous avait pris. Je dus prendre un camarade complètement mutilé sur le dos. Ces lâches lui avaient enlevé la peau des fesses à la chambre des tortures. L'on me fit aller dans la cour, là se trouvaient les satyres de l'Avenue Louise.
On fit l'appel et on nous fit grimper à 20 par camions, à genoux et les bras levés : ainsi jusqu'à Saint-Gilles.
Nous fûmes placés à 4 par cellule. C' était le paradis, car à Saint-Gilles c' était la Wehrmacht qui nous gardait et nous étions tranquilles.
A mon arrestation je pesais 84kg. Arrivé à Saint-Gilles j'en pesais encore 63. J'avais perdu 21kg en 24 jours.
A Saint-Gilles, nous avions le rationnement imposé : 225grs de pain par jour, soupe à midi et au soir, et nous devions rien faire. Dans le courant de la nuit du 15, on vint me réveiller et on me mena dans le couloir central.
J 'aperçus plusieurs camarades.
Un colis de la Croix-Rouge nous fut remis, un paquet de cigarettes et une boîte d'allumettes.


A Büchenwald........

Le 16 à 4h du matin on nous chargea en camion et nous fumes conduits à la gare de Schaerbeek. De nouveau nous fûmes en contact avec la Gestapo de l'Avenue Louise et tous les tortionnaires de BREENDONK.
Nous fûmes reçus à coups de crosses et de pied, fouillés à fond, le colis et les cigarettes que la Wehrmacht nous avait donnés à Saint - Gilles, nous furent enlevés par les S.S.
A Schaerbeek on nous bourra à 60 hommes par wagon à bestiaux que l'on barricada ensuite avec du fil barbelé. Vers 7 h, le train démarra pour arrivé à BUCHENWALD le 19 à 23 h.
Donc trois jours et nuits sans boire ni manger.
Arrivés à BUCHENWALD, les S.S., nous déchargèrent avec de grands chiens. Nous fûmes conduits dans un grand lavoir pour y passer la nuit avec un robinet qui coulait goutte à goutte et cela pour débarbouiller 800 hommes après un tel voyage.
Le 20, vers 8 h du matin, on vint nous chercher et nous fûmes conduits en dessous des douches, où l'on passait 4 par 4. On nous fit déshabiller et on nous donna un numéro qui remplaçait notre nom. Mon numéro était le 60402. Ensuite, nous passâmes dans une autre pièce où on nous rasa de nouveau, puis vint le magasin. On nous donna un costume rayé et une paire de sandales. On nous mena dans un petit camp, bloc 51. Ce bloc pouvait contenir 500 hommes, et l'on en fourra 1500. Nous étions couchés à 5 étages dans des bacs à 16 hommes. Nous ne pouvions dormir habillés, et nous ne possédions qu'une couverture. Personne ne pouvait se mettre sur le dos. Il était impossible de dormir tellement qu'il y avait de la vermine. Je suis resté 16 jours dans ce petit camp. Il s'appelait " en quarantaine ". J 'ai reçu pendant ce temps 15 piqûres, les unes dans le dos, ou aux bras ou encore sous les seins.
La nourriture se composait comme suit : 1 pain de 1kg500 pour 4 hommes au déjeuner, de la soupe à 11 h et s'était tout pour la journée. Pendant ces 16 jours, matin et midi nous étions emmenés à la carrière pour chercher une grosse pierre. Nous devions la porter sur notre dos et revenir au camp qui se trouvait à 4 km. et cela avec des petites sandales aux pieds. Si par hasard la pierre n' était pas grosse assez, on était obligé de redescendre dans la carrière en reprendre une plus volumineuse.
Le 2 juillet je fus désigné pour partir en commando dans les mines de sel. J'en fus épargné grâce à un camarade qui put arranger les affaires à l' "Arbeitstatistik". Ce fut un grand bonheur pour moi, mais par contre un très grand malheur pour les autres, car des 600 qui étaient partis, PAS UN NE REVINT.
Le 4 juillet, je passais dans le grand camp. Je fus employé à l'usine Guslof de Buchenwald.
C'était bien triste. Le réveil se faisait à 4h30. A 6h. tous les prisonniers devaient se trouver sur la place
d'appel d'où nous partions au travail en musique pour rentrer à 18h toujours en musique. A 19h. l'appel de nouveau; celui-ci se prolongeait parfois jusque 2h du matin, mais jamais l'appel n'était fini avant 22h.
Pour ma part, le travail à l'usine n'était pas trop dur. Je mettais des hausses et des points de mires sur des carabines
Le 22 juillet, plusieurs camarades qui faisaient partie de mon groupe en Belgique furent pendus et passés ensuite au four crématoire. Cela ne me tranquillisait pas de trop.
Ainsi passèrent les jours et les semaines jusqu'au 24 août. Ce jour-là, un bombardement coûta la vie à plusieurs centaines de camarades. Ce fut la plus grande panique que j'aie jamais vu de toute ma vie. En une heure de temps, il ne restait plus rien des usines où travaillaient 20.000 prisonniers. Quel désastre ! Tout était en feu. J'ai vu un camarade brûler jusqu'à poussière à côté de moi. Une bombe incendiaire l'avait transpercé.
Il en tombait tous les mètres. Par contre pas une seule bombe ne tomba dans notre camp éloigné de 20 minutes des usines. Seulement toutes les canalisations d'eau étaient sautées. Plus une seule goutte d'eau pour panser les blessures. Pas un seul pansement. Huit jours après le bombardement on voyait encore des hommes remplis de sang.
Comme il n'y avait plus de travail, je fus désigné pour aller rétablir les villas des officiers S.S. et les casernes.
Fatigué de courir du matin au soir, pieds nus et à moitié habillé, n'en pouvant plus, je restai un matin au camp. Le chef du bloc ne manqua pas de me renseigner et je dus aller dans un plus dur commando. Je fus envoyé à la gare de BUCHENWALD pour décharger des wagons.
Peu après je fus envoyé dans un autre commando. Je devais me lever à 3h, partir en train jusque Weimar et faire 6km. à pied matin et soir sous les coups des S.S. qui étaient accompagnés de chiens. Nous rentrions à 19h pour devoir encore rester 5 à 6 heures à l'appel.
Cela ne pouvait plus durer longtemps car j'attrapai un flegmon sur le pied gauche et j'avais les jambes remplies d'ulcères. Je finis par ne plus savoir marcher. On me transporta à l'infirmerie le 20 septembre 1944. Un docteur belge ainsi qu'un français déclarèrent qu'il était nécessaire d'amputer ma jambe gauche jusqu'au genou, mais l'hôpital étant surchargé, je fus flanqué à la porte à la suite
d'une inspection du docteur S.S. Force me fut donc de rentrer au bloc comme j'étais parti. Grâce au dévouement de bons camarades, qui chaque jour allaient me chercher des plantes de plantain, je sus me guérir moi - même
Le 13 décembre, le chef de bloc vint me réveiller à 2h du matin me disant que je devais partir immédiatement en transport avec plusieurs camarades. On nous fit rester jusque 10h sur le quai par une tempête de neige terrible.
On nous flanqua à 100 hommes par wagon à bestiaux pour arriver le lendemain à 6h du matin à BERGA-ELSTEER. On nous hébergea dans une ancienne usine anglaise. Le convoi se composait de 1500 hommes qui étaient presque tous des juifs Hongrois.
L'après-midi, nous fûmes conduits au travail dans une nouvelle usine souterraine que l'on allait creuser dans une montagne. Le soir nous fûmes reconduits dans cette ancienne usine non conditionnée pour recevoir tant d'hommes. Il n'y avait rien de préparé, aucune nourriture, aucun logement. Nous dûmes nous coucher les uns sur les autres
Le lendemain matin nous reçûmes un pain pour 10 hommes et avec cette maigre pitance nous dûmes retourner creuser la montagne jusqu'au soir avant de recevoir 1 litre de soupe, et ce fut ainsi tous les jours
Pouvant encore assez bien me déplacer avec les ingénieurs civils, j'allais faire des installations dans les cuisines privées, où je savais arriver à voler des choux-navets et des pommes de terre.
J'étais encore à moitié sauvé, car des 1500 hommes que nous étions, toutes les 4 semaines les 400 plus faibles étaient renvoyés pour passer au four crématoire de BUCHENWALD.
Il fallait voir cela; creuser la mine pendant 12 heures avec comme toute nourriture 150 grammes de pain et 1 litre de mauvaise soupe par jour. Les hommes se tenaient 5 par 5 par les bras le matin pour ne pas tomber. Nous sommes une fois restés 48 heures debout sur la place d'appel parce qu'il y avait eu 4 évasions.


Le retour.......

Ce système de vie dura jusqu'au 12 avril 1945 où par après nous dûmes prendre la route à l'approche des alliés. Nous marchâmes comme cela jusqu au 8 mai. Au départ de BERGA ELSTEER nous étions 1500 pour rester au nombre de 380 à notre arrivée à SASSENGRUND, où les Américains firent la jonction avec les Russes. Nous avons voyagé à raisons de 40-50 à 60km. par jour pendant plus de 26 jours. Nous traversâmes la Prusse pour arriver en Tchècoslovaquie. Là nous dûmes rebrousser chemin par l'avance de l'armée russe. Nous reçûmes en tout et pour tout un pain pour 12 hommes et 2 cuillères de sucre cristallisé, pour le reste nous devions nous nourrir d'orties et de pissenlits que nous trouvions sur notre passage. Pour dormir, nous restions dehors, on nous encerclait, à moitié habillés, dans un coin de bois, dans la neige et la pluie.
Lorsque la colonne était en marche, un cordon de S.S. nous surveillait sur les côtés et derrière. Si par malheur quelques camarades ne savaient plus tenir la colonne, ces chiens les abattaient d'une balle dans la nuque. Si cela avait encore durer huit jours, il n'en serait plus resté un seul.
Le 8 mai, on vit enfin arriver les blindés dans les deux sens.
L'émotion que nous ressentions ne peut se décrire. Fallait-il rire, pleurer ou chanter ? La force nous manquait pour y penser.
L'accueil fut des plus chaleureux. On nous monta sur des camions américains et nous fûmes conduits à FLAUEN, où à notre arrivée, nous fûmes soignés comme des gosses.
Complètement désinfectés, car nous étions remplis de vermine, nous fument soignés aux chocolats, oranges, gâteaux, sur un bon lit, surtout jusqu'au 12 mai.
Le 15 mai, nous partîmes en train de guerre de Elfurt pour arriver à Neufchâteau. Le 22 et 23 nous arrivions à Bruxelles.
Là, ma famille m'attendait en auto.

Le contenu de ce récit est beaucoup abrégé, car tout ce que nous avons passé à BREENDONK et à BUCHENWALD est impossible à décrire, des choses inhumaines, mais qu'il est préférable de taire pour la paix de chacun.

AUGUSTE VANLAETHEM
( Source : article extrait du livre Rebecq Souviens-Toi édité par le Rebecq Historical Association 40-45 à l’occasion du 50° Anniversaire de la Libération )
 
 
Note: 5
(1 note)
Ecrit par: prosper, Le: 28/05/11


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