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Rss D’Emile Boucher à Claude
Né en 1920, j'ai été incorporé le 29/2/1940 au 51ème Régiment de Ligne, dédoublement du 1ier de Ligne, caserné provisoirement à Mons du fait du P.P.R. (Pied de paix Renforcé).
La nuit du 9 au 10 mai, l'alerte générale était déclenchée et le peloton dont je faisais partie était dirigé vers Obourg d'où nous sommes repartis la nuit suivante vers la gare de Mons.
De-là, malgré un léger bombardement d'une demi-heure environ, nous avons été embarqués dans un train qui nous a amenés à Lokeren et de là, nous avons continué en marche forcée jusque Zaffelare où nous sommes restés 2 jours. Il y eut plusieurs alertés aux parachutistes mais nous n'avons découvert personne. Nous sommes revenus à Lokeren et de là en train jusque Toulouse. Ce trajet dura plusieurs jours. De Toulouse, nous avons marché jusque Laserre-Levignac. Quelques jours plus tard, nouvelle marche vers Toulouse et de là en train jusque Paris. Selon l'officier qui nous commandait, nous devions renforcer la défense de Paris. Pour ce faire, nous disposions d'un seul fusil et de cinquante cartouches pour cinq hommes et cinq pelles pour creuser d'éventuelles tranchées. De Paris, en marche forcée, nous nous sommes dirigés vers Saint-Germain en Laye où nous sommes restés quarante-huit heures et puis, l'ordre de repli nous est parvenu.
Après avoir marché en rond durant 8 heures dans la forêt de St-Germain, nous revenions toujours au même point; l'officier a alors décrété que nous devions rentrer à Laserre-Lavignac par nos propres moyens.
Je faisais alors partie d'un groupe de 5 et à pied, en stop et en train, nous sommes revenus à notre point de départ. A quelques exceptions près, tout le monde est revenu au camp.
Jusqu'en juillet, j'ai supporté cette vie fastidieuse; faire des exercices, assurer la garde,
s'occuper du ravitaillement des hommes et dans un climat où tous les bruits, même les plus saugrenus, circulaient.

A la mi-juillet, nous avons décidé à 10 de rentrer en Belgique par nos propres moyens. Ce voyage a duré une dizaine de jours et j'ai été très heureux de retrouver ma famille à Quaregnon. Elle était heureusement au grand complet.
Fin 1940, j'ai appris que la résistance s'organisait et en mars 1941 je suis entré à la "légion Belge" composée surtout de militaires de carrière. J'ai assisté à quelques réunions d'information mais sans plus. En février 1942, je suis passé à l'A.S. (Armée Secrète), qui était également composée de militaires, des réunions mensuelles étaient organisées où nous apprenions le fonctionnement de différentes armes, surtout des revolvers et de la stratégie en cas d'action de sabotage, mais pas d'activité réelle.

Début avril 1943, j'ai reçu ma 3ème convocation pour me présenter à la "werbestelle" ( bureau du travail obligatoire en Allemagne); mais comme d'habitude, je ne me suis pas présenté; j'étais alors employé aux Ateliers Lebrun à Nimy, section comprigaz.
Vers la fin avril, un ami m'a téléphoné pour m'avertir que plusieurs "feldgendarmen" étaient à Quaregnon et se rendaient au domicile des réfractaires à la "werbestelle".
Avec l'accord de mon chef de bureau, j'ai pu rentrer chez moi. Au moment où j'allais ouvrir la porte, j'ai entendu un bruit de bottes. Je me suis retourné et j'ai vu un "feldgendarme" et un agent de police de Quaregnon qui sortaient de la ruelle d'en face. Il était à ce moment trop tard pour fuir. Le "feldgendarme" qui parlait français m'a demandé si j'étais EMILE Boucher. J'ai répondu que j'étais un ami et que je venais de sonner à la porte sans succès. Je suis allé à la porte voisine et dès que Bertha a ouvert la porte, lui faisant un clin d'oeil, je lui ai demandé s'il n'y avait personne au n°86. Elle est sortie, est venue avec moi et a expliqué que le papa était au charbonnage de Douvrain, que la maman travaillait à Mons et que le fils était employé à Nimy.

En compagnie du "feldgendarme" et de l'agent de police (qui était très inquiet), je suis reparti par la ruelle vers la Grand-Place où je me suis dirigé seul vers le café "L'Excelsior". Je m'étais imposé ce trajet tout en craignant toujours que le "feldgendarme" ne me demande ma carte d'identité. Que serait-il arrivé dans ce cas là? Je pensais que dans ce quartier de ruelles, j'aurais pu m'échapper.
Je suis resté au café jusqu'au départ des "feldgendarmes" qui étaient accompagnés de 3 garçons de mon âge qui étaient sûrement aussi réfractaires au travail en Allemagne.
J'ai décidé de rentrer à la maison et j'ai emporté une valise avec mes effets personnels et quelques tartines; j'ai demandé à Bertha, la voisine, de prévenir mes parents.
Vers 18h30, je suis allé chez monsieur Paul Flasse, ingénieur technicien demeurant à Wasmes, rue Ribera, responsable local de l'A.S. qui était chef du bureau d'études aux ateliers Lebrun à Nimy, car à cette heure je savais qu'il était chez lui. Je lui ai fait part de ma décision de passer dans la clandestinité. Malheureusement, pris au dépourvu, il n'avait, pour le moment de refuge disponible, il acceptait de me loger chez lui un ou deux jours, mais il ne pouvait prendre trop de risque étant donné sa position. Il a malheureusement été arrêté le 23/12/43, finalement interné au camp de Wolfenbuttel qui se trouvait en zone russe, il est mort le 6/08/45 à l'hôpital Lichtenberg à Berlin.
Je lui ai demandé s'il pouvait intervenir auprès de monsieur Malengret, Directeur Général des Ateliers Lebrun, pour que je sois payé de mes prestations du mois en cours. Le lendemain soir, il m'a remis ma mensualité entière selon décision de monsieur Malengret.

De mai 1943 à septembre 1944 mes parents ont trouvé chaque mois dans la boîte aux lettres une enveloppe anonyme qui contenait un billet de 1000 F.B. C'est seulement en janvier 1945 lors du passage aux ateliers Lebrun que le comptable de la société m'a signalé que c'était à l'initiative de monsieur Malengret, qu'une personne avait été désignée pour cette mission.
J'ai profité de mon séjour chez monsieur Flasse pour écrire deux lettres à mes chers parents. Je les glissais dans la même enveloppe et que je postais à Quaregnon.
Dans la première, j'expliquais que j'en avais assez de la vie morne de famille, que j'éprouvais le besoin de me libérer et de vivre à ma guise, selon des explications que je ne reprends pas ici.
Dans la seconde lettre je priais mes parents de me pardonner la grande peine que je leur faisais, mais actuellement il ne m'était plus possible de rester à la maison car les Allemands allaient me rechercher pour mon troisième refus de me présenter à la "werbestelle".
Au risque d'aggraver leur peine, je leur demandai de porter la première lettre avec l'enveloppe au bureau de police et d'exiger un avis de recherche. Je signalai également qu'il fallait immédiatement brûler cette deuxième lettre. Ils ont heureusement accompli tout cela, à contre cœur bien sûr; mais, à part une visite de la bande Cheron, Gestapo Belge, pour enlever mes photos, ils n'ont jamais été inquiétés durant toute ma clandestinité, bien que j'ai été activement recherché. Nous avons bien souvent parlé de cela lors de mon retour à la maison.
J'ai donc dormi une deuxième nuit chez monsieur FIasse et le matin je suis parti à Baudour, au Café de la Poste où j'allais le week-end boire un verre avec un ami. Là, il n'y avait pas de logement possible car les tenanciers, la famille Vanden Bruggen se composait du ménage, trois filles et un garçon. Mais quelques mois plus tard, le Café de la Poste est devenu un de mes principaux points d'attache. La bande à Cheron y effectuera une grande perquisition et le papa sera emmené à Mons, mais reviendra le lendemain car il faisait partie de la défense passive.
J'ai finalement trouvé une chambre dans un café de la place à Baudour; chez Marie. Le lendemain, j'ai déjeuné en compagnie de deux garçons de mon âge. Pendant quelques jours nous nous retrouvions au déjeuner et au Café de la Poste. Finalement, l'un deux m'a dit qu'il s'était renseigné à mon sujet. J'étais réfractaire, les résultats étaient bons et qu'il pouvait m'accepter chez les P.A. (Partisans Armés) du Borinage, si je le désirais. J'ai accepté avec empressement. Son nom de guerre était Luc, en réalité, il s'appelait Emile Delaunois ingénieur commercial sorti de l'Ecole Consulaire de Mons et à ce moment, Commandant de Bataillon aux P.A. Il a été arrêté le 3 avril 1944 à Bruxelles alors qu'il était Commandant du corps de Bruxelles des P.A, bien que torturé avenue Louise, il n'a jamais parlé. Lorsque les Américains sont entrés au camp de Bergen-Belsen où il était interné, le 15-04-1945, il écrivait toujours son carnet de vie: "libérés, mais pas libres". Il est mort en juin 1945 à Osnabruck.

Je suis donc devenu le partisan CLAUDE.
Vers la mi-décembre 1943 Adelson Charlier, nom de guerre Alain, Commandant du secteur Hainaut-Namur, m'informa que par décision du Commandement National P.A.; Gilbert Courtecuisse, alias Roland; qui fût arrêté le 26-04-1944 à la laiterie de Brackeleer à Rebecq, interné à Neuengamme le 31-08-1944, transféré par train vers un autre camp en avril 1945, il fut fusillé ainsi que d'autres prisonniers par les S.S. un peu avant Lunebourg le 6-04-1945; et moi-même, étions désignés pour réorganiser la région de Braine-le-Comte, Tubize, Enghien et Soignies où beaucoup de résistants avaient été arrêtés. Roland et moi sommes arrivés à Braine-le-Comte le 23-12-1943; mais notre contact n'était pas au rendez-vous. Il s'agissait de monsieur Chabotteau qui avait été arrêté la veille.
Mais comme dirait Kipling, ceci est une autre histoire.

Propos recueilli auprès d’Emile Boucher pour la seconde édition (septembre 2006) du fascicule : Rebecq Souviens-toi !!, édité par l’a.S.B.L. Rebecq Historical Association 40-45.

Emile Boucher (Commandant Claude) nous a quitté malheureusement le 22 octobre 2012
Qu'il repose en Paix:


http://vvjack.be/phpBB3/viewtopic.php?f=56&t=782

 
 
Note: 5
(1 note)
Ecrit par: prosper, Le: 08/06/11


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