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Par Bauwens




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Le canal de Schipdonk traverse la province de Flandre orientale et l [Suite...]

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Rss L'effort de guerre du Congo Belge
Peu de gens le savent peut-être mais la Belgique s’était dotée depuis 1908 d’une grande colonie d’outre-mer : le Congo belge (actuelle République Démocratique du Congo).
Ce vaste territoire avait déjà, lors du premier conflit mondial, été en proie à la convoitise des belligérants. Il n’en fut pas autrement, vingt deux ans plus tard. La capitulation, le 28 mai 1940, de l'armée belge de campagne ne produit, d'abord, guère d'effet au Congo belge. L'effort de guerre colonial sera économique avant d'être militaire. Les premières bombes atomiques américaines n'auraient probablement pas été prêtes en août 1945 sans l'uranium congolais. Loin de l’Europe et vivant dans la tranquillité, le Congo belge à son tour allait pourtant entrer dans la guerre, mais c'était plutôt à reculons. Le 21 janvier 1941, après de longs mois de négociations, un accord commercial visant à faire du Congo un “belligérant actif” fut signé à Londres par le gouvernement belge et la Grande-Bretagne. Sur le plan financier, était établi un taux de change fixe du franc congolais, lequel se voyait dévalué par rapport à la livre sterling. L'accord prévoyait également l'entrée du Congo dans la zone sterling, l'interdiction de l'importation et de l'exportation d'or et de devises. Sur le plan commercial, il garantissait l'achat par la Grande-Bretagne de certains produits congolais (cuivre, coton, huile de palme, etc.) qui seraient placés dans une situation douanière semblable à celle des produits coloniaux anglais. Mais si, a Londres, cet accord donna lieu à une satisfaction mutuelle, les Belges de la colonie déclarèrent plutôt que la convention tendait à exiger du Congo l'apport de sa production d'or et de ses revenus sans rien lui donner en échange.


Le Congo Belge



Le 10 mai 1940 et ses prolongements.

En 1940, vivaient au Congo environ 25.000 Belges, y compris les femmes et les enfants. Le gouvernement Pierlot n'avait à peu près rien prévu, en fait de mobilisation. Le colonel Gilliaert commandait la Force publique, qui avait créé un Deuxième bureau, à des fins de renseignements, sous la direction du capitaine Emile Janssens.
Le théâtre des opérations était loin, les communications interrompues. Le capitaine Janssens s'entendit avec le directeur de Radio Léopoldville, la station locale, qui se trouvait entre les mains des pères jésuites, pour diffuser un bulletin quotidien donnant quelques informations. En fait, on ne savait presque rien de ce qui était en train de se passer.
Le 28 mai à 12 heures 30, le gouverneur général Pierre Ryckmans prononça à la radio un discours haché par l'émotion. Sa conclusion était très ferme: le Congo reste dans la guerre. Le même jour, M. De Vleeschauwer ministre des Colonies, télégraphia à Pierre Ryckmans le texte du discours prononcé par Hubert Pierlot au micro de Radio Paris. Porté à la connaissance des Belges, ce texte sema la consternation; le gouverneur ajoutait toutefois, prudemment, que le Roi n'était plus libre et se trouvait dans l'impossibilité de régner, et il joignit à l'information l'avis de Churchill notant que “l'heure n'est pas à porter un jugement sur ce qui s'est passe”. A tout hasard, le gouverneur fit enlever des lieux publics les portraits du Roi, insistant cependant pour que la chose se fasse dans la plus grande discrétion, crainte d'effaroucher les indigènes. Cette mesure outra le capitaine Janssens, qui, dans son bureau, remit d'autorité le portrait royal là où, à son avis, il devait être.
On entrait dans une période de totale confusion, avec la défaite de la France, l'effondrement des institutions, le désarroi du gouvernement belge incapable de fournir une décision maîtrisée. Seul, en fait, à la tête de la colonie, Pierre Ryckmans connaissait les semaines les plus difficiles de sa carrière.


Pierre Ryckmans



Albert De Vleeschauwer avait bien été nommé, le 1er juin, administrateur général du Congo belge, mais c'est le 4 juillet seulement qu'à ce titre il arriva à Londres pour prendre ses fonctions. Le 10 mai, les résidents allemands au Congo avaient été arrêtés. Le 10 juin, l'Italie étant entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne, le gouverneur ordonna d'en faire autant pour les Italiens.
Mais début juillet, au moment où les Britanniques demandèrent un soutien militaire aux troupes coloniales belges pour protéger la longue frontière commune de leurs possessions d'Afrique avec les territoires sous domination italienne, le gouverneur s'avisa que la Belgique n'était pas en guerre avec l'Italie; les Italiens retrouvèrent la liberté. Pas en guerre avec l'Italie, nous ne l'étions plus avec l'Allemagne. Des pressions de toutes sortes s'exerçaient sur le gouverneur pour qu'il évite de nous précipiter dans un camp plutôt que dans l'autre.
Des industriels et des hommes d'affaires plaidaient pour la neutralité de la colonie telle qu'elle avait été prévue en 1885 par l'Acte de Berlin; ils faisaient état d'interventions allemandes suivant lesquelles le Congo, au cas où il soutiendrait l'effort de guerre allié, risquerait gros.
Une éventualité qu'il fallait, hélas , bien envisager, était que l'Angleterre ne gagne pas la guerre. Quarante ans plus tard, lors des émissions de Maurice De Wilde à la télévision belge sous le titre L' Ordre Nouveau, on évoqua un document du Deuxième bureau, rédigé par le capitaine Janssens, émettant l'avis qu'il fallait, pour définir les attitudes à prendre au Congo dans un souci de bonnes relations avec toutes les puissances, tenir compte de la possible défaite anglaise. Les notes mises en circulation par l'entourage du Roi allaient dans le même sens.
“Simple hypothèse de travail”, dira Emile Janssens, devenu général, au cours de l'émission. A l'été 40, sur place, les cœurs et les esprits ne pouvaient qu'être déchirés.
Les anciens combattants accusaient le gouverneur d'attentisme. Une Ligue d'action patriotique se constitua, qui militait pour une politique ouvertement pro-alliée et protesta énergiquement lorsque Léopoldville refusa l'appui militaire que sollicitait le Kenya. L'autorité coloniale permît seulement l'engagement de 300 volontaires dans les forces britanniques de l'est. A l'inverse, le gouverneur reçut aussi une pétition réclamant que soit proclamée la neutralité du Congo. D'accord avec le colonel Gilliaert, Pierre Ryckmans, sachant que la petite armée congolaise n'était pas en état de se lancer dans des aventures lointaines et que des mois seraient nécessaires avant qu'arrivent d'Amérique les approvisionnements et le matériel indispensables, pensait que la prudence autant que la diplomatie commandaient de limiter le rôle des forces militaires à la défense du territoire. Il y avait non loin de là en Abyssinie, 250.000 Italiens prêts à mettre en œuvre le rêve hitlérien de conquête de l'Afrique; c'est à répondre à cette attaque qu'il fallait être prêt.


Des soldats de la Force Publique.



Victoire en Ethiopie.

Ce n'était pas l'avis des officiers des cantonnements du nord-est, qui fantasmaient au nom de de Gaulle et rêvaient de coup de force. Le 15 novembre 1940, jour de la fête de la Dynastie, à l'issue d'une fiévreuse réunion tenue à Watsa, quelques-uns d'entre eux envoyèrent à Ryckmans un télégramme comminatoire. Leur argument était que, faute de volonté de combattre, une collaboration avec les Anglais nous serait imposée par ces derniers et nous coûterait à terme la moitié de la colonie, tandis qu'une offre spontanée nous vaudrait leur amitié et sauverait l'intégrité du territoire. Gilliaert, à la suite de ce télégramme, gagna Stanleyville, où quelques têtes chaudes parlaient de rien moins que de procéder, dès son arrivée, à l'arrestation du commandant en chef.
Le colonel Mauroy, quoi qu'il fut ardent partisan de l'engagement immédiat de la Belgique dans les combats d'Afrique, réussit à calmer les plus excités. Gilliaert put s'adresser aux officiers et expliquer la situation.
Le gouverneur général avait d'abord songé à soumettre à la Justice les animateurs de cet épisode burlesque abusivement affublé du nom de “putsch”. Mauroy et le capitaine Met den Ancxt, un héros de la guerre 14-18, le plus énervé des “putschistes”, furent seulement envoyés à Londres et mis à la disposition des forces belges de Grande-Bretagne; ils se distinguèrent, l'un en Hollande et l'autre en Afrique du Nord. Sur quoi, le 21 novembre, le gouvernement belge reconstitué à Londres déclara la guerre à l'Italie. Des escadrilles italiennes s'étaient posées en Belgique pour participer aux opérations de bombardement sur la Grande-Bretagne; un sous-marin italien avait coulé le vapeur belge Kabalo. C'était plus qu'il n'en fallait pour motiver l'attitude du gouvernement.
La situation redevenait claire. Et puis, cette participation directe des forces militaires belges en Afrique aux opérations, on allait l'avoir tout de même, en fin de compte. C'est même par là que s'ouvrit, en Afrique, l'année 1941.
Déchargé de ses fonctions de commandant en chef pour prendre le commandement du corps expéditionnaire du nord-est, le colonel Gilliaert, bientôt promu général, se trouva à la tête d'une force de 24.000 hommes dont une bonne partie allait être engagée en Ethiopie contre les Italiens. Partie de Stanleyville le 1er janvier, la brigade parcourut mille kilomètres pour atteindre Juba, sur le Nil, puis mille encore vers le nord, puis 500 vers l'est, pour gagner la frontière éthiopienne et se trouver engagée par le commandement anglais. Le pire ennemi n'était pas les Italiens, bien qu'ils fussent, numériquement, largement supérieurs; ce sont les maladies amibiennes qui faisaient dans la troupe congolaise le plus de dégâts. Néanmoins, le 12 mars, un bataillon s'empara d'Assosa, puis, avec le concours d'une unité britannique, de Gambela. Les forces adverses s'étaient repliées sur Salo. Trois mille hommes partirent à l'assaut le 3 juillet à 6 heures du matin et, à 15 heures, la garnison envoyait des parlementaires; 4.000 Italiens dont 9 généraux, 18 canons, 250 véhicules, 8.000 fusils, 12 mortiers et 500 mulets tombaient, du même coup, aux mains des Alliés. L'armée congolaise laissait, pour sa part, 1.100 hommes en route - mais le drapeau belge flottait à nouveau parmi les vainqueurs.
Ce ne fut pas la seule participation de la colonie aux opérations militaires. Renvoyée par l'état-major britannique au Congo, la Force publique fut mise, plus tard, à la disposition du commandement de l'Ouest africain au Nigéria, où se préparait une attaque contre les colonies françaises ralliées à Vichy. D'autres unités se retrouvèrent au Moyen-Orient, avec, notamment, un raid de 7.000 kilomètres, pour 850 véhicules et 2.000 hommes, avant d'atteindre Le Caire. On vit en Palestine le First Belgian Congo Brigade Group. Ou bien encore 300 Belges du Congo, résidents ou réfugiés, participèrent aux opérations de la Royal Air Force ou de sa section sud-africaine.
Et un hôpital de campagne équipé par le Congo opéra pour les Anglais jusqu'en Birmanie.

Mars ou Mercure

Tout cela, cependant, n'empêchait pas le futur général Janssens de déplorer que les responsables du Congo préférassent, ainsi qu'il l'explique dans son Histoire de la force publique, “l'épicerie à l'épée, les accords économiques au combat et Mercure à Mars.” On ne saurait nier que le Congo ait été une des principales sources d'approvisionnement pour l'industrie de guerre anglaise; il est sûr que le rôle joué de ce fait par le Congo est sans comparaison avec le poids d'une armée coloniale belge que les Anglais jugeaient, à juste titre, insuffisamment encadrée et préparée pour affronter les troupes de Rommel. Mais il est vrai que les Anglais étaient prêts à tout, y compris à l'intervention militaire, pour s'approprier aux meilleures conditions l'usage des réserves congolaises de matières premières; la dévaluation de 30% du franc congolais qu'ils imposèrent au gouvernement belge et qui rendit d'autant plus pénible l'effort de la colonie n'avait, c'est un fait, aucun rapport avec le fair-play chevaleresque que l'on prête souvent, sans y bien réfléchir, au caractère britannique.
L'âpreté des négociations avec Londres tranche singulièrement sur l'enthousiasme des discours qui célébrèrent après la guerre la part prise par le Congo à l'effort pour la victoire. Les recherches effectuées par l'historien belge J.C. Willame dans les archives du Foreign Office montrent qu'en effet le Congo n'avait pas le choix : s'il n'était pas entré de bon gré dans la guerre, la Grande-Bretagne l'y aurait contraint. Quant au climat des pourparlers, c'est peu de dire qu'il était médiocre. Le souvenir des campagnes menées par la perfide Albion contre l'entreprise coloniale de Léopold II était toujours bien vivant: c'est sans doute ce qui avait autorisé Chamberlain, en 1937, comme on ne l'a su qu'après, à proposer à Hitler en échange de la paix en Europe la moitié du Congo belge; de même le gouvernement Churchill s'étonnait de la prétention des Belges à réclamer des compensations pour l'effort de guerre que l'on allait demander au Congo.
Albert De Vleeschauwer, combattant pied à pied afin que les Anglais fournissent au Congo le matériel nécessaire pour mener cet effort sans compromettre son équilibre économique, se rendit “insupportable” aux yeux de Churchill. Les responsables politiques belges, encouragés dans leur attitude par les milieux privés et en particulier par les dirigeants de la Société Générale, trouvèrent également appui auprès des Etats-Unis, mieux a même de fournir au Congo le matériel dont il avait besoin; cette ébauche d'un axe Washington - Léopoldville incommoda, lui aussi, beaucoup les Anglais.
Dans la “mère patrie”, comme on disait alors, seul un petit nombre d'initiés étaient au fait des événements d'Afrique. L'attitude du gouverneur général mettant des troupes congolaises à la disposition des forces britanniques pour une campagne en Ethiopie avait tout d'abord été l'objet de critiques. On reprochait à Pierre Ryckmans d'avoir péché par excès de zèle. Le réalisme finit par l'emporter. Si l'on voulait que la Grande-Bretagne, un jour, contribue à la restauration de l'indépendance du pays, il fallait d'avance en payer le prix.

Source : Ouvrage de Pierre Stéphany "1941 – Les misères et les chagrins de l’année la plus noire"
Crédit photographique: Ars-Moriendi et Musée Royal de l'Armée (KLM-MRA)
 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 18/11/11


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