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Rss La "Choubinette"
La "Choubinette"

Je vais vous présenter aujourd'hui un article montrant la débrouillardise des prisonniers de guerre durant la Seconde Guerre mondiale:



Voici comment le père de Jean Frings, prisonnier de guerre belge à l'Oflag II A de Prenzlau voyait la chose:



En 1942, un prisonnier introduisit dans l’Oflag de Prenzlau (II A) un petit réchaud à combustion lente, fabriqué avec deux cylindres de tôle emboîtés l'un dans l'autre - par
exemple deux boîtes de conserves - et percés de trous;il brûle des débris de bois, de carton, des boulettes de papier, etc.
Il est facile à fabriquer avec des moyens de fortune, facile à entretenir et constitue l'instrument de cuisine idéal pour le prisonnier.
On l'appelle une « choubinette », parce qu'il vient du camp de Schubin. (stalag XXI B)
Ainsi le mot avec la chose sont introduits dans le camp, nous allons maintenant les voir "vivre".
D'abord "choubiner"; c'est se servir de la "choubinette", d'où "cuisiner" et aussi "faire brûler" du papier dans le réchaud mais "choubiner" est un verbe transitif, c'est l'action de la "choubinette", d'où "brûler".
De ces sens du verbe "choubiner" dérive une nombreuse famille: Choubinage.
Le choubineur est celui qui se sert d'une choubinette, celui aussi qui la fabrique d'où "choubine, choubinerie, choubinetterie" qui sont indifféremment soit la
"cuisine",soit la "salle où on choubine", soit celle où l'on fabrique des choubinettes".
Un choubinard est un "mauvais choubineur", qui fait mal la cuisine; on a de même "choubinade" = mauvaise cuisine, "rechoubiner" = faire recuire et le plaisant
"chouchoubins" = camarades qui font popote ensemble.
La choubine désigne aussi le combustible.
Telle est la famille de "choubinette", "réchaud à faire la cuisine".
Mais un des caractères de la "choubinette", est de produire de la fumée, d'où tout instrument produisant de la fumée, surtout si sa forme et sa fonction rappellent celles du
réchaud, devient une "choubinette"
Et d'abord les "pots à feu émetteurs de fumée" ,utilisée par les Allemands pour le camouflage antiaérien; mais aussi une "pipe", un "poêle",un "gazogène", puis une "auto" une "locomotive", une "marmite",une "cheminée d'usine",et par extension, une "salle enfumée", un "incendie".
D'où choubiner, "qui allume les pots fumigènes", choubinard, "qui fait de la fumée"; "choubinage" = émission de fumée; "choubinerie" = ensemble de pots fumigènes de Hambourg.
"Enchoubiner" c'est remplir de fumée, cependant que "choubiner" = fumer et en particulier fumer la pipe, et ça "choubine" = ça fume», mais aussi par dérivation synonymique, "ça gaze, ça carbure",
A ces sens premiers se rattachent des emplois métaphoriques. La "choubinette" c'est "la tête", image appuyée à la fois sur la forme de l'objet et sur celle du mot: "choubinette" rappelant "binette",
D'où "choubiner" = réfléchir, penser et en particulier raisonner de travers; c'est aussi "fumer", c'est-à-dire se mettre en colère.
D'où dérive "choubineur" = celui qui se met en colère et parfois un discuteur.
"Choubinage" est la méditation, le travail et une "choubinette" = également un type coléreux.
Mais la "choubinette" est aussi le ventre, l'estomac, l'organe qui brûle et digère les aliments et "choubiner" c'est également l'équivalent de digérer et surtout de ch... et de pé..............
Une "choubinette" est également une "tinette" par la triple association de la forme des deux objets, de celle des deux mots, et du sens spécial de "choubiner".





Voici maintenant comment Roger Ikor, prisonnier de guerre français, présente cette petite merveille:

" ... Il était, et je pense qu’il est encore, quelque part en Pologne,une petite ville appelée Szubin, orthographe comme d’habitude non garantie, prononciation "Choubin".
II était dans cette petite ville un petit camp d’officiers français prisonniers, quelques centaines, l’entreprise familiale à côté des usines géantes comme la nôtre, le IV D de Dresde, le XVII A d’Autriche et celui de représailles de Lübeck.
"Et il était dans ce petit camp, un officier de réserve, fumiste de son état que je n’hésite pas de qualifier de bienfaiteur de l’humanité. Hélas ! J’ignore son nom, mais connaît-on celui de l’hommequi inventa le feu, ou même la bicyclette ou l’automobile ?
Bref, il inventa un appareil, dirai-je fourneau ou réchaud d’une simplicité extrême et d’une extrême efficacitédont ses camarades bénéficièrent aussitôt sans lui en payer le brevet.
"Quelques temps après, le petit camp de Szubin fut dissous et une partie de ses habitants vint échouer dans le nôtre.
Le réchaud de Szubin se répandit aussitôt parmi nous sous le nom francisé de "Choubinette" qui lui est resté.
Je ne sais pas si d’autres camps que le nôtre en ont bénéficié !"
"Pour construire une choubinette, il suffit de placer dans une boite de conserve un peu grande (mettons une de un kilo de petits pois, après avoir mangé les petits pois), une plus petite de dimensions telles qu’il subsiste entre les deux un anneau vide d’un ou deux centimètres pour le tirage.
Le haut de la boite intérieure sera percé de trous sur tout son pourtour. C’est tout pour l’essentiel.
Le reste n’est qu’agencement de commodité: fixation des deux boites l’une à l’autre, d’un pied, d’un support de gamelle etc...
Et, bien entendu, il y faut aussi le coup de main. Combustible de base : du papier journal.
Il est recommandé de le déchirer en petits fragments qu’on roulera en boulettes très serrées; le mode d’emploi prescrit même de tremper ces boulettes dans l’eau et de ne les utiliser qu’après séchage bien durcies.
On jette donc quelques boulettes dans la boite intérieure, on allume et il se développe par les trous du haut une belle couronne de flammes bleue très chaude : dans ce brûleur dernier cri, ce n’est pas le papier lui-même qui chauffe, mais le gaz de papier.
D'où une économie qui ... qu’on m’excuse, je ne suis pas spécialiste.
Disons qu’en dix minutes, un litre d’eau était porté à ébullition soit comme consommation, une feuille de journal à peu près.
Vu notre époque de crise de l’énergie, on pourrait penser au système. Il va de soi qu’en place de papier, on peut mettre des bouts de carton ou des fragments de bois.
Le rendement énergétique semble analogue.
Les allemands commencèrent par s’extasier, sur I’ingéniosité française, puis ils décrétèrent la "choubinette" "streng verboten".
Comme ça ne servait à rien, ils lui déclarèrent la guerre et les opérations firent rage jusqu'à la fin avec des fortunes diverses : fouilles générales, fouilles ponctuelles, apaisements, trêves même.
Ah ! Que nous en avons vu mourir des choubinettes sauvagement piétinées sous la botte soldatesque!
Quelquefois, nous réussissions de justesse à les arracher à leur destin. Et si nous n’y parvenions pas, eh bien nous nous faisions une raison!
Il était si simple d’en fabriquer de fraîches !
Mais on comprend maintenant l’importance que nous attachions à nous procurer la matière première:
La boite de conserve et naturellement, l’emballage des colis.
Des tentatives de compromis marquèrent la guerre de la choubinette. Telle fut l’offre de construire des fourneaux officiels.
Mais les fourneaux sans combustible ne nous intéressaient guère, nous préférions le combustible sans fourneaux.
Et la guerre se rallumait.
Un jour, en se tordant de rire, les Allemands nous proposèrent de la sciure.
Oui, de la sciure de bois, et en grande quantité. Ils avaient dû en percevoir un lot dont ils ne savaient que faire et je suppose qu’ils ne voyaient pas ce qui nous en ferions nous-mêmes dans ces fourneaux de briques.
Qu’on essaye un peu de mettre le feu à un tas de sciure ! Sans sourciller, nous achetâmes la sciure et un modèle spécial de "choubinette" la consomma sans sourciller davantage ! Je ne sais plus en quoi consistaient les modifications au modèle ordinaire. Mais je me rappelle bien que, pour charger l’appareil, il convenait d’utiliser deux barreaux de chaise; un tenu verticalement au milieu de la boite pour ménager dans la sciure une cheminée centrale, et l’autre placé à angle droit du premier, horizontalement et en bas pour l’ouverture de la cheminée.
On tassait la sciure autour des deux bâtons ; il était même conseillé de la mouiller légèrement pour qu’elle tienne mieux. Puis, on les retirait délicatement, on allumait en bas de la cheminée coudée ainsi dégagée.
Et ça marchait sans problème, toujours flamme bleue ! "La suite ! Stupeur admirative d’abord chez nos gardiens ; puis le ravitaillement en sciure se tarit, et nous revenons au combustible classique : papier, carton et bois..."









Sources bibliographiques :
Article de M. Jean FRINGS dans ‘’mon père, ce prisonnier’’ (non édité)
http://s225821866.onlinehome.fr/OFLAGcampspaj7-4.html

Sources photos et images :
http://www.clham.org/050520.htm
http://www.clham.org/050516.htm
http://www.clham.org/040409.htm
http://www.roue-libre.be/article.php3?id_article=152
Article de M.Jean FRINGS dans ‘’mon père, ce prisonnier’’ (non édité)
 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 22/05/14


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