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Rss Franz Schmitz - Geai serviable
Les aventures de guerre du chef de troupe de la Vème Famenne

Franz Schmitz, né à Bastogne le 14 octobre 1911, est l’aîné des 6 enfants de Joseph Schmitz (originaire de Bastogne) et de Marie Gilet (originaire de Saint-Hubert), parmi lesquels deux filles et quatre garçons.





Il a grandi à Marche où ses parents sont venus s’installer fin janvier 1914, quelques mois avant le déclenchement de la première guerre mondiale, venant de Beho, mais provenant de Bastogne.
Franz a passé plusieurs années au juvénat ou collège du Sacré-Cœur de Tervuren.
En 1929, à l’âge de 18 ans, il commence à travailler en tant que monteur électricien pour la firme ELINDO-Capelle Frères (rue Porte Haute, à Marche), sous les ordres de Monsieur Maurice Franchimont (août 1929 à fin mai 1932). Parallèlement, il suit assidûment les cours d’électricité donné à l’Institut Saint Remacle par Monsieur Jean Gribomont, ingénieur civil et directeur de la Compagnie Luxembourgeoise d’Electricité (CLE), dont le siège se trouvait avenue du Monument.
Monsieur Gribomont le prendra en affection, veillera à sa formation avant de l’engager. Il effectuera l’essentiel de sa carrière professionnelle dans le cadre de la « Cie Luxembourgeoise » et d’ESMALUX
Son dossier militaire indique qu’il était de la « Classe 1931 » (incorporé le 1er septembre 1931 en qualité de milicien), sursis ordonné … ; il n’a cependant effectué son service militaire qu’à partir de 1936, à Arlon, « astreint à accomplir 8 mois de service » (du 15 octobre 1936 au 15 juin 1937), sans explication à cette situation. il relève alors du groupe d’artillerie de Chasseurs Ardennais. Sa fiche de matricule mentionne sa taille : 1,60 m., la couleur de ses yeux : bleus-gris-ardoise ; et précise qu’il a les cheveux châtains, et porte une cicatrice de blessure au genou droit.
Impliqué très tôt dans les activités sociales et culturelles de Marche (groupement de jeunesse, théâtre, …), il est co-fondateur de l’unité scoute de Marche (5ème Famenne) mise officiellement sur les fonts baptismaux en juin 1936, dont il sera le 1er chef de troupe; son totem scout : Geai serviable !
Il est rappelé pour quelques jours au service militaire à partir du 26 septembre 1938.
Mobilisation et « drôle de guerre » (du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940)
Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne sur ordre d’Hitler, sans déclaration de guerre préalable. Le lendemain, le Royaume-Uni et la France adressent un ultimatum à l’Allemagne, lui laissant une dernière chance de retirer ses troupes de Pologne. Le 3 septembre, le Royaume-Uni et son empire) à 11h, la France (et son empire) à 17h, l’Australie et la Nouvelle-Zélande à 21h30, déclarent la guerre à l’Allemagne. C’est le début de la « drôle de guerre » qui se termine le 10 mai 1940 par l’invasion de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et de la France.
Franz est mobilisé dès la fin du mois d’août (rentré de congé illimité le 26 août 1939) et rejoint sa compagnie de chars légers T.13 (Chasseurs ardennais).
On peut imaginer l’esprit dans lequel se trouvent ces jeunes hommes, s’adonnant pleinement aux manœuvres et exercices pour tromper leur ennui et les incertitudes suscitées par la situation internationale. Les manœuvres effectuées avec les chars T.13 les ont notamment amenés à traverser la ville de Marche, suscitant l’enthousiasme de la population pour ses « chasseurs ardennais » et un sentiment de fierté pour leurs proches



Campagne des 18 jours (10 au 28 mai 1940)

Mobilisé depuis un peu plus de 8 mois, Geai attend la suite des événements au sein de son unité, le 1er (régiment) Chasseur Ardennais, T.13 (compagnie de tanks légers), lorsque le 10 mai débute l’opération Fall Gelb ( offensive Allemande à l’ouest contre la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France, l’objectif étant l’invasion de la France. C’est le début de la guerre pour la Belgique !
Les 10 et 11 mai, les Chasseurs ardennais retardent les Allemands en Ardenne belge, aidé par la topographie tourmentée du massif ardennais et les routes étroites et sinueuses.
La carte des « états de services » de Geai mentionne pour la période 10 au 28 mai 1940 : « Position Fortifiée de Namur » ou « PFN ».
Chauffeur de T.13, Geai se trouvait à bord de son « canon automoteur, chasseur de char » en compagnie de trois autres soldats.
Son unité fut affectée à la défense de l’aérodrome d’Evere et fut dirigée vers Woluwe-Saint-Etienne. Elle eut ensuite comme mission de protéger la retraite de l’armée belge. Elle fut citée trois fois à l’ordre du jour. Puis ce fut le repli dans les Flandres, derrière l’Escaut où ils se postèrent. Plusieurs fois en contacts avec l’ennemi, ils détruisirent cinq chars et des nids de mitrailleuse.
Enfin, dans les environs de Roulers (Roeselare), ils se retrouvèrent encerclés par les Allemands. C’est alors qu’ils apprirent, le 28 mai, vers 6 heures du matin, la capitulation de l’armée belge.
Le premier souci du chef de troupe Geai fut de saboter son char en faisant « sauter les fourchettes des deux manches à balles ». Ceci lui valut les remontrances de son sergent verviétois : « n’est-ce pas malheureux de saboter un si beau matériel ; les autorités belges nous ont donné l’ordre de le remettre tel qu’on nous l’avait donné »



Prisonnier de guerre en Allemagne : captivité et évasions

Prisonnier, première tentative d’évasion à proximité de Bilzen

La compagnie est rassemblée, les chauffeurs « tirés dehors » avec mission de conduire les éclopés à Vilvoorde. Geai fait partie des chauffeurs, avec quatre de ses camarades. Arrivés à Vilvoorde, ils sont joints à une colonne de prisonniers qui doit se rendre à Hasselt pour être démobilisée.
Par route, à travers bois et campagnes, les prisonniers avancent en longue colonne
Cette longue colonne, comprenant des milliers de prisonniers belges, couvre les 70 km séparant les deux villes en deux journées de marche.
Mais Geai ne se résout pas à l’idée d’être ainsi acheminé vers l’Allemagne.
« … D’autres prisonniers sont animés par une âme plus ardente. Ils ont confiance dans la force morale et physique qui peut venir à bout de tous les obstacles, ils sont enflammés par la passion de reprendre la lutte pour la patrie. Ceux-là sont obsédés par l’idée de l’évasion. Dès leurs premiers jours de captivité, toutes leurs pensées, tous leurs rêves, tous leurs actes sont tendus vers ce but … ».
Car germe en effet le projet d’une première tentative d’évasion …
Hasselt. Le soir à Hasselt, Geai, en compagnie d’un namurois, se faufile dans des maisons et se procurent des habits civils. Ils cherchent et trouvent 5 équipements complets car il ne faut pas oublier les camarades. On se les distribue et on les fourre dans les havresacs. Le lendemain, la colonne repart.
Bilzen. A proximité de Bilzen, les cinq compagnons se détachent de la colonne et entrent dans un petit bois. Ils commencent à changer de vêtements, laissant leurs uniformes pour les vêtements civils récupérés la veille, mais soudain surgit une patrouille allemande. Arrêtés, ils sont considérés comme espions et ramenée en ville. On les adosse à l’hôtel de ville pour être fusillés. Survient un officier. On parlemente. On contrôle les papiers. Après un quart d’heure d’attente angoissée, on les charge en camion vers la Hollande.



Vers l’Allemagne …

Ils dépassent la colonne des prisonniers qu’ils avaient abandonnés et arrivent un peu plus tard à Maastricht. La ville est pleine de prisonniers belges. On y passe la nuit et le lendemain, par groupes de 5.000, on part vers Geilenkirchen (district Heinsberg, Rhénanie-du-Nord-Westphalie), à proximité de la frontière hollandaise, sur la rivière Würm, approximativement à 15 km au nord-est de Heerlen et à 20 km au nord d’Aachen).
La nuit est passée en plein air.
Le lendemain, embarquement dans des wagons à bestiaux à destination de Greifswald. Les prisonniers sont entassés à 60, dans un wagon sans aération, sans boire et sans manger. Ces journées furent les plus pénibles. Ce n’est qu’à Berlin qu’on put un peu se désaltérer. Beaucoup avaient des faiblesses.



Greifswald, Stalag IIC.

Le stalag II C était situé à Greifswald, Poméranie, sur la mer Baltique à l'Est de Rostock, entre Rostock et Stettin (ville polonaise depuis les « accords de Potsdam », en 1945).
Le stalag II C est un immense camp où se trouvent confinés quelque 6.000 Belges dans des hangars vides, dormant à même le sol sur de la paille.
Les estomacs sont vides. Le premier jour, on ne leur donne pas à manger parce qu’ils étaient censés avoir reçu de la nourriture pour un voyage de quatre jours. Le lendemain à midi seulement, est distribuée la première ration de soupe.





Les quelques journées suivantes se passent à des formalités : photos, identité, empreintes digitales….
C’est le moment de la photo ; le prisonnier vient s’asseoir sur le tabouret face à l’objectif ; à une ficelle passée derrière le cou, on lui pend sur la poitrine une pancarte avec un numéro de matricule, son numéro de prisonnier de guerre, en l’occurrence, pour Geai, le « 30912 ».





Suit la visite médicale avec vaccination contre le Typhus).
Et enfin les formalités d’identité, face à un officier allemand et son secrétaire : nom, prénom, qualité, régiment, bataillon, compagnie, matricule ; ces formalités administratives sont vite expédiées et l’autorité allemande ne souhaite pas en savoir plus sur une situation militaire dont elle semble avoir un contrôle total en ce qui concerne la Belgique.
Les « feuillées », nom donné aux toilettes des troupes en campagne, ont été creusées à une trentaine de mètres des garages, à proximité de l’enceinte dont elles sont écartées de quelques enjambées. C’est une tranchée d’une dizaine de mètres de longueur sur 45 centimètres de large et 1,50 mètre de profondeur. En une file serrée, chaque prisonnier, un pied posé de chaque côté du sillon, coiffe la tranchée de son derrière déculotté, spectacle particulièrement dégradant aux yeux de chacun !
Non content des brimades et des humiliations, il faut aussi subir les affres de la faim.
A midi, les prisonniers reçoivent une ration de soupe, sorte de liquide juste un peu plus teinté que de l’eau, et dont le goût est indéfinissable ; c’est de la soupe aux orties (sans doute diététique mais peu nourrissant !). Le soir, on distribue à chacun un cinquième de pain dont la moitié devra servir au repas du lendemain matin.
A la soirée, dès que l’obscurité est tombée, les phares placés sur les miradors s’allument et commencent leur ballet silencieux mais combien dangereux.
Par intervalles plus ou moins réguliers, les disques lumineux, traînés par leur panache laiteux, balaient tous les abords de l’enceinte ainsi que les bâtiments abritant les prisonniers.
Pour eux, une fois la nuit tombée, il n’est plus question de se rendre aux feuillées car la proximité du mur d’enceinte rend l’endroit dangereux. La peur que les gardiens des miradors interprètent le déplacement pour une tentative d’évasion les incite à se tenir cois. Dès lors, le matin, c’est l’effervescence, on se presse vers le lieu d’aisance !
Dans la journée, les hommes désœuvrés tentent de récupérer, bavardent, supputent, font écho aux rumeurs quant à leur devenir …
Il apparaît rapidement que leur séjour au camp de Greifswald n’est que temporaire, et les nouveaux arrivants apprennent qu’ils vont être répartis en Kommandos et affectés en divers lieux de la région …



Ferme de Lüssow.

Le 13 juin 1940, Geai est expédié avec une soixantaine d’autres Belges dans une grande ferme de l’Etat. Il s’agit en réalité d’un grand domaine privé, d’environ un millier d’hectares, approvisionnant le Reich, situé à proximité de Lüssow, appartenant au comte Vicco von Voss-Wolfradt, châtelain exigeant et intraitable.
Les habitants de Lüssow, village d’environ 400 habitants, étaient, la plupart, employés dans cette grosse ferme. Durant la guerre presque tous les hommes ayant été mobilisés, le travail des champs et les travaux d’élevage étaient assurés par des civils polonais et par des prisonniers de guerre russes, français et … belges.





Toute la cuisine pendant l’année qu’ils y restèrent consistait en pommes de terre et en orge. On versait simplement ces deux denrées dans un grand bidon à lessive qu’on cuisait ensuite en tournant avec un morceau de bois. C’est le menu classique pour engraisser les cochons, aussi nombre de prisonniers devinrent littéralement soufflés mais incapables d’efforts ou de travail soutenu.
Ils étaient occupés aux travaux de la ferme de 6 heures du matin à 8 heures du soir.
« Les gens du village sont convenables avec les prisonniers. Cependant les mœurs sont déplorables : une jeune fille de 14 ans s’offre pour 2 marks, les filles-mères sont nombreuses, ... ; ceci dénote l’absence ou le relâchement des principes moraux et religieux ».
Les prisonniers logeaient au premier étage. Les fenêtres étaient protégées par de grosses barres de fer vissées au-dessus et en dessous. Six sentinelles gardent le camp, mais on a remarqué qu’elles s’absentaient ordinairement de 19h15 à 22h pour le souper. Aussi, une barre de fer est dévissée afin de permettre le passage d’un homme. Ceci permit plusieurs expéditions nocturnes à l’époque des fraises, des razzias dans le poulailler, … Les poules sont plumées, vidées, cuites à la graisse volée dans une casserole de même provenance en moins d’une heure, puis dévorées. La faute retombait évidemment sur les Allemands dont certains étaient voleurs.
Le préposé aux cochons (porcher) de la ferme appartenait à cette catégorie. Nous apprîmes un jour qu’il avait été pris à voler trois petits cochons de lait et qu’il les avait revendus à son compte. L’occasion était belle, d’autant plus que les prisonniers étaient considérés comme des gens honnêtes. Une sortie nocturne nous permet donc de ramener un jeune cochon d’une trentaine de kilos. Il est immédiatement tué, dépecé et caché, puis mangé en plusieurs jours. « Nous en fîmes même de la tête pressée ! ».



Seconde tentative d’évasion

Un kommando belge travaillant à Gluscow (Gützkow), ville située à quelques kilomètres de là, avait fait savoir qu’il y avait fréquemment en gare des wagons à bestiaux partant pour la Belgique et la France. Ils apprennent que des wagons de blé et de pommes de terre doivent partir à destination de la Belgique. Geai et un sous-officier de Namur décident de risquer leur chance. Les préparatifs commencent : vivres, eau, …
S’aidant d’un lasso, ils descendent par la fenêtre, sans bruit et arrivent à sortir de la ferme. Il y a quinze kilomètres à faire mais le temps est beau et la nuit sombre. Ils sont à Gluscow (Gützkow), pour 4 heures du matin. Une charrette tirée par un cheval les dépasse ; ils n’y prennent pas garde, d’ailleurs il fait encore sombre.
Ils entrent dans la gare et se dirigent vers les quais d’embarquement. Ils examinent les lettres de destination apposées aux wagons. Soudain, un bruit de pas, des faisceaux de lampes de poches. C’est le châtelain, propriétaire de la ferme, et le Wachmann (gardien) ! Sommations, bras en l’air ! Ils avaient été aperçus par le veilleur de nuit qui avait donné l’alerte.
Le châtelain fut accommodant, contrairement à sa réputation : « qu’alliez-vous faire ? C’est regrettable. La prochaine fois, tâchez de mieux réussir. Nous allons retourner à la ferme ».
Et le Wachmann lui aussi fut conciliant : « quand un prisonnier s’évade, nous sommes punis. Vous ne serez pas sanctionnés si vous restez discrets. Demain retournez travailler avec les autres ».
« Le mois suivant, nous apprenons qu’il faut quitter Lüssow ; le groupe sera sectionné et les hommes iront travailler la journée dans de petites fermes ». Geai et trois de ses camarades sont désignés pour aller travailler à environ 40 km de là, à Lentschow.



Ferme de Lentschow.

Lentschow se situe en bordure de l’axe routier reliant Anklam à Lassan.
La vie à Lentschow est toute différente de ce qu’elle était à Lüssow. Il s’agit d’une petite ferme. Le fermier les nourrit bien et a de la considération pour sa main d’œuvre. Le travail est cependant très dur.
Geai et ses compagnons logent dans une petite « caserne » au milieu du village avec une vingtaine de prisonniers belges travaillant dans d’autres fermes.
La population est incroyante. Les gens donnent l’impression de vivre comme des bêtes avec cependant une moralité naturelle notamment en ce qui concerne la probité ; le mensonge et le vol sont sévèrement réprimés.
Un exemple nous est donné. Un bruxellois interprète constate un jour qu’une boîte de pralines qu’il avait reçue de sa famille avait disparu. La fenêtre de la chambre était ouverte. On remarque la trace de deux pieds d’enfant sur un essuie-mains. Il appréhende un gosse qui se trouvait aux environs de la caserne et l’interpelle : « c’est toi qui as volé ma boîte de chocolats ». Effrayé, l’enfant répond qu’il n’est pas coupable, que c’est le fils du mayeur qui a commis le larcin. Et en effet, une enquête établit l’identité du coupable. Le mayeur (Bourgmestre,Maire) en est avisé. Aussitôt, il rassemble tous les gosses du village sur la place publique et administre à son fils une raclée exemplaire menaçant les autres enfants d’un châtiment similaire si la chose se reproduit.
Chaque soir, les prières sont récitées en commun dans la caserne.
Les mœurs sont aussi déplorables qu’à Lüssow. Des femmes font des propositions aux prisonniers. L’un ou l’autre se laisse entraîner mais la réaction ne se fait pas attendre chez les autres prisonniers. On leur fait sentir qu’on réprouve leur conduite ; on les tient à l’écart des petites faveurs et partages fraternels des colis et des rapines. Ils comprennent la leçon.
Comme à Lüssow, une fenêtre a été « aménagée » pour permettre des expéditions nocturnes. Des réserves d’œufs, de farine, de lard et de graisse sont constituées et permettent de petits extras à l’occasion des fêtes.
De temps en temps, on pêche un brochet et on se baigne dans les grands lacs de la région.
Malgré tous ces palliatifs la captivité est pénible et l’appel du pays résonne dans l’âme de Geai !



Troisième tentative d’évasion

Ce projet est depuis longtemps étudié et préparé par Geai en compagnie d’un sous-officier de Namur. Ils se rendaient une fois par mois à Anklam, ville d’environ 12.000 habitants située à proximité de Lentschow, pour y porter le lait. C’est là qu’ils firent la connaissance d’un « communiste » qui devint pour eux un copain.
Ils lui rendaient visite et celui-ci leur pariait contre Hitler et le régime. II leur procure des habits civils et leur change leur argent de camp en argent allemand. Renseignements sont pris sur les horaires de train et le voyage est soigneusement préparé. Deux Flamands d'Anklam leur avaient fourni les papiers de congé et des laissez-passer dont ils ne comptaient pas profiter.
Le départ se fit la nuit d'un samedi. Ils devaient prendre le train à 5h20 du matin. Tout marcha à souhait et le voyage se fit sans incident jusqu'à Berlin.
Promenade dans Berlin. Ils passent une demi-journée chez des travailleurs libres, sans leur dire évidemment leur situation. Ils obtiennent les renseignements complémentaires pour le restant du voyage.
Ils embarquent 1'après-midi de lundi dans le grand express Berlin-Cologne à destination d'Erfurt. Vers le milieu du trajet, voici la Gestapo qui contrôle les papiers des voyageurs. Leurs papiers sont en règle : « Gut !».
Erfurt ! A peine étaient-ils descendus du train, qu’on leur mit la main au collet. Ils sont conduits près des trois gestapistes : « Vous êtes des prisonniers évadés ». Un membre de la Gestapo était resté dans leur compartiment et les avaient surveillés. Leur argent est saisi et ils sont conduits tranquillement dans un hôtel.
Ces hommes sont très convenables et leur payent à boire. Ensuite, ils les conduisent à la Feldgendarmerie ou ils sont questionnés sommairement et calmement à propos de leurs vêtements civils et de leur argent allemand : « Nous avons reçu nos vêtements par colis ; quant à 1'argent, il est le fruit des services rendus à la population ». On en reste là.
Le lendemain, on les oblige à retourner leur veste et deux soldats les conduisent à Greifswald.
A la Gestapo de Greifswald, la même question revient sur le tapis : « Où vous êtes-vous procuré vos vêtements et votre argent ? ». Mêmes réponses qu'auparavant, mais cette réponse n'est pas acceptée. Torse nu, on leur administre 50 coups de bâton.
Après cela, on leur repose la même question qui entraîne la même réponse ...
Au cachot ! Le soir, un infirmier allemand vient panser leurs blessures. Ils sont désignés pour le camp de concentration de Rawa-Ruska, en Ukraine à proximité de la frontière polonaise, lors du prochain convoi. Celui-ci ne tarde pas et arrive trois jours après. Mais le convoi est complet et 40 prisonniers sont laissés à Greifswald, dont nos deux évadés, …, qui éviteront ainsi d’être les hôtes forcés de ce camp de représailles de sinistre mémoire.
C’est alors pour Geai et son compagnon quinze jours de « tôle » avec comme menu un quart de pain et une tasse d'eau par jour. Quinze jours terribles : la faim, la soif. Lorsqu'ils sortent du cachot, ils sont tout étourdis par la lumière et la faiblesse. Ils doivent s'appuyer au mur.
Ils rentrent dans le camp, y restent huit jours pour se retaper et sont ravitaillés et soignés par les prisonniers belges.
Après ces huit jours, Geai et son compagnon se séparent. Ce dernier retourne dans un Kommando de culture (ferme) et Geai reste en ville pour être employé, selon sa profession, chez un électricien.



Greifswald

Les scouts marchois ne manquent pas de ressources et veillent à l’approvisionnement de leur chef de troupe ainsi que l’indique l’extrait suivant :
« … la troupe fit une collecte et rassembla tout ce qu’il fallait pour envoyer un gros colis au pauvre Geai en Allemagne. On eut pour plusieurs colis à envoyer à intervalles plus ou moins rapprochés ».
C'est 1'hiver 1942-1943. Un kommando d'une cinquantaine d'hommes, 40 Français et 8 Belges. Geai travaille en ville pendant la journée avec un autre Belge.
Ils reviennent le soir au kommando. On s'est arrangé par petits groupes. Geai fait ménage avec trois Français. L'un d'eux travaille chez un boucher, 1'autre chez un marchand de vin et le troisième chez un légumier. Geai a trouvé ... un réchaud électrique, les autres trouvent des légumes, de la viande et du vin.
Le garçon boucher s'est fait une ceinture à crochets où il pend régulièrement des biftecks pour les rapporter au kommando. Hélas ! Un jour, un trou dans son pantalon fait découvrir le pot aux roses par son patron. II part au camp de discipline ...
Un autre jour, le garçon légumier annonce qu'un wagon de tomates a été déchargé chez son patron. Geai organise avec lui une expédition noc¬turne emportant des sacs. Tout se passe bien dans la cave. Mais en remontant, ils tombent nez à nez avec un Allemand. Ils sautent sur lui et lui donnent une tripotée d'importance, le laissant à terre étourdi, et s'enfuient avec les sacs de tomates. A leur rentrée au kommando, les tomates sont distribuées et avalées en un rien de temps. Le lendemain, visite au kommando d'un Allemand à la face tuméfiée et à 1'oeil poché. On enquête, on fouille, mais on ne découvre rien. II y a d'ailleurs bien d'autres kommandos dans les environs.
Le Français du marchand de vin apporte aussi sa quote-part. La propriété où il travaille est entourée d'un grand mur. Régulièrement, des bouteilles de vin volent au-dessus du mur et sont recueillies le soir lorsqu'il retourne au kommando.
Aussi le jour de Noël 1942 fut-il bien arrosé ! Geai avait eu la joie d'assister à la messe ce jour-là : c'était la quatrième messe depuis sa captivité.
« Pour le réveillon, nous disposions de 24 bouteilles de vin pour accompagner un menu composé de frites, bifteck, gâteau moka, cacao et café américain. Nous avions acheté les gardes allemands en leur offrant quelques cigarettes ; ces derniers nous avaient alors laissés tranquilles, en paix, après 19h30 ».



Le grand hike, 4ème évasion (15 au 23 mars 1943)

Malgré l'atmosphère fraternelle et familiale qui régnait dans le kommando, 1'appel du pays retentissait toujours de plus en plus dans 1'âme du chef Geai. En janvier 1943, il élaborait soigneusement un plan d'évasion avec un de ses « associés » français, originaire de Toulouse, Louis Cassagne
II y avait en ville un kommando belge qui s'occupait du chargement de wagons de marchandises à destination de différents pays ; parfois, des wagons partaient pour la Belgique. Ils s'étaient mis en rapport avec le chef du kommando qui devait les avertir dès qu'un wagon serait chargé et dirigé sur la Belgique ou la France.
Tout était prêt : vivres, eau, boussole, couvertures, cartes, poivre ...
Embarquement à Greifswald.
Le 13 mars, on annonce qu'un wagon de blé va partir pour Louvain. Les Belges du Kommando chargent tous les vivres et les bagages dans le wagon et, le 15 mars, Geai et son camarade sont conduits discrètement au wagon qui était seul en dépôt. Ils sont embarqués et installés. Le wagon est scellé, conduit à Greifswald et pesé avec tout son chargement. C'était un wagon fermé au toit en forme de cintre, avec deux fenêtres se refermant complètement de 1'intérieur du wagon et pouvant livrer passage à un homme.
Départ le lendemain à 9 heures, avec un train de marchandises. Etape sans escale jusqu'à Schwerin. Arrêt d'un jour. On entend dans le lointain les bombardements de la R.A.F. Le wagon est manipulé et rattaché à un autre train en partance pour 1'Ouest.



Évadé mais à nouveau repris bien que plus d’une année plus tard, dans d’autres circonstances …

Les archives allemandes mentionnent officiellement l’évasion le 17 mars 1943, du Kommando 1210 (P.K.I.). L’évasion est confirmée par l’autorité allemande par son avis n°512 du Stalag II-C, du 10 septembre 1943, avec la mention « le 17.3.1943, évadé ».
La P.K.I. (fiche personnelle allemande n°1) a été renvoyée à le Wast le 20 mars 1943, et sur cette dernière apparaît la mention manuscrite « repris - voir lettre du 22 août 1944 ». L’administration militaire allemande fonctionne à l’évidence bien.
L’arrestation de Franz Schmitz, survenue à Maissin dans le cadre de ses activités de résistance a notamment été signalée dans un rapport journalier allemand du 14 août 1944 de l’Oberfeldkommandantur 589 (Liège) Kommandostab Abt. IA IC : « Ausserdem in Maissin (15 km. sw St-Hubert) ein entwichener belg. Kriegefangener festgenommen … Le nom du prisonnier n’est pas mentionné dans ce document, mais il s’agit à l’évidence de Franz Schmitz.
Stop ! Alerte « avions ». Les sirènes mugissent au loin dans la vallée du Rhin. Leur bruit se rapproche peu à peu. Celles de Krefeld mugissent à leur tour. On entend les premiers avions. Que faire ? Le wagon est en plein milieu d'une des plus grandes gares de formation de 1'Allemagne. Magnifique objectif. Une seule chose à faire, risquer sa chance, rester dans le wagon et s'en remettre à la grâce de Dieu. Par bonheur, 1'objectif n'était pas la gare de Krefeld.
Le lendemain, le convoi repart vers Aix-la-Chapelle, où il stationne encore une demi-journée dans la gare. Tout à côté, des voies sont en réparation, des Allemands et des prisonniers et déportés y travaillent. Certains viennent s'adosser et fumer contre le wagon de blé. « Un wagon pour la Belgique », dit un Allemand spirituel, « vous n'en profitez pas pour retourner en Belgique ?». Geai entend la conversation et voudrait crier : « Complet ! ».
On repart. Nouvel arrêt. Frontière belge ! Comme le cœur battait alors !... On contrôle les scellés. Des Allemands escortés de chiens policiers longent et examinent les wagons. Mais du poivre (dont ils avaient emporté un kilo) avait été répandu tout le long du wagon... On attend des heures après une locomotive belge, puis on repart de nouveau. La soif était terrible. Depuis quatre jours avec seulement quatre litres d'eau pour deux ! Une des quatre gourdes s'était coincée et renversée dans les sacs de blé.
Des gares, des villages belges ! C'est dimanche (sans doute le dimanche 21 mars 1943) ! On voit, par un petit trou ménagé pour observer, les gens aller à la messe. II est 7 heures du matin. Le train semble ne pas se diriger sur Liège, mais couper droit sur Louvain. Attention de ne pas aller jusque-là ! Ils suivent anxieusement sur la carte et examinent les abords de la voie.
Fenêtre descellée, il faut sauter du train ...
Le moment propice semble arrivé : le train traverse une petite sapinière. Les fenêtres sont descellées et ouvertes. Le Français jette son sac et saute sur le ballast. Geai le suit 150 mètres plus loin. Ils foncent directement dans les sapins par crainte du fourgon où devait se trouver un Allemand. Saut étudié d'avance et bien réussi, malgré le choc un peu dur sur les gros cailloux. Les deux compagnons se retrouvent.
Tout s'est bien passé. Ils se trouvent, d'après les cartes, au nord de Liège, entre « Rodange » (plus vraisemblablement Roclenge-sur-Geer, en wallon Roclindje-so-Djer, en néerlandais Rukkelingen-aan-de-Jeker) et Glons (sections de la commune de Bassenge). Suivant un chemin de campagne, marqué de traces de charroi, ils arrivent à la grand-route Tongres-Liége. Ils se cachent dans un bois bordant la grand-route et attendent.

… ils sautent du train entre Roclenge et Glons, puis rejoignent le grand route Tongres-Liège ; … on leur renseigne un château à un ou deux kilomètres de là …
Le premier homme qui passe est... un Allemand en vélo ! On le laisse passer. Puis, c'est un homme de 40 à 50 ans, tout interloqué, et pour cause. Ils expliquent leur situation en peu de mots et demandent où ils peuvent se procurer des habits civils ? L'homme leur renseigne le château du « comte de Grunne » (?), situé à 1 ou 2 kilomètres de là. Ils gagnent le château par les campagnes.



Accueil et aide du châtelain

Ils arrivent au château. Sur le conseil que leur avait donné le paysan rencontré, ils frappent à la porte de service. La porte s'entrouvre et laisse apparaître la figure d'une vieille servante qui prend immédiatement des airs terrifiés et leur referme la porte au nez. C'est qu'ils avaient 1'air de véritables bandits : sales, non rasés depuis huit jours... Ils frappent à nouveau, elle revient. Rapidement, ils expliquent leur situation. La servante fond en larmes de pitié. Ils entrent et s'assoient en attendant le châtelain qu'on est allé prévenir.
II arrive une demi-heure plus tard et, en homme prudent, les questionne longuement. II est alors tout à fait mis en confiance. On leur apporte à boire, car ils ont une soif terrible. Ils resteront toute la journée au château pour se reposer. L'accueil est des plus cordiaux. On les restaure et ils se reposent ; ils sont pressés de conter leurs aventures. On leur donne de 1'argent et des habits civils.
Le lendemain, à 4 heures du matin, le châtelain lui-même les conduit en voiture à la gare des Guillemins à Liège d'où un train part pour Marche, à 7h15.



Retour en Famenne : Marenne, le Fonds des Vaulx, Marche, …

Joie de revoir des paysages de plus en plus connus. Marenne, en réalité Bourdon ! Dernière gare avant celle de Marche. Geai juge prudent de descendre là et de regagner Marche par les campagnes. Ils se dirigent vers le Fonds-des-Vaulx.
Le Fonds-des-Vaulx, charmante vallée boisée et rocailleuse qui touche à Marche et où les scouts ont leur local : chalet au milieu d'une vaste propriété boisée. Face au local qui se trouve au sommet d'un des versants de la vallée, est situé un petit bois.
Geai et son compagnon gagnent cet endroit idéal, pensant y attendre la tombée du jour. Mais voici qu'ils aperçoivent, travaillant à un coin de patrouille, 1'assistant scout Chevreuil (Henri Molehant). II est trop loin pour lui faire signe : vingt mètres et la vallée les séparent, d'autant plus que d'autres personnes travaillent également dans la propriété. Midi sonne quand il rentre pour dîner. Reviendra-t-il ?
Il revient. Cette fois, Geai n'hésite plus. II connaît tous les sentiers et recoins de la vallée et il apparaît comme une vision irréelle aux yeux de Chevreuil abasourdi. Pat ! L'index sur les lèvres, car un peu plus loin un marchois bêche son jardin. La porte du chalet est ouverte et, le soir, c'est la rentrée à Marche.
Les parents et un petit cercle de chefs (scouts) sont mis au courant.
Le soir même de son retour, Geai se rend discrètement au n°6 de « la petite rue qui conduit au Thier des Corbeaux », à la maison Molehant, où résident deux « assistants » scouts, Daguet (Odon Molehant) et Chevreuil (son frère jumeau, Henri Molehant ). Depuis quelques mois déjà, cette maison est devenue le centre de résistance, peut-être le plus important de la ville de Marche.
On imagine la joie des retrouvailles et l’animation des échanges …, les projets d’action.



Source bibliographique et iconographique:
https://genealogie.marche.be/kg/devmem/F-SCHMITZ.htm#_Toc488667219
 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 31/05/19


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