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Rss Honoré ARNOULD d’Ochamps.

Un jour, j’ai reçu une convocation pour faire mon service militaire à partir du 16 octobre 1940. J’aurais dû accomplir douze mois de service militaire actif.
Un peu plus tard, des jeunes de Ochamps et moi, qui étions nés en 1920, avons reçu un papier pour aller à l’incorporation. Moi j’étais dorénavant appelé pour le
15 mai 1940. Mais la guerre s’est déclenchée, je n’étais même pas encore soldat et tous les jeunes de tel âge à tel âge, devaient partir parce que
les Allemands arrivaient. Pour ne pas être considérés comme déserteurs, nous sommes allés là-bas. Nous sommes partis le 10, comme nous pouvions.
Je me rappelle que nous étions en camion avec un type de Ochamps et qu’il nous a conduit jusqu’à Namur. Nous avons vu tout Namur bombardé. Lorsque nous étions passés à Jemelle, c’était déjà comme cela. Enfin, nous sommes arrivés à Trazegnies à la caserne des Chasseurs Ardennais (??) par le train. De là, nous avons été envoyés à Sint-Gillis-Waas, près de Saint Nicolas en Flandre.
C’était le regroupement, ils nous ont habillés et puis ils nous ont envoyés dans le Midi de la France, à Pont-Saint-Esprit, pour faire notre instruction.
Nous avions été embarqués dans des wagons à bestiaux.

J’avais noté sur un petit papier les villes que nous avions traversées. Nous étions partis le mercredi 15 mai de Sint-Gillis-Waas, direction Gentbrugge,
Torhout, Lichtervelde, Gits, Beveren, Roeselare, Courtrai, Merken.
Le jeudi 16, nous sommes en France. Nous passons par Roubaix, Croix-Wasquehal, Lille, Lomme, Lambersart, Lompret, Renescure, St Omer, Audruicq,
Nortkerque.
Vendredi 17, Boulogne-sur-Mer, Hesdigneul, Neufchâtel, Dannes, Camiers, Etaples, Port-le-Grand, Laviers, Feuquières, Fressenneville.
Samedi 18, Aumale, Gourchelle, Abancourt, Formerie, Gaillefontaine, Serqueux, Mathonville,
Montérolier, Cléres, Montville, Maromme, Rouen.
Dimanche 19, Lisieux, St Pierre-sur-Dives, Couliboeuf, Montabard, Champfleur, Le Mans.
Lundi 20, Thouars, Niort, Fontaines-d’Ozillac. Mardi 21, Lamagistère, Montauban, Toulouse, Carcassonne,
Béziers et puis direction Pont-Saint-Esprit.

Nous avions été mobilisés, nous qui n’avions pas fait notre service militaire avant la guerre. Après le 28 mai (le roi Léopold III capitula sans condition
et refusa de suivre en exil le gouvernement belge), nous n’osions plus guère sortir. Mais, trois semaines plus tard, c’était eux qui capitulaient
(le 17 juin, le maréchal Pétain présentait aux Allemands une demande d’armistice. L’armistice fut signé le 22 juin 1940 à Rethondes,
dans le wagon de l’armistice de 1918)

Alors, dans le Midi, qu’est-ce qu’il fallait faire, on était abandonné. L’armée nous nourrissait à moitié, il fallait tirer son plan,
nous avions reçu un congé illimité de l’armée. « Tirez votre plan, faites ce que vous voulez ».
A partir de Pont-Saint-Esprit, avec ceux d’Ochamps. On était bien ensemble.
On a même pris des photos devant le monument aux morts de Pont-Saint-Esprit.





Nous décidons de remonter la France et le 6, nous allons à pied de Pont-Saint-Esprit jusqu’à Bourg-Saint-Andéol.
Le 7, nous avons pris l’autocar pour Montélimar où nous avons dormi. Le lendemain, autocar pour Valence et puis Lyon.
Je me souviens que lorsque le car était plein, on allait sur le toit, sur le porte-bagages. Il fallait faire attention aux branches des arbres.
A Lyon, le tram nous a emmenés à Fort Sainte Foy où nous avons logé deux nuits. Comme on avait un peu de temps libre, on a visité un jardin zoologique,
manière de se distraire un peu.
On nous avait dit, après la capitulation de la France, que c’était préférable de remonter en habit militaire.
On a repassé la ligne de démarcation facilement, avec le papier fait à Lyon le 18 août par les Allemands.
On croyait remonter chez nous en sécurité, nous n’étions pas considérés comme des déserteurs.
Nous sommes passés par Mâcon, Chalon-sur-Saône, Beaune, Dijon, Langres, Chaumont, St Dizier, Châlons-sur-Marne, Reims, Laon et St Augustin.
A Paris, nous avons été réunis au Palais des sports. C’était un camp de réfugiés où l’on était plus ou moins bien nourri.
La journée, on sortait. On est allé dire bonjour à des tantes de Gilbert Picard qui habitaient Paris. On se promenait.
On est resté 8 ou 15 jours à Paris. On était avec des civils et des flamands naturellement. Nous avons été séparés des flamands, eux sont rentrés.
Ils ont été rapatriés plus vite que nous. Un beau jour, les civils ont aussi été rapatriés. Il ne restait plus que nous,
les militaires wallons et, un beau jour, les Allemands sont arrivés avec des sentinelles à l’entrée du Palais des sports
et cela a fait que nous étions prisonniers.

On a été à Drancy (Paris) pendant 4 semaines. C’était un ancien camp. Ils n’étaient pas encore bien organisés.
Et puis, nous avons été expédiés à Sarrebruck dans une caserne française, occupée par les Allemands et puis à Metz, dans un fort.
Et un beau jour, nous avons été expédiés en Allemagne. Ce qui est bête, c’est que nous avions nos vêtements civils dans nos valises.
Mais à l’armée, il n’y avait plus d’organisation. Qu’allait-on devenir, on n’en savait rien.
Des militaires d’Ochamps, des plus anciens, sont revenus et n’ont pas été faits prisonniers.
C’était un peu la chance, qu’est-ce qu’il fallait faire pour bien faire. François, lui, est remonté en civil et a pu rentrer à la maison.

En Allemagne, on a commencé dans une fabrique de moellons. C’était un travail tout à la main,
les moellons étaient faits avec du « bims », un gravier léger qui venait des rives du Rhin.
Là, c’était la discipline ! Le matin on t’ouvrait la porte, tu allais travailler jusqu’au soir et il fallait rentrer pour 6 heures,
à la fermeture des portes. Il n’y avait guère de liberté. Un beau jour, ils sont arrivés à la fabrique, on était 30 ou 40.
Ils ont demandé des volontaires pour aller travailler dans des fermes. On s’est dit que cela ne devait pas être pire.
Je suis tombé dans une bonne famille. C’était une région assez calme avec des petits villages.
Moi, je faisais partie du commando de Hausen, n° 1222 A. Nous étions de 25 à 30 prisonniers. Le soir, on devait rejoindre son commando pour dormir.
On logeait dans une salle de théâtre. La sentinelle qui nous surveillait, logeait dans une espèce de pigeonnier au-dessus de nous.
C’est une petite pièce que l’on voit dans les salles de théâtre.
Certains se sont enfuis et nous après, nous avons dû attacher nos chaussures et notre pantalon sur une barre, que la sentinelle faisait monter en tirant sur une ficelle attachée à une poulie. Le matin, elle redescendait nos affaires.
C’était une personne assez jeune qui avait déjà été au front et qui était revenue un peu handicapé. Il avait été recasé là.
Lorsque je revois le film « La vache et le prisonnier » avec Fernandel, je revois des choses qui se sont passées comme pour nous.
Au début, on se posait la question : « Quand est-ce que nous rentrerons chez nous ? »
On pensait rester quelques mois, l’année suivante, on s’est dit que ce serait l’année d’après et pour finir, cela a duré 4 ans
en plus du temps passé à la fabrique. Nous autres, comme prisonniers, nous n’avions besoin de rien. On avait même un petit salaire. Il y en avait même qui renvoyaient de l’argent chez eux. On était considéré comme des travailleurs obligatoires.
Il y avait un petit tracteur d’une vingtaine de chevaux.





L’exploitation était moyenne, ils avaient eu la fantaisie d’acheter un petit tracteur malgré le fait qu’il y avait encore des chevaux. Et alors, du mazout, tu en avais au compte-gouttes. Là-bas, c’étaient toutes petites fermes, ils attelaient même les vaches et les bœufs. Le travail était principalement manuel. Surtout au début, le râteau, la fourche, il n’y avait pas de machine, cela ne valait pas la peine d’acheter des machines. Là où j’étais, il y avait quand même une moissonneuse-lieuse, c’était déjà un peu perfectionné. Il y avait des maisons où il y avait trois ou quatre vaches, alors, ils attelaient les vaches. Certains avaient des prisonniers pour les aider, ceux qui en avaient besoin. Les trois quarts des maris étaient partis à la guerre. La commune organisait cela. Ceux qui avaient besoin était aidés par des prisonniers parce qu’en Allemagne, il fallait que cela rentre aussi, que les fermes produisent. Tous les prisonniers se déplaçaient à pieds. Le travail était celui de la ferme. En hiver, lorsqu’il y avait beaucoup de neige, on allait aux bouleaux pour faire des balais, pour en avoir en été.

Dans les fermes, on était bien nourri, on côtoyait des gens, c’était plus agréable. Quitte à être prisonniers, que ce soit le plus agréablement possible. Pour écrire à la famille, nous avions reçu des lettres imprimées exprès. On avait une lettre par mois. Ils faisaient aussi des cartes postales pour envoyer à la famille, mais pour nous, c’était surtout des souvenirs : Noël en Allemagne, prisonniers On parlaient un peu l’allemand des villages, il fallait bien. Il y en avait qui étaient un peu réticent au départ, mais à la longue, il a bien fallu. Ça a duré tellement longtemps. Je comprends mieux ceux que j’ai côtoyés en Allemagne. Ils ont l’habitude de parler pour que je puisse comprendre. On a rencontrés des jeunes filles allemandes, mais on ne pouvait pas leur parler. C’était interdit. Mais dans les petits villages… On était au courant de l’évolution de la guerre par les civils. Il y en avait qui ne pouvaient mal de raconter. Ils devaient être méfiants par rapport aux vrais Allemands, aux vrais Nazis. Mais pour nous, comme nous étions dans les fermes, nous n'étions pas à plaindre. Naturellement, on devait faire leur boulot, on était leur domestique. Nous n'avions qu’une chose à faire, c’était de faire ce qu’ils nous demandaient de faire. Nous n'étions pas commandés grossièrement. Il y en avait qui étaient dans des fermes à tendance hitlérienne, ils étaient considérés comme des riens du tout.

On a été libéré lorsque les Américains sont arrivés. Nous autres, nous étions près du fameux pont de Remagen. On était à 10 kilomètres de là. Ils ont mis du temps pour le prendre, ça a chauffé. On était dans des abris que l’on avait faits un peu plus loin que le petit village. C’était un hameau, il y avait 6 maisons. Les Américains nous ont libérés et nous ont conduits à l’arrière. Au début, ils nous prenaient pour des Allemands, ils n’étaient pas certains que nous étions prisonniers. J’ai fait des kilomètres comme cela, les mains sur la tête. Je me suis dit, si c’est cela les Américains. Et puis, derrière le front, nous avons contacté des officiers américains et ils ont quand même compris, nous leur avons fait comprendre que nous étions des prisonniers et non pas des Allemands déguisés. Mais au départ, on a eu affaire à des « gaillards », l’armée américaine était constituée de toutes sortes de gens, surtout ceux qui se trouvent en première ligne. C’est pareil dans toutes les armées, ils envoient se faire tuer les minorités, les noirs, … Le fils de mon patron, Hermann, qui était dans la cavalerie, a été prisonnier en Normandie. Il est resté en Amérique jusqu’en 48. Dans toutes les maisons, les jeunes étaient partis. Chez la sœur de la dame où l’on va encore, son mari a eu trois frères qui ont été tués. Et chez Honningen, Maria, trois frères. Et le frère d’Hermann, il était revenu en congé de Russie vers 43, j’avais été avec lui pour porter ses valises jusqu’à l’arrêt du car. Il m’avait dit « Je ne reviendrai jamais plus ». Quinze jours après, un garde champêtre est venu avec un avis. Herman avait un autre frère qui était docteur, lui n’était pas à l’armée. Il est venu me voir ici à Ochamps et nous a dit qu’il était venu car j’étais fort gentil. Ces familles-là ne demandaient pas que l’on prenne leurs enfants. Quand on est revenu, l’armée nous a mis en congé.



Sources Internet
http://genealogie.marche.be/pdf/HARNOULD.pdf
 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 03/02/17


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