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Rss Le Journal d'Alfred LEFRANC

Le Journal d'Alfred LEFRANC, milicien de la classe 1934 affecté au Régiment de Troupes de Transmission, et mobilisé en 1939 au IV° Bataillon



Vous pouvez lire ci-dessous la retranscription, sans aucune correction de son périple





Exactement trois ou quatre semaine avant l'envahissement de notre pays, je suis muté, pour remplir les fonctions de sergent, au IV groupement d'appui du 11è de ligne, c-a-d, au 8ème d'artillerie à Beverst.
A la fin du mois d'avril, une première agression aérienne provoquée par les Allemands avait quelque peu excité les hommes. Un tir nourri de la D.T.C.A (défense terrestre contre avions) touche un appareil ennemi qui clopin-clopant va échouer à Mechelen-sur-Meuse. Les Belges y trouveront des plans relatifs à une attaque imminente par les Allemands.
Quelques jours s'étaient écoulés depuis, et les permissions suspendues furent rétablies. Un printemps précoce à fait oublier les raisons réelles de notre présence, si ce n'est l'uniforme.
Ainsi, le 9 mai au soir, après une compétition sportive que nous avions gagnée, nous étions tous joyeux. Le soir, ce plaisir avait fait place à un cafard dont nous étions si souvent victimes. Afin de ne pas paraître démonté, l'idée me vint de préparer mon équipement pour l'éventuelle alerte de nuit, toujours possible, car le vendredi était devenu régulièrement le jour de ce grand exercice. Peut-être suis-je devenu morose à cause des permissions rétablies aujourd'hui, et que je ne me trouvais pas parmi les chanceux.
Le sergent permissionnaire me laissa la responsabilité et les plis confidentiels relatifs aux indicatifs d'exercice d'alerte et ceux indispensables en cas d'alerte réelle ou la guerre. Toujours d'humeur maussade, je décide de m'étendre pour la nuit. Dans notre logement se trouvait installée une centrale téléphonique. Au milieu de la nuit, elle a fonctionné. Je me suis réveillé. J'ai prêté l'oreille. Je fus surpris d'entendre donner un accusé de réception par le militaire de garde: "je répète, alerte réelle". Il était 3 heures.
J'ai bondi, réveillé les hommes rouspéteurs. Quelques minutes plus tard, une estafette venait confirmer le message, et de nous lancer bruyamment: "debout la-dedans, cette fois ce n'est pas pour rigoler ". Habitués aux plaisanteries de toutes les sortes, il y avait chez les hommes une certaine nonchalance. Je répéterai plusieurs fois: "c'est la guerre". Enfin, l'ordre est entendu, compris et accepté par tous. Le matériel, les armes, les munitions sont chargés très vite et nous filons à toute allure vers notre emplacement tactique sur le canal Albert.
Ainsi, à l'aube du 10 mai 1940, tandis que la terre est encore dans l'obscurité, très haut dans le ciel,brillants des premiers rayons du soleil, arrivent les avions allemands comme un raz de marée, donnant l'impression d'une formidable attaque. Il est 3h3O, puis presque en même temps, , tous les avions plongent dans différentes directions. Un bombardement infernal et des attaques en piqué par les "STUKAS", suivis d'un effrayant sifflement d'épouvante, ont un effet moral considérable. Il est d'une extrême violence et très meurtrier. Notre "D.T.C.A" fut tout de suite en action. Un bombardement en piqué vise un homme ou un groupe d'hommes. Le soldat servant de cible voit plonger sur lui l'avion avec un vrombissement comparable à un international traversant une gare. Au dernier moment, il peut apercevoir un instant les lunettes de l'aviateur qui le vise, puis l'appareil se redresse brusquement tandis qu'une bombe descend sur lui en oscillant; même si elle tombe à 100 m, elle lui donne l'impression d'arriver en plein sur lui jusqu'à la dernière seconde. Les "stukas" se succèdent rapidement comme dans un carrousel jusqu'à la destruction de l'objectif. Attaqué de cette façon sans répit, le système nerveux de certains hommes finissait par se détraquer complètement....
En plus, l'ennemi recourait à des procédés nouveaux, c-à-d à des parachutistes et des mannequins pouvant leur assurer des avantages immédiats par l'effet de surprise. En dépit de ces circonstances difficiles, l'armée belge soutint vaillamment le choc.
Les règles de service ne furent pas toujours respectées. On entendait de temps à autre des choses comme celles-ci: "envoyez-nous d'urgence ambulance pour blessés graves, etc ..."
A la fin du premier jour, notre moral fut rehaussé par l'arrivée de quelques tanks français, mais ce sera de courte durée, ils ne pourront nous aider à retarder l'avance de l'ennemi. Enfin, avec le coucher du soleil, l'aviation allemande cessa de nous pilonner.
Heureux d'avoir échappé en cette première journée aux engins semant la mort, nous espérions prendre quelque répit. A cette fin, les hommes avaient été chic pour moi, ils me préparaient une couchette près du poste, le casque sur la tête, mais hélas, le bruit de l'aviation en moins, le calme de la nuit n'était que relatif. Il se caractérisait par un duel d'artillerie de plus en plus actif et de nombreux échanges de messages.
Les vrombissements d'avions en nappes successives annoncèrent une terrible deuxième journée (11 mai). Vers midi, le major du 8ème d'artillerie donna ordre aux TTR de plier bagages à l'exception d'un seul poste, le mien. A ce moment-là, notre réseau, qui se composait de 15 postes au départ, fut réduit à moins de la moitié, et le major (ancien de 14/18) furibond n'obtenait pas de réponse à son message urgent. Tout à coup, un événement s'empara des hommes, les canons se turent, la retraite était décidée et chacun de nous recevait 45 cartouches en plus. Les canonniers, les hommes du génie, tous réduits à faire le fantassin, furent couchés dans le fossé qui longe la route, les mitrailleuses posées de chaque côté et tenues par des officiers, le major guettant l'arrivée des allemands, revolver au poing. Il a envoyé 2 estafettes, nous attendons le contact. Il règne un silence de mort. Chacun a cherché la meilleure place. Le temps semble long, très long, l'oeil hagard scrutant l'horizon et l'ennemi. Le cerveau déambule dans le passé, fiancée, épouse, parents apparaissent !
Où restent-ils donc ces boches ...qu'on en finisse tout de suite avec eux. Enfin, au retour d'une estafette, un contre-ordre est donné à la manoeuvre prévue, le retrait doit être exécuté à tout prix avec prudence et n'engager le combat qu'en cas de force majeure.
En effet, passant par les ponts de 16 tonnes construits à Maastricht, par ses pionniers, un panzerkorps allemand traverse le 11 mai au matin le canal Albert et atteint Tongres vers midi.
Pour encager cette percée, le Ier Corps veut tirer la bretelle Bilzen-Tongres sur laquelle les troupes de la 4DI sont refoulées en arrivant. Conséquence, le major du 8è d'artillerie reçoit l'ordre de battre en retraite et refuser le combat, car le renfort qui nous est destiné est stoppé net par les "stukas" et c'est la débâcle de la première armée. Poursuivant ainsi le retraite, nous passons par Diepenbeek, Landen, Hannut, Jodoigne, Melin. Tout au long de ce parcours, nous sommes attaqué par l'aviation ennemie. Ce repli s'effectue dans des conditions très défavorables, les routes étant encombrées de réfugiés et de charroi civil et militaire de toute espèce. De plus, l'aviation ennemie s'en donne à coeur joie, elle est maîtresse absolue de l'air, qu'aucun avion ami ne lui dispute. Chemin faisant, nous étions tombés dans un guet-apens à Hannut où les tanks français nous dégagèrent de ce mauvais pas en combattant le panzerkorps.
Le 12 mai, nous arrivons à Veltem près de Louvain.
Le 13 mai, nous nous alignons avec les soldats anglais. Les combats se livraient sur un front entre l'Escaut et Louvain, soit sur 50 Km. A nouveau des ordres nous parviennent: poursuivre la retraite. Les Anglais nous couvrant, nous nous dirigeons sur Kortenberg, laissant nos alliés seuls face à l'ennemi.. Nous traversons Vilvorde pour atteindre Grimbergen. Là, nous sommes attaqués par deux avions allemands qui mitraillèrent le patelin bourré de civils et de militaires. Heureusement, nous échappons à la mort.
La méthode allemande nous est maintenant connue; Pendant nos marches nocturnes, leur infanterie dort paisiblement et à l'aube, leurs éléments motorisés foncent en avant pour surprendre nos troupes pendant leur prise de position. En conséquence, il faut marcher, souvent combattre sans un moment de répit. A ce régime, la fatigue s'accumule vu l'impossibilité pour les hommes de récupérer, et plus la bataille s'engage, plus le repos deviendra rare pour certaines unités. Le moral devient mauvais dans beaucoup d'unités, surtout à l'infanterie, exténuée par les étapes.
L'enthousiasme provoqué par l'arrivée des alliés est remplacé par une profonde désillusion due aux retraites successives, au départ des troupes françaises et surtout l'absence de l'aviation britannique.
Le 16 mai, à l'aube le bataillon reprend sa marche vers Gand. Nous nous arrêtons à Gontrode et Merelbeke pour prendre position sur la tête de pont de Gand.
Le 18 mai au soir, soit à 23h30, nous nous installons à Merelbeke avec le 2ème groupe du 8è d'artillerie. Là, nous faisons du bon travail, les attaques allemandes sont repoussées, les canons tirent à zéro degré, c-à-d à vue directe et ce, jusqu'au 22 mai au soir.
Ensuite, nous reculerons jusqu'à Deinze et nous prendrons position derrière la Lys à Zeeveren, avec le PC du 11è de ligne. Nous subissons un bombardement aérien qui fera beaucoup de victimes. Juste entre Zeeveren et Vinkt, la bataille fait rage. L'ennemi est très près, si près même que nous sommes averti de l'encerclement. A mon poste, les télégrammes se succèdent. Au verso de l'un d'eux, je suis atterré de lire en clair: attaques allemandes réussies, bataillon du 15è de ligne s'est rendu, le 11 L et le 7 L sont pris de flanc. Encerclés, nous demandons remède à la situation. Un accusé de réception nous parvient du Quartier-Général, il est impossible de le remettre au PC (poste de commandement) car celui-ci a disparu.
L'ennemi très proche de nous, je lance un dernier message SOS-LZ8, ensuite je rends le poste de radio inutilisable et je brûle les papiers compromettants.
Un sergent TTR, dévoué et courageux nous signale avoir retrouvé une partie du PC à quelque distance derrière nous, près du clocher de Vinkt. Sous le feu de l'ennemi, je traverse la zone dangereuse avec armes et bagages et ce en deux fois, mais en prenant quatre fois le risque d'être abattu. Une dernière résistance semble organisée avec chenillettes, canons anti-charsH/7, fusils grenades. L'ordre est donné de ne conserver que le strict nécessaire. Tout à coup, débouchant devant nous d'un champ de blé, des Allemands ayant devant eux des soldats belges prisonniers, servant de bouclier. Une débandade hors ligne éclate et je me faufile avec l'équipe entre les chenillettes pour nous protéger et essayer d'atteindre l'église de Vinkt, seule issue ouverte d'après un officier présent. En effet, à peine avions nous atteint cet objectif que la contre-attaque des Chasseurs Ardennais nous épargna d'un massacre certain., car la 4DI était quasiment détruite.
Je me présente à un officier du régiment des Chasseurs Ardennais, lui offrant mes services. Il me remercia et me conseilla de rejoindre le Quartier Général à Kaeneghem. En passant par Ruyslede, nous croisons un LATIL (tracteur) TTR qui nous conduira à notre Commandant.
Nous recevons les félicitations du Grand-Quartier-Général.
Ainsi se terminait pour nous la journée du 26 mai 1940 (ce qui me vaudra la Croix de guerre)
" sont cités à l'ordre du jour du Bataillon pour leur bravoure:
Sergents : Depauw et Couture. Caporaux: Lefranc, Thomas. Soldats: Chêne, Verbist, Struelens, Van Hoof, Petit, Coubeau.
A remarquer le moral extraordinaire des deux sergents, du caporal Lefranc et des soldats Chêne et Verbist."
Le 27 mai au petit jour, le bataillon se dirigera vers Bruges et s'arrêtera à Oostkamp. Poursuivant sa retraite, le bataillon atteindra Steene dans la nuit du 28 mai. Au passage, nous apercevons Ostende en feu. Au lever du jour, nous découvrons des milliers de réfugiés, sans nourriture, sans eau potable, errant dans toutes les directions et à la merci d'une flottille d'avions ronronnant au-dessus de cette poche grouillante et désemparée. Au bout de quelques minutes circulait le bruit de la capitulation. Les armes voltigeaient en tout sens. Il était 8 heures. Vers midi, la nouvelle se répandit parmi les hommes qu'ils pourraient rentrer dans leurs foyers, sans crainte d'être fait prisonniers. Certains crurent même qu'ils avaient plus de chances d'échapper à la captivité qu'en restant groupés.
Le Commandant nous conseilla de rester avec lui, qu'il irait aux ordres et nous communiquerait sa décision.
Libérés par la capitulation de la Belgique, bon nombre de militaires, bon gré mal prennent la décision de rentrer chez eux sans attendre les instructions de notre Commandant. Ceux-là iront se balader quelque part en Allemagne, tandis que les autres, confiant dans leur chef le suivront, en vrais soldats battus mais pas vaincus. Par conséquent, prisonniers en colonne par quatre, escortés par des sentinelles allemandes, nous arriverons à Kalchen, près de Gand, après une marche de 63 Km, en passant par Waardamme, Lovendegem, Lochristi.
A Waardamme, nous rendons armes et matériel aux boches, et la colonne, après s'être ravitaillée une dernière fois, reprend le chemin prévu.
A Lochristi, Le Général Van Trooyen, Commandant de la 4DI, est venu remercier le bataillon pour les services rendus pendant les opérations et le féliciter pour sa conduite en tous points exemplaire.
La Capitaine-Commandant B.E.M Degreef et le Capitaine Aubertin prendront le chemin de la captivité après avoir assuré, tant aux Flamands qu'aux Wallons un titre d'exemption de captivité pour fonctions indispensables à la vie du Pays.
Un moment intense d'émotion fut créé lorsque le Bataillon défila une dernière fois devant son Commandant.

Sources Internet et iconographiques :
http://amicale-4ttr.be/historique.html

 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 01/02/19


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