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Rss Walthère Dewé, un géant dans la Résistance


L'homme

Walthère-Joseph-Charles Dewé est, sans aucun doute, le plus grand résistant belge, l'un des plus grands de toute la résistance européenne, le seul homme au monde qui fut fondateur et chef d'un réseau de renseignements clandestin au cours des deux guerres mondiales.
Né à Liège le 16 juillet 1880, ingénieur civil des mines de l'Université de sa ville natale en 1904, ingénieur électricien de l'Institut Montefiore en 1905, Dewé, après des études particulièrement brillantes, fit toute sa carrière à la Régie des Téléphones et Télégraphes. En 1913, il était ingénieur de 1ière classe


La Dame Blanche

En fin 1914, son cousin Dieudonné Lambrecht avait fondé un réseau de renseignement au profit des Alliés. Arrêté le 25 février 1916, Lambrecht, le précurseur, était fusillé le 18 avril suivant. Dewé décida d'assurer la relève de son parent. Avec son ami Herman Chauvin et quelques patriotes, il fondait en 1916 le réseau de renseignement "La Dame Blanche" qui fonctionna jusqu'à la fin des hostilités, pour la section du Secret Intelligence Service britannique opérant aux Pays-Bas. L'organisation du réseau remarquablement hiérarchisé et structuré, recouvrait tout le pays et comptait 1084 agents, rigoureusement sélectionnés, à l'automne 1918, Dewé et Chauvin furent les premiers hommes qui implantèrent un réseau complet de surveillance des voies ferrées en pays occupé par l'ennemi.
Lorsque les chefs de la "Dame Blanche" établirent en 1917, des postes d'observations sur la rocade fondamentale, proche du front, Trèves-Charleville-Hirson-Valenciennes, 75% des renseignements permettant aux Alliés d'établir l'ordre de bataille allemand, provenaient de ce réseau. Régulièrement, les documents arrivaient aux Pays-Bas, grâce à des courriers triés sur le volet et à sept passages établis en dépit de la triple haie métallique que les Allemands avaient édifiée tout le long de la frontière néerlandaise; on sait que la haie centrale était parcourue en permanence par un courant triphasé variant de 1.000 à 10.000 volts.
Le 31 mars 1919, en son GQG de Ham-sur-Heure, le Maréchal Douglas Haig se faisait présenter les principaux chef de la "Dame Blanche". Il déclara: "J'avais tous les matins devant les yeux, le résumé des données d'observation du Corps. Avant même d'ouvrir mon courrier, je parcourais les 150 pages des trois rapports hebdomadaires de la "Dame Blanche" et je me servais constamment des renseignements qu'ils contenaient pour la conduite des opérations militaires.
Nos soldats sont des héros, mais, parmi eux, vous occupez la première place, car vous vous êtes exposés volontairement au danger de mort, alors que vous auriez pu, comme tant d'autres, vivre en paix. A vous tous, honneur et merci."


1939--1945: le réseau ''Clarence''

En septembre 1939, il fonde le Corps d'observation belge, avec Herman Chauvin, Thérese de Radiguès et quelques autres anciens de la "Dame Blanche". Il s'entoure d'ingénieurs, d'hommes d'affaires patriotes qui voyagent en Allemagne, recueillent sur l'industrie, les armements, les identifications de forces armées du Reich d'inestimable renseignements. Il prévient Belges, Britanniques, et Français que l'invasion est imminente et insiste pour qu'on renforce sur-le-champ les mesures de défense.
Son heure sonnait, celle qui lui appartenait en propre, l'heure de risques sa vie-- et de la donner!
Plus clairvoyant que le Commandement belge qui ne laisse aucun embryon de service secret sur les arrières des Allemands, Dewé donne ordre à certains de ses agents de ne pas se replier en cas d'avance ennemie. Il laisse en pays occupé quatre postes émetteurs que les Britanniques lui avaient confiés. Walthère Dewé, qui a médité l'Histoire, ne doute pas un instant de la victoire britannique. Dès qu'il commence son action en juin 1940, il le proclame à ses collaborateurs: "L'Angleterre tiendra seule aussi longtemps qu'il sera nécessaire. Tôt ou tard; les Etats-Unis et l'Union soviétique seront contraints à l'intervention. La guerre sera très longue. Qu'importe! La grandeur de la cause exige que nous ne fixions aucune limite à notre devoir. Quoi qu'il arrive nous irons jusqu'au bout."
Au début de juin 1940 il fonde le réseau de renseignements ''Clarence'', assisté par l'ingénieur Hector Demarque. Dewé entame sa vie de proscrit, parcourt constamment le pays en tous sens, hébergé par des amis sûrs; il recrute des agents, noue des contacts, développe l'organisation générale du service, qui s'étendra du littoral aux pays rédimés ( Eupen et Malmedy), et poussera ses investigations en France, aux Pays-Bas , en Allemagne..
L'organisation de ''Clarence'', inspirée de celle de la ''Dame Blanche'' avec son comité de direction et ses neufs secteurs provinciaux, comptera 1547 agents. Le contact du réseau est permanent avec la Grande-Bretagne, grâce aux agents parachutistes arrivés avec postes radio; de janvier 1941 au 3 septembre 1944, 872 messages radio ont été échangés entre Londres et ''Clarence''; 92 courriers terrestres, totalisant 163 rapports avec cartes, croquis et photos ont été acheminés vers l'Angleterre, via la France et l'Espagne. "Par la qualité et la quantité des messages et documents qu'il fournit, "Clarence", dira le grand ténor des services secrets britanniques, sir Claude Dansey, occupe la première place parmi les réseaux de renseignements militaire de toute l'Europe occupée."


La fin du géant

Par l'activité incessante et l'omniprésence de Dewé, l'étau de l'ennemi se resserre de plus en plus sur lui. Le 7 janvier 1944, ses deux filles Marie et Madeleine sont arrêtées. Elles s'en iront à Ravensbrück d'où Madeleine ne reviendra pas. Le 13 janvier une communication téléphonique a été interceptée par l'écoute allemande. Il était question de Thérèse de Radiguès dans le message et Dewé estime qu'un grand danger menace cette dernière. Il décide de se rendre chez elle, avenue de la Couronne, 41 à Ixelles ( Bruxelles ), ce lieu de refuge et de réunion, afin de la prier de quitter sa maison au plus vite. On le supplie de ne pas faire personnellement la démarche. Autrefois, il eût sans doute utilisé un autre moyen pour l'avertir mais aujourd'hui il n'écoute pas ses amis. C'est lui seul, estime-t-il, qui doit prévenir le doyen de ''Clarence'', la vieille dame indomptable en dépit de ses 79 ans. Peut-être estime-t-il que sa présence n'est plus aussi nécessaire à la tête du réseau? Le 14 janvier, il se rend donc chez Thérèse de Radiguès. La Geheime Feldpolizei surgit et l'arrête. Il parvient à s'échapper et à s'enfuir en direction du carrefour de l'avenue de la Couronne et de la rue de la Brasserie. Un témoin du drame en fait le récit suivant:
"...Je me trouvais vers 16 heures 30 sur le pont du Germoir me dirigeant vers la rue de la Brasserie. Un tramway, à l'arrêt devant moi, démarra lentement vers la place Flagey. Je vis à ce moment un homme courir vers le tramway et sauter sur la première marche. A ce moment le signal devint rouge et le tramway s'arrêta net. Dewé en redescendit immédiatement et, toujours en courant, passa devant le tramway, et s'élança vers la rue de la Brasserie… Un officier de la Luftwaffe, montant cette rue lui barra le passage et, avec son revolver, tira sur lui. Entre-temps, une voiture allemande s'était arrêtée dans le virage de l'avenue de la Couronne et plusieurs hommes en sortirent. Un Allemand dans un long manteau ciré se précipita vers l'officier de la Luftwaffe en vociférant, puis examina Dewé allongé dans le caniveau. Il ne bougeait plus et je ne le vis plus bouger à aucun moment durant vingt à vingt-cinq minutes".
Un an, jour pour jour après la mort de sa femme, une semaine après l'arrestation de ses filles--Walthère Dewé avait trouvé la mort qu'il avait tant souhaité.
Ce 14 janvier 1944, la Résistance perdait le plus grand de ses chefs et la Belgique le meilleur de ses fils.
L'œuvre du géant se poursuivra grâce à Hector Demarque, ses collaborateurs et de nouveaux agents parachutistes jusqu'à la Libération du pays. Sur les 1.547 agents et auxiliaires de ''Clarence'', 47 tombèrent en action. Pertes douloureuses certes, mais modérées si l'on sait que 15.000 résistants belges ne revinrent jamais: fusillés, décapités, pendus, tombés au combat, morts dans les camps de concentration. Ces pertes peu élevés du réseau Dewé sont dues à l'expérience des chefs, à leur souci de sélection, de la discrétion et du cloisonnement.
A Ixelles, rue de la Brasserie n° 2, une plaque commémorative est apposée sur la façade de la maison au pied de laquelle Dewé fut abattu.


ICI
LE FERVENT PATRIOTE LIEGEOIS
WALTHERE DEWE
HEROS DES DEUX GUERRES
1914--1918
1940--1945
AYANT REFUSE DE SE RENDRE
TOMBA SOUS LES BALLES ALLEMANDES
LE 14 JANVIER 1944




Source bibliographique: Texte de Henri Bernard dans "20 héros de chez nous", Editions JM. Colet.
 
 
Note: 5
(2 notes)
Ecrit par: prosper, Le: 28/05/11


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